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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_260/2022  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________ AG, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par 
Me Daniel Zappelli, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
1. C.________, 
2. D.________, 
3. E.________, 
4. F.________, 
5. G.________, 
6. H.________, 
7. I.________, 
8. Fondation J.________, 
9. Fondation K.________, 
10. L.________, 
toutes représentées par Me Jean-Yves Rebord, avocat, 
intimées. 
Objet 
action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP, exigence de conclusions chiffrées et motivées dans le recours (art. 42 al. 2 LTF); 
 
recours contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT18.048629-220214, 241). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 6 octobre 2011, A.________ AG, dont le siège se trouve à..., et B.________, membre du conseil d'administration de cette société et titulaire d'un droit de signature individuelle (ci-après: les débiteurs ou les demandeurs ou les recourants), ont, en qualité de codébiteurs solidaires, conclu avec plusieurs institutions de prévoyance (ci-après: les créancières ou les défenderesses ou les intimées), réunies sous l'appellation Communauté des créanciers du prêt hypothécaire " xxx ", un contrat de prêt hypothécaire portant sur un montant en capital de 26'600'000 fr. Ce montant est garanti par 66 cédules hypothécaires au porteur remises en garantie fiduciaire (cession fiduciaire en propriété à fin de garantie) et grevant en premier rang et collectivement deux immeubles à... qui appartenaient à la société débitrice. Le contrat de prêt était soumis aux Conditions générales débiteurs édictées par la représentante de la Communauté.  
 
A.a.a. Le contrat de prêt prévoit le paiement mensuel d'intérêts au taux de 3,75% l'an, payables à la fin de chaque mois. Les débiteurs y ont également reconnu devoir le montant du capital mentionné par les cédules hypothécaires et des intérêts au taux maximal usuel.  
Selon les Conditions générales débiteurs, si le débiteur est en retard, le créancier peut exiger le remboursement immédiat de l'intégralité du prêt. Selon l'art. 9 intitulé "Retard dans le paiement", en cas de retard dans le paiement de la commission d'octroi et/ou des intérêts ou de l'amortissement du prêt, le débiteur s'engage à payer, en sus des intérêts conventionnels, des intérêts moratoires à titre de pénalité. Cette pénalité est égale à 12% par an sur le ou les montants impayés. L'art. 16 prévoit que les cédules hypothécaires doivent mentionner un taux d'intérêt maximal de 12% inscrit au Registre foncier. 
 
A.a.b. Le même jour, les parties ont signé une cession fiduciaire en propriété à fin de garantie portant sur les 66 cédules hypothécaires.  
Selon son art. 3, en lieu et place et à concurrence du montant de tous types de créances actuelles et futures qu'il possède envers le débiteur, le créancier est fondé à faire valoir les créances incorporées dans les titres hypothécaires, à savoir le capital et les intérêts échus de trois années, ainsi que les intérêts courants de 12% (échéance 30 juin/31 décembre). La cour cantonale a pris acte que les débiteurs ne contestent pas qu'il s'agit là d'un taux d'intérêts moratoires de 12%, ce qui n'est pas remis en cause devant le Tribunal fédéral. 
 
A.a.c. Les 66 cédules d'un montant total de 26'600'000 fr. ont été constituées au porteur avec la mention, sur celles-ci et au Registre foncier, du taux d'intérêt maximal de 12%. Elles ont été remises à la représentante des créancières, qui les a conservées pour le compte de celles-ci.  
 
A.b. A partir du mois de janvier 2012, les débiteurs ont commencé à accumuler des retards de paiement. Dès le mois de février 2014, ils n'ont plus respecté les échéances d'intérêts.  
Le 30 octobre 2014, la représentante des créancières a dénoncé le prêt hypothécaire, ainsi que toutes les cédules hypothécaires. 
 
A.c. Le 23 octobre 2015, les créancières ont déposé des réquisitions de poursuite en réalisation de gage immobilier contre les débiteurs pour le capital de 26'600'000 fr. avec intérêts à 12% dès le 1 er novembre 2014 et le montant de 1'049'096 fr. à titre d'intérêts échus et impayés au 31 octobre 2014, indiquant les cédules hypothécaires comme titre de la créance. Les débiteurs ont formé opposition.  
Les créancières ont sollicité la mainlevée provisoire des oppositions, mais elles ont calculé les intérêts moratoires au taux de 5% l'an. 
Les mainlevées provisoires aux deux commandements de payer ont été accordées pour le montant de 26'600'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2014 et pour le montant de 1'017'281 fr. 85, sans intérêts, sous déduction des acomptes déjà versés. 
Puis, le 13 mai 2016, les créancières ont déposé une réquisition de vente pour le capital avec intérêts moratoires à 5% et des intérêts conventionnels et moratoires, ainsi que des frais judiciaires et dépens. 
En vue d'une vente de gré à gré, qui n'a pas abouti, l'Office des poursuites a calculé le montant dû sur la base des commandements de payer et des prononcés de mainlevées de la Justice de paix. 
Le 6 octobre 2016, l'Office des poursuites a publié la vente aux enchères et fixé la date de celles-ci au 31 mars 2017. 
 
A.d. Le 18 novembre 2016, les créancières ont produit en vue de l'établissement de l'état des charges un nouveau calcul de leur créance, soit le montant en capital de 26'600'000 fr., des intérêts moratoires de 12% sur ledit capital pour la période du 1 er novembre 2014 (date de la dénonciation du prêt) au 31 mars 2017 (date des enchères) par 7'714'000 fr. et des intérêts conventionnels et moratoires à 12% au jour de l'exigibilité du prêt par 1'049'096 fr. 21, des frais de poursuite par 39'319 fr. 14, ce qui représente un montant total de 35'402'415 fr. 35, réduit après déduction d'acomptes de 376'101 fr. 25, au montant de 35'026'314 fr. 10.  
Ce montant a été admis à l'état des charges. 
L'Office des poursuites y a également indiqué son calcul de la valeur des 66 cédules hypothécaires selon l'art. 818 CC, qu'il a fixé à 26'600'000 fr. pour le capital et à 9'576'000 fr. pour trois années d'intérêts à 12%, soit au total 36'176'000 fr. 
Il n'y a eu ni plainte ni contestation de l'état des charges ou du calcul de la valeur maximale des créances cédulaires. 
Les immeubles ont été adjugés pour le prix de 32'250'000 fr. 
Conformément au tableau de distribution, contre lequel aucune plainte n'a été déposée, l'Office des poursuites a versé aux créancières en trois paiements le montant total de 32'070'883 fr. 
Une procédure pénale a été ouverte contre l'administrateur pour des loyers prétendument distraits. 
 
B.  
Les débiteurs ont déposé une demande en répétition de l'indu au sens de l'art. 86 LP contre les créancières le 2 novembre 2018. Ils ont conclu, à la condamnation solidaire de celles-ci à leur payer le montant de 1'239'426 fr. 60, puis, dans leurs conclusions finales, le montant de 2'389'111 fr. 35 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2017 et à l'annulation du certificat d'insuffisance de gage. 
Les créancières défenderesses ont conclu au rejet de la demande dans la mesure où elle est recevable. 
Par jugement du 1er décembre 2021, la Chambre patrimoniale du canton de Vaud a rejeté la demande des demandeurs. En bref, elle a considéré que l'Office avait calculé correctement les intérêts à 12%, que la créance de base garantie par les cédules hypothécaires était d'un montant inférieur aux créances cédulaires et donc qu'il n'y avait pas eu de paiement d'un montant non dû. 
Statuant le 5 mai 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel des demandeurs. En bref, en se référant à deux auteurs, elle a considéré que les intérêts moratoires dus devaient être calculés au taux de 12% comme ils l'avaient été dans l'état des charges, et non au taux de 5% comme le faisaient valoir les demandeurs. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui leur a été notifié le 11 mai 2022, les demandeurs ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 10 juin 2022. Ils y concluent à la condamnation des défenderesses, solidairement entre elles, à leur restituer le montant de 2'389'111 fr. 35 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2017, ainsi qu'à l'annulation du certificat d'insuffisance de gage. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils invoquent la violation de l'art. 818 al. 1 ch. 2 CC, soutenant que cette disposition renvoie au taux d'intérêts moratoires légal de 5% de l'art. 104 al. 1 CO, ainsi que la violation de l'art. 86 LP
Les intimées concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet dans la mesure où il est recevable. 
Les recourants ont versé des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 20'500 fr. 
Par courrier du 13 février 2023, les recourants ont informé le Tribunal fédéral que la société demanderesse aurait été radiée au registre du commerce, mais que son administrateur aurait déposé une demande de réinscription. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP permet au débiteur qui a payé une somme au poursuivant pour éviter l'exécution forcée, bien que la créance déduite en poursuite soit dénuée de fondement matériel, d'en obtenir la restitution. Selon la jurisprudence, cette action compète également au poursuivi si le créancier a obtenu le paiement de la dette ensuite de la réalisation forcée des biens du débiteur; en effet, le droit de répétition d'une non-dette ne saurait dépendre du point de savoir si le poursuivi disposait ou non des moyens nécessaires pour faire obstacle à l'exécution forcée (ATF 131 III 586 consid. 2.1 in fine).  
Cette action est ainsi ouverte au poursuivi dont le créancier a été désintéressé à l'issue d'une poursuite en réalisation de gage immobilier (art. 156 LP et art. 102 ORFI), même si le poursuivi n'avait alors pas contesté l'existence, l'étendue, le rang ou l'exigibilité d'un droit inscrit à l'état des charges (art. 37 al. 2 ORFI, qui renvoie aux art. 140 al. 2, 107 al. 2 et 4 LP); en effet, en l'absence de contestation, le droit n'est considéré comme reconnu par l'intéressé que pour la poursuite en cours (ce droit ne pouvant par ailleurs plus être remis en cause au stade de l'établissement du tableau de distribution des deniers) (art. 37 al. 2 in fine, 43 al. 1 et 112 al. 1 ORFI); autrement dit, s'il n'est formé aucune constatation, l'état des charges devient définitif, ses effets se limitant toutefois à la procédure de poursuite en cours (ATF 129 III 246 consid. 3.1; arrêt 5A_272/2014 du 21 juillet 2014 consid. 4.1.1). 
L'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP est une action de pur droit matériel. Elle est une action condamnatoire au sens de l'art. 84 CPC, dont les conclusions doivent tendre à la condamnation de la partie adverse à restituer un montant chiffré avec intérêts (BOHNET, Actions civiles, 2e éd. 2019, Vol I, § 69 n. 4 et 21). 
 
1.2. Le recours au Tribunal fédéral formé sur la base d'une telle action doit contenir des conclusions (art. 42 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est une voie de réforme: si le Tribunal fédéral admet le recours, il doit statuer lui-même sur le fond de la cause (art. 107 al. 2 LTF). Le recourant doit donc prendre des conclusions chiffrées lorsque l'action est de nature condamnatoire; il ne peut pas se contenter de prendre des conclusions en renvoi à l'instance précédente. Les conclusions chiffrées doivent être justifiées dans la motivation du recours. Il est indispensable qu'à la lecture du mémoire du recourant, le Tribunal fédéral comprenne clairement ce que veut celui-ci et que, s'il admet le recours, il soit en mesure de statuer et de lui allouer les conclusions qu'il a formulées, voire un montant inférieur (arrêt 4A_85/2015 du 8 septembre 2015 consid. 1.3).  
 
1.3. En l'espèce, dans leur recours, les demandeurs recourants concluent à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que les défenderesses, solidairement entre elles, soient condamnées à leur restituer la somme de 2'389'111 fr. 35 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 mai 2017. Dans la motivation de leur recours, ils soulèvent la question de savoir si, au sens de l'art. 818 al. 1 ch. 2 CC, le gage immobilier (la créance cédulaire ou créance abstraite) peut couvrir des intérêts moratoires supérieurs à 5%. Ils reprochent à la cour cantonale d'avoir admis qu'était couvert le taux de 12% convenu à l'art. 9 des Conditions générales Débiteurs, en se fondant sur une doctrine minoritaire (deux auteurs) et non sur la doctrine majoritaire qui admet le taux légal de 5% de l'art. 104 al. 1 CO. Ils estiment que le montant de 29'681'759 fr. 50 aurait dû être retenu par l'Office des poursuites.  
Ce faisant, les recourants posent une question théorique et abstraite au Tribunal fédéral, soit celle de savoir si le taux d'intérêts moratoires doit être de 12% ou de 5%. Il incombait aux recourants d'exposer dans leur recours à quels chiffres correspond cette question théorique, de façon que le Tribunal fédéral puisse statuer au fond en cas d'admission de leur recours. Pourtant, ils ne fournissent aucun calcul ou décompte comparatif; ils n'indiquent pas non plus comment ils arrivent au chiffre de 29'681'759 fr., ni comment ils arrivent au montant qu'ils réclament dans leurs conclusions. 
Il ressort des faits de l'arrêt attaqué qu'un taux d'intérêts moratoires de 12% a été appliqué à deux postes: 
 
1° les intérêts moratoires de 12% dus sur le capital du prêt de 26'600'000 fr. (dénoncé au remboursement au 31 octobre 2014) pour la période du 1er novembre 2014 au 31 mars 2017, qui représentent un montant de 7'714'000 fr.; 
2° les intérêts conventionnels et moratoires à 12% au jour de l'exigibilité du prêt représentant un montant de 1'049'096 fr. 21. 
Ils n'indiquent pas quel chiffre on obtient à 5% pour le premier poste, bien qu'il soit aisément déductible des intérêts calculés à 12%, ce qui donne à 5% le montant de 3'214'166 fr. 66, montant que l'on ne trouve ni dans le recours, ni d'ailleurs dans l'arrêt attaqué. Ils n'en déduisent pas non plus la différence à laquelle ils pourraient prétendre à titre de répétition, ni quels montants il y aurait lieu de déduire. Ils n'indiquent pas non plus quel chiffre on obtiendrait à 5% pour le deuxième poste, chiffre qu'il n'est pas possible de calculer, faute de données factuelles dans le recours ou dans l'arrêt cantonal. 
Autrement dit, en l'absence de tout élément de calcul dans le recours et dans l'arrêt cantonal, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de déterminer quel montant les demandeurs devraient se voir allouer au titre de l'art. 86 al. 1 LP s'ils devaient obtenir gain de cause sur leur question théorique du taux des intérêts moratoires. Le montant de leurs conclusions de 2'389'111 fr. 35 n'a pas non plus été admis par les défenderesses intimées. 
Il s'ensuit que leur recours doit être déclaré irrecevable. 
Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur les griefs soulevés par les intimées. 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais et dépens de ses auteurs. L'indemnité due aux intimées à titre de dépens sera prélevée sur les sûretés versées par les recourants. Vu le sort du recours, il n'y a pas lieu de suspendre la présente procédure jusqu'à réinscription de la société recourante, comme le requièrent les recourants. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires arrêtés à 5'000 fr. sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Les recourants verseront aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera acquittée au moyen des sûretés payées par les recourants à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron