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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_74/2018  
 
 
Arrêt du 12 avril 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Merkli et Fonjallaz. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Nicolas Wisard, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, représentée par Me Patrick Malek-Asghar, avocat, 
intimée, 
 
Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques. 
 
Objet 
Autorisation de construire en zone agricole, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 19 décembre 2017 (ATA/1638/2017 - A/3774/2014-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La route de Collex longe successivement les parcelles nos 996 et 997 de la commune de Collex-Bossy. La première, propriété de la société B.________ SA, est située en zone constructible 4B protégée; la seconde, propriété de C.D.________ et D.D.________, est située en zone agricole et exploitée en fermage par un vigneron. Il existe actuellement sur la parcelle n° 997 un chemin d'accès à la parcelle n° 996, autorisé en 1996 d'un revêtement en tout-venant et pour une largeur de moins de 3 m, à l'exception du débouché sur la route de Collex. 
 
B.   
Le 6 novembre 2014, le Département genevois de l'aménagement, du logement et de l'énergie (DALE) a délivré une autorisation de construire un immeuble de neuf logements avec parking souterrain sur la parcelle n° 996. L'immeuble doit s'implanter dans la partie sud-est de la parcelle alors que la partie nord-ouest comporte déjà un bâtiment d'habitation, sis au droit de la route de Collex. Cette autorisation comprend l'agrandissement du chemin d'accès sis sur la parcelle n° 997. 
Alors qu'elle s'était opposée à ce projet, A.________, propriétaire de la parcelle n° 473, qui jouxte en sa limite nord-est, la parcelle n° 996, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (TAPI). Celui-ci a rejeté le recours par jugement du 13 mai 2015. 
Saisie à son tour, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté, en tant qu'il était recevable, le recours de A.________ contre le jugement précité par arrêt du 19 décembre 2017. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et l'autorisation de construire. La Cour de justice se réfère aux considérants et au dispositif de son arrêt. Le DALE dépose ses observations et conclut au rejet du recours. L'intimée se détermine et conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Invité à se prononcer, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) relève que la route d'accès au projet litigieux devrait être implantée en zone à bâtir. Dans de nouveaux échanges d'écritures, les parties et l'autorité de première instance se déterminent et persistent dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. La recourante, propriétaire d'un terrain situé à proximité directe de la construction litigieuse, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué. Elle a un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de l'arrêt cantonal, étant précisé que l'éventuel abandon de l'accès à la construction tel qu'elle le conteste, peut remettre en cause l'ensemble du projet prévu sur la parcelle voisine de la sienne. 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 24 LAT. Elle fait valoir que l'implantation de la route d'accès sur la parcelle n° 997 n'est pas imposée par sa destination, ni "positivement" ni "négativement", et qu'elle ne répond pas à un ou des intérêt (s) prépondérant (s). 
 
2.1. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). Pour qu'une autorisation soit délivrée, la construction ou l'installation doit en principe être conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et le terrain doit être équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Les art. 24 ss LAT déterminent quelles constructions non conformes à la zone peuvent, à titre exceptionnel, être édifiées hors zone à bâtir.  
Selon l'art. 24 LAT, des autorisations de construire peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si leur implantation hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b). 
Selon la pratique, l'implantation d'une construction est imposée par sa destination au sens de l'art. 24 let. a LAT, lorsqu'un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l'exploitation d'une entreprise, la nature du sol (implantation dite imposée "positivement" par la destination de la construction) ou lorsque l'ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers (implantation dite imposée "négativement" par la destination de la construction). Il suffit que l'emplacement soit relativement imposé par la destination: il n'est pas nécessaire qu'aucun autre emplacement n'entre en considération; il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l'emplacement prévu plus avantageux que d'autres endroits situés à l'intérieur de la zone à bâtir (ATF 136 II 214 consid. 2.1 p. 218; 129 II 63 consid. 3.1 p. 68). Seuls des critères objectifs sont déterminants, à l'exclusion des préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (ATF 129 II 63 consid. 3.1 p. 68; 124 II 252 consid. 4a p. 255; ATF 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508). L'examen du lieu de situation imposé par la destination apparaît incomplet lorsqu'aucune solution alternative ni aucun emplacement alternatif n'ont été débattus (ATF 136 II 214 consid. 2.2 p. 218 s. et les références citées). L'application du critère de l'art. 24 let. a LAT doit être stricte, dès lors que cette disposition contribue à l'objectif de séparation du bâti et du non-bâti (ATF 124 II 252 consid. 4a p. 256; 117 Ib 270 consid. 4a p. 281, 379 consid. 3a p. 383). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Pour ce qui est de l'examen du respect de l'art. 24 let. a LAT, les autorités cantonales s'en sont tenues à l'unique variante d'accès présentée par la constructrice.  
 
2.2.1.1. Avec l'ARE, on peut certes déplorer l'absence de description plus systématique des autres options d'accès qui auraient pu être envisagées et des raisons pour lesquelles elles n'ont pas été retenues. Il ressort toutefois de l'arrêt attaqué que les autres accès envisagés ne seraient pas satisfaisants. Un accès direct à la parcelle n° 996 serait problématique dès lors qu'il existe un dénivelé important entre celle-ci et la route de Collex, que dite route se resserre précisément le long de cette parcelle et que la maison déjà bâtie - et à maintenir - sur la parcelle n° 996 est située au droit de la route. L'autre accès évoqué dans le cadre de ce litige se situerait sur la parcelle n° 105, voisine de la parcelle n° 996 à l'opposé de la parcelle n° 997 et ayant un débouché sur la route d'Ornex la longeant à l'ouest. L'arrêt cantonal émet quelques réserves non étayées sur l'aspect sécuritaire de la circulation routière dans une telle perspective. Dans ses déterminations devant le Tribunal fédéral, le DALE, par le Service des affaires juridiques de son office des autorisations de construire, précise que non seulement le bâtiment sis sur la parcelle n° 105 mais également la maison déjà existante sur la parcelle n° 996 et agrémentée d'une piscine, barrent l'accès par ce côté à la portion de terrain destinée à accueillir le projet litigieux.  
En tout état, le choix de l'accès par la parcelle n° 997 au détriment de la recherche d'autres implantations est dicté par la particularité que présente cette affaire, en ce qu'il existe d'ores et déjà un chemin d'accès par la zone agricole, autorisé en 1996. La question du bien-fondé de la création d'un tel chemin en zone non constructible ne se pose plus aujourd'hui et ce chemin bénéficie désormais de la garantie de la situation acquise. Ainsi, à supposer qu'un autre accès à la parcelle n° 996 soit réalisé ou dans l'hypothèse de la renonciation à tout nouveau projet de construction, ce chemin a quoi qu'il en soit déjà une emprise sur la zone agricole dans son état autorisé en 1996. Compte tenu de cette atteinte à la zone agricole au bénéfice des droits acquis et des éléments factuels exposés précédemment (configuration des parcelles, des voies de circulation et des constructions déjà existantes), on peut concevoir dans ces circonstances très particulières que la voie d'accès proposée par la constructrice empruntant la parcelle n° 997 soit le seul emplacement véritablement réaliste. 
 
2.2.1.2. Il s'ensuit que la vraie question que soulève ce nouveau projet est l'admissibilité de l'extension de l'assiette de la route d'accès et des aménagements que celle-ci implique. Cette question doit toujours être examinée à la lumière de l'art. 24 LAT. Or, à cet égard, l'arrêt attaqué ne fait qu'une analyse sommaire de la situation. Il y a pourtant lieu de déterminer si l'implantation de la route telle qu'elle est prévue par rapport à l'état autorisé en 1996 est imposée par sa destination.  
Le projet implique l'élargissement du chemin autorisé en 1996, un changement de son revêtement, l'excavation du terrain pour en inverser la pente, ainsi que, par voie de conséquence, la création d'ouvrages de soutènement liée à cette excavation. L'arrêt attaqué n'examine aucun aspect technique ni pratique justifiant de tels changements ni ne fait état de leur pertinence au vu des besoins prévus du bâtiment projeté. 
Il ressort de l'état de fait que la route d'accès à la parcelle n° 996, autorisée en tout-venant pour une largeur de moins de 3 m aurait dans l'intervalle été illicitement goudronnée. Sa largeur réelle varie entre 2,6 et 4,8 m selon les sections. Le débouché du chemin actuel sur la route est situé 4 m plus bas que la limite entre les parcelles nos 996 et 997, de sorte que le chemin est en l'état en pente ascendante depuis la route de Collex. Le projet prévoit une rampe d'accès au garage d'une vingtaine de places de parc selon une pente descendante, donc inversée, de 6 à 7,5 % et de 6 m de large. Ne sont établis ni la hauteur de l'excavation nécessaire ni l'ampleur du trafic prévu sur cette rampe. La recourante requérait devant la cour cantonale diverses mesures d'instruction destinées à évaluer l'ampleur de l'ouvrage. La cour cantonale n'y a pas donné suite, jugeant que "l'absence d'indications précises sur le muret qui borderait la rampe d'accès du côté de la route de Collex ou le talus qui devrait nécessairement border la rampe d'accès du côté des vignes n'était pas de nature" à influer sur l'issue de la procédure. Le nombre de mouvements de véhicules par jour n'a en outre pas été évalué ni les véritables besoins en termes de largeur de route (et de simple ou double voie) au vu du trafic escompté. La constructrice contestait pour sa part devant la cour cantonale la référence de l'autorisation de construire de 1996 à un revêtement en tout-venant et soutenait que le parking souterrain était une plus-value urbanistique permettant de conserver un aménagement extérieur arborisé. Aucun de ces éléments n'a été discuté. Or il est indispensable, pour évaluer si l'implantation du nouvel accès est imposée par sa destination, de connaître la portée de l'autorisation de 1996, soit du chemin bénéficiant de la situation acquise, et de déterminer l'ampleur prévue du chemin projeté. Autrement dit, il convient d'évaluer au mieux l'impact de la route projetée par rapport à la situation légalement autorisée en 1996 et d'examiner si une solution alternative peut se substituer à celle augmentant l'emprise sur la zone non constructible. Il faut en effet que les raisons avancées pour justifier l'extension du chemin d'accès soient imposées par la destination de celui-ci. 
En l'état de l'instruction du dossier, la question de la sécurité incendie mise en avant par la cour cantonale ne saurait justifier en elle-même l'ampleur de la route d'accès hors zone à bâtir. En effet, le préavis du service du feu pose certaines exigences techniques, mais sans lien aucun avec la question de l'emplacement de l'accès à la construction prévue. Dit service s'est en effet uniquement assuré que les exigences en matière de sécurité incendie seraient respectées par le nouvel ouvrage. La cour cantonale ne cite pas les exigences de la directive applicable en matière de sécurité incendie dont on ignore en réalité ce qu'elle implique. Le représentant de la police du feu entendu par la Cour de justice a au demeurant précisé qu'il existait une place de travail pour les sapeurs-pompiers à la route de Collex. Si celui-ci a ajouté que, même sans garage souterrain, un accès du côté de la zone agricole était indispensable pour les logements sud-est du bâtiment, on ne peut déduire de ces propos que le chemin actuel serait insuffisant. Cet aspect nécessite ainsi clarification pour évaluer le besoin d'un agrandissement de l'accès actuel du point de vue de la sécurité incendie. 
En d'autres termes, l'examen des variantes au sens de l'art. 24 let. a LAT doit se faire dans le contexte des différentes ampleurs, emprises et configurations possibles de la route d'accès. Doivent ainsi être examinées les options générant le moins de modifications possibles du chemin d'accès tel qu'il a été autorisé en 1996, voire le  status quo, cas échéant avec un redimensionnement du bâtiment prévu. En effet, la justification de l'ampleur du bâtiment d'habitations projeté lui-même doit également être intégrée à la réflexion, puisque c'est notamment celle-ci qui détermine l'ampleur du chemin d'accès.  
 
2.2.2. L'ampleur du chemin d'accès et, par effet réflexe, l'ampleur de l'immeuble projeté doivent également être examinées dans le cadre de la pesée des intérêts prévue par l'art. 24 let. b LAT. A cet égard, la cour cantonale constate à juste titre qu'il existe un important intérêt public à la construction de logements, mais celui-ci n'est pas véritablement mis en balance avec les autres intérêts en cause. La cour cantonale a par exemple considéré que la forte dénivellation de la zone est de la parcelle n° 997 sur laquelle est prévu l'accès au parking souterrain relativise fortement le potentiel agricole de la surface concernée. Cette appréciation devrait être plus étayée s'agissant de culture viticole qui peut être compatible avec un terrain en pente. L'arrêt cantonal omet surtout de prendre en considération l'intérêt même au respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti. A l'instar de ce que souligne l'ARE, construire un accès à la zone à bâtir sur la zone agricole pourrait s'avérer "pratique" pour toute autre parcelle sise en bordure de zone non constructible, de sorte que des motifs précis liés aux circonstances du cas particulier doivent distinguer ce cas du commun des situations.  
 
2.2.3. En résumé, l'examen auquel les autorités se sont successivement livrées est insuffisant et le dossier lacunaire quant à savoir si le projet est conforme au droit fédéral, en particulier à l'art. 24 LAT. Outre qu'il n'est pas établi que l'implantation de la route d'accès - dans l'ampleur prévue par la constructrice - soit imposée par sa destination, il découle également de cette instruction lacunaire qu'une pesée des intérêts au sens de l'art. 24 let. b LAT est impossible en l'état. Il appartient aux autorités cantonales de s'y livrer en connaissance des alternatives possibles à l'agrandissement du chemin déjà existant. Dans ce contexte, il y a notamment lieu de mettre en balance l'intérêt à occuper la parcelle n° 996 selon le potentiel constructible prévu par le projet - pour autant que celui-ci soit véritablement dépendant d'un accès de l'ampleur prévue - avec l'intérêt au respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti.  
 
3.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, aux frais de de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera également des dépens à la recourante, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est accordée à la recourante, à la charge de l'intimée, pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 12 avril 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Sidi-Ali