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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.267/2004 /col 
 
Arrêt du 4 février 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aemisegger et Fonjallaz. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Yaël Hayat, avocate, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Division de l'entraide judiciaire internationale, Section extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Objet 
extension de l'extradition, 
 
recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la justice du 20 septembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 4 février 2004, le bureau d'Interpol à Paris a diffusé une demande d'arrestation concernant A.________, ressortissant français né le 18 mai 1961, condamné par défaut le 18 mai 2001 à une peine de six ans de réclusion pour trafic de stupéfiants. 
Le 11 février 2004, A.________ a été arrêté à Zurich. Le 13 février 2004, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) a décerné contre lui un mandat d'arrêt extraditionnel. 
Entendu le même jour par la police zurichoise, A.________ a consenti à son extradition à la France sans formalité, au sens de l'art. 54 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1), sans renoncer à la protection du principe de la spécialité. 
Le 16 février 2004, l'Office fédéral a accordé l'extradition à la France. A.________ a été remis aux autorités françaises le 27 février 2004. 
B. 
Le 16 mars 2004, l'Ambassade de France à Berne a remis à l'Office fédéral une demande d'extension de l'extradition, pour l'exécution de trois mandats d'arrêt. Le premier mandat a été décerné le 2 avril 2001 par Jean Coutton, Juge d'instruction auprès du Tribunal de grande instance de Grasse, en vue du renvoi en jugement de A.________ du chef de vols avec armes commis en février et mars 2000. A raison de ces faits, la Cour d'assises du département des Alpes-Maritimes, statuant par contumace le 5 juillet 2002, a condamné A.________ à la réclusion à perpétuité. Le deuxième mandat a été décerné le 30 mars 2001 par Didier Guissart, Juge d'instruction auprès du Tribunal de grande instance de Draguignan, des chefs d'association de malfaiteurs, de complicité d'enlèvement et de séquestration, de complicité de détournement de moyen de transport, d'évasion et de destructions volontaires par incendie, ainsi que de port ou de transports d'armes; ces faits auraient été commis le 24 mars 2001 à Draguignan. Le troisième mandat a été décerné le 13 février 2004 par Patrick Desjardins, Juge d'instruction auprès du Tribunal de grande instance de Grasse, des chefs d'association de malfaiteurs et de trafic de stupéfiants. 
Le 19 juillet 2004, à la demande de l'Office fédéral, les autorités françaises ont complété la demande. Elles ont produit notamment un exposé des faits établi le 15 juin 2004 par le Procureur de la République auprès du Tribunal de grande instance de Grasse, précisant, pour ce qui concerne le mandat d'arrêt du 13 février 2004, que le trafic en question aurait porté sur l'importation de plusieurs tonnes de haschich de l'Espagne vers la France, en 2002. 
Le 20 septembre 2004, l'Office fédéral a accordé l'extension de l'extradition de A.________ à la France pour les faits visés dans la demande du 16 mars 2004. Cette décision a été notifiée à A.________ le 5 novembre 2004. 
Par courrier daté du 7 novembre 2004 et reçu le 16 novembre suivant, A.________ s'est adressé au Tribunal fédéral pour manifester son intention de recourir contre cette décision. Il a requis la désignation d'un avocat d'office. 
Le 26 novembre 2004, le Tribunal fédéral a admis la demande d'assistance judiciaire et désigné Me Yaël Hayat, avocate à Genève, comme avocate d'office de A.________. 
C. 
Agissant le 6 décembre 2004 par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler les décisions des 16 février et 20 septembre 2004. Il invoque les art. 35, 39 et 54 EIMP, 6 et 21 OEIMP, ainsi que les art. 2 et 14 de la Convention européenne d'extradition, conclue à Paris le 13 décembre 1957, entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 11 mai 1986 pour la France (CEExtr; RS 0.353.1). 
L'Office fédéral propose le rejet du recours. 
Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'extradition entre la Confédération suisse et la République française est régie par la CEExtr. Le 10 février 2003, le Conseil fédéral et le gouvernement français ont conclu un accord complétant la CEExtr, relatif à l'extradition simplifiée (FF 2003 p. 6495 ss, 6509). Par arrêté fédéral du 8 octobre 2004, l'Assemblée fédérale a approuvé cet accord et autorisé le Conseil fédéral à le ratifier (FF 2004 p. 5165). Ce texte n'est toutefois pas encore entré en vigueur. Il n'y a dès lors pas lieu d'en tenir compte. Pour le surplus, l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11) règlent les questions qui ne sont réglées ni explicitement ni implicitement par la CEExtr. Le droit interne s'applique en outre lorsqu'il est plus favorable à l'octroi de l'extradition que la Convention (ATF 130 II 337 consid. 1 p. 339; 128 II 355 consid. 1 p. 357; 122 II 140 consid. 2, 373 consid. 1a p. 375, et les arrêts cités). Le respect des droits de l'homme est réservé (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617). 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 249 consid. 2 p. 250, 302 consid. 3 p. 303/304, 306 consid. 1.1 p. 308, et les arrêts cités). 
2.1 La décision de l'Office fédéral accordant l'extension de l'extradition peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (arrêts 1A.71/1999 du 21 mai 1999, consid. 1b; 1A.258/1994 du 3 avril 1995, consid. 1b; 1A.136/1993 du 28 octobre 1993, consid. 1b). Le recourant, qui peut manifestement se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a qualité pour agir au sens de l'art. 21 al. 3 EIMP (ATF 122 II 373 consid. 1b p. 375; 118 Ib 269 consid. 2d p. 275, et les arrêts cités). 
2.2 La décision de l'Office fédéral accordant l'extradition est attaquable par la voie du recours de droit administratif en vertu de l'art. 55 al. 3 EIMP mis en relation avec l'art. 25 de la même loi (ATF 130 II 337 consid. 1.2 p. 340; 122 II 373 consid. 1b p. 375). En l'occurrence toutefois, est échu le délai de trente jours (cf. art. 106 al. 1 OJ, applicable par renvoi des art. 25 al. 1 et 53 al. 3 EIMP) pour recourir contre la décision du 16 février 2004; celle-ci est partant entrée en force. Elle ne saurait être remise en question dans le cadre d'un recours formé contre la décision d'extension de l'extradition (arrêt 1A.71/1999, précité, consid. 1d). Le recourant est ainsi forclos en tant qu'il attaque la décision du 16 février 2004. 
3. 
Le recourant s'oppose à l'extension de l'extradition. 
3.1 Aux termes de l'art. 14 par. 1 let. a CEExtr, la personne qui aura été livrée à l'Etat requérant ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, ni soumise à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l'extradition, sauf si l'Etat qui l'a livré y consent. 
3.2 Le recourant conteste que l'extradition puisse être étendue à des faits antérieurs à ceux de la remise simplifiée. Il expose que l'Etat requérant, qui devait nécessairement avoir connaissance de l'ensemble des charges portées contre lui au moment où l'avis de recherche a été diffusé par Interpol, devait présenter en une seule fois tous ses motifs d'extradition. 
Selon le principe de la spécialité, l'Etat requérant ne peut poursuivre la personne extradée qu'à raison des faits pour lesquels l'extradition a été accordée par l'Etat requis. Ce principe général du droit extraditionnel protège en première ligne les intérêts de l'Etat requis. Il vise à empêcher que le fugitif soit livré à l'Etat requérant pour des délits qui n'auraient pas donné lieu à l'extradition, pour l'un ou l'autre des motifs d'exclusion de celle-ci, ce qui équivaudrait à un détournement de la procédure d'extradition. Le principe de la spécialité ne limite la poursuite que de délits antérieurs à la remise. En effet, les faits postérieurs à celle-ci ne concernent en rien l'Etat requis, dont la souveraineté n'est plus en jeu. L'art. 14 par. 1 CEExtr est tout à fait clair sur ce point, qui se réfère à tout "fait quelconque antérieur à la remise". Le recourant en déduit l'obligation pour l'Etat requérant de présenter en une seule fois tous les faits pour lesquels il demande l'extradition, de manière à ce que le fugitif puisse se faire un tableau exhaustif des charges qui pèsent contre lui dans l'Etat requérant et se déterminer en connaissance de cause sur une remise simplifiée. 
Les Etats ont cependant dû se rendre à l'évidence qu'une conception aussi rigide du principe de la spécialité pouvait conduire à des résultats inconciliables avec le but même de l'extradition. En effet, à suivre le recourant, l'Etat requérant qui omettrait, pour une raison ou une autre, de mentionner d'emblée un fait justifiant la demande d'extradition serait définitivement forclos sur ce point, avec la conséquence que resteraient impunis des crimes dont l'auteur serait identifié. C'est précisément pour parer à ce danger que les art. 14 par. 1 let. a CEExtr et 39 EIMP prévoient la possibilité d'étendre après coup le champ de l'extradition, à condition que l'Etat requérant présente à l'Etat requis une nouvelle demande, et que celle-ci soit acceptée. Cette solution permet de favoriser les intérêts de la poursuite pénale, tout en ménageant les droits de l'Etat requis. Celui-ci sera en mesure de vérifier que les conditions de l'extradition sont aussi remplies pour les faits allégués ultérieurement à l'appui de la nouvelle demande. A défaut, l'Etat requis refuse l'extension de l'extradition, avec pour conséquence d'empêcher l'Etat requérant d'engager une quelconque poursuite ou mesure coercitive, à raison de ces faits, à l'égard de la personne extradée. 
En l'occurrence, le principe de la spécialité ne fait pas obstacle à ce que l'Etat requérant revienne à la charge, après l'extradition du recourant et par le moyen de la procédure d'extension de celle-ci, pour des faits commis en 2001 et 2002. Il aurait certes été possible - et souhaitable -, que les autorités françaises présentent une seule et même demande d'extradition pour tous les faits visés dans la demande d'arrestation initiale et la demande d'extension ultérieure. Cela aurait sans doute permis au recourant de se représenter d'emblée et complètement l'étendue des poursuites engagées contre lui. Cela étant, l'autorité qui a procédé à son audition n'avait pas l'obligation de l'avertir de toutes les conséquences juridiques de l'extradition, notamment de la possibilité d'une extension ultérieure de celle-ci (arrêt 1A.136/1993, précité, consid. 2). Le recourant ne saurait au demeurant prétendre avoir été induit en erreur sur ce point dans le cadre de la remise simplifiée à laquelle il a consenti. En particulier, il ne pouvait déduire de l'indication que la remise simplifiée ne portait que sur les faits mentionnés dans la demande d'arrestation, que toute extradition ultérieure pour d'autres faits était exclue. Le recourant ne soutient pas avoir reçu des assurances sur ce point, dont il pourrait se prévaloir sous l'angle de la bonne foi (cf. arrêt 1A.136/1993, précité). 
4. 
Le Tribunal fédéral examinant librement si les conditions pour accorder la coopération internationale sont remplies et dans quelle mesure elle doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275), il convient d'examiner un point qui n'a été évoqué ni par l'Office fédéral, ni par le recourant. 
Les faits visés dans le mandat d'arrêt du 2 avril 2001, et pour lesquels l'extension de l'extradition a été accordée, ont fait l'objet du jugement rendu le 5 juillet 2002 par la Cour d'assises des Alpes Maritimes, par contumace. Or, la Suisse n'accorde pas l'extradition pour l'exécution d'un jugement rendu en l'absence du prévenu si la procédure n'a pas satisfait aux droits de la défense (tels que garantis par exemple par l'art. 6 par. 1 CEDH), à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à un nouveau jugement qui sauvegarde les droits de la défense. Ces principes, ancrés à l'art. 3 du Deuxième Protocole additionnel à la CEExtr (RS 0.353.12), ne sont toutefois pas opposables à la France qui n'a pas ratifié cet instrument. 
La question de savoir si l'art. 37 al. 2 EIMP, dont la teneur est équivalente à l'art. 3 du Deuxième Protocole additionnel à la CEExtr, peut faire obstacle à l'extradition, souffre de rester indécise en l'occurrence, car la situation est de toute manière limpide au regard du droit français (cf. également les arrêts 1A.57/1998 du 28 avril 1998, consid. 4, et 1A.233/1994 du 14 décembre 1994, consid. 4). 
Selon celui-ci, le jugement rendu par contumace peut être purgé. A teneur de l'art. 639 al. 1 CPP fr., si le contumax se constitue prisonnier ou s'il est arrêté avant que la peine ne soit éteinte par prescription, l'arrêt et les procédures faites depuis l'ordonnance de se représenter sont anéantis de plein droit et il est procédé à son égard dans la forme ordinaire. En l'occurrence la peine prononcée le 5 juillet 2002 n'est pas prescrite et le jugement de condamnation a été annulé d'office, sans que cela n'ait présupposé une démarche en ce sens du recourant (Jean Pradel, Procédure pénale, 9ème édition, n° 623/624; Gaston Stefani/Georges Levasseur/Bernard Bouloc, Procédure pénale, 16ème édition, Paris, 1996, n° 750). 
5. 
Selon le recourant, la condition de la double incrimination ne serait pas remplie pour ce qui concerne le mandat d'arrêt du 30 mars 2001. 
5.1 Rappelé aux art. 2 par. 1 CEExtr et 35 al. 1 let. a EIMP, le principe de la double incrimination commande que les faits, tels qu'ils sont exposés dans la demande d'extradition, soient punissables à la fois par la législation de l'Etat requérant et par celle de l'Etat requis. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression (art. 35 al. 2 EIMP; ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448 consid. 3a p. 451, et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes. Il suffit qu'ils soient réprimés dans les deux Etats comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 117 Ib 337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités). La condition de la double incrimination doit être réalisée pour chacune des infractions à raison de laquelle l'extradition est demandée (ATF 125 II 569 consid. 6 p. 575). 
5.2 Le mandat d'arrêt du 30 mars 2001 a été décerné en relation avec l'évasion du recourant du centre pénitentiaire de Draguignan, le 24 mars 2001. Ce matin-là, deux individus masqués et armés ont détourné un hélicoptère et obligé le pilote à poser l'appareil dans l'enceinte de la prison. Le recourant et deux comparses, qui se trouvaient dans la cour pour la promenade, ont embarqué à bord de l'hélicoptère, qui a redécollé pour atterrir dans la campagne voisine. Le recourant et ses complices ont pris la fuite. A raison de ces faits, le recourant est poursuivi des chefs d'association de malfaiteurs, de complicité d'enlèvement et de séquestration, de complicité de détournement de moyen de transport, d'évasion et de destructions volontaires par incendie, ainsi que de port ou de transport d'armes. 
La condition de la double incrimination n'est pas réalisée au regard de l'infraction d'évasion. Si celle-ci est réprimée en France (art. 434-27 du Code pénal), elle ne l'est pas en Suisse, du moins au titre d'une infraction pénale. Partant, l'extradition ne peut être accordée de ce chef. 
6. 
Le recours doit être admis partiellement au sens du considérant qui précède, et rejeté pour le surplus. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). L'Office fédéral versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens (art. 159 OJ). La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis partiellement au sens du considérant 5. Il est rejeté pour le surplus. 
2. 
Il est statué sans frais. 
3. 
L'Office fédéral versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant et à l'Office fédéral de la justice (B 141778). 
Lausanne, le 4 février 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: