Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.392/2003 /frs 
 
Arrêt du 5 mars 2004 
IIe Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Escher et Gardaz, Juge suppléant. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
X.________ (époux), 
recourant, représenté par Me Nicolas Jeandin, avocat, 
 
contre 
 
Dame X.________ (épouse), 
intimée, représentée par Me Emma Lombardini, avocate, 
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 Cst. etc. (mesures protectrices), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 10 octobre 2003. 
 
Faits: 
A. 
Les époux X.________ se sont mariés le 30 juillet 1980. Trois enfants sont issus de cette union : A.________, né le 16 août 1981, B.________, née le 7 octobre 1983 et C.________, né le 14 avril 1988. 
 
Le 7 novembre 2002, l'épouse a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Statuant sur cette requête le 27 mars 2003, le tribunal a notamment autorisé les époux à vivre séparés (1), attribué la garde de l'enfant C.________ à la mère (2), réglé le droit de visite du père (3), attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse (4), condamné le mari à payer à son épouse, à titre de contribution d'entretien pour elle et l'enfant mineur (C.________), la somme de 5'600 fr. par mois dès le 1er septembre 2002, allocations familiales ou d'études non comprises (5). 
 
Sur appel des deux époux, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 10 octobre 2003, joint les appels, annulé le point 5 du dispositif du jugement attaqué et porté à 6'500 fr. le montant de la pension d'entretien mensuelle dès le 1er septembre 2002. 
B. 
Agissant le 29 octobre 2003 par la voie du recours de droit public, pour violation de l'art. 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et du principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), l'époux a requis le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la cour cantonale, avec suite de dépens. 
 
L'épouse a conclu au rejet du recours. L'autorité intimée s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
Par ordonnance du 24 novembre 2003, le Président de la cour de céans a admis la demande d'effet suspensif présentée par le recourant en ce qui concerne l'obligation à lui faite de quitter le domicile conjugal et de verser la contribution d'entretien jusqu'en septembre 2003; il l'a rejetée pour le surplus. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 127 II 198 consid. 2). 
1.1 Pris en application de l'art. 176 al. 1 CC, l'arrêt attaqué ne constitue pas une décision finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ (ATF 127 III 474 consid. 2), de sorte qu'il n'est pas susceptible de recours en réforme. Les griefs invoqués ne pouvant être soumis par une autre voie au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale, la condition de subsidiarité du recours de droit public est remplie (art. 84 al. 2 OJ). Formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale, le recours est de même recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 
1.2 Le recourant conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué dans son ensemble, y compris donc en tant qu'il confirme l'autorisation accordée aux époux de vivre séparés. Or cette mesure n'est pas et n'a pas été contestée, le recourant l'ayant lui-même expressément sollicitée dans son appel cantonal (p. 18). La conclusion en annulation précitée est donc irrecevable dans la mesure où elle vise aussi l'autorisation de vie séparée des époux. 
2. 
Le recourant reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir procédé à l'audition de l'enfant C.________, âgé de 15 ans, et d'avoir ainsi, d'une part, violé l'art. 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant (RS 0.107; ci-après: la Convention) et, d'autre part, fait une application arbitraire des dispositions fédérales et cantonales régissant cette matière. 
2.1 Le recours de droit public pour violation de traités internationaux au sens de l'art. 84 al. 1 let. c OJ n'est recevable que si la disposition conventionnelle dont la violation est alléguée est directement applicable (self-executing). Tel est le cas lorsque le contenu de la disposition est suffisamment précis et clair pour servir de fondement au jugement d'une espèce particulière; il faut donc que la norme en question soit susceptible d'être appliquée par un tribunal, qu'elle ait pour objet les droits et les obligations des particuliers et qu'elle s'adresse aux autorités chargées de l'application de la loi (ATF 118 la 112 consid. 2b p. 117). 
L'art. 12 de la Convention est une norme de droit conventionnel directement applicable au sens de la jurisprudence susmentionnée. La violation de cette disposition peut donc être attaquée par un recours au Tribunal fédéral (ATF 124 III 90 consid. 3a). 
2.1.1 Aux termes de l'art. 12 de la Convention: 
 
1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 
 
2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. 
 
La Convention ne prescrit pas impérativement l'audition de l'enfant dans tous les cas. Les autorités ne doivent plutôt donner à l'enfant la possibilité d'exprimer son opinion et tenir compte équitablement de cette opinion que si l'enfant est capable de se former sa propre opinion (ATF 124 III 90 consid. 3b). 
2.1.2 En l'espèce, la question de l'attribution de la garde de l'enfant C.________ est manifestement une question intéressant celui-ci. On peut présumer qu'à l'âge de 15 ans, un mineur a un degré de maturité qui lui permet de se forger une opinion quant aux rapports qu'il aura à l'avenir avec ses parents, notamment quant à son lieu de résidence qui découle du droit de garde. L'arrêt attaqué examine la question de l'attribution de la garde de l'enfant C.________ et arrive à la conclusion qu'il y a lieu de l'attribuer à la mère. Il ne fait toutefois aucune allusion à l'audition de ce mineur, alors que la question du droit de garde était litigieuse, et n'indique pas de circonstances particulières (maladie, audition faite par délégation à un tiers, etc.) de nature à justifier l'absence d'audition par le juge. Il n'apparaît pas non plus que l'occasion aurait été donnée au mineur d'exprimer son opinion, mais que celui-ci aurait préféré y renoncer. Le droit d'être entendu de l'enfant n'ayant ainsi pas été respecté, le grief de violation de l'art. 12 de la Convention est donc fondé. 
2.2 Le recourant invoque aussi la violation choquante du principe de l'audition de l'enfant tel qu'il découle de l'art. 144 al. 2 CC et des dispositions cantonales de procédure. 
2.2.1 Selon l'art. 176 al. 3 CC, lorsqu'il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la filiation. Dans ce contexte, la loi prévoit l'audition de l'enfant avant que l'autorité ordonne une mesure de protection de l'enfant (art. 314 ch. 1 CC). Cette disposition correspond à l'art. 144 al. 2 CC aux termes duquel l'audition de l'enfant a lieu pour autant que son âge ou d'autres motifs importants ne s'y opposent pas (ATF 127 III 295 consid. 2a p. 296). Avant même la modification du code civil selon novelle du 26 juin 1998, qui a introduit des règles expresses à ce sujet, la jurisprudence considérait que les enfants pouvaient et même devaient être entendus selon les circonstances (ATF 122 III 401 consid. 3b p. 402). Dans un procès en divorce, l'audition doit intervenir déjà au stade des mesures provisoires (ATF 126 III 497 consid. 4b). On peut donc considérer que, sous l'empire du droit actuel, le principe de l'audition de l'enfant a un caractère général (Breitschmid, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 144 CC), tout au moins lorsqu'il s'agit de régler dans un contexte conflictuel la situation du mineur pour une longue durée, comme c'est le cas en l'espèce. 
 
La loi genevoise de procédure confirme le principe de l'audition de l'enfant dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale. Elle précise que "si une requête déploie des effets à l'égard d'enfants mineurs, le juge doit procéder à leur audition" (art. 364 al. 3 LPC/GE). Pour le surplus, elle renvoie aux règles cantonales qui régissent les modalités de l'audition (art. 387 A à 387 D LPC/GE). Dans la mesure où ces règles cantonales ne paraissent pas avoir une portée propre par rapport à la réglementation fédérale (Bertossa/Gaillard/Guyet/ Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 4 ad art. 387 A et n. 1 ad art. 387 B), il est douteux que le recourant puisse valablement invoquer leur violation. En revanche, comme le recours fédéral en réforme n'est pas ouvert, il peut soutenir, dans le cadre du recours de droit public, qu'il y a eu application arbitraire de la norme fédérale, soit l'art. 144 al. 2 CC
2.2.2 Selon cette disposition, l'audition n'a pas un caractère facultatif, mais au contraire obligatoire (Breitschmid, loc. cit., n. 2 ad art. 144 CC), sauf si l'âge de l'enfant ou d'autres motifs importants s'y opposent. En l'espèce, ni l'âge du mineur concerné, ni d'autres motifs permettent d'y renoncer. Au contraire, lorsque le climat entre parents est gravement conflictuel, l'audition de l'enfant adolescent paraît tout à fait indiquée. Elle permet non seulement au mineur d'exprimer son opinion, mais aussi au juge de se faire une image plus large de la situation familiale. En s'abstenant d'entendre l'enfant des parties, l'autorité cantonale a violé de façon flagrante la règle posée par l'art. 144 al. 2 CC et le grief d'arbitraire quant à l'application de la loi est donc également fondé. 
 
Par ailleurs, le défaut d'audition, en lui-même arbitraire, a des conséquences sur la décision attaquée. Celle-ci affirme, en effet, qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de rester dans son environnement actuel, alors que l'audition permettrait de savoir de façon plus précise si cet environnement est effectivement favorable pour l'enfant. Ainsi, la violation du principe de l'audition de l'enfant est aussi arbitraire dans son résultat. 
3. 
Le recourant reproche en outre à l'autorité cantonale d'avoir estimé de façon arbitraire les revenus réalisés par les parties ainsi que les charges retenues pour lui-même, en particulier ses frais de logement. 
 
Ces points dépendant de l'attribution de la garde de l'enfant, qui est pour l'heure indéterminée en raison de l'admission du recours sur ce point (cf. consid. 2 ci-dessus), il est superflu d'examiner les griefs soulevés à leur propos. 
4. 
Vu l'issue de la procédure, l'intimée doit être condamnée aux frais et dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge de l'intimée. 
3. 
L'intimée versera une indemnité de 2'500 fr. au recourant à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 5 mars 2004 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: