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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.300/2004 /col 
 
Arrêt du 3 mars 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Olivier Carrard, 
avocat, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec les USA, 
 
recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la justice du 17 novembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 9 juillet 1999, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amérique a adressé à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office fédéral) une demande fondée sur le traité bilatéral d'entraide judiciaire en matière pénale (TEJUS; RS 0.351.933.6). La demande était présentée pour les besoins de l'enquête conduite par le Procureur général adjoint des Etats-Unis pour le district du Connecticut contre le ressortissant américain B.________, accusé de fraude par le moyen du téléphone ("wire fraud"), d'utilisation frauduleuse de fonds détournés ("engaging in monetary transactions in property derived from specified unlawful activity"), de blanchiment d'argent ("laundering of monetary instruments") et d'activités prohibées ("prohibited activities"), délits réprimés par les art. 1343, 1957, 1956 et 1962 du Titre 18 du Code des Etats-Unis. Selon l'exposé des faits joint à la demande, B.________ et ses associés auraient créé fictivement des sociétés et pris, au travers d'elles, le contrôle de plusieurs compagnies d'assurance. Au détriment de celles-ci, ils auraient commis des détournements de fonds, pour un montant total de plus de cent millions de dollars, dont une partie aurait été acheminée sur des comptes ouverts en Suisse. La demande tendait à la remise de la documentation relative aux comptes ouverts auprès de la banque X.________ et à la banque Y.________, à la saisie des avoirs déposés sur ceux-ci, ainsi qu'à l'audition d'employés de la banque X.________. 
Le 23 juillet 1999, l'Office fédéral a rendu une décision d'entrée en matière. Il a ordonné la saisie de comptes ouverts auprès de la banque X.________ et de la banque Y.________. 
Le 21 septembre 1999, l'Office fédéral a transmis une partie de la documentation requise. Cette décision est entrée en force. 
La demande a été complétée à de multiples reprises . Le 9 mars 2004, les autorités américaines ont demandé la remise de la documentation concernant un compte ouvert auprès de la banque Z.________ à Genève sous le nom de code de "S.________", soit les documents d'ouverture du compte; les relevés périodiques (pour la période allant du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2000); les avis de débit et de crédit (pour la période allant du 18 mars 1999 au 1er janvier 2000); les instructions de virement et les documents afférents (pour la période allant du 1er mars 1999 au 1er janvier 2000); la correspondance à destination du titulaire du compte ou de ses représentants ou provenant de lui ou de ses représentants (dès le 1er mars 1999). 
Le 27 avril 2004, l'Office fédéral de la justice (qui avait repris dans l'intervalle les compétences dévolues autrefois à l'Office fédéral de la police en matière d'entraide, ci-après: l'Office fédéral) a rendu à ce sujet une décision d'entrée en matière. Il a délégué l'exécution de la demande au Juge d'instruction du canton de Genève. 
Le 17 mai 2004, la banque a remis à celui-ci les documents requis, concernant le compte n°xxx, dont A.________, ressortissant italien domicilié à New York, est le titulaire. 
Le 8 juin 2004, le Juge d'instruction a remis à l'Office fédéral l'intégralité de la documentation relative au compte n°xxx, de son ouverture en 1998, jusqu'en 2002. 
A.________ a formé une opposition, que l'Office fédéral a rejetée, le 17 novembre 2004. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 17 novembre 2004 et de rejeter la requête; à titre subsidiaire, il conclut à ce qu'une partie des documents saisis ne soit pas transmise. Il invoque les art. 10, 15a et 29 TEJUS
L'Office fédéral propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la Confédération suisse est régie par le TEJUS et la loi fédérale y relative, du 3 octobre 1975 (LTEJUS; RS 351.93). La loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11) demeurent réservées pour des questions qui ne sont pas réglées par le TEJUS et la LTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1a p. 126; 118 Ib 547 consid. 1b p. 550). 
2. 
La décision par laquelle l'Office fédéral comme office central suisse octroie l'entraide judiciaire en vertu de l'art. 5 al. 2 let. b LTEJUS et rejette une opposition selon l'art. 16 de la même loi, peut être attaquée par la voie du recours de droit administratif prévue à l'art. 17 al. 1 LTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1b p. 126; 118 Ib 547 consid. 1c p. 550). Le recourant, titulaire d'un compte bancaire visé par la demande, a qualité pour recourir au sens de l'art. 103 let. a OJ, mis en relation avec l'art. 17 LTEJUS (ATF 118 Ib 547 consid. 1d p. 550 et les arrêts cités). 
3. 
Le recourant soutient que la demande d'entraide n'exposerait pas les faits d'une manière suffisante au regard de l'art. 29 par. 1 TEJUS
3.1 Ni le traité ni la loi y relative ne précisent la manière dont les autorités de l'Etat requérant doivent exposer les faits à la base de la procédure d'enquête. L'art. 29 par. 1 TEJUS exige néanmoins qu'elles indiquent, dans la mesure du possible, l'objet et la nature de l'enquête ou de la procédure et, sauf s'il s'agit d'une demande de notification, qu'elles décrivent les principaux faits allégués ou à établir (let. a), ainsi que la raison principale pour laquelle les preuves ou les renseignements demandés sont nécessaires (let. b). L'art. 10 LTEJUS prescrit pour sa part à l'office central suisse de contrôler préliminairement si la demande satisfait aux exigences de forme du traité et d'examiner - sur la base des faits exposés dans la demande ou dans les pièces à l'appui - si les infractions que vise la procédure américaine sont punissables en droit suisse. On peut en déduire que les exigences formelles de l'art. 29 par. 1 TEJUS impliquent l'obligation pour l'Etat requérant de présenter un bref exposé des faits essentiels et d'indiquer, quand cela est possible, le lieu, la date et le mode de commission de l'infraction (cf. art. 28 al. 3 let. a EIMP et 10 al. 2 OEIMP). L'autorité suisse ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les arrêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, la demande a été complétée plusieurs fois successivement, la demande complémentaire peut se référer à l'exposé des faits joint aux demandes précédentes (ATF 109 Ib 158 consid. 2b p. 161/162). 
3.2 En l'espèce, la demande initiale du 9 juillet 1999 a été complétée plusieurs fois, au fur et à mesure du progrès des investigations conduites dans l'Etat requérant, soit les 29 septembre 1999, 29 février 2000, 22 mai 2002, 30 septembre 2002, 27 juin 2002, 9 juillet 2002, 22 juin 2003, 22 août 2003 et 13 janvier 2004. Le complément du 9 mars 2004, pour l'exécution de laquelle la mesure contestée a été prise, s'inscrit dans le sillage des précédentes. Ce document se réfère à la demande complémentaire du 22 juin 2003. Il évoque les informations reçues au sujet d'un compte n°70026 ouvert auprès de X.________, lequel aurait approvisionné celui du recourant d'un montant total de 190'102,55 USD (en deux versements, des 18 et 26 mars 1999). Les enquêteurs américains, se fondant sur leurs investigations, estiment que ces fonds proviendraient des activités délictueuses reprochées à B.________. Même si la demande n'indique pas de manière précise la nature et l'origine des soupçons qui la justifient, il résulte toutefois clairement du déroulement de l'enquête et de la procédure d'entraide que les autorités américaines cherchent à démêler l'écheveau complexe des transferts de fonds organisés par les personnes poursuivies dans l'Etat requérant. Dans ce contexte, il est logique de suivre, pas à pas, le cheminement de tous les avoirs qui ont transité par les comptes utilisés par le réseau en question et dont on pense qu'ils proviennent des détournements qui auraient été commis au détriment des compagnies d'assurance contrôlées par B.________. Il n'est pas exclu d'emblée que sous couvert d'une transaction licite en apparence, les auteurs aient cherché à recycler le produit des délits poursuivis dans une activité commerciale de caractère banal. Il s'agit là au demeurant d'un des traits caractéristiques du blanchiment d'argent. Si l'on replace la demande du 9 mars 2004 dans le contexte des précédentes, les raisons et l'objet des mesures réclamées par les autorités américaines ne pouvaient échapper au recourant. 
4. 
Celui-ci allègue qu'il ne serait en rien mêlé aux activités reprochées à B.________ et ses acolytes. Il se prévaut ainsi de la protection qu'accorde l'art. 10 par. 2 TEJUS à ce qu'il est convenu d'appeler le "tiers non impliqué". 
Pour entrer dans cette catégorie, il ne suffit pas d'alléguer ne pas être accusé ou poursuivi dans la procédure pénale étrangère (ATF 112 Ib 462 consid. 2b p. 464), ou de n'avoir pas collaboré à la commission de l'infraction ou à la réalisation de l'un de ses éléments constitutifs (ATF 112 Ib 462 consid. 2b p. 463; 107 Ib 252 consid. 2b/bb p. 255). N'est pas davantage un tiers non impliqué au sens de l'art. 10 par. 2 TEJUS celui dont le compte bancaire a été approvisionné par des montants de provenance suspecte (ATF 112 Ib 462). 
Sur le vu de ces principes, le recourant ne saurait s'opposer à la demande en exposant, comme il le fait, qu'il n'existerait aucun élément propre à démontrer qu'il serait lié aux activités délictueuses de B.________. Les explications qu'il fournit quant aux motifs des virements à raison desquels la demande a été présentée intéressent au premier chef les autorités chargées de la poursuite pénale aux Etats-Unis. Il n'appartient pas au juge de l'entraide d'en connaître. 
5. 
Le recourant invoque le principe de la proportionnalité. Tel qu'il est formulé, le grief tiré de l'art. 104 OJ n'a pas de portée propre à cet égard. 
5.1 Ne sont admissibles que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de l'instruction. Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les arrêts cités). 
5.2 Les autorités requérantes ont défini de manière précise l'objet de la demande, qui tend à la remise des documents d'ouverture du compte; des relevés périodiques (pour la période allant du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2000); des avis de débit et de crédit (pour la période allant du 18 mars 1999 au 1er janvier 2000); des instructions de virement et les documents afférents (pour la période allant du 1er mars 1999 au 1er janvier 2000); de la correspondance à destination du titulaire du compte ou de ses représentants ou provenant de lui ou de ses représentants (dès le 1er mars 1999). 
Dans sa décision d'entrée en matière du 27 avril 2004, l'Office fédéral a invité le Z.________ à remettre la documentation requise, en se référant au passage topique de la demande. La banque s'est exécutée, en remettant au Juge d'instruction l'intégralité de la documentation dont elle disposait, y compris celle réclamée. 
Il est possible que cette remise en vrac ait créé une certaine confusion. Toujours est-il que, dans la décision attaquée, l'Office fédéral a indiqué qu'il convenait de transmettre l'intégralité de la documentation relative au compte du recourant (consid. 6b). Dans sa réponse du 5 janvier 2005, l'autorité intimée reconnaît qu'elle a commis sur ce point une erreur et confirme que les documents à transmettre se limitent à ceux mentionnés expressément dans la demande du 9 mars 2004. Il convient d'en prendre acte, d'admettre le recours sur ce point et de réformer en conséquence la décision attaquée. Seront ainsi remis à l'Etat requérant uniquement les documents suivants: les documents d'ouverture du compte; les relevés périodiques (pour la période allant du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2000); les avis de débit et de crédit (pour la période allant du 18 mars 1999 au 1er janvier 2000); les instructions de virement et les documents afférents (pour la période allant du 1er mars 1999 au 1er janvier 2000); la correspondance à destination du titulaire du compte ou de ses représentants ou provenant de lui ou de ses représentants (dès le 1er mars 1999). Le recours est rejeté pour le surplus. 
6. 
Le recours n'étant admis que partiellement, un émolument réduit est mis à la charge du recourant (art. 156 OJ). L'Office fédéral versera à celui-ci une indemnité (d'un montant également réduit), à titre de dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis partiellement au sens du considérant 5.2. Il est rejeté pour le surplus. 
2. 
Un émolument de 3000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
L'Office fédéral versera au recourant une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à l'Office fédéral de la justice, Office central USA. 
Lausanne, le 3 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: