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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_158/2018  
 
 
Arrêt du 4 juillet 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Alexandre Böhler, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève. 
 
Objet 
droits politiques; notice explicative en vue du premier tour de l'élection du Conseil d'Etat, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 5 avril 2018 (ACST/6/2018 - A/1055/2018-ELEVOT). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par arrêté du 11 janvier 2017, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a fixé au dimanche 15 avril 2018 la date de l'élection du Grand Conseil et du premier tour de l'élection du Conseil d'Etat, le second tour éventuel étant prévu le dimanche 6 mai 2018. Le délai pour le dépôt des listes de candidatures pour l'élection du Grand Conseil et le premier tour de l'élection du Conseil d'Etat était fixé au lundi 5 février 2018 avant midi et, pour le second tour, au mardi 17 avril 2018 avant midi. 
Le 12 mars 2018, le matériel de vote a été expédié aux électeurs genevois résidant à l'étranger et mis en ligne sur le site internet de l'Etat de Genève, y compris une version en fichier «pdf» de la brochure explicative envoyée aux électeurs. Le matériel de vote destiné aux électeurs domiciliés dans le canton a été envoyé en courrier B1 entre le 13 et le 26 mars 2018. 
Le 15 mars 2018, un exemplaire de la brochure explicative a été distribué aux douze journalistes présents lors d'une rencontre avec les médias organisée par la Chancellerie d'Etat. 
Cette brochure contient en page 18, dans la rubrique «Conseil d'État : Comment exprimer mes choix ?», deux textes illustrés chacun d'un bulletin reproduit en miniature. Le premier texte a la teneur suivante : «Je dois utiliser l'unique bulletin officiel de couleur blanche. Pour cette élection, j'ajoute à la main une croix (pas en rouge) dans la case en regard de chaque candidat-e choisi-e. Attention : je n'inscris au maximum que 7 croix, car si je dépasse ce nombre mon bulletin sera annulé». Le bulletin illustrant ce texte, d'une taille de 4,6 centimètres sur 3,2 centimètres et correspondant à une réduction de 7,5 fois par rapport au bulletin officiel, contient - dans une police de caractères dont les majuscules sont inférieures à un demi-millimètre de hauteur (police Arial Mt 1.35) - une partie des listes et candidats réels à l'élection au Conseil d'État, associés à un certain nombre de listes et noms de candidats de fantaisie. Cinq cases étaient déjà cochées, correspondant toutes à des candidats réels, soit les trois candidats du parti libéral-radical et deux des trois candidats du parti socialiste, tandis que l'électeur, représenté par une main stylisée tenant un outil scripteur, s'apprêtait à cocher la case correspondant à un autre candidat réel, soit l'un des trois présentés par l'Union démocratique du centre (étant précisé que seuls deux des trois candidats de cette formation figuraient sur le bulletin fictif). Le fichier «pdf» disponible en ligne sur le site internet de l'Etat de Genève pouvait faire l'objet d'un agrandissement, permettant alors de lire plus distinctement le nom des candidats. 
Le 20 mars 2018, à 07h00, la Chancellerie d'Etat a été informée d'une polémique engagée la veille sur les réseaux sociaux et concernant l'illustration de la page 18 de la brochure. A 08h30, elle a retiré la brochure explicative figurant sur le site internet et l'a remplacée par une nouvelle version contenant un autre bulletin d'illustration en page 18, qui ne contenait que des noms de fantaisie. A 14h00, elle a diffusé un communiqué de presse dans lequel elle reconnaissait avoir commis une maladresse et déclarait regretter la situation. Elle estimait que cette situation malencontreuse n'était pas de nature à influencer la libre formation de l'opinion des électeurs. 
Le 20 mars 2018, en fin de journée, la Tribune de Genève a publié sur son site internet un article électronique intitulé «la brochure électorale est contestée», avec une reproduction de l'illustration litigieuse et un résumé de la polémique à son endroit. Le journal Le Temps en a fait de même, sous le titre «une "Genferei" pourrait compromettre les élections». Le soir, les chaînes de télévision RTS1 et Léman Bleu ont diffusé des sujets sur la question. 
Le 21 mars 2018, la Tribune de Genève, Le Temps et Le Courrier ont publié des articles dans leur édition papier à ce sujet. Le quotidien 20 minutes en a fait de même le lendemain. 
Le 23 mars 2018, la Chancellerie d'Etat a encore modifié la version en ligne de la brochure explicative, en remplaçant dans l'illustration en cause les noms de fantaisie par les termes «candidat 1», «candidat 2», etc. 
 
B.   
Par acte posté le 28 mars 2018, A.________ a interjeté recours contre la notice explicative relative à l'élection du Conseil d'Etat en concluant à l'annulation des opérations électorales du 15 avril 2018. 
La Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré le recours irrecevable au motif qu'il n'avait pas été déposé dans le délai de six jours fixé à l'art. 62 al. 1 let. c de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; RSGE 5 10) en matière de votations et élections. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, de dire et constater que la notice explicative viole les opérations électorales en vue du premier tour de l'élection du Conseil d'Etat du 15 avril 2018, d'annuler ce scrutin ainsi que l'élection du Grand Conseil du 15 avril 2018. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt de la Chambre constitutionnelle et au renvoi de la cause à cette autorité. 
La Chambre constitutionnelle a renoncé à formuler des observations. Le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité des conclusions du recours en tant qu'elles invitent le Tribunal fédéral à se prononcer sur le fond du litige et au rejet du recours. 
Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Cette voie de recours permet en particulier au citoyen de contester la régularité des opérations précédant l'élection et la conformité d'une notice explicative de la Chancellerie d'Etat au droit de vote des citoyens. C'est également par cette voie qu'il y a lieu de contester une décision d'irrecevabilité prise en ce domaine (arrêts 1C_811/2013 du 13 novembre 2013 et 1C_52/2010 du 21 avril 2010 consid. 1.1). Le recourant est directement touché par l'irrecevabilité de son recours cantonal et a un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la Chambre constitutionnelle pour qu'elle statue sur le fond, indépendamment du fait qu'elle se soit prononcée au fond sur des recours similaires en les rejetant ou que l'élection au Conseil d'Etat ait été validée et n'a donné lieu à aucun recours. Il a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
La Chambre constitutionnelle ayant refusé d'entrer en matière sur le recours sans se prononcer sur les griefs matériels, seule la question de la recevabilité du recours cantonal peut être portée devant le Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation. Aussi, dans la mesure où le recourant lui demande de constater que la notice explicative viole les opérations électorales en vue du premier tour de l'élection du Conseil d'Etat du 15 avril 2018, d'annuler ce scrutin ainsi que l'élection du Grand Conseil du 15 avril 2018, il prend des conclusions sur le fond qui ne sont pas recevables (cf. ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 121). Il en va de même des griefs qu'il développe au fond en lien avec la violation de la garantie des droits politiques. 
 
2.   
Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote, aux élections et aux votations ou qui en précisent le contenu et l'étendue (art. 95 let. d LTF; ATF 135 I 19 consid. 4 p. 24). Il examine en revanche sous l'angle de l'arbitraire l'interprétation ou l'application des autres règles du droit cantonal, en particulier les normes de procédure (art. 95 let. a LTF; ATF 131 I 126 consid. 4 p. 131). Tel est le cas en l'espèce où le prononcé d'irrecevabilité est fondé sur le droit cantonal de procédure dont le recourant prétend qu'il aurait été appliqué arbitrairement. 
 
3.   
Conformément à l'art. 62 al. 1 let. c LPA, le délai de recours est de six jours en matière de votations et d'élections. Selon la jurisprudence cantonale mentionnée dans l'arrêt attaqué, ce délai court à compter du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l'irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales. Cette interprétation s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence en vertu de laquelle, en matière d'élections et de votations, le citoyen qui fait valoir une irrégularité dans la préparation d'un scrutin doit former son recours immédiatement, sans attendre le résultat du vote; s'il omet de le faire alors qu'il en a la possibilité, il s'expose aux risques de la péremption de son droit de recourir. Le délai commence à courir au moment où l'intéressé a connaissance de l'acte préparatoire contesté (ATF 140 I 338 consid. 4.4 p. 341; 118 Ia 415 consid. 2a p. 417). 
 
4.   
La Chambre constitutionnelle a relevé que le matériel de vote destiné aux électeurs domiciliés dans le canton avait été expédié, en courrier B1, à partir du 13 mars 2018. Il ne ressortait pas du dossier que le recourant ait reçu son matériel de vote avant le 20 mars 2018 et il ne le prétendait pas davantage. Cela étant, la problématique en lien avec le contenu de la brochure explicative a fait l'objet d'un communiqué officiel du Conseil d'Etat le 20 mars 2018, ce dont la presse s'est largement fait l'écho les 20 et 21 mars 2018. Le recourant ne l'ignorait pas puisqu'il mentionne ce dernier point dans sa présentation des faits. Or le communiqué et plusieurs des articles de presse mentionnaient expressément qu'il ne serait pas procédé à une réexpédition de la notice explicative. Dès lors, le recourant ne saurait prétendre qu'il a découvert l'informalité alléguée le 28 mars 2018 en recevant son matériel de vote. Tant le contenu de la brochure que le fait que la version papier de celle-ci ne serait pas remaniée étaient connus du public, et en particulier des personnes actives dans un parti politique ou impliquées dans la vie publique, comme l'est notoirement le recourant, depuis le 20 mars 2018, voire au plus tard le 21 mars 2018. Le dies a quo du délai étant ainsi en l'espèce, dans l'hypothèse la plus favorable au recourant, le 21 mars 2018, le délai de recours venait à échéance le 27 mars 2018, si bien que le recours, posté le 28 mars 2018, était tardif, en l'absence d'élément invoqué susceptible de constituer un cas de force majeure. Il s'ensuit que le recours est manifestement irrecevable. 
Le recourant reproche à la Chambre constitutionnelle de ne pas avoir cherché à déterminer la date exacte à laquelle il a effectivement pris connaissance de l'irrégularité contenue dans la brochure explicative et d'avoir procédé à une fiction. La connaissance d'une information ne dépend pas de l'implication d'une personne dans la vie publique ou dans un parti politique. Une telle approche reviendrait à attribuer à une catégorie de la population certaines connaissances indépendamment de la situation de chacun. Les réseaux sociaux, un communiqué de presse de la Chancellerie d'Etat et des articles de journaux ne valent pas publication par voie édictale même pour la population qui s'implique dans la vie politique. Le recourant conteste au surplus avoir été informé de la polémique sur les réseaux sociaux, affirme n'avoir jamais vu le communiqué de presse du 20 mars 2018 et n'avoir pas attentivement lu les articles de presse parus, préférant se fier à la notice explicative qu'il recevrait par la poste, pour constater lui-même si les instructions de vote litigieuses étaient visibles ou non à l'oeil nu, s'agissant d'un élément déterminant pour décider, ou non, de recourir. Il n'aurait ainsi effectivement pris connaissance de l'irrégularité de la notice explicative que le 28 mars 2018, lors de la réception du matériel de vote. 
Comme le relève le recourant, savoir quand une personne a eu connaissance d'une information relève des constatations de faits, tout comme déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1 p. 84; 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4; arrêt 1C_457/2013 du 26 novembre 2013 consid. 3.2); le Tribunal fédéral ne revoit donc cet élément que sous l'angle de l'arbitraire. 
Le recourant ne conteste pas s'être référé aux articles parus dans la presse les 20 et 21 mars 2018 dans son recours cantonal. Il affirme n'avoir pris connaissance de leur contenu qu'à réception du matériel de vote et avoir établi l'exposé des faits de son recours cantonal sur la base des informations disponibles en ligne le 28 mars 2018. Toutefois, la lecture du recours cantonal conduit à une autre appréciation. Aux chiffres 16 et 17, le recourant précise que la presse romande s'est faite l'écho de la notice explicative le 20 mars 2018 et que, toujours selon la presse, la Chancellerie d'Etat a remplacé tous les noms des candidats réels par des noms de fantaisie dans la version électronique de la notice explicative en ligne sur son site internet. Il relève au surplus en page 6 de son recours que "  contrairement à ce qu'il espérait, la notice explicative n'a pas été modifiée ensuite des problèmes révélés avec la version qui était en ligne" et que "ce n'est qu'à réception de son propre bulletin de vote qu'il a pu s'en apercevoir et s'en assurer de lui-même, indépendamment de ce que la presse a pu affirmer". Le recourant était donc informé de l'irrégularité affectant la notice explicative avant la réception du matériel de vote. En outre, comme le précise la Chancellerie d'Etat, il a produit en annexe à son recours la deuxième version électronique de cette notice, qui se réfère à des noms de fantaisie, laquelle n'a été mise en ligne que du 20 au 23 mars 2018. Par ailleurs, la controverse suscitée par la notice explicative a fait l'objet de plusieurs articles et comptes rendus dans différents journaux et à la télévision entre le 20 et le 21 mars 2018. Ainsi, dans cette configuration particulière des faits, la Chambre constitutionnelle n'a pas fait preuve d'arbitraire en retenant que le recourant avait pris connaissance de l'irrégularité affectant la notice explicative au plus tard le 21 mars 2018, date de la parution des articles de presse y relatifs dans la Tribune de Genève, Le Temps et Le Courrier, et qu'en déposant son recours le 28 mars 2018, il avait agi tardivement car il savait aussi le 21 mars 2018 qu'il ne serait pas envoyé aux électeurs une nouvelle version papier de la notice explicative et ne pouvait de bonne foi prétendre attendre la réception du matériel de vote pour s'assurer que l'irrégularité n'avait pas été corrigée.  
L'irrecevabilité qui sanctionne l'inobservation d'un délai de recours n'est pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 125 V 65 consid. 1 p. 66; arrêt 1C_310/2010 du 6 décembre 2010 consid. 5.2). 
 
5.   
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF; ATF 133 I 141 consid. 4.1 in fine p. 143). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 juillet 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Parmelin