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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2}} 
4P.274/2004 /viz 
 
Arrêt du 24 mars 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Charif Feller. 
 
Parties 
M. et Mme A.________, 
recourants, 
représentés par Me Jean-Claude Perroud, avocat, 
 
contre 
 
M. et Mme B.________, 
intimés, 
représentés par Me Philippe Richard, avocat, 
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. 
 
Objet 
art. 9 et 29 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure civile; déni de justice), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 18 août 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 9 juillet 1981, M. et Mme A.________ (recourants) ont conclu avec C.________, D.________ et E.________ (propriétaires) un contrat de bail portant sur la location d'un appartement partiellement meublé de trois pièces, sis au premier étage de la ruelle X.________, à Nyon. Etabli pour une durée initiale de cinq ans, le bail était par la suite renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation donnée quatre mois avant l'échéance. Le loyer mensuel a été fixé à 600 fr., charges non comprises. Il a été augmenté et a atteint, dès mai 1996, 794 fr., charges en plus. 
Le 25 mai 1999, les propriétaires de l'immeuble ont conclu avec M. B.________ (intimé) et une société, représentée par Mme B.________ (intimée), un contrat de vente conditionnelle. Celui-ci exigeait notamment que les acheteurs obtiennent de la commune un permis de construire pour transformer et rénover entièrement l'immeuble, que le jour de la signature de la réquisition de transfert de propriété l'immeuble soit libre de bail et de tout occupant et que les venderesses s'engagent à résilier les baux. 
Le 13 décembre 1999, les recourants ont reçu un courrier à l'entête "Y.________ SA", dont il ressortait que les propriétaires, domiciliés à l'étranger, ne pouvaient plus, compte tenu de la distance qui les séparait de l'immeuble, en garantir l'entretien. Dès lors, une réfection totale devait être entreprise, qui obligeait à vider toute l'infrastructure intérieure de l'immeuble et qui nécessitait la résiliation des baux. Par avis officiels du même jour, le représentant des propriétaires a résilié le bail des recourants pour le 1er août 2000. 
Le 20 décembre 1999, les propriétaires ont déposé auprès de la commune une demande de permis de construire pour la transformation intérieure de leur immeuble, la création de lucarnes, de balcons et d'un garage, ainsi que la démolition d'une dépendance. A la même date, ils ont requis une autorisation pour la transformation et la rénovation de l'immeuble auprès du Service cantonal du logement (ci-après: SLog). Il ressort de cette requête que les propriétaires projetaient de transformer les sept logements loués en trois appartements, destinés à la vente en propriété par étages. Sous les rubriques "raisons des transformations" et "observations", les propriétaires ont indiqué qu'il s'agissait pour elles d'assainir l'immeuble et que le prix élevé des travaux ne permettait pas la location, l'objet étant dans un état très vétuste. 
B. 
B.a Après avoir donné un préavis favorable à la transformation, pour autant que les locataires soient relogés à des conditions similaires, la commune, par décision du 15 mai 2000, a levé les oppositions formées notamment par les recourants et a octroyé le permis de construire pour les travaux envisagés. Le SLog a délivré l'autorisation spéciale de transformer l'immeuble, le 6 mars 2000, estimant que l'état de vétusté de l'immeuble justifiait une rénovation complète. Celle-ci entraînerait un surcoût faisant passer les loyers dans une catégorie supérieure et les logements en dehors des catégories à pénurie et rendant ainsi possible leur transformation en propriété par étages. Le SLog a reconduit son autorisation, le 26 avril 2000. Dans son arrêt du 13 décembre 2000, le Tribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours formé notamment par les recourants contre la décision du SLog du 26 avril 2000, qu'il a annulée. Le 22 novembre 2001, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours déposé par les propriétaires à l'encontre de l'arrêt cantonal. 
Le 1er mars 2002, le SLog a accepté, sous conditions, le nouveau projet présenté par les propriétaires dans le courant de 2001, et la commune a délivré le permis de construire, le 25 mars 2002. Dans son arrêt du 11 février 2003, le Tribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours formé notamment par les recourants contre les décisions du SLog et de la municipalité, qu'il a annulées. Le 14 juillet 2003, le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par les propriétaires à l'encontre de l'arrêt cantonal. 
B.b Le 12 janvier 2000, les recourants ont contesté le congé signifié le 13 décembre 1999 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Nyon qui, par décision du 7 mars 2000, l'a déclaré valable et a accordé aux locataires une unique prolongation de bail jusqu'au 31 décembre 2000. Le 10 avril 2000, les recourants ont saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud en vue d'obtenir l'annulation du congé et, à titre subsidiaire, une première prolongation de bail jusqu'à fin 2002. Par courrier du 30 octobre 2002, les recourants ont requis une deuxième prolongation au 1er août 2004. 
Le 11 avril 2003, les intimés ont acquis l'immeuble litigieux. Par convention du 26 mai 2003, ils se sont substitués aux bailleresses dans la procédure pendante devant le Tribunal des baux. 
Par jugement du 19 janvier 2004, celui-ci a déclaré valable le congé signifié aux recourants le 13 décembre 1999 pour le 1er août 2000, et leur a accordé une unique prolongation de bail jusqu'au 31 décembre 2002. 
Statuant par arrêt du 18 août 2004, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours exercé par les recourants contre le jugement du Tribunal des baux. 
C. 
Parallèlement à un recours en réforme, les recourants déposent un recours de droit public et requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 août 2004. 
Les intimés concluent au rejet du recours. 
La Chambre des recours se réfère à son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de déroger à cette règle. 
2. 
2.1 Les recourants reprochent, en substance, à la Chambre des recours une constatation arbitraire des faits - en violation de la loi de procédure civile vaudoise (LPC/VD) - et une appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.) portant sur des faits pertinents pour l'issue du litige, contenus dans les arrêts rendus par le Tribunal administratif vaudois dans la présente espèce. Il en résulterait, en définitive, une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 Cst.). En outre, la Chambre des recours se serait totalement abstenue de motiver son refus de tenir compte des éléments pertinents ressortant desdits arrêts cantonaux. 
2.2 Les art. 452 al. 1ter et 456a LPC/VD, auxquels les recourants se réfèrent parallèlement aux dispositions constitutionnelles, concernent, en substance, la correction des lacunes de l'état de fait dans le cadre de la procédure de recours cantonal (singulièrement le recours en réforme cantonal contre les jugements rendus par un tribunal d'arrondissement ou un président en la procédure accélérée ou sommaire), le Tribunal cantonal pouvant y remédier en ordonnant l'administration de toute preuve ou mesure d'instruction qu'il juge utiles (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., n. 7 ad art. 452 et art 456a). 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adopté sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 
Selon la jurisprudence, il y a violation du droit d'être entendu notamment lorsque l'autorité nie d'emblée et sans raison valable toute pertinence à une preuve régulièrement offerte (ATF 106 II 170 consid. 6b p. 171; cf. ATF 119 II 386 consid. 1b p. 389). Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les arrêts cités). 
3. 
3.1 S'agissant de l'état de fait, l'arrêt attaqué renvoie à celui que retient le jugement du Tribunal des baux, en le complétant cependant sur deux points tirés de l'arrêt du Tribunal administratif du 11 février 2003. La Chambre des recours précise ainsi qu'au début avril 2001, les intimés ont présenté un nouveau projet au SLog qui, par courrier du 10 avril 2001, a déclaré ne pas pouvoir entrer en matière sur ce projet pour le motif qu'il était trop similaire à celui qui avait été "cassé" par le Tribunal administratif. La Chambre des recours précise également que l'expert mandaté par les recourants a estimé les coûts de remise en état de l'immeuble, permettant de maintenir des loyers abordables dans les logements, comme s'élevant à 1'376'270 fr. 
3.2 Les critiques des recourants portent plus précisément sur l'appréciation par la Chambre des recours des preuves relatives à la bonne foi des bailleurs, au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Selon cette disposition, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi. 
Avant de rappeler que les motifs invoqués par le bailleur doivent exister au moment de la résiliation, la Chambre des recours a estimé qu'il convenait d'examiner si les bailleurs avaient contrevenu aux règles de la bonne foi ou s'ils avaient commis un abus de droit en invoquant comme motif de la résiliation leur volonté - réelle - de rénover l'immeuble, rénovation légitime en soi vu l'état du bâtiment, mais en voulant faire des travaux qui n'étaient pas réalisables parce que non autorisables. 
La Chambre des recours a ensuite opéré une distinction entre, d'une part, le bailleur qui donne comme motif de congé le fait qu'il veut effectuer des travaux dont il sait qu'ils ne seront pas réalisables ou autorisés et, d'autre part, le bailleur qui a non seulement la volonté réelle d'exécuter des travaux, mais qui peut raisonnablement penser que ces travaux sont réalisables et qu'ils seront autorisés; dans le premier cas, le bailleur serait de mauvaise foi, mais pas dans le second. 
La Chambre des recours a conclu qu'on était loin, en l'espèce, des travaux irréalistes ou mensongers, d'emblée et certainement irréalisables. Pour aboutir à cette conclusion, elle a retenu que les travaux projetés par les intimés avaient été autorisés par la commune, le 15 mai 2000, et par le SLog, le 26 avril 2000. Ces deux décisions favorables aux bailleurs, rendues par des autorités compétentes en la matière prouveraient leur bonne foi, et leur annulation par l'arrêt du Tribunal administratif du 13 décembre 2000 n'y changerait rien. Dès lors, point n'était besoin, selon la Chambre des recours, d'examiner la motivation du Tribunal administratif aboutissant à l'admission du recours des locataires et à l'annulation desdites décisions. Suivant le même raisonnement, la Chambre des recours a également estimé que la volonté réelle et la bonne foi des bailleurs étaient confortés par le nouveau projet de transformation, présenté courant 2001 et autorisé une nouvelle fois par la commune et le SLog, et que l'arrêt du Tribunal administratif du 11 février 2003 n'y changeait rien. Les recourants n'auraient, en définitive, pas apporté la preuve, qui leur incombe, de la mauvaise foi des bailleurs. 
3.3 La Chambre des recours s'est fondée sur l'opinion d'une partie de la doctrine selon laquelle apparaît légitime le congé motivé par le besoin du bailleur pris dans son sens large (Barbey, Protection contre les congés concernant les baux d'habitation et de locaux commerciaux, n. 210, p. 179), dont fait partie son besoin en vue de travaux (Barbey, op. cit., n. 216, p. 180; SVIT- Kommentar Mietrecht, 2e éd., n. 32 ad art. 271 CO, p. 804). Ces auteurs, auxquels se réfère la Chambre des recours, admettent cependant l'annulabilité du congé, s'il est certain qu'il se heurtera à un refus d'autorisation de la part des autorités administratives compétentes (Barbey, op. cit., n. 216, p. 180), soit s'il est objectivement impossible (SVIT- Kommentar Mietrecht, op. cit., n. 32 ad art. 271 CO, p. 804), ce qu'il incombe au locataire de prouver (Barbey, op. cit., n. 211, p. 179). Dans ce cas-là, le juge civil est fondé à prendre en considération la question de savoir si les travaux sont critiquables sous l'angle des normes de la police des constructions ou de l'esthétique (Barbey, op. cit., n. 216, p. 180). 
En l'espèce, dans la mesure où les recourants ont régulièrement offert de prouver l'impossibilité objective du projet, qui résulterait des arrêts définitifs et exécutoires du Tribunal administratif vaudois, autorité administrative suprême du canton, compétente en la matière, la Chambre des recours ne pouvait, de manière soutenable, se fonder exclusivement sur la délivrance du permis de construire et sur l'autorisation octroyée par le SLog. Ce faisant, elle a écarté des éléments pertinents car permettant de mesurer le degré de l'impossibilité du projet litigieux et, par conséquent, de déterminer dans le cas présent si les travaux de transformation étaient objectivement autorisables ou pas, question qu'elle considère elle-même, à juste titre, comme essentielle (consid. 3.2 ci-avant). 
Savoir si des travaux sont autorisables ou pas est une question qui relève du droit cantonal. Il faut, en l'espèce, se référer à la loi vaudoise du 4 mars 1985 concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation, ainsi que l'utilisation de logements à d'autres fins que l'habitation (LDTR/VD). Au sujet de cette loi, la jurisprudence a du reste posé que l'assujettissement à une autorisation spéciale - octroyée par le SLog - au sens de l'art. 1 al. 1 LDTR/VD, des travaux de rénovation d'un immeuble, assimilables à une transformation, n'était pas contraire au droit fédéral du bail (arrêt 1P.705/2000 du 24 septembre 2001, consid. 2/bb, publié in RDAF 2002 I p. 49; ATF 116 Ia 401 consid. 5a et 5c; cf. concernant la LDTR/GE arrêt 1P.664/1999 du 1er septembre 2000, publié in RDAF 2002 I p. 25; Dominique Favre, Droit de la rénovation et force dérogatoire du droit fédéral, RDAF 2002 I p. 1 ss, 8). 
La Chambre des recours a tenu compte, dans l'appréciation des motifs de résiliation avancés par les bailleurs - architectes travaillant dans le canton de Vaud et envisageant un projet ambitieux au regard de la LDTR -, du permis de construire et de l'autorisation du SLog. Son refus d'englober dans cette appréciation les arrêts du Tribunal administratif vaudois apparaît contradictoire, singulièrement si lesdits arrêts devaient révéler, comme l'affirment les recourants, que le SLog s'était - non seulement en l'espèce, mais déjà antérieurement - clairement écarté de la LDTR et des buts qu'elle énonce expressément. Le refus de la prise en compte desdits arrêts est également contradictoire lorsque la Chambre des recours rappelle que le congé a été donné en 1999, date qu'elle considère comme déterminante pour examiner la bonne foi des intimés - architectes qui, à l'époque déjà, avaient soutenus dans leurs démarches les bailleresses auxquelles ils se sont substitués en cours de procédure - mais qu'elle s'appuie ensuite, dans le cadre de l'appréciation des moyens susceptibles de prouver cette bonne foi, sur les deux décisions rendues ultérieurement par la commune puis par le SLog, à l'exclusion de celles rendues par l'autorité administrative suprême du canton. 
3.4 En résumé, la Chambre des recours a, par une appréciation arbitraire des preuves, omis, sans raison valable et sans motiver son refus, de tenir compte des éléments pertinents pour l'issue du litige, contenus dans les arrêts rendus par le Tribunal administratif vaudois dans la présente espèce, violant ainsi le droit d'être entendus des recourants. En conséquence, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. 
4. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront supportés par les intimés, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ ainsi que 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
3. 
Les intimés, débiteurs solidaires, verseront aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. 
 
Lausanne, le 24 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: