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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_32/2011 
 
Arrêt du 20 septembre 2011 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représentée par 
Me Jean-Pierre Garbade, 
recourante, 
 
contre 
 
Royaume d'Arabie Saoudite, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; jugement par défaut, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 29 novembre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Du 1er décembre 2006 au 24 août 2007, X.________, ressortissante indonésienne, a travaillé comme employée de maison à la résidence genevoise du Consul général du Royaume d'Arabie saoudite, A.________. 
 
B. 
Par demande du 6 décembre 2007, X.________ a assigné A.________ en paiement d'un montant de 80'742 fr.10 avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 2007, soit 6'628 fr. à titre de solde de salaire, 3'142 fr.90 à titre d'indemnité pour vacances non prises, 50'391 fr.70 à titre d'heures supplémentaires effectuées les jours ouvrables, les dimanches et les jours fériés, ainsi que 20'580 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif. 
 
Par acte du 31 mars 2008, X.________ a déposé une demande en paiement contre le Royaume d'Arabie saoudite, pris conjointement ou alternativement avec A.________. Les conclusions et le contenu de cette demande sont identiques à ceux de la demande susmentionnée du 6 décembre 2007. 
 
Les procédures ont fait l'objet d'une instruction commune, mais n'ont pas été jointes. 
 
Une audience s'est tenue devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève en date du 2 décembre 2008. A cette occasion, le tribunal a constaté l'absence de tout représentant du Royaume d'Arabie saoudite et réservé la suite de la procédure concernant ce défaut. 
 
Lors d'une audience tenue le 19 mars 2009, la demanderesse a amplifié ses conclusions, portant le total de ses prétentions à 94'796 fr.90. 
 
Par jugement du 9 novembre 2009, le Tribunal des prud'hommes, statuant contradictoirement, a notamment rejeté l'exception d'immunité de juridiction soulevée par A.________ et condamné ce dernier à payer à X.________ la somme brute de 12'372 fr.30, plus intérêts à 5% dès le 31 octobre 2007. Ce montant représentait 1'922 fr. à titre de solde de salaire, 1'103 fr.25 à titre d'indemnité pour le logement et la nourriture pour la période, 4'682 fr.65 à titre d'indemnité pour vacances non prises et 4'664 fr.40 à titre d'indemnité pour travail le dimanche et les jours fériés. Le tribunal a débouté la demanderesse de ses prétentions en indemnisation d'heures supplémentaires, jugeant qu'elle n'avait prouvé ni par pièce ni par témoignage avoir effectué chaque jour entre 14 et 15 heures de travail. 
 
Dans un jugement par défaut du 9 novembre 2009 également, le Tribunal des prud'hommes a notamment rejeté l'exception d'immunité de juridiction soulevée par le Royaume d'Arabie saoudite, prononcé le défaut contre cette partie et condamné celle-ci à payer à X.________ la somme brute de 12'372 fr.30, plus intérêts à 5% dès le 31 octobre 2007. 
 
Uniquement dans les considérants des deux jugements (contradictoire et par défaut), le tribunal a relevé que A.________ et le Royaume d'Arabie saoudite étaient débiteurs solidaires du montant de 12'372 fr.30, car ils s'étaient mis d'accord pour engager ensemble la demanderesse. Invoquant l'art. 83 de la loi de procédure civile genevoise (applicable lorsqu'une demande fondée sur le même titre et ayant le même objet est formée contre plusieurs parties), le tribunal a considéré que, malgré le défaut, le Royaume d'Arabie saoudite pouvait bénéficier des éléments issus de la défense de A.________ et qu'il devait, en conséquence, être condamné à payer le même montant que l'autre défendeur, ce qui évitait toute contradiction entre les jugements. 
 
A.________ et X.________ ont tous deux interjeté appel contre le jugement rendu contradictoirement. La demanderesse a également déposé un appel contre le jugement par défaut. Le Royaume d'Arabie saoudite n'a pas formé opposition. 
 
Après avoir joint les appels, la Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève a, par arrêt du 29 novembre 2010, admis l'appel de A.________, annulé le jugement contradictoire et débouté X.________ de toutes ses conclusions à l'endroit du Consul général. Contrairement au Tribunal des prud'hommes, elle a jugé qu'il n'existait pas de contrat de société simple entre A.________ et le Royaume d'Arabie saoudite en tant qu'employeurs conjoints de X.________ et que, dès l'engagement, seul le Royaume d'Arabie saoudite avait été l'employeur de la demanderesse, de sorte que le Consul général n'avait pas la légitimation passive. Par ailleurs, dans le même arrêt, la Cour d'appel a admis partiellement l'appel de X.________ contre le jugement par défaut, annulé partiellement ladite décision et condamné le Royaume d'Arabie saoudite à payer à la demanderesse la somme brute de 12'854 fr., plus intérêts à 5% dès le 31 octobre 2007. 
 
C. 
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler le chiffre 2 du dispositif de l'arrêt cantonal dans la mesure où il condamne le Royaume d'Arabie saoudite à lui payer la somme brute de 12'854 fr., puis de condamner le Royaume d'Arabie saoudite à lui payer la somme nette de 40'262 fr.64 avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 2007. Ce montant correspond à la prétention telle que fixée dans le jugement par défaut (12'854 fr.), additionnée de l'indemnisation des heures supplémentaires alléguées dans le mémoire d'appel pour la période du 1er décembre 2006 au 24 août 2007 (27'408 fr.64). 
 
La recourante a requis l'assistance judiciaire. Par ordonnance du 16 mai 2011, la cour de céans a admis cette demande et désigné Me Jean-Pierre Garbade comme avocat d'office de la recourante. 
 
Le Royaume d'Arabie saoudite n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui a été fixé à cet effet. 
 
La cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire de droit du travail dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). Il émane d'une partie qui n'a pas obtenu entièrement gain de cause (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. c et art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable. 
 
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400 s.) 
 
2. 
2.1 La recourante se plaint d'une violation arbitraire du droit cantonal en matière de défaut du défendeur. Elle reproche à la cour cantonale de n'avoir arbitrairement pas appliqué l'art. 35 al. 1 de la loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes du 25 février 1999 (LJP/GE en vigueur lors du prononcé de l'arrêt cantonal) pour juger ses prétentions en indemnisation des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées. Dans son mémoire d'appel, elle avait allégué avoir travaillé 13 heures par jour six jours par semaine, soit 78 heures hebdomadaires représentant 32 heures supplémentaires par semaine. A suivre la recourante, la cour cantonale aurait dû condamner l'intimé défaillant à payer les heures supplémentaires correspondantes, soit 27'408 fr.64, sans exiger de preuves de la part de l'employée. 
 
2.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable ou même préférable. Le Tribunal fédéral n'annule la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.). 
 
En matière d'application du droit cantonal, arbitraire et violation de la loi ne doivent pas être confondus; une violation de la loi doit être manifeste et reconnaissable d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 18; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; cf. également ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s.). 
 
2.3 En principe, le travailleur qui prétend avoir effectué des heures supplémentaires doit les prouver. Si l'employeur fait défaut en procédure, la situation peut se présenter différemment. L'art. 35 al. 1 LJP/GE prévoit à ce sujet qu'en cas de défaut du défendeur, le demandeur obtient ses conclusions, sauf si le tribunal n'est pas compétent ou si les conclusions ne sont pas fondées sur les faits articulés ou les pièces produites. La teneur de cette disposition se retrouve à l'art. 79 al. 1 et à l'art. 80 let. b LPC/GE. Selon les commentateurs de cette loi, il y a une présomption d'exactitude en ce sens que les faits allégués par la partie présente sont réputés vrais dans la mesure où le contraire ne résulte pas du dossier; aucune vraisemblance ni aucun début de preuve ne sont exigés (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit., vol. I, n° 4 ad art. 80; cf. également JEAN-RENÉ H. MERMOUD, Loi de procédure civile genevoise annotée, note ad art. 80 let. b). 
 
2.4 En l'espèce, le Tribunal des prud'hommes n'a pas appliqué l'art. 35 al. 1 LJP/GE à la conclusion en paiement des heures supplémentaires prises par la recourante contre l'intimé. En effet, dans les considérants des deux jugements - contradictoire et par défaut - qu'il a rendus le 9 novembre 2009, le tribunal avait admis que le Consul et l'intimé étaient les employeurs solidaires de la recourante. Dans le jugement par défaut, il s'est référé à l'art. 83 LPC/GE relatif au défaut d'un consort pour admettre que l'intimé, défaillant, pouvait bénéficier des éléments issus de la défense du Consul, afin d'éviter des décisions contradictoires (cf. BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit., vol. I, n° 1 ad art. 83). Ainsi, le fait que l'employée de maison n'avait, selon le Tribunal de première instance, pas rapporté la preuve des heures supplémentaires effectuées a profité à l'intimé défaillant. 
 
Par un seul mémoire, la recourante a appelé des deux jugements de première instance. Elle ne remettait pas alors en cause le fait que le Consul et l'intimé étaient débiteurs solidaires de son salaire; elle concluait à ce que ces deux parties fussent condamnées, conjointement et solidairement, à lui payer la somme totale de 94'796 fr.90. En ce qui concerne les heures supplémentaires, elle n'invoquait pas les dispositions sur le défaut, mais faisait valoir qu'elle avait rapporté la preuve de ses allégués. Pour sa part, le Consul a interjeté appel contre le jugement contradictoire. 
 
La cour cantonale a traité les deux appels dans un même arrêt. Lors de l'examen de l'appel du Consul, qui contestait sa légitimation passive, elle est parvenue à la conclusion que l'appelant n'avait jamais été l'employeur de la recourante. En conséquence, la Cour d'appel a annulé le jugement contradictoire et débouté la recourante de toutes ses conclusions à l'endroit du Consul. 
 
La cour cantonale a ensuite examiné la question des heures supplémentaires dans le cadre de l'appel de la recourante. Le Tribunal des prud'hommes avait jugé que l'employée n'avait pas prouvé les heures supplémentaires qu'elle alléguait avoir effectuées. La Cour d'appel est parvenue à la même conclusion. Elle s'est limitée à rechercher si, comme la recourante le prétendait dans son appel, l'employée de maison avait démontré avoir effectué les heures supplémentaires alléguées. 
 
La question est de savoir si, ce faisant, les juges genevois ont appliqué arbitrairement le droit cantonal. Plus précisément, il s'agit de déterminer si, dès l'instant où elle avait nié la solidarité des deux employeurs, la cour cantonale devait appliquer l'art. 35 al. 1 LJP/GE aux heures supplémentaires alléguées, sous peine de verser dans l'arbitraire. 
 
2.5 A ce sujet, il faut observer tout d'abord que, en tant qu'il était dirigé contre le jugement par défaut, l'appel de la recourante ne contenait aucun grief en relation avec une éventuelle mauvaise application des dispositions cantonales sur le défaut. 
C'est lors de l'examen de l'appel du Consul contre le jugement contradictoire que les juges genevois ont retenu que la recourante n'avait pas travaillé pour deux employeurs solidaires, mais uniquement pour l'intimé. Amenée à examiner ensuite l'appel d'une autre partie contre un jugement par défaut rendu à l'encontre d'un autre défendeur, la cour cantonale n'avait pas nécessairement à prendre en compte cet élément. En l'absence d'un grief en rapport avec les dispositions sur le défaut, elle n'était pas tenue d'appliquer sponte sua l'art. 35 al. 1 LJP/GE aux heures supplémentaires prétendument effectuées lors de l'engagement de la recourante dans la résidence du Consul. En se limitant à examiner le moyen soulevé par la recourante, qui prétendait avoir prouvé lesdites heures supplémentaires, l'autorité cantonale n'a en tout cas pas appliqué le droit cantonal de manière arbitraire dans les circonstances particulières de l'espèce. 
 
Le grief tiré d'une violation de l'art. 9 Cst. doit dès lors être écarté. 
 
3. 
En conclusion, le recours sera rejeté. 
 
La recourante étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, il ne sera pas perçu de frais judiciaires. La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité à titre d'honoraires d'avocat d'office. Comme il n'a pas déposé de réponse, l'intimé ne peut prétendre à des dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jean-Pierre Garbade une indemnité de 2'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 20 septembre 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
La Greffière: Godat Zimmermann