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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_490/2021  
 
 
Arrêt du 20 décembre 2022  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Daniel Kinzer, avocat, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
Z.________ SA 
(anciennement... SA), 
représentée par Me Daniel Tunik et 
Me Lorenzo Frei, avocats, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat de durée; résiliation, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu 
le 6 juillet 2021 par la Cour d'appel civile 
du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
(n° 340; PT17.047172-201318). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société... SA, désormais Z.________ SA, est statutairement vouée à fournir des services en matière de correspondance. Dans le cadre d'un premier contrat de sous-traitance, elle s'était chargée d'assurer le service interne de poste et de messagerie pour l'entreprise C.________ SA à XX (VD).  
C.________ SA et la société qui avait délégué l'exécution de ces prestations à Z.________ SA ont mis fin à leur relation pour le 1er août 2014. La première a trouvé une nouvelle partenaire en la société A.________ AG. Il a été convenu que Z.________ SA continuerait d'oeuvrer en sous-traitante, désormais pour le compte d'A.________ AG. Ces deux dernières se sont attelées à formaliser leur relation et ont entamé des négociations en ce sens au mois de juillet 2014. 
Elles ont ainsi élaboré un contrat-cadre et une annexe "SLA" ( Service Level Agreement) qui ont recueilli leur accord le 4 août 2014. Contrairement à ce qui avait été prévu, ces documents n'ont pas été signés par les représentants autorisés des deux parties (cf. infra let. B.b).  
En substance, la sous-traitante Z.________ SA s'obligeait à prendre en charge, dans les locaux de C.________ SA, le courrier entrant livré par La Poste Suisse ou par d'autres entreprises de courrier. Elle devait le distribuer dans cette société selon un horaire et un mode établis par l'annexe "SLA". Elle devait aussi collecter le courrier sortant, le traiter - affranchir les lettres, apposer un code-barres sur les colis - puis le remettre à La Poste. Enfin, elle devait collecter, traiter et distribuer le courrier interne d'après un protocole établi.  
Selon l'art. 8.1 du contrat-cadre, Z.________ SA s'engageait à accomplir "ses prestations contractuelles dans la qualité et la quantité convenues, dans les délais fixés et aux lieux prévus. Ell[e] garantisss[ai]t une sélection méticuleuse d'un personnel compétent possédant le savoir-faire nécessaire". Elle devait remédier aux défauts constatés dans les 30 jours, faute de quoi elle s'exposait à une réduction de sa rémunération. Une performance minimale de 95% en moyenne mensuelle était attendue d'elle (art. 4 de l'annexe "SLA"). 
Pour accomplir ses tâches, elle devait dépêcher quatre employés couvrant 3,5 postes. Les parties avaient renoncé à un poste supplémentaire pour réduire les coûts. 
En contrepartie, A.________ AG verserait une rémunération forfaitaire annuelle de 385'600 fr. 
Une rubrique intitulée "Confidentialité, protection et sécurité des données" imposait aux parties de traiter confidentiellement les informations, à moins qu'elles ne fussent connues du public ou librement accessibles. Les dispositions relatives au secret postal étaient applicables (art. 10.1 du contrat). 
L'art. 12 réglait ainsi la "Durée du contrat": 
 
"12.1 Le présent contrat[-]cadre prend effet au 1er août 2014 et se termine le 31 juillet 2019. 
12.2 Chaque partie peut en tout temps résilier avec effet immédiat le présent contrat ou [l'annexe] pour justes motifs, notamment en cas de violation fautive, grave ou répétée de ceux-ci, ou en cas d'incapacité de paiement de l'autre partie." 
L'annexe réglait le niveau de service à atteindre. 
Dès le lundi 4 août 2014, quatre employés de Z.________ SA ont travaillé sur le site de C.________ SA où ils ont assuré le service interne de poste et de messagerie. 
A.________ AG a rémunéré Z.________ SA au prix prévu, soit 385'600 fr. par an. 
 
A.b. Le 19 septembre 2014, A.________ AG a demandé à Z.________ SA de réduire à deux ans la durée de leur contrat. L'intéressée s'en est étonnée et a répondu qu'elle "ne pouv[ait] accepter une offre de modification de la durée du contrat".  
 
A.c. L'année suivante, soit le 31 août 2015, A.________ AG a déclaré résilier le contrat-cadre et l'annexe pour le 31 décembre 2015. Invoquant de "justes motifs" au sens de l'art. 12 al. 2 du contrat, elle arguait du fait que sa cliente C.________ SA avait décidé de réorganiser "ses activités courrier" en Suisse romande, tout en précisant que la résiliation n'était "en aucun cas liée à une mauvaise prestation" de Z.________ SA.  
Peu après, cette dernière a accusé réception de la missive et indiqué qu'à son sens, la réorganisation de C.________ SA ne constituait pas un juste motif de résiliation. 
Le 26 octobre 2015, Z.________ SA s'est encore opposée au procédé en annonçant qu'elle agirait "par la voie légale" pour obtenir réparation de son dommage et qu'elle licencierait les employés concernés pour éviter de faire accroître le préjudice. 
Les parties se sont entendues pour que A.________ AG réengage au 1er janvier 2016 les employés de Z.________ SA qui travaillaient sur le site de C.________ SA. En revanche, elles ont campé sur leur position quant à la résiliation. 
 
B.  
 
B.a. Z.________ SA a attrait A.________ AG devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud par requête de conciliation du 27 juin 2017. Elle a ensuite déposé une demande en paiement de 276'059 fr. 60.  
Statuant le 24 avril 2020, l'autorité précitée a condamné A.________ AG à verser 236'898 fr. 50 plus intérêts à la demanderesse en réparation de son gain manqué. 
 
B.b. Par arrêt du 6 juillet 2021, le Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.________ AG au terme de la réflexion suivante:  
 
- Bien qu'ils n'eussent pas été signés, le contrat-cadre et l'annexe étaient le fruit de l'accord auquel les deux parties étaient parvenues le 4 août 2014. La forme écrite n'était pas une condition de validité de la convention; elle avait été réservée à des fins probatoires uniquement. 
- Les parties s'étaient entendues sur une durée de cinq ans et avaient fixé l'échéance du contrat au 31 juillet 2019. Le 19 septembre 2014, A.________ AG avait proposé de réduire la durée à deux ans, mais sa cocontractante s'y était opposée. 
- Au vu des obligations pesant sur Z.________ SA, la convention ne pouvait être qualifiée de contrat de transport. Il ne s'agissait pas non plus d'un mandat, car le caractère aléatoire inhérent à ce type de contrat faisait défaut: en attestaient la procédure de qualité prévue et la garantie assumée. Il s'agissait bien plutôt d'un contrat de durée avec les traits d'un contrat d'entreprise et entrant dans la catégorie des contrats innommés. 
- Par conséquent, la sous-traitante ne pouvait pas se prévaloir de l'art. 404 CO permettant de résilier un mandat en tout temps. Une résiliation anticipée avec effet immédiat présupposait de justes motifs, conformément à l'art. 12 du contrat-cadre. 
En l'occurrence, A.________ AG avait fait valoir que C.________ SA réorganisait ses activités concernant le courrier en Suisse romande. Cet argument ne lui était d'aucun secours. Tout d'abord, la fin du contrat principal avec C.________ SA ne fournissait pas un juste motif de résiliation: A.________ AG avait renoncé en connaissance de cause à lier le contrat de sous-traitance à cet accord, bien qu'il fût patent qu'une rupture de celui-ci supprimerait ou modifierait son intérêt à l'exécution de celui-là. Ensuite, on ignorait si C.________ SA avait effectivement résilié le contrat principal ou s'il y avait eu un accord à cet égard, si cette hypothétique résiliation était valable, quand et pour quelle date elle avait été signifiée, ou encore si elle portait sur les prestations qui avaient été déléguées à Z.________ SA. 
- A titre subsidiaire, A.________ AG invoquait l'art. 378 CO en soutenant que la continuation du contrat de sous-traitance était devenue impossible. Cependant, on ignorait si et de quelle manière C.________ SA et elle avaient modifié leur relation, et s'il y avait là un obstacle à la continuation de la sous-traitance. Il n'était pas démontré que C.________ SA eût renoncé à faire gérer son courrier: A.________ AG ne contestait pas avoir continué d'employer les anciens collaborateurs de Z.________ SA sur le site de C.________ SA après avoir mis un terme à la sous-traitance. 
Conformément à l'art. 107 al. 2 CO, Z.________ SA avait renoncé à demander l'exécution du contrat, préférant réclamer des dommages-intérêts. Elle avait le droit à la réparation de son gain manqué, que les premiers juges avaient fixé à 236'898 fr. 50. Le calcul opéré n'étant pas contesté en appel, ce montant devait être confirmé. 
 
C.  
A.________ AG a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile par lequel elle espère obtenir le rejet complet de l'action intentée par Z.________ SA. 
Cette dernière a conclu au rejet du recours. 
La cour de céans a renoncé à ordonner un second échange d'écritures. Néanmoins, en considération du droit inconditionnel à se déterminer sur les actes de la partie adverse, elle a précisé jusqu'à quelle date la recourante pouvait produire ses éventuelles observations, id est jusqu'à quand elle sursoyait à statuer. Son ordonnance prévenait en caractères gras qu'aucune prolongation de délai ne serait accordée. La recourante en a néanmoins sollicité une en invoquant une surcharge de travail. Elle a essuyé un refus qu'elle n'a pas commenté (cf. arrêt 4A_332/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1; JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 10 ad art. 47 LTF).  
L'autorité précédente s'est simplement référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au délai (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1 LTF) et à la valeur litigieuse (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
 
2.  
Le registre du commerce enseigne que l'intimée a modifié ses statuts après l'échange d'écritures, plus précisément le 28 septembre 2022. De "Z.________ SA", elle est devenue "Z.________ SA". En outre, la description détaillée de son but social a été adaptée. La Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) s'en est faite l'écho le... 2022. 
Cela étant, la partie au procès reste la même: elle n'a fait qu'adopter une autre raison sociale. Aussi la cour de céans peut-elle utiliser cette dernière dans le rubrum (NICOLAS JEANDIN, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, n° 5 ad art. 83 CPC; cf. aussi mutatis mutandis TANJA DOMEJ, in Kurzkommentar [KuKo] Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2021, n° 2 ad art. 83 CPC).  
 
3.  
Les points suivants sont acquis: 
 
- Le contrat-cadre et son annexe expriment la volonté réelle des parties, qui se sont liées en ces termes. La forme écrite n'a été réservée qu'à des fins probatoires. 
- Cet accord de sous-traitance a été convenu pour une durée de cinq ans, jusqu'au 31 juillet 2019. 
Les griefs se concentrent sur ces deux questions: 
 
- La Cour d'appel vaudoise aurait refusé à tort d'appliquer l'art. 404 al. 1 CO
- Subsidiairement, elle aurait enfreint le droit fédéral en considérant que Z.________ SA avait valablement contesté les allégués évoquant la réorganisation opérée par C.________ SA et la suppression du service courrier qu'elle avait confié en première ligne à A.________ AG. Or, s'il était retenu, cet événement constituerait un juste motif de résilier le contrat de sous-traitance, respectivement une impossibilité non fautive de l'exécuter. 
 
4.  
 
4.1. La résolution du premier grief nécessite de rappeler quelques préceptes théoriques.  
 
4.1.1. Le mandat a ceci de particulier qu'il peut "être révoqué ou répudié en tout temps" (art. 404 al. 1 CO). Si un tel acte est pratiqué "en temps inopportun", son auteur doit indemniser l'autre partie pour le dommage occasionné (art. 404 al. 2 CO).  
Le Tribunal fédéral y voit l'expression d'une règle impérative que des clauses contractuelles ne sauraient tenir en échec, et qui prédomine quel que soit le contenu du contrat: mandat gratuit ou onéreux, typique ou atypique, de durée déterminée ou indéterminée (TERCIER ET ALII, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n. 4622 et les arrêts cités). Les vives critiques doctrinales n'ont à ce jour pas infléchi cette position (ATF 115 II 464 consid. 2; arrêt 4C.447/2004 du 31 mars 2005 consid. 5.4, qui relativise l'ATF 120 V 299 consid. 4b; arrêts 4A_437/2008 du 10 février 2009 consid. 1.4-1.6; 4A_141/2011 du 6 juillet 2011 consid. 2.2; 4A_680/2016 du 12 juillet 2017 consid. 3.1; 4A_542/2020 du 3 mars 2021 consid. 3.3.1; 4A_436/2021 du 22 mars 2022 consid. 9.2). Il a été question d'ancrer dans la loi la faculté de déroger à cette règle, mais la motion déposée à cette fin a été rejetée (cf. FF 2017 7031-7034 ad motion 11.3909 du 29 septembre 2011; OSER/WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, n° 11b ad art. 404 CO).  
 
4.1.2. Dans un contrat de transport, une personne (le voiturier) s'oblige à transporter une chose d'un lieu vers un autre moyennant une rémunération (art. 440 CO). La prestation caractéristique est le déplacement d'une chose mobilière, peu importent la distance et le moyen utilisé (TERCIER ET ALII, op. cit., n. 5706 et 5710 ss; MICHAEL HOCHSTRASSER, Der Beförderungsvertrag, 2015, n. 213 ss). Comme elle s'achève habituellement avec l'exécution de cette obligation, ce type de convention n'appartient pas aux contrats de durée (HOCHSTRASSER, op. cit., n. 222).  
L'art. 440 al. 2 CO renvoie aux règles du mandat tout en réservant les dérogations prévues par la loi. La jurisprudence en déduit que ce contrat est en principe révocable en tout temps (ATF 109 II 231 consid. 3c/aa, cité dans l'ATF 115 II 108 consid. 4c) - en dépit de certains auteurs qui s'accommoderaient mieux d'une réglementation semblable au contrat d'entreprise (SYLVAIN MARCHAND, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, nos 56 ss ad art. 440 CO; HOCHSTRASSER, op. cit., n. 1364 ss). Lorsque l'obligation de transport s'inscrit dans un contrat de durée (abonnement ou autre), il conviendrait selon eux d'autoriser une résiliation anticipée pour justes motifs (MARCHAND, op. cit., n° 61 ad art. 440 CO; HOCHSTRASSER, op. cit., n. 1370). 
 
4.1.3. Le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une partie (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer (art. 363 CO). L'ouvrage est le résultat d'une activité qui peut être intellectuelle ou physique, humaine ou mécanique. L'ouvrage lui-même peut revêtir une forme matérielle ou immatérielle, mais il faut un certain résultat objectivement constatable, une modification objective de la situation de fait (ATF 130 III 458 consid. 4; 83 II 525 consid. 1 p. 529; TERCIER ET ALII, op. cit., n. 3516 s.; pour des exemples, cf. PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 6e éd. 2019, n. 24 ss). Des travaux de montage, de réparation, de nettoyage ou de vérification suffisent (ATF 130 III 458 consid. 4 p. 461; arrêt 4C.231/2004 du 8 octobre 2004 consid. 2). Sont en revanche exclues les "pures" prestations de service consistant notamment à donner un conseil, diriger des travaux, exercer une surveillance (TERCIER ET ALII, op. cit., n. 3516; GAUCH, op. cit., n. 35). La modification attendue peut consister en un changement de lieu (déplacement d'une maison ou évacuation de terre vers une décharge, par ex.). Cependant, il n'est plus question d'ouvrage lorsque sont réunies les caractéristiques du contrat de transport (art. 440 CO) ou lorsqu'un régime spécial de transport prévaut (GAUCH, op. cit., n. 30).  
Le contrat d'entreprise n'est pas un contrat de durée: la prestation due s'achève par la livraison de l'ouvrage. Lorsque l'entrepreneur reste tenu de fournir un travail de façon permanente ou répétée jusqu'à l'extinction du contrat - soit à la date convenue, soit par résiliation -, l'on est en présence d'un contrat d'entreprise de durée, c'est-à-dire un contrat innommé auquel s'appliquent par analogie les dispositions du contrat nommé, dans la mesure où elles sont adéquates (cf. arrêts 4A_146/2016 du 18 juillet 2016 consid. 4.3; 4C.387/2001 du 10 septembre 2002 consid. 3.1; arrêt précité 4C.231/2004 consid. 2; GAUCH, op. cit., n. 9 et 322 ss; MARIE-NOËLLE VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, 2007, n. 121 s. et 206). 
Le mandataire se distingue de l'entrepreneur notamment en ceci que le premier s'engage à déployer une activité de façon diligente en vue d'obtenir le résultat escompté, sans promettre celui-ci, tandis que le second garantit une activité débouchant sur un résultat, soit l'ouvrage (voir par ex. ATF 115 II 50 consid. 1; 127 III 357 consid. 1b; OSER / WEBER, op. cit., nos 28 s. ad art. 394 CO; TERCIER ET ALII, op. cit., n. 3527-3532 et n. 4315-4317). En outre, de nombreux types de mandat supposent un rapport de confiance privilégié. Il ne s'agit cependant pas d'une composante nécessaire (TERCIER ET ALII, op. cit., n. 4313), et l'on rencontre aussi des contrats d'entreprise impliquant un fort lien de confiance (ATF 115 II 50 consid. 1b p. 55, concernant la création d'une oeuvre artistique; GAUCH, op. cit., n. 22 et 44). 
 
4.2. C'est le lieu de qualifier l'accord litigieux à l'aune des prestations convenues.  
On trouve dans le contrat-cadre des expressions telles que "mandat", "mandats sous-traités" ou "mandataire". Cette terminologie ne lie pas pour autant le juge (art. 18 al. 1 CO; ATF 131 III 217 consid. 3 p. 219), ce dont convient la recourante. 
 
4.2.1. On rappelle (let. A.a supra) que la sous-traitante Z.________ SA devait prendre en charge, dans les locaux de C.________ SA, le courrier provenant de La Poste ou d'autres entreprises de courrier et le distribuer sur le site de cette société selon un horaire et un mode déterminés. Elle devait aussi récolter le courrier sortant, affranchir les lettres, marquer les colis et remettre le tout à La Poste. Enfin, elle devait collecter, traiter et distribuer le courrier interne selon un certain protocole. Toutes ces tâches étaient rétribuées par un forfait annuel de 385'600 fr.  
L'annexe, qui constituait un contrat "de niveau de service", imposait à la sous-traitante des standards de qualité dans l'exécution de ses prestations. Elle devait atteindre une performance minimale de 95% en moyenne mensuelle. 
 
4.2.2. Avec la cour cantonale, il faut admettre qu'il ne pesait pas, sur le résultat de l'activité promise par Z.________ SA, un aléa comparable à celui planant sur la prestation d'un mandataire. On ne voit pas, dans l'état de fait qui lie la cour de céans, ce qui eût pu empêcher Z.________ SA de garantir un résultat et eût justifié qu'elle s'engageât seulement à exécuter ses obligations avec toute la diligence requise. Même si l'on ignore le contenu précis de l'annexe, le fait de réglementer les standards de qualité à atteindre peut être vu comme l'un des signes plaidant pour une obligation de résultat. L'on concédera à la recourante que de tels standards peuvent aussi se rencontrer dans un mandat; en revanche, l'engagement de garantir une performance minimale de 95% ne semble guère compatible avec ce type de contrat. La recourante voudrait imposer la thèse d'une simple quantification (5%) de "l'aléa irréductible propre à une obligation de moyen". Elle ne parvient pas à convaincre: car on ne voit guère comment il serait possible de chiffrer la part d'imprévu entourant une obligation de moyen et de garantir un résultat à 95%. La recourante n'est d'ailleurs guère loquace sur les aléas qui grèveraient les prestations dues à C.________ SA. Elle préfère se retrancher derrière l'argument selon lequel lesdites obligations ne modifieraient pas le monde matériel ou immatériel. Dans le même temps, elle concède que des choses mobilières devaient être déplacées, ce qui peut constituer une telle modification. Toutefois, elle se trompe derechef lorsqu'elle pense pouvoir en déduire l'existence d'un contrat de transport (cf. consid. 4.2.3 infra).  
La recourante croit aussi déceler dans la relation contractuelle une autre caractéristique du mandat, soit l'élément de confiance, que les juges cantonaux auraient sous-estimé. Elle en veut pour preuve que le courrier ne devait pas être ouvert subrepticement, ni être acheminé avec retard. 
On trouve certes dans le contrat une clause de confidentialité et un renvoi aux dispositions relatives au secret postal. Cependant, la nécessité d'entretenir une certaine confiance ne s'impose pas seulement dans le mandat (cf. supra consid. 4.1.3 i.f.). Et cet aspect ne saurait être surestimé dans le cas concret, où la cliente principale, soit C.________ SA, s'est accommodée d'une solution de sous-traitance. Même si elle connaissait déjà Z.________ SA en raison du précédent contrat, elle a bel et bien permis la délégation des prestations.  
La recourante échoue ainsi à démontrer que leur relation contractuelle revêtait les traits d'un mandat proprement dit, ou des éléments prépondérants de ce contrat. 
 
4.2.3. Elle tente surtout d'imposer la thèse d'un contrat de transport.  
Au niveau factuel, les juges cantonaux auraient indûment dissocié deux éléments qui relèveraient selon elle de la tautologie: l'obligation de remettre le courrier sortant à La Poste impliquerait nécessairement de transporter le courrier hors du site de C.________ SA jusqu'à l'office postal. 
En réalité, une telle conclusion ne s'impose pas de façon impérieuse. Il est concevable qu'une entreprise notoirement aussi importante que C.________ SA négocie un arrangement avec La Poste pour qu'elle vienne enlever le courrier sur son site. 
La recourante objecte encore que le courrier devait bel et bien être transporté d'un lieu à un autre à l'intérieur de l'entreprise C.________ SA; or, on ne saurait conditionner la qualification de "contrat de transport" à une distance minimale entre deux points. En réalité, elle ne fait que jouer sur les mots au mépris de la typicité des contrats. Car on ne saurait sérieusement voir dans les prestations dues une obligation de transport au sens où l'entendent les art. 440 ss CO. Et ce, quand bien même Z.________ SA aurait dû apporter le courrier sortant à l'office postal; l'obligation (hypothétique) d'acheminer jusqu'au bureau de poste le courrier d'une entreprise située au centre-ville ne constitue pas la prestation la plus importante, qui marquerait la relation au point d'en faire un contrat de transport. 
Qui plus est, l'accord prévu était un contrat de durée prévoyant une rémunération forfaitaire sans égard au volume du courrier à traiter. Il se distingue, de ce point de vue aussi, du contrat de transport nommé (consid. 4.1.2 supra). La recourante ne saurait contourner l'écueil du contrat sui generis en défendant l'existence d'une accumulation de "micro-contrats de voiturier".  
 
4.3. En bref, la Cour d'appel n'a pas enfreint le droit fédéral en qualifiant l'accord des parties de contrat innommé, n'ayant ni les traits d'un mandat, ni ceux d'un contrat de transport, si bien que l'application de l'art. 404 al. 1 CO n'entrait pas en considération.  
 
5.  
 
5.1. A titre subsidiaire, la recourante plaide qu'elle était en droit de résilier le contrat en vertu de l'art. 12.2 du contrat ou de l'art. 378 CO, voire de l'art. 119 CO.  
Elle concède que ce pan de grief présuppose de modifier l'état de fait. Aussi reproche-t-elle à la cour cantonale de n'avoir pas constaté la résiliation du contrat principal par C.________ SA, respectivement le fait que cette entreprise lui aurait quasi retiré la gestion du courrier interne en raison d'une réorganisation. Elle prétend avoir fait des allégations en ce sens, qui auraient été admises par la partie adverse. Or, il y aurait là matière à retenir un juste motif de résilier le contrat de sous-traitance, respectivement l'impossibilité subséquente non fautive d'exécuter celui-ci. 
 
5.2. La cour cantonale a jugé non prouvée la résiliation du contrat principal par C.________ SA, respectivement la réorganisation entreprise par cette société. Cela étant, le grief se heurtait à un autre obstacle: A.________ AG avait renoncé en connaissance de cause à lier le sort du contrat de sous-traitance à celui du contrat principal. Aussi la rupture du second ne pouvait-elle justifier la dénonciation du premier.  
La recourante a omis de critiquer cette motivation alternative qui prive d'assise la thèse d'une résiliation fondée sur un juste motif, voire aussi celle d'une impossibilité subséquente non fautive. 
Peu importe, toutefois, puisque son moyen se révèle inconsistant, comme cela va être démontré. 
 
5.3.  
 
5.3.1. La demanderesse/recourante A.________ AG a présenté les allégués suivants dans sa réponse:  
 
"117. Suite à la réorganisation par C.________ SA, A.________ AG n'a pas eu d'autre choix que de mettre fin au Contrat tacite la liant à Z.________ SA, dès lors que le service courrier dont cette dernière avait la charge disparaissait. 
118. Ainsi, sur l'ensemble des activités déployées par Z.________ SA dans le cadre du Contrat tacite [qui les liait], seules 10% des activités seraient reprises telles quelles selon la réorganisation de la gestion du courrier interne qu'avait choisie C.________ SA. 
119. Dès lors que Z.________ SA agissait en tant que sous-traitant[e] des obligations d'A.________ AG, cette réorganisation par C.________ SA rend ait impossible de facto l'exécution des prestations dont Z.________ SA était chargée."  
La demanderesse/intimée Z.________ SA s'est déterminée ainsi: 
 
" Ad 117 Contesté. Il n'appartenait pas à Z.________ SA de supporter le risque de la résiliation du rapport contractuel entre C.________ SA et A.________ AG. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un contrat tacite mais de la relation contractuelle telle qu'elle ressort de la documentation produite sous titres 6 et 7 Dem.  
Ad 118 et 119 Contestés. "  
 
5.3.2. La recourante discerne dans ces déterminations un aveu quant à la réorganisation opérée par C.________ SA, qui lui aurait quasi retiré la gestion du service courrier. Il n'en est rien.  
Le justiciable doit exposer quels faits allégués par la partie adverse sont reconnus ou contestés (cf. art. 222 al. 2 2e phrase CPC). Ses déterminations permettent de définir quels allégués devront être prouvés - i.e ceux qui ont été contestés (art. 150 al. 1 CPC).  
Il suffit généralement de contester les allégués adverses - de façon précise, sur chaque fait isolément (" im Einzelnen ") -, sans devoir en donner la raison, ni collaborer à l'administration des preuves. Dans certaines circonstances exceptionnelles, il faut étayer davantage la contestation ( substanziieren) ou apporter son aide pour parer à un état de nécessité probatoire (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2; arrêt 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 4.2.1; DENIS TAPPY, in Commentaire romand [CPC], op. cit., nos 18 ss ad art. 222 CPC; DANIEL WILLISEGGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, nos 20 ss ad art. 222 CPC; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2e éd. 2016, n. 1280 ss).  
 
5.3.3. L'intimée suggère d'écarter le grief sous prétexte que la recourante ne se plaint pas d'arbitraire, sur une question relevant de l'appréciation des preuves.  
Certains arrêts précisent effectivement que le juge se trouve sur le terrain factuel, respectivement apprécie les preuves lorsqu'il doit déterminer dans quelle mesure un allégué est contesté (arrêt 5A_91/2014 du 29 avril 2014 consid. 3.2, cité ensuite dans les arrêts 4A_268/2021 du 18 mai 2022 consid. 4.1; 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 4.2.2; 5A_892/2014 du 18 mai 2015 consid. 2.2). Au-delà de la constatation du contenu exact des écritures des parties (TAPPY, op. cit., n° 22c ad art. 222 CPC), on peut se demander s'il se justifie de traiter cette thématique différemment de l'interprétation des conclusions: celles-ci, en tant que déclarations de volonté unilatérales faites dans le procès à l'attention du juge et de la partie adverse, doivent être interprétées selon le principe de la confiance, opération que le Tribunal fédéral peut revoir librement (arrêt 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.2; ATF 105 II 149 consid. 2a; HOHL, op. cit., n. 414; MAX GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd. 1979, p. 262 ch. VI). Un commentateur plaide dans ce sens avec un argument un peu différent, à savoir que la notion de fait contesté ressortit au droit fédéral (TAPPY, ibidem).  
Cette question souffre cependant de rester indécise. Car, même en l'examinant sans réserve, le grief se révèle inconsistant. 
 
5.3.4. En toute conformité avec le droit fédéral, l'autorité précédente pouvait tenir pour contesté:  
 
- le fait que C.________ SA avait procédé à une réorganisation, 
- qu'en raison de celle-ci, la gestion du service courrier disparaissait, 
- que 10% seulement des activités déployées par Z.________ SA dans le cadre du contrat de sous-traitance seraient reprises telles quelles, 
- et que par conséquent, Z.________ SA ne pouvait de facto plus continuer à exécuter les prestations dont A.________ AG l'avait chargée.  
Prise isolément, la détermination sur l'allégué 117 pourrait certes revêtir une certaine ambiguïté. Ce n'est probablement pas le fruit du hasard si la recourante a reproduit uniquement cette assertion et la détermination y relative dans son mémoire, tout en renvoyant explicitement aux "allégués topiques" 117 à 119 de la réponse. Ceci dit, l'équivoque a été provoquée par la recourante elle-même, qui a concentré plusieurs faits et débordé sur le terrain juridique. Le doute est cependant levé par les déterminations relatives aux allégués 118 et 119: Z.________ SA a clairement contesté que 10% seulement des activités dont elle était chargée seraient reprises dans le cadre de la réorganisation du courrier interne voulue par C.________ SA et a nié qu'il était devenu de facto impossible d'exécuter les tâches que A.________ AG lui avait déléguées.  
 
5.4. Au surplus, la recourante a renoncé à plaider l'arbitraire dans l'appréciation portée par la cour cantonale, qui a considéré comme non prouvés les allégués précités. Lorsqu'elle objecte que Z.________ SA a d'emblée contesté la résiliation de son propre contrat mais n'a pas mis en doute la réorganisation opérée par C.________ SA, elle ne s'attaque pas, comme elle le pense, à l'interprétation des déterminations sur allégués, mais bien à l'appréciation des preuves, si bien qu'il eût fallu dénoncer un arbitraire.  
 
5.5. Sur la base de l'état de fait qui lie la cour de céans, il n'y a pas matière à retenir un juste motif de résiliation au sens de l'art. 12.2 du contrat, respectivement une impossibilité d'exécution non fautive. La recourante elle-même ne le soutient pas.  
Au surplus, elle ne soulève pas d'autres griefs, ce qui permet de clore la discussion (ATF 140 III 115 consid. 2). 
 
6.  
En définitive, le recours doit être entièrement rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF) qui versera à son adverse partie une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 20 décembre 2022 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Monti