Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_37/2020  
 
 
Arrêt du 14 juin 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, 
Beusch, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Albert le Grand SA, 
représentée par Me Dominique Dreyer, avocat, et Me Charles Navarro, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Commission de la concurrence COMCO, 
intimée. 
 
Objet 
Cartels - sanction; marché du livre en français, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 30 octobre 2019 (B-4011/2013). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Albert le Grand SA (ci-après: ALG) est une société anonyme de droit suisse active dans la diffusion et la distribution de livres, essentiellement importés, en Suisse. En tant que diffuseur, elle définit le plan commercial et promotionnel des livres concernés et les fait connaître aux divers points de vente. En tant que distributeur, elle organise les flux physiques, logistiques et financiers entre les points de ventes de livres et l'éditeur et assure notamment un service de commande des produits et la gestion des ouvrages retournés (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
L'activité d'ALG consiste principalement à diffuser et à distribuer les éditeurs qui lui demandent d'effectuer chacune de ces deux tâches en Suisse pour leur compte. Plus rarement, ALG accepte de ne se charger que de leur distribution dans le pays. Cela étant, entre 2005 et 2011, elle entretenait des relations contractuelles en tant que diffuseur et/ou distributeur avec 51 éditeurs, dont 33 sur la base d'un contrat écrit. Tous ces contrats écrits - sauf un - contenaient une clauseexpresse par laquelle les éditeurs confiaient la diffusion et/ou la distribution de leurs ouvrages en Suisse à titre exclusif à ALG. 
 
B.  
 
B.a. Du 12 juillet 2007 au 13 mars 2008, le secrétariat de la Commission de la concurrence (ci-après: la COMCO) a mené une enquête préalable sur le marché du livre écrit en français. Les informations obtenues auprès des diffuseurs-distributeurs et des revendeurs actifs en Suisse ont fait apparaître que les premiers occupaient une position forte sur le marché en cause et que le niveau des prix y était élevé.  
 
B.b. Le 13 mars 2008, d'entente avec le Président de la COMCO, le secrétariat a ouvert une enquête visant à examiner l'existence d'un éventuel abus de position dominante au sens de la loi sur les cartels. Le 2 mars 2011, de concert avec son Président, le secrétariat de la COMCO a élargi son enquête à l'examen d'un potentiel accord illicite affectant la concurrence au sens de la loi précitée.  
 
B.c. Le 18 mars 2011, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la réglementation du prix du livre, contre laquelle un référendum a été lancé. L'adoption de cette loi et la perspective d'une votation populaire ont amené le secrétariat de la COMCO à suspendre l'enquête par décision incidente du 6 juin 2011, en application du principe de l'économie de la procédure. Le référendum ayant abouti, le peuple suisse s'est prononcé en votation le 11 mars 2012 et a rejeté la loi sur le prix du livre.  
La COMCO a repris son enquête le 22 mars 2012. 
 
B.d. Le 14 août 2012, le secrétariat de la COMCO a communiqué aux parties sa proposition de décision et la liste des pièces versées au dossier. Il retenait notamment qu'ALG avait participé, durant la période visée par l'enquête, à savoir de 2005 à 2011, à un accord horizontal de répartition géographique conclu au sein de l'Association suisse des Diffuseurs, Editeurs et Libraires (ci-après: l'ASDEL), ainsi qu'à un accord vertical de fixation des prix de revente sur la base de ses tabelles. Selon le secrétariat, la société avait aussi participé à un accord vertical attribuant des territoires dans la distribution. Il considérait que l'ensemble de ces relations était illicite au sens de l'art. 5 de la loi sur les cartels et proposait d'interdire aux diffuseurs-distributeurs de fixer les prix de revente, notamment au moyen de tabelles, et de s'entendre avec les libraires sur un taux de remise fondé sur un prix public final pour la Suisse. De même, il envisageait de défendre aux diffuseurs-distributeurs d'opérer une répartition géographique du marché de la diffusion et distribution du livre en français en Suisse, de s'entendre sur une entrave aux importations parallèles ou d'empêcher celles-ci par des contrats de distribution exclusive. Finalement, il a proposé de sanctionner ALG et de mettre à sa charge une part des frais de procédure. Il n'a, pour le reste, pas retenu l'existence d'un abus de position dominante.  
 
B.e. En date du 27 mai 2013, après déterminations des parties sur la proposition de décision et divers actes d'instruction et auditions, la COMCO a rendu une décision à l'encontre de la société ALG et de neuf autres diffuseurs-distributeurs. Elle a notamment condamné la société précitée au paiement d'une sanction de 119'000 fr. en application de l'art. 49a al. 1 LCart en raison de sa participation à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 4 et 1 LCart (ch. 1.1 du dispositif). Elle lui a par ailleurs interdit - comme aux neuf autres diffuseurs-distributeurs concernés par sa décision - d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse (ch. 2 du dispositif). Enfin, elle l'a condamnée au paiement, à titre solidaire, des frais de procédure, lesquels se montaient à 760'150 fr. (ch. 4 du dispositif).  
 
B.f. Le 12 juillet 2013, ALG a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision précitée. La société concluait à son annulation en tant qu'elle la concernait. Subsidiairement, elle demandait sa réforme en ce sens qu'elle-même devait être exemptée de toute sanction et que les frais de procédure mis à sa charge par l'autorité précitée devaient être limités à 5'000 fr. Par ailleurs, la société requérait que son recours ne soit pas joint aux éventuels autres recours déposés contre la décision de la COMCO.  
Par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral a entièrement rejeté le recours d'ALG. 
 
C.  
Le 15 janvier 2020, ALG (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. La société conclut à l'annulation à la fois de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 octobre 2019 et de la décision de la COMCO du 27 mai 2013. Subsidiairement, elle demande au Tribunal fédéral de l'exempter de toute sanction, de réduire à 6'000 fr. les frais de la procédure de la COMCO mis à sa charge et, partant, d'annuler sa condamnation à payer, à titre solidaire, l'ensemble des frais de ladite procédure fixés à 760'150 fr. Plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. La COMCO a répondu au recours, dont elle conclut au rejet. 
Sur requête de la recourante, le Président de la Cour de céans a octroyé l'effet suspensif au recours par ordonnance du 3 avril 2020. 
La recourante a renoncé à répliquer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et pouvoir d'examen  
 
1.  
 
1.1. Le litige porte sur le bien-fondé d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral confirmant une décision prononcée par la COMCO ayant notamment pour effet de condamner la recourante au paiement d'une sanction financière en application de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (loi sur les cartels, LCart; RS 251). Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions figurant à l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est en principe ouverte.  
 
1.2. Le recours a par ailleurs été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile compte tenu des féries hivernales (art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) par la société destinataire de l'arrêt attaqué qui a, sous cet angle, manifestement qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable, sous réserve de sa conclusion tendant à l'annulation de la décision de la COMCO du 27 mai 2013. Une telle conclusion est en effet irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du Tribunal administratif fédéral (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.2), dont la décision peut seule être attaquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. a LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, sous réserve d'une violation du droit manifeste (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112).  
 
2.2. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.3), sous réserve des cas prévus par l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de fait de l'arrêt attaqué à la double condition qu'elles aient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.6), ce que la partie recourante doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. La notion de "manifestement inexact" figurant à l'art. 97 al. 1 LTF correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3).  
 
II. Dispositions légales topiques et positions des autorités précédentes  
 
3.  
Le litige porte principalement sur le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral a violé le droit en considérant que la recourante avait participé à des accords illicites en matière de concurrence - et présumés supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart - et en la condamnant pour cette raison au paiement d'une sanction financière de 119'000 fr. 
Avant de présenter le raisonnement suivi par les différentes autorités précédentes sur ces points, un bref survol des dispositions topiques s'impose. 
 
4.  
 
4.1. La LCart a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral (art. 1 LCart). Elle s'applique, entre autres situations, aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence visant ou entraînant une restriction de celle-ci (cf. art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart), à moins que la concurrence sur le marché des biens ou services concernés soit de toute manière exclue par d'autres prescriptions étatiques (cf. art. 3 al. 1 let. a LCart).  
 
4.2. L'art. 5 LCart dispose, à son al. 1, que les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique, ainsi que tous ceux qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace, sont illicites. L'art. 5 LCart précise ensuite à son al. 2 la notion de "motifs d'efficacité économique", avant d'énumérer, à ses al. 3 et 4, plusieurs types d'accords qui sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace et qui réunissent tantôt des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes (accords horizontaux), tantôt des entreprises occupant différents échelons sur un marché (accords verticaux). L'art. 5 al. 4 LCart, qui porte sur les accords verticaux et qui se trouve au centre du présent litige, prévoit en particulier ce qui suit:  
 
3 Sont [...] présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues. 
 
4.3. Les sanctions administratives encourues en cas d'accords illicites sont réglées aux art. 49a ss LCart. L'art. 49a al. 1 LCart prévoit ainsi que l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4, ou qui se livre à des pratiques illicites aux termes de l'art. 7, est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. L'art. 50 LCart dispose pour sa part qu'une sanction identique peut être infligée à une entreprise qui contrevient à son profit à un accord amiable, à une décision exécutoire prononcée par les autorités en matière de concurrence ou à une décision rendue par une instance de recours. Il découle de ces dispositions qu'une entreprise ne peut être sanctionnée de manière immédiate en raison d'un accord illicite en matière de concurrence que si elle participe à ce que l'on appelle communément un "cartel dur" ou un "accord rigide" (" hartes Kartell " ou " harte Abrede "), c'est-à-dire à l'un des accords présumés supprimer toute concurrence et exhaustivement énumérés à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart (cf. ATF 147 II 72 consid. 6.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi Message du Conseil fédéral du 7 novembre 2001 relatif à la révision de la loi sur les cartels, FF 2002 1920; ZIRLICK/BANGERTER, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, no 544 ad art. 5 LCart). Dans les autres cas, soit lorsqu'une entreprise prend part à un accord qui, sans être visé par l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, restreint néanmoins notablement la concurrence sans motif d'efficacité économique (p. ex. un accord fixant un prix maximal), seul le prononcé d'une mesure administrative entre en ligne de compte (p. ex. une interdiction d'entrave à la concurrence; cf. ATF 143 II 297 consid. 9.4.6) : ce n'est qu'en cas de récidive - à savoir en cas de non-respect de la mesure prononcée - que l'entreprise peut éventuellement se voir infliger une sanction, en application de l'art. 50 LCart (cf. arrêts 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 4.3, non publié in ATF 148 II 25; 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi JÜRG BORER, Wettbewerbsrecht I Kommentar, 3e éd., 2011, no 7 ad art. 49a LCart; KRAUSKOPF/SCHALLER, in Basler Kommentar, Kartellgesetz, 2e éd. 2021, no 651 ad art. 5 LCart).  
 
4.4. La problématique des accords verticaux en matière de concurrence est appréhendée de manière pratiquement identique, quoique dans des systèmes différents, par le droit suisse et le droit européen, qui se sont rapprochés au fil du temps (ATF 143 II 297 consid. 5.3.4). Les débats parlementaires laissent d'ailleurs transparaître sans équivoque que le législateur a souhaité que la réglementation des accords verticaux soit similaire à celle de l'Union européenne et s'avère aussi stricte qu'elle, sans l'être davantage (cf. BO 2003 CE 329 s., 331 et 330 s.; voir BO 2002 CN 1435 s., 1438), afin de ne pas conduire à une insécurité juridique (cf. BO 2003 CE 330). Le parallélisme des deux réglementations fait qu'il est possible de se référer à ce que l'Union européenne a exclu ou permis dans sa directive sur les accords verticaux (BO 2003 CE 330), sous réserve d'éventuels changements fondamentaux en droit européen de la concurrence et des différences pouvant exister entre les marchés suisse et européen, qui ne sont pas économiquement comparables (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.2.3 et les références citées). Les règles de l'Union européenne ne doivent le cas échéant pas être considérées comme de simples éléments de comparaison et d'interprétation parmi d'autres. Sur le fond, le législateur fédéral désirait une véritable identité de régimes entre le droit suisse et les règles européennes sur les accords verticaux, même s'il n'a pas inséré de renvoi dynamique à ces règles dans la loi ni légiféré de manière techniquement identique (ATF 143 II 297 consid. 6.2.3; arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 4.4, non publié in AF 148 II 25; cf. aussi BO 2003 CE 331).  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence, dans sa décision de première instance du 27 mai 2013, la COMCO a tout d'abord retenu que la LCart s'appliquait pleinement au marché suisse de la distribution "wholesale" du livre en français, c'est-à-dire au marché de la distribution de livres "en gros" aux librairies et autres revendeurs de livres helvétiques. Elle a ensuite considéré que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante avait pris part, sur ce marché, à des accords verticaux instituant des systèmes de diffusion/distribution ayant pour objectif et effet de supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. Elle a dès lors estimé que la présomption de suppression de la concurrence efficace posée par cette disposition s'appliquait à toutes les relations commerciales que la recourante avait entretenues avec des éditeurs en vue de la diffusion et/ou de la distribution de livres en français en Suisse et dans le cadre desquelles elle avait signé un contrat contenant une clause d'exclusivité territoriale: le système mis en place cloisonnait à chaque fois la distribution des ouvrages concernés en en empêchant toute importation parallèle par les revendeurs de livres suisses. Il n'existait par ailleurs aucune concurrence restante sur les plans "intermarques" et "intramarque" susceptible de renverser la présomption de suppression de la concurrence efficace découlant de l'art. 5 al. 4 LCart. Quand bien même l'on admettrait le contraire, il faudrait de toute manière considérer que les systèmes de distribution mis en place par la recourante ont eu pour effet de restreindre notablement la concurrence en Suisse, sans qu'aucun motif d'efficacité économique ne le justifie au sens de l'art. 5 al. 1 et 2 LCart. La COMCO a dès lors infligé à la recourante une sanction de 119'000 fr. pour participation à des accords illicites, en application combinée des art. 5, al. 1 et 4, et 49a al. 1 LCart. Elle lui a en outre interdit de continuer à empêcher toutes importations parallèles de livres en français par des détaillants actifs en Suisse par l'entremise de contrats de distribution et/ou de diffusion exclusive.  
 
5.2. Par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral s'est très largement rallié à la décision de la COMCO, qu'il a du reste entièrement confirmée. Il a en l'occurrence jugé que le marché suisse de la distribution du livre en français n'échappait effectivement pas aux règles suisses du droit de la concurrence, même s'il était, en comparaison, largement réglementé en France, soit dans le pays abritant les principaux producteurs de ce genre de produits. Il a par ailleurs retenu, à l'instar de la COMCO, que sur les 51 relations commerciales que la recourante entretenait avec des éditeurs entre 2005 et 2011, au moins 32 reposaient sur des accords en matière de concurrence relevant de la LCart, dans la mesure où ils prenaient la forme de contrats écrits par lesquels les éditeurs confiaient la diffusion et/ou la distribution de leurs ouvrages en Suisse à titre exclusif à la recourante. Le Tribunal administratif fédéral a ensuite estimé que le système de diffusion/distribution mis en place par ces 32 contrats avait eu pour but et effet d'empêcher d'autres fournisseurs actifs sur le marché du livre à l'étranger de diffuser et de distribuer les mêmes ouvrages que la recourante dans le pays. Il fallait donc présumer, selon lui, conformément à l'art. 5 al. 4 LCart, que la concurrence efficace avait été supprimée durant la période sous enquête sur le marché suisse de la distribution du livre en français s'agissant des ouvrages diffusés et/ou distribués par la recourante. Subsidiairement, le Tribunal administratif fédéral a estimé, comme la COMCO, que même si l'on considérait que le système mis en place par l'intéressée ne supprimait pas toute concurrence efficace, il constituait à tout le moins une atteinte notable à celle-ci, non justifiée par un motif d'efficacité économique, de sorte qu'il s'avérait en tous les cas illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Sur cette base, le Tribunal administratif fédéral a confirmé qu'il y avait lieu de sanctionner la recourante en application de l'art. 49a LCart, comme l'avait fait la COMCO, et de lui interdire d'entraver à l'avenir les importations parallèles que voudraient opérer les revendeurs de livres installés en Suisse.  
 
5.3. Dans ses écritures, la recourante conteste pour sa part avoir été partie à des accords de distribution visés par l'art. 5 al. 4 LCart entre 2005 et 2011. Elle soutient à titre subsidiaire qu'elle ne pouvait en tout cas pas se rendre compte que les contrats qu'elle avait conclus remplissaient les éléments constitutifs de cette disposition. Elle affirme, plus subsidiairement encore, que la sanction qui lui a été infligée est de toute manière disproportionnée, tout comme les frais de procédure mis à sa charge. Elle remet ce faisant en cause plusieurs étapes du raisonnement tenu par le Tribunal administratif fédéral dans l'arrêt attaqué, dont il convient de vérifier la conformité au droit fédéral. A cet égard, la recourante formule plus particulièrement un grief lié au champ d'application de la LCart qui doit être traité en premier lieu, dans la mesure où il est susceptible de conduire à lui seul à l'admission entière du recours.  
III. Existence de prescriptions réservées au sens de l'art. 3 al. 1 let. a Lcart 
 
6.  
La recourante prétend, comme elle l'a fait devant les autorités précédentes, que la LCart ne s'applique pas à son activité de diffusion et de distribution de livres en Suisse. Elle soutient que la concurrence serait de toute manière exclue sur le marché suisse de la distribution du livre en français en raison de la "Loi Lang" adoptée en France en 1981. Cette loi, qui a instauré un prix unique du livre dans cet Etat voisin, constituerait une prescription étatique réservée au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCart empêchant toute application de la LCart au cas d'espèce. 
 
6.1. Comme on l'a vu, la LCart s'applique aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence, qui sont puissantes sur le marché ou qui participent à des concentrations d'entreprises (art. 2 al. 1 LCart). Elle est par ailleurs applicable aux états de fait qui déploient leurs effets en Suisse, même s'ils se sont produits à l'étranger (art. 2 al. 2 LCart). Elle ne s'applique en revanche pas aux situations dans lesquelles toute concurrence entre entreprises est de toute manière impossible à l'aune de l'ordre juridique en vigueur (cf. ATF 143 II 37 consid. 6.2.3; 141 II 66 consid. 2.2). Ce principe découle directement de l'art. 3 LCart qui délimite le champ d'application matériel de la loi précitée en réservant les "prescriptions qui, sur un marché, excluent de la concurrence certains biens ou services", notamment celles qui établissent un régime de marché ou de prix de caractère étatique (al. 1 let. a). Lors de l'adoption de la LCart, le législateur fédéral a en effet reconnu que des prescriptions légales pouvaient, pour des motifs politiques, exclure totalement ou ponctuellement la concurrence dans un secteur donné, soit en la supprimant complètement, soit en entravant certains de ses paramètres (ATF 129 II 497 consid. 3.3.1). Une telle exclusion peut émaner de la Confédération, mais également d'un canton, voire d'une commune (ATF 129 II 497 consid. 3.3.4). Il n'est le cas échéant pas nécessaire d'établir que le législateur a eu la volonté expresse d'exclure entièrement ou partiellement un domaine économique de la concurrence. Il suffit d'aboutir à la conclusion que le secteur concerné n'est pas soumis au droit de la concurrence sur la base d'une interprétation ordinaire de la réglementation qui lui est applicable, ce qui peut résulter du fait que la loi contient des règles qui ne sont pas compatibles avec la concurrence (cf. ATF 129 II 497 consid. 3.3.2).  
 
6.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que, durant la période sous enquête, l'immense majorité des ouvrages en français qui étaient distribués aux librairies et autres revendeurs de livres suisses, avant d'être vendus aux consommateurs helvétiques, était éditée en France. Or, dans ce pays, une loi nationale - couramment appelée "Loi Lang" en référence au ministre qui en a été l'initiateur - impose la mise en place d'un prix unique pour chaque ouvrage, en ce sens qu'elle oblige les éditeurs et les importateurs de livres français à fixer d'emblée le prix de vente final aux lecteurs des ouvrages qu'ils produisent ou importent. La réimportation de livres édités en France n'échappe évidemment pas à cette règle: le prix de vente final des ouvrages réimportés doit également correspondre au prix public fixé par l'éditeur (cf. art. 1 de la Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, www.legifrance.gouv.fr > Droit national en vigueur > Textes consolidés, consulté le 23 février 2022). Les détaillants français ne jouissent ainsi que d'une marge de manoeuvre minime s'agissant du prix des livres qu'ils vendent aux consommateurs, puisqu'ils sont tenus, sauf exception, de les vendre à un prix effectif compris dans une fourchette allant de 95% à 100% du prix ainsi annoncé par l'éditeur ou par l'importateur (cf. art. 1, 3 et 5 de la loi précitée).  
 
6.3. La concurrence sur le marché du livre est ainsi fortement réduite en France, à tout le moins à son niveau dit "retail", soit au niveau de la vente aux consommateurs, puisque l'un de ses paramètres fondamentaux, soit la fixation du prix final des livres, est largement réglementé par la "Loi Lang". Comme l'a relevé le Tribunal administratif fédéral, cette loi n'a toutefois pas pour vocation - ni même pour effet indirect - d'imposer un prix d'exportation des livres édités en France, notamment en cas de vente à des acheteurs suisses. Elle n'entrave d'ailleurs pas non plus la liberté des revendeurs suisses de déterminer eux-mêmes le prix de vente final des ouvrages produits en France. En d'autres termes, la "Loi Lang" ne restreint aucun paramètre de concurrence sur le marché suisse de la distribution du livre. On ne voit dès lors pas qu'elle puisse représenter une prescription réservée au sens de l'art. 3 al. 1 LCart, quoi qu'en dise la recourante. Il n'est en l'occurrence même pas nécessaire de se demander si un acte normatif étranger telle que la "Loi Lang" pourrait, dans son principe, constituer une telle prescription.  
 
6.4. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la recourante, le marché suisse de la distribution du livre en français n'échappe pas aux règles de la LCart. Les 32 contrats de diffusion et/ou de distribution exclusives écrits ayant lié la recourante à différents éditeurs de livres durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, tombent ainsi dans le champ d'application de cette loi, sachant que la recourante ne conteste à juste titre pas que de tels contrats représentent des accords en matière de concurrence au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart, dans l'hypothèse où cette loi devait être reconnue comme applicable au marché suisse du livre en français (cf., pour une cause similaire, arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.1 et 7.2, non publié in ATF 148 II 25). Reste à déterminer si ces contrats constituent aussi des accords illicites justifiant le prononcé d'une sanction et d'une autre mesure en application des art. 5, al. 1 et 4, 30 et 49a al. 1 LCart, ce que soutiennent les autorités précédentes, mais réfute la recourante.  
IV. Existence d'accords verticaux d'attribution de territoires au sens de l'art. 5 al. 4 LCart 
 
7.  
La recourante conteste en l'occurrence avoir participé à des accords verticaux illicites remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart dans le cadre de son activité de diffusion et de distribution de livres en Suisse et, partant, avoir institué un système présumé supprimer toute concurrence efficace sur ce marché et justifiant le prononcé d'une sanction financière au sens de l'art. 49a al. 1 LCart. Elle soulève à cet égard plusieurs griefs qui ne peuvent être traités qu'après un bref rappel de la portée de l'art. 5 al. 4 LCart. En l'occurrence, cette disposition prévoit en particulier que les " contrats de distribution attribuant des territoires " sont présumés entraîner la suppression de la concurrence efficace sur le marché qu'ils concernent " l orsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues ". Cette présomption implique donc la réalisation de trois conditions qu'il convient de passer en revue: (1) l'existence d'un accord vertical de distribution, (2) l'attribution d'un territoire et (3) la mise en place d'une protection territoriale absolue (cf. ATF 148 II 25 consid. 8; 143 II 297 consid. 6.2).  
 
7.1. Il n'y a d' accord vertical de distribution au sens l'art. 5 al. 4 LCart que lorsque des entreprises occupant des échelons du marché différents s'entendent sur des modalités de distribution de biens, services ou produits dans le cadre d'un contrat de distribution. Selon la jurisprudence, la notion de "contrats de distribution" doit être comprise largement. Elle englobe évidemment les contrats de distribution proprement dits, par lesquels un producteur ou un prestataire de services organise son réseau de distribution et convient avec son distributeur que ses produits seront écoulés selon des modalités qu'ils spécifient (contrat de distribution exclusive, système de distribution sélective, contrat d'achat exclusif, contrat de fourniture exclusive, etc.). Elle couvre cependant aussi les clauses de distribution spécifiques insérées dans d'autres contrats, comme des contrats de franchise ou de licence (ATF 148 II 25 consid. 8.1; 143 II 297 consid. 6.3.1).  
 
7.2. Un accord vertical de distribution procède à une attribution de territoire lorsqu'il contient une clause d'attribution de marché se référant à une surface délimitée ou délimitable (p. ex. la Suisse qui constitue un marché potentiellement clos, ce qui a justifié l'introduction de l'art. 5 al. 4 LCart; ATF 143 II 297 consid. 6.3.2). Il convient de souligner à cet égard que le texte clair de l'art. 5 al. 4 LCart ne se réfère qu'aux répartitions de marchés sur la base de "territoires". La présomption de suppression de la concurrence efficace prévue par cette disposition ne vaut dès lors pas pour les accords de distribution qui segmenteraient le marché en fonction d'une "clientèle" (cf. aussi BO 2003 CE 330). Un accord d'exclusivité de clientèle par lequel un fournisseur s'engagerait à ne vendre ses produits qu'à un seul distributeur aux fins de leur revente à une clientèle déterminée (p. ex. à des clients exerçant une profession déterminée ou figurant sur une liste préétablie sur la base d'un critère donné; cf. Communications de la Commission européenne du 10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO C 130/1 du 19 mai 2010, no 168) ne relève en principe pas de l'art. 5 al. 4 LCart, à moins bien sûr que la clientèle en question soit définie sur la base d'un critère géographique uniquement (ATF 148 II 25 consid. 8.2; AMSTUTZ/CARRON/REINERT, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, 2e éd., 2013, no 594 ad art. 5 LCart).  
 
7.3. D'après l'art. 5 al. 4 LCart, un accord vertical de distribution attribuant un territoire n'est enfin présumé supprimer la concurrence efficace que s'il est exclu que d'autres fournisseurs agréés procèdent à des ventes sur ce territoire. Sur la base d'une interprétation historique et téléologique, le Tribunal fédéral considère que seuls les cas de protection territoriale "absolue" sont visés par la norme et concernés par la présomption de suppression de la concurrence instituée par celle-ci. Il existe une telle protection lorsque les partenaires de distribution externes au territoire attribué se voient empêchés de procéder à des ventes non seulement "actives", mais également "passives" vers le territoire attribué (ATF 148 II 25 consid. 8.3; 143 II 297 consid. 6.3.4). Par "vente active", il faut comprendre le fait pour un distributeur de chercher à obtenir des clients ou une clientèle installés sur le territoire d'un autre distributeur par le biais de moyens ciblés. Quant à la "vente passive", elle consiste uniquement à répondre à des commandes spontanées effectuées par des clients provenant de ce territoire. Ainsi, s'il reste possible d'opérer de telles ventes passives à destination d'un territoire attribué à titre exclusif à un distributeur, il faut considérer que celui-ci ne bénéficie pas d'une protection territoriale absolue, même si aucun autre distributeur ne peut procéder à des ventes actives sur ce territoire; on se trouve dans un tel cas face à une protection territoriale "relative", laquelle ne relève pas de l'art. 5 al. 4 LCart (ATF 143 II 297 consid. 6.3.5; arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 8.3, destiné à la publication).  
 
7.4. L'art. 5 al. 4 LCart précise que l'exclusion de ventes actives et passives justifiant la présomption de suppression de la concurrence doit concerner d'"autres fournisseurs agréés". La version française de la disposition diverge sur ce point quelque peu de celles allemande et italienne qui évoquent, pour leur part, une interdiction de vente par des " gebietsfremde Vertriebspartner" ou des " distributori esterni " (distributeurs externes). Il en ressort que la présomption de suppression de la concurrence de l'art. 5 al. 4 LCart implique que des entreprises actives dans la distribution d'un produit donné se voient interdire de procéder à tout type de ventes de ce produit à destination d'un territoire de distribution attribué à une autre entreprise (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.3.3). Ainsi, l'accord par lequel une entreprise uniquement productrice se contenterait de renoncer à la vente directe de ses produits en Suisse, après en avoir externalisé la distribution à une autre entreprise, ne tombe pas en tant que tel sous le coup de l'art. 5 al. 4 LCart et n'est pas sanctionnable au sens de l'art. 49a al. 1 LCart. Il en va de même de l'accord par lequel un producteur étranger s'obligerait à transmettre à son importateur suisse toutes les demandes d'achat qui lui parviendraient dans la mesure où elles émaneraient de Suisse. En effet, de telles restrictions de vente ne concernent en règle générale que le producteur du bien concerné, sans forcément s'étendre à d'éventuels distributeurs de celui-ci (cf. BO 2003 CE 329 ss; Note explicative de la Commission de la concurrence du 12 juin 2017 relative à la CommVert [état le 9 avril 2018; ci-après: Note explicative CommVert], ch. 9, 1er point; AMSTUTZ/ CARRON/REINERT, op. cit., nos 557 ss ad art. 5 LCart). Il est possible que ces accords soient malgré tout illicites à l'aune de l'art. 5 al. 1 LCart, dans la mesure où ils sont susceptibles de restreindre d'une manière notable la concurrence sur le marché considéré, ou qu'ils résultent d'un abus de position dominante au sens de l'art. 7 LCart de la part du distributeur protégé. Ne limitant pas en tant que tels la liberté d'action d'une entreprise "distributrice", ils ne constitueront en revanche pas des contrats présumés conduire à la suppression de toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (ATF 148 II 25 consid. 9.3.1).  
V. Existence d'accords verticaux d'attribution de territoires au sens de l'art. 5 al. 4 LCart 
 
8.  
La recourante soutient n'avoir participé à aucun accord vertical remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart telles qu'exposées ci-devant. 
 
8.1. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante entretenait des relations commerciales avec 51 éditeurs, étant précisé que seuls 32 d'entre eux avaient passé un contrat écrit contenant une clause d'exclusivité avec elle (cf. supra consid. A). Cela étant, le Tribunal administratif fédéral a établi que 23 éditeurs avaient conclu un contrat stipulant qu'ils confiaient à l'intéressée " la diffusion et la distribution exclusive de leurs ouvrages auprès des libraires, grandes surfaces et autres revendeurs suisses ". Parmi ces 23 contrats de diffusion et de distribution, deux se distinguaient en réservant aux éditeurs concernés le droit de vendre leurs ouvrages directement en Suisse. Il s'agissait des contrats conclus avec l'éditeur A.________ et avec la société Editions B.________. 15 autres contrats se voyaient pour leur part complétés par une clause - que l'on qualifiera de "type A" - prévoyant ce qui suit:  
 
" L'éditeur s'engage, dans la mesure de ses moyens, à faire respecter cette exclusivité auprès des clients du diffuseur et en particulier auprès des libraires ou chaînes de librairies ayant des points de vente en dehors du territoire suisse. "  
Quant aux 9 autres contrats écrits (sur les 32) liant la recourante et contenant une clause d'exclusivité, ils représentaient des contrats de distribution pure, n'incluant aucune tâche de diffusion, par lesquels les éditeurs confiaient à l'intéressée " la distribution exclusive de leurs ouvrages auprès des libraires et revendeurs suisses ". 5 d'entre eux avaient en outre la particularité de contenir la clause spécifique - que l'on qualifiera de "type B" - suivante:  
 
" L'éditeur délivrera rapidement les commandes du distributeur selon le mode de transport déterminé et fera respecter la présente convention par tous les grossistes et autres dépositaires. "  
 
8.2. Dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a retenu, en substance, qu'il n'était pas possible de retracer la réelle intention de la recourante et de ses partenaires au moment de la conclusion des 32 contrats de diffusion et/ou de distribution de livres exposés ci-devant. Les juges précédents ont cependant estimé que ces contrats constituaient assurément des accords verticaux de distribution attribuant un territoire à titre exclusif à la recourante. Ils ont également considéré, sur la base d'une interprétation fondée sur le principe de la bonne foi, que ces accords conféraient une protection territoriale absolue en faveur de la recourante, à tout le moins lorsqu'ils contenaient une clause de type A ou B. D'après le Tribunal administratif fédéral, ces clauses auraient en effet visé à mettre en place un système de distribution empêchant d'éventuels autres distributeurs de livres actifs hors de Suisse d'effectuer des ventes passives à destination de ce marché. L'autorité précédente a du reste estimé que cette conclusion était corroborée par d'autres éléments. Elle a d'abord relevé dans son arrêt que l'exclusion de toute importation parallèle depuis la France permettait, selon elle, d'assurer le bon fonctionnement du droit de retour offert par la recourante en lien avec certains ouvrages, étant précisé que l'intéressée n'avait prévu aucun dispositif technique particulier garantissant que les livres qui lui étaient retournés avaient bel et bien été achetés auprès d'elle. Le Tribunal administratif fédéral a ensuite ajouté que l'ASDEL avait abordé la question d'une éventuelle "autorisation" des importations parallèles lors d'une séance de 2005 à laquelle la recourante était présente, ce qui laisserait entendre qu'il existait une pratique de cloisonnement du marché suisse chez les diffuseurs-distributeurs de livres à cette époque. Les juges précédents ont enfin retenu qu'aucune importation parallèle n'avait eu lieu, ni n'avait été possible s'agissant des ouvrages diffusés et/ou distribués par la recourante durant la période visée par l'enquête de la COMCO, alors même qu'il aurait existé un intérêt économique pour les librairies helvétiques à se procurer les ouvrages en question à l'étranger. Cette absence d'importation parallèle démontrerait, selon eux, que les éditeurs partenaires de l'intéressée avaient accepté de lui octroyer une protection territoriale absolue.  
 
8.3. La recourante conteste le raisonnement du Tribunal administratif fédéral. Elle affirme que les différents contrats de diffusion et/ou de distribution de livres qu'elle a conclus par écrit avec des éditeurs ne contiennent pas de clauses excluant les ventes passives depuis l'étranger. Elle reproche à l'autorité inférieure d'avoir procédé à une interprétation incorrecte des clauses d'exclusivité de type A ou B pouvant s'y trouver. Elle soutient également que les autres éléments sur lesquels s'est fondé le Tribunal administratif fédéral pour aboutir à la conclusion que ses partenaires lui auraient accordé une protection territoriale absolue reposent non seulement sur un établissement arbitraire des faits, mais qu'ils sont également impropres à étayer une telle conclusion.  
 
8.4. La Cour de céans relève pour sa part que les 32 contrats de diffusion et/ou de distribution écrits exposés plus haut, auxquels la recourante a été partie avec différents éditeurs entre 2005 et 2011, constituent tous des accords verticaux de distribution attribuant un territoire à titre exclusif. Dans cette mesure, chacun d'eux remplit les deux premières conditions d'un accord vertical présumé supprimer la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (existence d'un accord vertical de distributionet d'une attribution de territoire). La recourante ne le conteste d'ailleurs pas dans son mémoire. Il convient dès lors uniquement de déterminer si le Tribunal administratif fédéral a considéré à juste titre que les accords en question remplissaient aussi la troisième condition nécessaire à l'application de cette présomption, à savoir qu'ils conféraient une protection territoriale absolue à la recourante, ce que dément celle-ci.  
 
8.4.1. Pour déterminer si l'on se trouve face à une convention représentant un accord en matière de concurrence illicite et remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart, il convient en principe d'appliquer les règles générales figurant aux art. 1 ss CO et d'établir quelle était la volonté réciproque et concordante des parties, étant précisé que celle-ci peut être expresse ou tacite (cf. ATF 147 II 72 consid. 3.3). Les manifestations de volonté tacites comprennent notamment les actes concluants, c'est-à-dire ceux dont l'accomplissement laisse transparaître une certaine volonté des parties (ATF 147 II 72 consid. 3.3; 144 II 246 consid. 6.4.1). Ces déclarations et manifestations de volonté entre cocontractants doivent être interprétées conformément aux règles de l'art. 18 CO, qui implique de déterminer en priorité la volonté commune réelle des parties et, si cela n'est pas possible, d'interpréter leurs manifestations de volonté conformément au principe de la confiance, sans s'arrêter aux termes retenus dans la convention. Il faut en tous les cas que l'on puisse discerner une collaboration voulue et consciente de deux ou plusieurs entreprises, ce qui fait défaut en cas de restrictions à la concurrence purement unilatérales (cf. ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 124 III 495 consid. 2a). Cela étant, la notion de "convention" au sens de la LCart va au-delà de celle de "contrat" au sens de droit des obligations; elle couvre également les accords non contraignants sur le plan juridique, mais dont il ressort malgré tout une volonté de s'engager des parties, comme les gentlemen's agreements ou les Frühstückskartelle, ainsi que cela ressort clairement de l'art. 4 al. 1 LCart (ATF 147 II 72 consid. 3.3).  
 
8.4.2. Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties à un contrat, ce qui constitue une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire, il doit rechercher la volonté objective desdites parties. Il lui appartient alors de déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées). Cette détermination de la volonté objective des parties selon le principe de la confiance est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs. Or, l'établissement de ces circonstances relève de la constatation des faits, ce que le Tribunal fédéral ne contrôle que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).  
 
8.4.3. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). Cela étant, il convient de garder à l'esprit que les exigences liées à la preuve ne doivent pas être exagérées en droit de la concurrence, du moins lorsque les faits, par leur nature, sont difficilement démontrables (cf. ATF 139 I 72 consid. 8.3.2). Les preuves directes de l'existence d'un accord en matière de concurrence sont très rares en pratique de sorte que l'appréciation des faits doit régulièrement se faire sur la base d'indices (ATF 144 II 246 consid. 6.4.4).  
 
8.4.4. En l'occurrence, comme on l'a vu, l'arrêt attaqué fait état d'au moins deux contrats de diffusion et de distribution écrits réservant expressément aux éditeurs partenaires de la recourante le droit de vendre eux-mêmes leurs ouvrages en Suisse. Une telle clause se retrouve non seulement dans le contrat passé avec l'éditeur A.________, mais aussi dans celui conclu avec la société Editions B.________ (cf. supra consid. 8.1). La Cour de céans ne voit pas en quoi de tels contrats pourraient octroyer une protection territoriale absolue à la recourante au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. Il va de soi que la disposition contractuelle par laquelle une entreprise productrice de livres étrangère se réserve le droit de concurrencer son distributeur en Suisse, sans s'engager par ailleurs explicitement à y empêcher toute vente passive par d'éventuels distributeurs actifs à l'étranger, exclut par la force des choses une telle protection, car elle garantit aux acheteurs helvétiques la possibilité d'opérer des importations parallèles. Il est précisé à cet égard qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que cette faculté n'aurait été que théorique, en ce sens que les deux éditeurs précités auraient en pratique refusé de livrer leurs ouvrages en Suisse, par exemple afin de préserver leurs relations avec la recourante. Le Tribunal administratif fédéral n'a pas non plus établi que l'éditeur A.________ et la société Editions B.________ auraient été incapables dans les faits de procéder à des ventes passives à destination du marché suisse. Il a au contraire expressément constaté que la seconde société précitée exerçait elle-même une activité de distribution de livres en France. La Cour de céans peine dès lors à discerner les raisons qui ont conduit l'autorité précédente à considérer que les accords passés avec les deux éditeurs en question accordaient une protection territoriale absolue à la recourante et qu'ils remplissaient les conditions de l'art. 5. al. 4 LCart. Dans ses considérants, elle souligne certes, à juste titre, que l'engagement que peut prendre une entreprise productrice étrangère de ne pas concurrencer son distributeur suisse ne tombe pas nécessairement dans le champ d'application de cette disposition (cf. supra consid. 7.4). Elle a en revanche perdu de vue qu'une disposition contractuelle inverse - autorisant une entreprise productrice étrangère à écouler elle-même sa marchandise en Suisse - pouvait revêtir une pertinence fondamentale sous l'angle de l'art. 5 al. 4 LCart. Aucune présomption de suppression de la concurrence ne peut évidemment valoir à l'égard de contrats de distribution préservant précisément une certaine compétition commerciale entre un producteur de biens, également actif dans la distribution, et son distributeur officiel en Suisse, comme c'est le cas des contrats passés entre la recourante et les sociétés A.________ et Editions B.________.  
 
8.4.5. Reste à déterminer si les 30 autres contrats de diffusion et/ou de distribution écrits auxquels la recourante était partie entre 2005 et 2011 octroient pour leur part une protection territoriale absolue à l'intéressée. Le Tribunal administratif fédéral a considéré qu'une telle protection pouvait être déduite d'une interprétation objective desdits contrats, dont une grande partie contenait une clause spécifique de type A ou B. Il est ici rappelé que cette interprétation peut être revue librement par le Tribunal fédéral (cf. supra consid. 8.4.2).  
 
8.4.6. Il ressort en l'occurrence de l'arrêt attaqué que, durant la période sous enquête, la recourante était partie à 15 contrats de diffusion/distribution contenant une clause de type A par laquelle l'éditeur signataire lui confiait " la diffusion et la distribution exclusives de [ses] ouvrages auprès des libraires, grandes surfaces et autres revendeurs suisses ", tout en s'engageant " dans la mesure de ses moyens, à faire respecter cette exclusivité auprès des clients du diffuseur et en particulier auprès des libraires ou chaînes de librairies ayant des points de vente en dehors du territoire suisse ". D'après l'arrêt attaqué, le recourante était également partie à 5 contrats de distribution pure recelant une clause de type B par laquelle l'éditeur cocontractant lui confiait " la distribution exclusive de [ses] ouvrages auprès des libraires et revendeurs suisses ", tout en s'engageant à " f[aire] respecter la présente convention par tous les grossistes et autres dépositaires ".  
On comprend à la lecture de ces contrats que les éditeurs concernés se sont en tout cas engagés à ne pas vendre eux-mêmes leurs ouvrages en Suisse à d'éventuels revendeurs de livres helvétiques; relevons qu'il s'agit d'un engagement qui ne tombe pas nécessairement sous le coup de l'art. 5 al. 4 LCart, comme l'a déjà souligné la Cour de céans (cf. arrêt 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 9.1, destiné à la publication; aussi supra consid. 7.4). On peut en outre déduire de bonne foi des contrats contenant une clause de type A - prévoyant une obligation des éditeurs de " faire respecter cette exclusivité auprès des clients [de la recourante] " dans la mesure de leurs moyens - un devoir complémentaire desdits éditeurs d'entreprendre diverses démarches directement auprès des revendeurs de livres suisses, afin d'éviter, dans la mesure du possible, que ces derniers ne choisissent de se fournir chez des distributeurs étrangers plutôt que chez la recourante. Celle-ci explique à cet égard de façon plausible dans ses écritures qu'une telle obligation se rapporterait au cas particulier de la multinationale C.________, qui représente un libraire ou une chaîne de librairie "ayant des points de vente en dehors du territoire suisse " qui pourrait être tentée de commander des livres pour ses magasins suisses sans passer par la recourante, au travers de ses magasins français. On peut enfin tirer de la clause de type B - stipulant un devoir des éditeurs de " faire respecter la convention par tous les grossistes et autres dépositaires " - une obligation desdits éditeurs de faire en sorte que les grossistes ou autres dépositaires de livres avec lesquels ils feraient affaires ne vendent pas leurs ouvrages à des revendeurs suisses à la place de la recourante. Sous cet angle, les éditeurs devraient veiller à ce que les grossistes ou autres dépositaires de livres étrangers ou helvétiques - qui ne constituent pas une clientèle exclusive de la recourante - n'entretiennent aucun commerce avec les revendeurs de livres suisses et, partant, à ce qu'ils dirigent tout au plus leurs éventuelles activités commerciales sur le marché suisse vers d'autres acheteurs potentiels (p. ex. collectivités, etc.).  
 
8.4.7. Sur le vu de ce qui précède, on ne discerne pas que les contrats précités imposeraient nécessairement aux éditeurs de veiller à ce que l'exclusivité qu'ils ont octroyée à la recourante soit respectée par tous leurs partenaires commerciaux à l'étranger et, notamment, par leurs sociétés de diffusion et/ou de distribution en France. Comme cela vient d'être exposé, les contrats qu'ils ont signés ne font que les obliger à effectuer certaines démarches en ce sens auprès des revendeurs suisses, ainsi qu'auprès d'éventuels grossistes et autres dépositaires; ils n'abordent, en comparaison, d'aucune manière la question spécifique des sociétés chargées de diffuser et/ou de distribuer leurs livres à l'étranger. Il n'existe a priori aucun engagement des éditeurs d'empêcher de telles sociétés d'exporter leurs livres en Suisse. Aucun engagement de ce type n'a en tout cas été constaté et établi par les juges précédents, qui relèvent pourtant expressément dans leur arrêt que certains éditeurs partenaires de la recourante sont liés à d'autres diffuseurs-distributeurs en France. Contrairement à ce que l'autorité précédente a retenu, on ne saurait dès lors inférer d'une interprétation objective des contrats de diffusion et/ou de distribution conclus par la recourante l'octroi d'une protection territoriale absolue en faveur de celle-ci.  
Notons qu'il n'est pas possible de suivre la COMCO lorsqu'elle affirme que les contrats de diffusion/distribution passés par la recourante contiendraient des clauses "au moins autant claires et graves" que d'autres dispositions contractuelles dont le Tribunal fédéral a déjà admis qu'elles instituaient une protection territoriale absolue en faveur du distributeur officiel suisse. Les arrêts GABAet BMW cités par l'autorité intimée avaient en effet trait à des contrats par lesquels les entreprises étrangères s'engageaient très clairement à empêcher toute importation parallèle vers la Suisse des produits qu'elles distribuaient, même de manière indirecte par le biais d'un autre partenaire de distribution actif dans un pays tiers (ATF 143 II 297 consid. A [" [Das Unternehmen] verpflichtet sich ihrerseits, die Vertragsprodukte ausschliesslich in dem ihr vertraglich zustehenden Gebiet [Österreich] herzustellen und zu vertreiben und weder direkt noch indirekt Exporte in andere Länder vorzunehmen. "] et ATF 144 II 194 consid. A [" Dem Händler ist es weder gestattet, unmittelbar oder über Dritte neue BMW Fahrzeuge und Original BMW Teile an Abnehmer in Länder ausserhalb des EWR zu liefern noch Fahrzeuge für solche Zwecke umzurüsten. "]). Relevons que les clauses convenues entre la recourante et ses éditeurs partenaires se distinguent également de celles conclues par un autre diffuseur/ distributeur actif en Suisse, soit Dargaud, dont le Tribunal fédéral a récemment reconnu qu'elles visaient à établir une protection territoriale absolue en faveur de ce dernier, dans la mesure où elles contraignaient les éditeurs à " prendre toutes mesures utiles " ou à " mettre tout en oeuvre " afin que l'exclusivité du distributeur soit respectée (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 10.1, non publié in ATF 148 II 25).  
 
8.4.8. Enfin, le Tribunal administratif fédéral ne fait état d'aucune circonstance antérieure ou simultanée à la conclusion des contrats qui permettraient de considérer que, d'un point de vue objectif, la recourante et ses éditeurs partenaires auraient forcément voulu cloisonner le marché suisse. Comme on l'a vu, il ressort au contraire de l'arrêt attaqué que la recourante a laissé deux de ses principaux clients, soit l'éditeur A.________ et la société Editions B.________, libres de procéder à des ventes passives à destination du territoire suisse (cf. supra consid. 8.4.4). Or, ce fait laisse plutôt entendre que son modèle d'affaires ne dépend pas d'une protection territoriale absolue. Il ne ressort pas non plus de l'arrêt attaqué qu'un cloisonnement du marché suisse constituerait un prérequis indispensable au système de droit de retour que l'intéressée propose pour certains des ouvrages qu'elle distribue. Le Tribunal administratif fédéral retient certes qu'un tel cloisonnement permettrait à la recourante d'être certaine que les livres qui lui sont retournés ont été acquis auprès d'elle, et non à l'étranger, ce sans devoir mettre en oeuvre des mesures de contrôle spécifiques, ce que l'intéressée admet avoir renoncé à faire. Il n'en demeure pas moins que le système de droit au retour organisé par la recourante peut très bien reposer sur une relation de confiance bâtie avec les revendeurs de livres suisses. Relevons d'ailleurs que l'arrêt attaqué ne fait état d'aucune librairie suisse ayant tenté de s'adresser à des distributeurs étrangers afin de se procurer auprès d'eux des ouvrages que la recourante distribuerait aussi. Il cite au contraire de nombreux libraires déclarant ne pas avoir d'intérêt particulier à procéder à des importations parallèles de livres, dès lors qu'ils étaient généralement satisfaits du service offert par les distributeurs suisses.  
 
8.4.9. Quant au constat du Tribunal administratif fédéral selon lequel aucune importation parallèle des ouvrages diffusés et distribués par la recourante n'aurait été possible durant la période sous enquête, force est de constater qu'il a été établi de manière insoutenable. Il reposeessentiellement sur des déclarations de libraires suisses affirmant, de manière générale, sans autre précision quant aux acteurs économiques concernés, que les diffuseurs-distributeurs, éditeurs ou détaillants français n'acceptaient en principe pas de leur ouvrir un compte d'achat et que la pratique consistait généralement à les renvoyer vers les diffuseurs-distributeurs officiels de livres pour la Suisse. On ne voit pas en quoi des allégations aussi indéterminées sur le fonctionnement du marché du livre en français en Suisse démontreraient une quelconque impossibilité de procéder à des importations parallèles des ouvrages en français diffusés et/ou distribués par la recourante. La Cour de céans est arrivée à la même conclusion dans un arrêt récent concernant une autre société suisse de diffusion et de distribution de livres en français (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 10.4.5, non publié in ATF 148 II 25). En l'occurrence, il s'agit tout particulièrement de ne pas perdre de vue que, d'après l'arrêt attaqué, la plupart des livres en français vendus au niveau wholesaleen Suisse ne sont pas distribués par la recourante, dont la part de marché est infime par rapport à celle des autres acteurs du marché en cause. Il est donc tout à fait possible - si ce n'est très fortement probable - que les libraires interrogés se soient en réalité plaints de l'impossibilité d'obtenir à l'étranger des ouvrages appartenant à un autre catalogue de produits que celui de la recourante. Le Tribunal administratif fédéral a ainsi versé dans l'arbitraire en retenant sur la base de leurs témoignages qu'il n'y avait aucune possibilité pour les revendeurs de livres suisses de commander à l'étranger les ouvrages diffusés par cette dernière. Les considérations générales qui ne visent pas de manière spécifique la situaton de la recourante ne sont à cet égard pas suffisantes. Il s'ensuit qu'il n'est même pas nécessaire de se demander si le constat du Tribunal administratif fédéral, dans l'hypothèse où il aurait été soutenable, aurait constitué un indice suffisant pour établir l'existence d'un accord vertical - prenant le cas échéant la forme d'un gentlemen's agreement ou d'une pratique concertée, dont l'autorité n'a d'ailleurs pas envisagé l'existence (cf. supra consid. 8.4.2) - garantissant une protection territoriale absolue à la recourante au sens de l'art. 5 al. 4 LCart.  
 
8.5. En somme, rien dans l'arrêt ne permet de soutenir qu'entre 2005 et 2011, la recourante aurait été partie à des contrats de diffusion et/ou de distribution de livres dans lesquels elle se serait mise d'accord avec des éditeurs sur le fait qu'aucun autre diffuseur-distributeur étranger ne devait pouvoir vendre les mêmes ouvrages qu'elle à destination du marché suisse. Il ne peut dès lors pas lui être reproché d'avoir participé à des contrats tombant sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence instituée à l'art. 5 al. 4 LCart.  
V I. Existence d'accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart 
 
9.  
Il s'agit encore de déterminer si les 32 accords susmentionnés doivent être qualifiés d'illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, quand bien même ils ne sont pas visés par l'art. 5 al. 4 LCart. La recourante le conteste. 
 
9.1. En vertu de l'art. 5 al. 1 LCart, sont illicites, d'une part, les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique au sens de l'art. 5 al. 2 LCart et, d'autre part, les accords qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace. Dans ce second cas, la justification des accords par des motifs d'efficacité économique est exclue (cf. ATF 143 II 297 consid. 4.1; 129 II 18 consid. 3).  
 
9.2. La jurisprudence a précisé la portée à donner à la notion d' "accords qui affectent de manière notable la concurrence" figurant à l'art. 5 al. 1 LCart. De manière générale, le caractère notable d'une atteinte à la concurrence peut être établi à l'aide de critères tant quantitatifs que qualitatifs, étant précisé que le seuil de gravité justifiant un constat d'illicéité doit rester globalement le même, quelle que soit l'approche adoptée (ATF 143 II 297 consid. 5.2.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 7.3.1). Cela étant, les accords visés par l'art. 5 al. 3 ou al. 4 LCart, auxquels le législateur a décidé d'appliquer une présomption de suppression de la concurrence efficace en raison de leurs effets potentiellement graves, ne constituent en principe pas des cas bagatelles, de sorte qu'ils sont par nature réputés affecter de manière notable la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Une appréciation qualitative de ces accords sous le prisme de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart suffit en règle générale à remplir la condition de l'atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, sans qu'il faille au surplus en examiner les effets réels sur un plan quantitatif (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.3.1-4.3.2; 143 II 297 consid. 5.2.5 et 5.4). Si ces accords ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économiques (cf. art. 5 al. 2 LCart), ils sont ainsi illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Il s'agit du premier cas de figure visé par l'art. 5 al. 1 LCart, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si ces accords remplissent le second cas de figure visé par cette disposition, à savoir s'ils conduisent à une suppression de la concurrence efficace, ce qui supposerait d'examiner si la présomption posée à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart peut ou non être considérée comme levée (cf. ATF 143 II 297 consid. 5.2.1-5.2.5, 5.3.2, 5.6).  
 
9.3. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a considéré que les 32 contrats écrits de diffusion et/ou de distribution auxquels la recourante était partie entre 2005 et 2011 étaient forcément illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, dès lors qu'ils remplissaient non seulement les conditions de l'art. 5 al. 4 Cst., mais qu'en plus, la présomption de suppression de la concurrence posée par cette disposition ne pouvait pas être renversée. Il a en outre ajouté que de tels accords, qui représentaient forcément des atteintes notables à la concurrence en tant qu'ils étaient visés par l'art. 5 al. 4 LCart, ne se justifiaient de toute manière par aucun motif d'efficacité économique, de sorte qu'ils étaient, sous cet angle également, illicites, même si l'on devait considérer que la présomption de suppression de la concurrence était renversée. Un tel raisonnement ne peut être suivi, car il repose sur une prémisse erronée. En effet, comme on vient de le voir, il ne peut précisément pas être reproché à la recourante d'avoir participé à des accords relevant de l'art. 5 al. 4 Cst., contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif fédéral (cf. supra consid. 8.5).  
 
9.4. Le fait que la recourante n'ait été liée à aucun contrat remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart entre 2005 et 2011 ne signifie pas nécessairement que l'intéressée n'ait participé à aucun accord illicite durant cette période. Il se pourrait que les contrats de diffusion et/ou de distribution exclusives qui la liaient à certains éditeurs durant la période sous enquête aient porté une atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, quand bien même ils ne tombent pas sous le coup de la présomption de suppression de la concurrence posée à l'art. 5 al. 4 LCart. En cohérence avec la motivation de son arrêt, le Tribunal administratif fédéral n'a pas traité cette question. Y répondre aurait en l'occurrence impliqué d'opérer une analyse de l'impact des accords concernés sur le marché suisse (cf. supra consid. 9.2). Il n'appartient pas à la Cour de céans de procéder en première instance à un tel examen, qui dépend non seulement de l'établissement de faits ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, mais qui relève également du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes en matière de droit des cartels (cf. ATF 135 II 60 consid. 3.1.2). Compte tenu de l'écoulement du temps depuis la fin de l'enquête de la COMCO, le Tribunal fédéral renonce toutefois à renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il se prononce sur ce point, comme il l'a du reste déjà fait dans un arrêt récent portant sur une affaire connexe concernant une autre entreprise de diffusion et de distribution de livres (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 11.4, non publié in ATF 148 II 25). Rappelons que l'éventuel constat selon lequel la recourante aurait participé à des accords en matière de concurrence non visés par l'art. 5 al. 4 LCart, mais néanmoins illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, n'aurait de toute manière aucune influence sur la question de la légalité de la sanction litigieuse prononcée à l'encontre de l'intéressée en application de l'art. 49a al. 1 LCart, puisque la participation à des accords de ce type ne permet pas d'infliger une telle sanction directement (cf. supra consid. 4.3).  
 
VII. Conséquences  
 
10.  
Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué viole la LCart en tant qu'il constate que la recourante a participé à des accords verticaux illicites en lien avec la diffusion et/ou la distribution de livres en français en Suisse. Il s'ensuit qu'il est également contraire au droit fédéral en tant qu'il inflige à l'intéressée une sanction financière à hauteur de 119'000 fr. en application combinée des art. 5 al. 1 et 4 et 49a LCart et lui interdit d'entraver, par des contrats de distribution et/ou de diffusion, les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse en application de l'art. 30 al. 1 LCart. Comme aucune mesure n'aurait dû être prononcée à l'encontre de la recourante au sens de la LCart, il ne se justifiait pas non plus de mettre à sa charge la somme de 760'150 fr. au titre de frais de procédure devant la COMCO, à titre solidaire avec neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres, en application combinée des art. 1a et 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 25 février 1998 relative aux émoluments prévus par la loi sur les cartels (OEmol-LCart; RS 251.2) et de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments (OGEmol; RS 172.041.1). Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les autres griefs que la recourante formule à titre subsidiaire dans ses écritures et qui tendent à obtenir une réduction de la sanction financière prononcée à son encontre et des frais de procédure de la COMCO mis à sa charge. 
 
11.  
Par conséquent, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. 
 
12.  
Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). La COMCO, qui succombe, sera en revanche condamnée à verser des dépens à l'intimée, qui obtient gain de cause (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera pour le reste renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens des procédures menées devant lui et la COMCO (art. 67 et 68 al. 5 LTF a contrario).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. 
 
2.  
L'arrêt B-4011/2013 du 30 octobre 2019 du Tribunal administratif fédéral est annulé. 
 
3.  
La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens des procédures antérieures. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5.  
La COMCO est condamnée à verser à la recourante une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à la COMCO, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DEFR. 
 
 
Lausanne, le 14 juin 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat