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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_352/2018  
 
 
Arrêt du 18 septembre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen, Fonjallaz, Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Jean-Luc Maradan, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne. 
 
Objet 
Consultation d'un dossier d'entraide judiciaire avec la Fédération de Russie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, 
Cour des plaintes, du 27 juin 2018 (RR.2017.288). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par décision du 1er mai 2017, le Ministère public de la Confédération (MPC) a déclaré irrecevable une demande d'entraide judiciaire présentée le 1er septembre 2014 par le Parquet de la Fédération de Russie et concernant les avoirs bancaires en Suisse de A.________ et B.________. Cette décision se fonde sur une prise de position du 24 février 2017 de la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères (DDIP) et d'une synthèse établie par l'Office fédéral de la justice (OFJ) le 10 avril 2017. Selon ce dernier document, la DDIP estimait que la procédure pénale en Russie présentait des défauts graves; l'OFJ adhérait à cette conclusion et recommandait un refus d'entraide. 
Le 27 juin 2018, A.________ a demandé au MPC l'accès à la prise de position de la DDIP et à la synthèse de l'OFJ. Par décision du 12 septembre 2017, le MPC s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'accès à la prise de position de la DDIP (dont il n'avait pas reçu copie et qui ne figurait donc pas dans son dossier) et a refusé l'accès à la synthèse de l'OFJ, considérant que A.________ ne disposait pas d'un droit ou d'un intérêt prépondérant à accéder au dossier d'une procédure close. 
 
B.   
Par arrêt du 27 juin 2018, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre le refus du MPC. En matière d'entraide judiciaire, l'accès au dossier permettait l'exercice du droit d'être entendu, droit qui s'éteignait après décision définitive sur l'entraide, en particulier lorsque celle-ci était comme en l'espèce refusée. S'agissant de l'accès au dossier d'une procédure liquidée, le requérant devait disposer d'un intérêt digne de protection. En l'occurrence, la divulgation des termes exacts de la synthèse de l'OFJ était susceptible de compromettre les relations extérieures et la collaboration future avec la Fédération de Russie; l'intérêt de politique étrangère devait l'emporter sur celui du recourant. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes et de lui accorder l'accès au dossier de la procédure d'entraide judiciaire, en particulier la synthèse du 10 avril 2017, subsidiairement de renvoyer la cause à l'instance précédente. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans formuler d'observations. L'OFJ et le MPC concluent à l'irrecevabilité du recours. Dans ses dernières écritures, le recourant conteste les considérations des autorités intimées quant à la recevabilité du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité et la qualification juridique des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358). 
 
1.1.   
En ce qui concerne la qualification du recours, il y a lieu de constater d'emblée que - contrairement à ce que prétend le recourant - il ne peut être traité en tant que recours en matière de droit public dans le domaine de l'entraide pénale internationale (art. 84 LTF). Il a en effet pour objet la consultation de pièces d'un dossier clos et une telle contestation ne figure pas au nombre des actes décrits exhaustivement à l'art. 84 al. 1 LTF, le recours n'étant ouvert que s'il a trait à une extradition, une saisie, au transfert d'objets ou de valeurs ou à la transmission de renseignements concernant le domaine secret. 
 
1.2. En outre, nonobstant l'hypothèse subsidiaire envisagée par le recourant, son écriture ne saurait être considérée comme un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) dès lors que la décision attaquée n'a manifestement pas été prise dans le cadre d'une procédure relevant du droit pénal interne et qu'il ne s'agit pas d'un acte de procédure au sens de l'art. 12 al. 1 2ème phrase EIMP.  
 
1.3. Il n'est en revanche pas exclu qu'il y ait lieu de le considérer comme un recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF) puisqu'il a pour objet une contestation relevant de la procédure administrative fédérale (cf. art. 12 al. 1 EIMP). A supposer qu'un tel recours soit recevable notamment au regard des art. 86 al. 1 let. b et 89 al. 1 let. c LTF (intérêt digne de protection), il devrait de toute manière être rejeté (consid. 2 et 3 ci-dessous).  
 
2.   
Se plaignant d'arbitraire dans l'établissement des faits, le recourant reproche à la Cour des plaintes d'avoir passé sous silence que durant la procédure d'entraide, le MPC aurait envisagé de lui transmettre la prise de position de l'OFJ afin qu'il puisse se déterminer; il en résulterait que ce document n'était pas destiné à demeurer confidentiel. Il ne s'agit toutefois pas là d'un fait déterminant. 
En effet, dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire, le recourant pouvait se fonder sur son droit d'être entendu pour obtenir consultation de tous les éléments pertinents du dossier (art. 80b EIMP). La teneur essentielle de la pièce aurait dû lui être communiquée en cas d'utilisation à son détriment (art. 28 PA). En l'occurrence, le recourant ne conteste pas qu'il a pu exercer son droit d'être entendu dans le cadre de la procédure d'entraide. Le contenu essentiel de la synthèse de l'OFJ (laquelle a d'ailleurs été utilisée en faveur du recourant) lui a en effet été communiqué dans la décision de clôture du MPC. Dans le cadre de l'accès au dossier clôturé, la question se pose dans des termes différents puisqu'il ne s'agit pas de sauvegarder les droits de procédure d'une partie, mais de mettre en balance les intérêts du recourant avec l'intérêt de l'Etat au maintien du secret. La manière dont le MPC a entendu respecter le droit d'être entendu du recourant dans le cadre de la procédure d'entraide n'est dès lors pas pertinente. 
Invoquant par ailleurs les dispositions relatives au droit d'être entendu, le recourant reproche à la Cour des plaintes de ne pas avoir ordonné la production du document litigieux afin de vérifier les objections à sa consultation par le recourant. Comme on le verra, les quelques indications figurant dans la décision de clôture suffisent pour comprendre les motifs qui s'opposent à un droit d'accès. Il n'était dès lors pas nécessaire que la Cour des plaintes ordonne la production de la synthèse de l'OFJ, au risque de devoir en donner au recourant une connaissance plus complète en application de l'art. 28 PA. Il n'y a dès lors pas de violation du droit d'être entendu. 
 
3.   
Invoquant successivement l'égalité de traitement, les art. 6 et 8 CEDH et l'interdiction de l'arbitraire, le recourant relève qu'il serait moins bien traité que si la demande d'entraide avait été admise puisqu'il aurait pu, dans ce cas, avoir accès au document litigieux. Il estime que l'affirmation selon laquelle il n'aurait aucun intérêt à avoir accès à la synthèse serait erronée dès lors que la teneur de ce document n'est pas connue et qu'il pourrait permettre au recourant de se défendre dans le cadre de la procédure pénale en Russie et d'une procédure d'entraide en France, voire pour sauvegarder ses relations d'affaires. Le recourant estime enfin qu'aucun intérêt prépondérant, au sens de l'art. 80b al. 2 EIMP, ne s'opposerait à la consultation du document. 
 
3.1. Il y a inégalité de traitement lorsque, sans motifs sérieux, deux décisions soumettent deux situations de fait semblables à des règles juridiques différentes; les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 123 I 19 consid. 3b p. 23, 112 consid. 10b p. 141). Il tombe sous le sens que la situation dans laquelle l'autorité donne suite à la demande d'entraide et transmet des documents relevant du domaine secret n'est pas assimilable avec celle dans laquelle la demande est déclarée irrecevable. Cela justifie un traitement différent du point de vue du droit d'être entendu et de l'accès au dossier de la personne concernée. Rien ne permet d'ailleurs d'affirmer que le recourant aurait, dans le cas d'une admission de l'entraide, obtenu un accès illimité au document recherché, l'autorité pouvant toujours faire application de l'art. 28 PA et se contenter de communiquer la teneur essentielle de la pièce en question. Il n'y a dès lors aucune inégalité de traitement.  
 
3.2. Le droit d'être entendu, en particulier de consulter le dossier, peut en principe également être exercé si la procédure est close. Dans ce cas, le requérant doit rendre vraisemblable un intérêt particulier digne de protection. Le droit de consulter un dossier archivé peut en outre être supprimé ou limité si l'intérêt public ou un intérêt prépondérant l'exigent (ATF 129 I 249 consid. 3 p. 253; 128 I 63 consid. 3.1 p. 68; 127 I 145 consid. 4a p. 151; 125 I 257 consid. 3b p. 260 et les références). Contrairement à ce que soutient le recourant, les intérêts en question ne sont pas limités à ce que mentionne l'art. 80b al. 2 EIMP puisque la demande de consultation a été formulée, comme on l'a vu, après la clôture de la procédure d'entraide.  
 
3.3. L'intérêt du recourant à obtenir la synthèse de l'OFJ n'est en l'occurrence pas évident. On ne voit pas en effet en quoi l'avis exprimé par les autorités suisses d'entraide judiciaire serait susceptible d'influencer les autorités françaises saisies d'une demande similaire, et moins encore les autorités de poursuite de l'Etat requérant. Le recourant peut d'ailleurs, le cas échéant, se prévaloir - également auprès de ses relations d'affaires - de la décision d'irrecevabilité rendue par l'OFJ qui comporte sur ce point une motivation succincte mais parfaitement compréhensible.  
L'intérêt de l'Etat à s'opposer au droit d'accès est en revanche indéniable. En effet, même sans connaître dans le détail le contenu des documents en question, on comprend aisément que, pour des motifs diplomatiques, le DFAE ne désire pas que les termes exacts de sa prise de position, respectivement de la synthèse de l'OFJ, soient divulgués, dans la mesure où ils comportent manifestement une appréciation défavorable sur le fonctionnement des institutions de l'Etat étranger puisque la procédure menée dans cet Etat est considérée comme comportant des défauts graves auxquels il n'était pas susceptible de remédier par l'octroi de garanties diplomatiques (arrêts 1C_610/2015 du 4 janvier 2016 consid. 3; 1C_559/2011 du 7 mars 2012 consid. 2.2). La pesée d'intérêts opérée par l'instance précédente ne prête dès lors pas le flanc à la critique. 
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté en tant qu'il est recevable. Conformément à l'art. 66 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 18 septembre 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz