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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.867/2005 /col 
 
Arrêt du 4 avril 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
Tribunal tutélaire du canton de Genève, 
1211 Genève 3, 
 
contre 
 
Conseil exécutif du canton de Berne, 3000 Berne 8, représenté par la Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du canton 
de Berne, Münstergasse 2, 3011 Berne. 
 
Objet 
art. 26 CC; domicile d'une personne placée sous curatelle, 
 
réclamation de droit public contre la décision du Conseil exécutif du canton de Berne du 1er décembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.________ a été placé sous curatelle volontaire par décision de la Chambre des tutelles du canton de Genève du 8 février 1982. Depuis le 9 septembre 1985, il séjourne à l'Arbeiterheim Tannenhof, à Gampelen (BE, ci-après: le home), placement lui permettant de vivre et de travailler dans une ferme. Selon le rapport périodique adressé le 14 septembre 2001 au Tribunal tutélaire, l'encadrement et le suivi médical étaient assurés par le lieu d'accueil; A.________ avait des amis parmi les pensionnaires et participait aux activités proposées. Son domicile se trouvait toutefois chez sa tante à Veyrier, à laquelle il rendait visite deux fois par année. Selon la curatrice, un transfert de for tutélaire était souhaitable, compte tenu du séjour depuis plusieurs années à Gampelen. Le 5 février 2002, le Tribunal tutélaire du canton de Genève a demandé à l'autorité tutélaire de Gampelen d'admettre le transfert de la curatelle, compte tenu de la durée de la résidence de l'intéressé dans la commune et de sa volonté d'y demeurer. 
Le 14 février 2002, le Conseil communal de Gampelen a refusé de reprendre la curatelle, en invoquant des raisons "de principe". La compétence appartenait à la commune qui avait envoyé l'intéressé dans le home. Gampelen comptait deux institutions, dont les pensionnaires n'étaient pas annoncés dans la commune. 
B. 
Le Tribunal tutélaire genevois s'est alors adressé à l'autorité de surveillance de première instance, soit la préfecture d'Erlach. Par décision du 8 septembre 2003, celle-ci a rejeté la plainte. A.________ avait manifesté la volonté de demeurer dans le home où il se sentait chez lui. Toutefois, le placement avait été trouvé par l'autorité de tutelle et l'état psychique de l'intéressé ne lui permettait pas de se constituer volontairement un nouveau domicile, quand bien même il avait son centre de vie à Gampelen. 
C. 
Le Tribunal tutélaire genevois a alors saisi le Conseil exécutif du canton de Berne. Par décision du 1er décembre 2004, celui-ci a considéré que le recours administratif était irrecevable, faute d'une voie de droit ordinaire dans ce domaine, et que la plainte était mal fondée. Selon l'art. 26 CC, le placement dans un établissement ne constituait pas un domicile. Il s'agissait d'une simple présomption mais en l'occurrence, en dépit de l'écoulement du temps, A.________ ne disposait pas du discernement nécessaire pour se constituer volontairement un nouveau domicile. 
D. 
Par acte du 23 décembre 2005, le Tribunal tutélaire forme une réclamation de droit public par laquelle il conclut à l'annulation de la décision du Conseil exécutif, et à ce qu'il soit ordonné à la commune de Gampelen d'accepter la reprise de la curatelle volontaire de A.________. 
La Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du canton de Berne conclut, au nom du Conseil exécutif, au rejet de la réclamation. Elle estime que celle-ci devait être déposée contre la décision préfectorale du 8 septembre 2003. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité d'une réclamation de droit public dont il est saisi (ATF 125 I 458 consid. 1 p. 461). 
1.1 Aux termes de l'art. 83 let. e OJ, le Tribunal fédéral est compétent pour trancher les contestations entre les autorités tutélaires de cantons différents au sujet notamment du changement de domicile de personnes sous tutelle. Cette voie de droit est ouverte uniquement si celle du recours ordinaire est fermée (ATF 81 I 43). Cette condition de subsidiarité est remplie. En effet, la contestation relative au changement du domicile de la personne sous curatelle ne peut faire l'objet ni d'un recours en réforme, car elle ne figure pas dans le catalogue de l'art. 44 OJ, ni d'un recours en nullité, car elle ne touche pas à une règle de compétence au sens de l'art. 68 al. 1 let. e OJ (ATF 131 I 266 consid. 2.2 p. 268). 
La réclamation de droit public n'est soumise à aucun délai (ATF 131 I 266 consid. 2.3 p. 268; 125 I 458 consid. 1b p. 461). Le fait que l'autorité requérante ait attendu plus d'une année après le prononcé du Conseil exécutif est dès lors sans incidence. Il n'est d'ailleurs pas exigé que les voies de droit cantonales soient préalablement épuisées (ATF 125 I 458 consid. 1b p. 461; 71 I 158 consid. 1 p. 159). 
1.2 La jurisprudence considère que l'art. 83 let. e OJ s'applique en principe aux seuls cas de tutelle, les conditions d'un changement de domicile (soit essentiellement l'intérêt du pupille) étant fondamentalement différentes des cas de curatelles (ATF 109 Ib 76 consid. 1). Le Tribunal tutélaire relève que l'art. 377 al. 2 CC peut être appliqué par analogie dans des cas de curatelle. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de déterminer le for tutélaire au sens de l'art. 376 al. 1 CC, les dispositions relatives au domicile peuvent également s'appliquer (cf. ATF 126 III 415; arrêt 1P.670/2004 du 17 mai 2005), de sorte que la distinction entre tutelle et curatelle doit par conséquent être relativisée. En outre, si elle n'était pas recevable sous l'angle de l'art. 83 let. e OJ, la réclamation de droit public pourrait l'être en vertu de la disposition plus générale de l'art. 83 let. b OJ, pour autant que le gouvernement cantonal s'associe à la démarche de l'autorité de tutelle. Ces questions n'ont pas à être résolues en l'espèce, car, supposée recevable, la réclamation doit de toute façon être rejetée. 
1.3 Saisi d'une réclamation de droit public, le Tribunal fédéral est en principe lié par les conclusions des parties. Il peut annuler un acte déterminé, lorsque cela est suffisant, ou rendre un jugement de constatation. Des conclusions de type obligationnel sont également admissibles lorsqu'il s'agit d'imposer à une autorité d'agir dans un sens particulier (ATF 125 I 458 consid. 1d p. 464). Tel est le cas en l'occurrence, puisqu'il est demandé à la commune de Gampelen d'accepter la reprise d'une mesure de curatelle. 
Le Tribunal tutélaire conclut préalablement à l'annulation du jugement du Conseil exécutif. Ce dernier considère que seule la décision préfectorale pourrait être annulée. Cela n'est pas déterminant, car l'annulation requise de la décision de l'autorité de surveillance n'est que le préalable aux conclusions condamnatoires prises à titre principal par l'autorité genevoise. 
1.4 Le Tribunal fédéral examine librement les éléments de fait et de droit déterminants pour la solution du litige (ATF 129 I 419 consid. 1 p. 21), sous réserve des questions d'ordre technique, politique ou d'opportunité (ATF 125 I 458 consid. 1g p. 466 et les arrêts cités). 
2. 
Pour le Tribunal tutélaire, la présomption de l'art. 26 CC n'empêcherait pas la création d'un nouveau domicile lorsqu'une personne entre de son plein gré dans un établissement, sans que le séjour ne serve un but spécifique, et décide d'y faire le centre de ses relations. En l'occurrence, A.________ a été placé sans y être forcé. Il séjourne depuis plus de vingt ans à l'Arbeitsheim Tannenhof; il s'y trouve bien, y a des amis et participe à la vie du foyer. Il n'envisage pas de revenir à Genève où sa seule relation est sa tante, à laquelle il rend visite deux fois par année; il disposerait d'un discernement suffisant pour se constituer librement un nouveau domicile. Le changement de for tutélaire serait dans son intérêt, du point de vue de l'assistance personnelle et de la gestion des biens. 
Le Conseil exécutif relève pour sa part que le placement, même s'il a lieu avec le consentement de l'intéressé et s'il est de durée indéterminée, ne constitue pas un domicile. En l'occurrence, l'intéressé ne serait pas à même de prendre de manière indépendante des décisions importantes. 
2.1 Le domicile d'une personne est au lieu où elle se trouve avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). Cela suppose une résidence, soit un séjour d'une certaine durée en un endroit déterminé, et une volonté, soit une intention de se fixer en cet endroit. Selon la jurisprudence, ce dernier élément n'est pas purement subjectif; il doit au contraire ressortir des circonstances extérieures et objectives (ATF 127 V 237 consid. 1 p.238 et les arrêts cités). Selon l'art. 26 CC, le séjour dans une localité en vue d'y fréquenter les écoles, ou le fait d'être placé dans un établissement d'éducation, un hospice, un hôpital, une maison de détention, ne constituent pas le domicile. 
Ces dispositions légales distinguent le lieu de séjour du domicile. Le lieu de séjour est celui où une personne se trouve pour un motif déterminé et limité, qui n'implique pas l'intention d'y fixer le centre de son existence (Grossen, Les personnes physiques, Traité de droit civil suisse, II, 2, p. 72). Le lieu de séjour devient le domicile, dès qu'il existe entre ce lieu et la personne qui y réside un lien fixe, étroit, fondé sur l'intention de s'y établir (Tuor/Schnyder, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 10e éd., p. 78). 
2.2 Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce qui importe n'est pas la volonté interne de cette personne mais les circonstances, reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette intention (ATF 113 II 5 consid. 2 p. 7-8; 97 II 1 consid. 3 p. 3). Selon la doctrine et la pratique, l'art. 26 CC n'exclut pas la création d'un domicile au lieu de séjour. Il pose uniquement la présomption réfragable que le séjour dans une localité en vue d'y faire des études ou dans l'un des établissements mentionnés par cette disposition n'entraîne pas le transfert à cet endroit du centre des intérêts. Lors du placement dans un établissement, on devra donc exclure régulièrement la création d'un domicile à cet endroit, l'installation dans l'établissement relevant de la volonté de tiers et non de celle de l'intéressé (ATF 71 I 158 concernant un séjour de 33 ans dans un établissement). En revanche, il n'en va pas de même lorsque l'intéressé décide de son plein gré de séjourner dans un établissement, sans en avoir besoin, et qu'il choisit librement l'établissement ainsi que le lieu de séjour (ATF 108 V 25 consid. 2b). Tel est en particulier le cas d'une personne s'installant de son propre chef dans une maison pour personnes âgées près de l'endroit où vivent ses enfants (arrêt H 289/86 du 24 novembre 1987). En revanche, lorsque le placement a été effectué dans un but particulier, il ne peut y avoir création d'un nouveau domicile tant que le séjour répond encore au besoin initial (Bucher, Berner Kommentar, n. 18 ad art. 26 CC; Staehelin, Basler Kommentar, n° 8 ad art. 26 CC). 
2.3 En l'occurrence, si la mesure de curatelle a été ordonnée en vue de la gestion des biens de l'intéressé, A.________ a été initialement placé à l'Arbeiterheim de Tannenhof, en 1982, dans le but de l'éloigner de la scène de la drogue à Genève. Même si l'intéressé y a consenti, ce placement a été décidé par l'autorité dans un but précis. Selon le rapport du médecin psychiatre de l'établissement, du 30 avril 2003, A.________ n'est manifestement pas capable de mener une vie indépendante et de prendre personnellement les décisions importantes. Il n'envisage pas d'avoir son propre logement et de se prendre en charge. Selon le même médecin, une mise sous tutelle serait même indiquée; l'intéressé n'était pas vraiment apte à être interrogé; il paraissait facilement manipulable, et répondait par "oui" à presque toutes les questions. 
Par conséquent, le séjour de l'intéressé continue de répondre à un besoin d'encadrement qui n'a pas diminué au fil des années. Le Tribunal tutélaire admet lui-même que le maintien dans l'établissement est nécessaire à l'équilibre de l'intéressé. Dans ces conditions, en dépit de l'écoulement du temps, on ne saurait considérer que le séjour procède d'un choix délibéré, et qu'une volonté de s'établir se serait substituée au motif initial du placement par l'autorité. Les considérations pratiques relatives à l'organisation de la mesure et à l'intérêt du pupille, qui doivent être prises en compte dans le cadre du changement de for tutélaire (art. 377 CC), sont en revanche dénuées de pertinence s'agissant de constater l'existence d'un domicile volontaire de la personne sous curatelle. 
3. 
La réclamation de droit public doit par conséquent être rejetée, en tant qu'elle est recevable. Conformément à la pratique relative à l'art. 83 let. b OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens (ATF 125 I 458 consid. 5b p. 473). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
La réclamation de droit public est rejetée, en tant qu'elle est recevable. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au Tribunal tutélaire du canton de Genève et au Conseil exécutif du canton de Berne. 
Lausanne, le 4 avril 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: