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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_282/2021  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Serge Patek, 
recourante, 
 
contre  
 
B1.________, 
représenté par Me Romolo Molo, 
intimé. 
 
Objet 
bail à loyer; héritiers; légitimation active; consorité nécessaire, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 19 avril 2021 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/14112/2017, ACJC/464/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Dès le 1er septembre 1989, B.________ a pris à bail un appartement de trois pièces et demie au quatrième étage d'un immeuble sis rue... à Genève. Ce logement comprend une cuisine, un séjour, un hall, une chambre à coucher et une chambrette d'une largeur de 1,90 mètre pouvant accueillir un lit pour une personne. Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 5'640 fr.  
 
A.b. En mars 2010, A.________ SA (ci-après: A.________) a acquis la propriété de l'immeuble susvisé. C.________ et D.________ en sont respectivement l'administrateur-président et l'administrateur vice-président. Ils sont en outre les deux seuls actionnaires de ladite société.  
 
A.c. B.________ est décédée le 19 avril 2014. Elle était la mère de deux enfants, B1.________ et B2.________.  
A compter du mois d'août 2014, la bailleresse a entrepris des démarches en vue de s'entretenir avec les héritiers ou les occupants éventuels de l'appartement loué par la défunte. Elle a notamment écrit à B1.________ et au fils de B2.________, B3.________, afin de faire le point de la situation. 
Le 16 octobre 2014, la Justice de paix genevoise a informé le conseil de la bailleresse que les héritiers de feu B.________ n'étaient pas tous connus, raison pour laquelle un avocat avait été désigné en qualité d'administrateur d'office de la succession. Ce dernier a fait savoir à la bailleresse, en date du 25 novembre 2014, que la défunte avait laissé ses deux fils comme héritiers légaux, à savoir B1.________, qui occupait depuis toujours l'appartement loué par sa mère, et B2.________, qui était pour l'heure introuvable. 
 
A.d. Le 11 décembre 2014, la bailleresse a résilié le contrat de bail avec effet au 31 août 2015. Invitée à motiver ce congé, elle a déclaré que, par suite du décès de B.________, elle souhaitait relouer l'appartement à un candidat de son choix.  
B1.________ a contesté la validité du congé devant l'autorité de conciliation compétente puis devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Sa demande en justice était dirigée contre la bailleresse et B2.________. 
Statuant le 2 mai 2016, le Tribunal des baux et loyers a annulé la résiliation. Il a retenu, en substance, que B1.________ faisait ménage commun avec sa mère depuis plusieurs années et qu'il avait continué à occuper seul l'appartement litigieux après la mort de celle-ci. B1.________ pouvait dès lors bénéficier de la protection prévue par l'art. 271a al. 1 let. f CO, la bailleresse n'ayant pas établi que le maintien de l'intéressé dans l'appartement litigieux représentait un inconvénient majeur pour elle. Ce jugement a été confirmé par la Cour de justice du canton de Genève. Le recours interjeté contre l'arrêt cantonal a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, par le Tribunal fédéral en date du 18 avril 2017 (arrêt 4A_34/2017). La Cour de céans a renoncé à notifier son arrêt au défendeur et intimé B2.________, dès lors que celui-ci était durablement absent et qu'il semblait ne pas avoir de curateur ni aucun intérêt effectif dans la contestation. 
 
A.e. Entre-temps, le Tribunal de première instance genevois, par décision du 4 avril 2016, avait déclaré l'absence de B2.________ et dit que les effets de la déclaration d'absence remontaient au 31 décembre 1997.  
 
A.f. Par avis officiels du 24 mai 2017, notifiés séparément à B1.________, d'une part, et à B2.________ (à l'adresse de son fils B3.________), d'autre part, la bailleresse a résilié le bail pour la prochaine échéance contractuelle du 31 août 2017.  
Invitée à motiver ce nouveau congé, la représentante de la bailleresse a indiqué le 21 juin 2017 que celui-ci était motivé par le besoin urgent de mettre l'appartement à disposition d'un proche de l'administrateur et actionnaire de A.________. En cours de procédure, la bailleresse a précisé que le logement était destiné au fils de C.________, C1.________, qui logeait dans un appartement plus petit et souhaitait s'installer dans l'appartement concerné avec sa compagne pour y fonder une famille. 
 
B.  
Par requête de conciliation introduite le 23 juin 2017 et portée devant le Tribunal des baux et loyers genevois le 8 février 2018, B1.________ a contesté le congé notifié le 24 mai 2017, dirigeant son action contre A.________, à l'exclusion des héritiers de B2.________. Il a conclu principalement à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans. 
La défenderesse a conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions. 
Le 11 juin 2018, le demandeur a versé à la procédure un certificat d'héritiers, établi le 11 octobre 2016, à teneur duquel les membres de l'hoirie de feu B.________ sont B1.________ ainsi que les deux fils de B2.________, à savoir B4.________ et B3.________. Il a en outre produit la transaction du 23 mai 2018 portant sur le partage de la succession de la défunte par laquelle les trois hoirs précités étaient convenus que le contrat de bail de l'appartement concerné était repris par B1.________, à son seul nom, avec les droits et obligations en découlant. 
De son côté, la défenderesse a allégué n'avoir appris que B4.________ et B3.________ s'étaient substitués à leur père que le 11 mai 2018, date à laquelle elle avait reçu un exemplaire du certificat d'héritiers. 
Par jugement du 21 juin 2019, le Tribunal des baux et loyers genevois a annulé le congé litigieux. En bref, il a jugé que le fait pour le demandeur d'invoquer la nullité du congé litigieux au motif que celui-ci n'avait pas été notifié à B4.________ et B3.________ était, compte tenu des circonstances, constitutif d'un abus de droit. Il a estimé que le demandeur disposait de la légitimation active pour contester seul la résiliation, nonobstant le fait qu'il n'avait pas assigné ses cohéritiers en tant que défendeurs dans la procédure. Le demandeur habitait en effet l'appartement concerné depuis des années et continuait à y résider, tandis que ses cohéritiers ne s'y étaient jamais intéressés. Par ailleurs, il avait été décidé, en mai 2018, que le bail reviendrait au seul demandeur. Sur le fond, les premières juges ont retenu que le motif invoqué par la bailleresse n'était qu'un prétexte et que la résiliation devait être annulée conformément à l'art. 271a al. 1 let. e CO. 
Statuant par arrêt du 19 avril 2021, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève, saisie d'un appel formé par la défenderesse et d'un appel joint du demandeur, a confirmé le jugement attaqué. 
 
C.  
Le 18 mai 2021, la bailleresse (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile dans lequel elle conclut à la réforme de l'arrêt entrepris et demande au Tribunal fédéral de constater la validité du congé litigieux et de débouter le demandeur (ci-après: l'intimé) de toutes ses conclusions. 
L'intimé a proposé principalement le rejet du recours. Subsidiairement, il a conclu au constat de la nullité de la résiliation du bail. Plus subsidiairement encore, il a requis l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de quatre ans. 
La cour cantonale a déclaré se référer à ses considérants. 
La recourante a déposé une réplique spontanée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 LTF). La présente cause atteint la valeur litigieuse de 15'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires relevant du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF). Au surplus, le recours est exercé par la partie qui a succombé dans ses conclusions et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1). 
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié. Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser; compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
En l'espèce, il est constant que B4.________ et B3.________ se sont substitués à leur père dans la succession de feu B.________ conformément aux art. 38 al. 1 et 457 al. 3 CC, puisque B2.________ a été déclaré absent par décision judiciaire du 4 avril 2016, les effets de la déclaration d'absence remontant au 31 décembre 1997 (art. 38 al. 2 CC). Le partage de la succession de la défunte n'étant intervenu que le 23 mai 2018, l'intimé et ses deux neveux étaient ainsi cotitulaires du bail de la défunte lorsque la recourante a procédé à la notification du congé litigieux en date du 24 mai 2017. Il n'est en outre pas contesté par les parties que l'intimé vivait depuis toujours dans l'appartement de sa défunte mère et que B4.________ et B3.________ n'ont jamais habité dans l'appartement de leur grand-mère paternelle et se sont totalement désintéressés de l'objet loué. 
 
4.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que l'intimé pouvait agir seul en annulation du congé litigieux. Selon elle, le fils de la défunte aurait soit dû ouvrir action avec le concours de ses deux cohéritiers soit les attraire au procès en qualité de défendeurs. 
 
4.1. L'intimé s'inscrit en faux contre la thèse soutenue par son adversaire. Il prétend en outre que le congé litigieux est frappé de nullité, au motif qu'il n'a pas été notifié à ses deux neveux, lesquels s'étaient substitués à leur père dans la succession de feu B.________.  
 
4.2. Lorsque le bail est de durée indéterminée, il y est mis fin, d'ordinaire, par une résiliation (art. 266a al. 1 CO), laquelle doit être adressée par l'une des parties au bail à l'autre. Le congé donné par un bailleur à une pluralité de locataires doit être communiqué à l'ensemble d'entre eux, à peine de nullité. Ainsi, la résiliation du bail d'un locataire défunt qui n'est pas adressée à tous les héritiers de ce locataire est nulle (ATF 140 III 491 consid. 4.2.1 et les références; arrêt 4A_189/2009 du 13 juillet 2009 consid. 2.1). Cette nullité peut être invoquée en tout temps et le juge doit la relever d'office, l'abus de droit étant réservé (art. 2 al. 2 CC; ATF 140 III 244 consid. 4.1 et les références).  
Selon la jurisprudence, le locataire qui invoque le défaut de notification à sa colocataire de l'avis comminatoire au sens de l'art. 257d CO et du congé se rend coupable d'un abus de droit lorsque la colocataire a déjà quitté définitivement l'objet du bail avant la notification de ceux-ci et qu'elle n'a aucun intérêt au maintien du bail (ATF 140 III 491 consid. 4.2). De même, le locataire commet un abus de droit lorsqu'il se prévaut de la nullité de la résiliation selon l'art. 266o CO, au motif que le congé n'a pas été communiqué à son conjoint, alors que ce dernier a quitté le logement de famille et s'en est complètement désintéressé (ATF 139 III 7 consid. 2.3.2). 
 
4.3. La qualité pour agir - communément qualifiée de légitimation active - appartient en principe à celui qui peut faire valoir la prétention en tant que titulaire du droit litigieux, en son propre nom (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; arrêt 4A_335/2018 du 9 mai 2019 consid. 6.3.2.2). Il s'agit d'une condition de fond du droit exercé, dont le défaut conduit au rejet de l'action (ATF 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a; arrêt 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 3.1). En particulier, si l'action n'a pas été ouverte par tous les consorts matériels nécessaires (art. 70 al. 1 CPC), elle doit en principe être rejetée, faute de qualité pour agir (ATF 140 III 598 consid. 3.2; 138 III 737 consid. 2; 137 III 455 consid. 3.5). La consorité (matérielle) nécessaire est imposée par le droit matériel, qui détermine les cas dans lesquels plusieurs parties doivent agir ou défendre ensemble (ATF 138 III 737 consid. 2 et consid. 4.1). Sous sa forme active, elle est réalisée lorsque plusieurs personnes sont ensemble titulaires du droit en cause, de sorte que chacune ne peut pas l'exercer seule en justice (ATF 136 III 123 consid. 4.4.1; 136 III 431 consid. 3.3). Sont ainsi consorts nécessaires les membres d'une communauté du droit civil - telle la communauté héréditaire - qui sont ensemble titulaires d'un même droit (ATF 137 III 455 consid. 3.5). Il y a aussi consorité nécessaire en cas d'action formatrice, soit lorsque l'action tend à la création, la modification ou la dissolution d'un droit ou d'un rapport de droit déterminé touchant plusieurs personnes (ATF 140 III 598 consid. 3.2; art. 87 CPC).  
L'acte par lequel le demandeur ouvre l'action contre le défendeur afin de respecter le délai de droit matériel - de prescription ou de péremption - auquel est soumis son droit est le même que celui qui crée la litispendance au sens de l'art. 62 al. 1 CPC (art. 64 al. 2 CPC). La date déterminante pour apprécier la qualité pour agir est donc celle de l'ouverture d'action et de la litispendance (arrêts 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1.1; 4A_482/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral examine librement la qualité pour agir et la qualité pour défendre, qui font partie des conditions matérielles de la prétention litigieuse (art. 106 al. 1 LTF; ATF 142 III 782 consid. 3.1.4; 130 III 417 consid. 3.1; 128 III 50 consid. 2b/bb; 123 III 60 consid. 3a). 
 
4.3.1. L'action en annulation de la résiliation du bail visée par les art. 271 s. CO est une action formatrice: en contestant le congé que lui a notifié le bailleur, le locataire cherche en effet à maintenir le rapport de droit qui les lie (ATF 145 III 143 consid. 5.2; 140 III 598 consid. 3.2; arrêts 4A_625/2017 du 12 mars 2018 consid. 3.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1). Lorsque plusieurs parties sont titulaires d'un bail, il y a bail commun, soit un rapport juridique uniforme, qui n'existe que comme un tout et pour toutes les parties au contrat. La question de savoir si, pour requérir l'annulation du congé, les cotitulaires du bail doivent agir en commun, ou si une exception peut être admise, a longtemps été l'objet d'une controverse doctrinale. Le Tribunal fédéral a tranché la question en 2010 en introduisant un tempérament à l'action conjointe, afin de tenir compte du " besoin de protection sociale particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu " (ATF 140 III 598 consid. 3.2; 146 III 346 consid. 2.2 et les références).  
Le demandeur peut dès lors agir seul, mais, comme l'action (formatrice) implique que le bail soit en définitive maintenu ou résilié envers toutes les parties, il doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir. Autrement dit, il n'est pas nécessaire que les consorts matériels nécessaires soient tous demandeurs ou défendeurs; il suffit qu'ils soient tous parties au procès, répartis d'un côté et de l'autre de la barre (ATF 146 III 346 consid. 2.2; 145 III 281 consid. 3.4.2; 140 III 598 consid. 3.2). 
Cette jurisprudence s'applique non seulement aux baux d'habitation, mais également aux baux de locaux commerciaux (ATF 146 III 346 consid. 2.2 et la référence). Elle s'étend à la demande de constatation de la nullité ou de l'inefficacité d'une résiliation (ATF 146 III 346 consid. 2.2 et les références). Elle vaut également dans le cadre de l'action en diminution du loyer (ATF 146 III 346 consid. 2). 
 
4.3.2. Selon l'art. 560 CC, les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1); ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes, sous réserve des exceptions prévues par la loi (al. 2).  
Le bail du défunt fait partie de sa succession et passe ainsi de plein droit aux héritiers, qui prennent sa place dans la relation contractuelle avec le bailleur. En principe, les héritiers membres de la communauté héréditaire (art. 602 CC), qui sont des consorts matériels nécessaires, sont titulaires (sur le plan actif) ensemble d'un seul et même droit sur chacun des biens de la succession; ils ne peuvent en disposer qu'ensemble (art. 602 al. 2 et 653 al. 2 CC) et doivent donc agir en justice ensemble (cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, T. I, Berne 2016, n. 865 ss). Chacun d'eux a toutefois la qualité pour agir seul en annulation de la résiliation du bail (respectivement en nullité ou inefficacité de cette résiliation) lorsque son ou ses cohéritiers s'y refusent, pour autant qu'il assigne également celui-ci ou ceux-ci en justice à côté du bailleur (ATF 140 III 598 consid. 3.2; arrêts 4A_141/2018 du 4 septembre 2018 consid. 4.1; 4A_689/2016, précité, consid. 4.1; 4A_516/2016 du 28 août 2017 consid. 8.1 in fine; 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.1; 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5; 4A_195/2016 du 9 septembre 2016 consid. 1.2).  
 
4.4. Le justiciable qui fait valoir une prétention doit démontrer qu'il a un intérêt digne de protection au sens de l'art. 59 al. 2 let. a CPC, soit un intérêt personnel et actuel à voir le juge statuer sur ses conclusions. Lorsqu'une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, elle est irrecevable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêts 4A_122/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.2; 4A_226/2016 du 20 octobre 2016 consid. 5; 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3 non publié in ATF 143 III 15; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 1.2).  
Selon la jurisprudence, le colocataire qui, au moment de la résiliation du bail, n'habite pas l'appartement loué ne saurait bénéficier de la protection sociale contre les congés garantie par les art. 271 s. CO. En effet, seul celui qui utilisait effectivement les locaux a un intérêt digne de protection à l'annulation du congé (cf. art. 59 al. 2 let. a CPC). Lorsque des enfants adultes succèdent au locataire décédé, la protection du locataire est ainsi réservée à la personne qui faisait ménage commun avec le défunt et continue d'habiter ledit logement, et refusée à la personne qui ne séjournait pas ou plus dans celui-ci (cf. arrêts 4A_141/2018, précité, consid. 4.1; 4A_689/2016, précité, consid. 4.1; 4A_516/2016, précité, consid. 8.1; 4A_347/2017, précité, consid. 3.1; 4A_34/2017, précité, consid. 5; 4A_195/2016, précité, consid. 1.2). 
 
4.5. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale relève que la recourante a entrepris des démarches en vue d'identifier les héritiers de feu B.________. Elle relève que le point de savoir quand la recourante a eu connaissance du certificat d'héritiers établi dans le cadre de la succession de la défunte est disputé par les parties, la recourante prétendant avoir été informée du contenu dudit document en mai 2018 seulement, soit postérieurement à la notification du congé litigieux. Cela étant, la juridiction précédente constate que B4.________ et B3.________ n'ont, à l'instar de leur père disparu au Mexique à la fin des années 1990, jamais habité dans l'appartement de leur grand-mère paternelle, qu'ils se sont totalement désintéressés de l'objet loué et, partant, qu'ils ne disposent d'aucun intérêt à contester le congé litigieux. Selon la cour cantonale, l'intimé commet ainsi un abus de droit en invoquant la nullité de la résiliation, au motif que celle-ci n'a pas été notifiée à ses neveux cotitulaires du bail.  
S'agissant de la question de la légitimation active du demandeur, l'autorité précédente constate que l'intimé faisait ménage commun avec sa défunte mère et qu'il a ensuite occupé seul le logement jusqu'au moment du congé, contrairement à ses deux neveux, cotitulaires du bail, qui ne se sont jamais préoccupés de l'objet loué. Elle considère ainsi que ceux-ci n'avaient aucun intérêt propre à participer au procès, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la barre. Toujours selon la cour cantonale, dans ces conditions, la recourante, lorsqu'elle conteste la légitimation active du demandeur, motifs pris de la non-assignation des autres héritiers cotitulaires du bail à la procédure, fait en réalité valoir l'intérêt de tiers, alors même qu'un tel intérêt fait manifestement défaut en l'espèce. En agissant de la sorte, la recourante se prévaut de la règle fixée à l'art. 602 CC - qui vise notamment à préserver les droits des cohéritiers dans une succession indivise - dans un but qui lui est étranger et, partant, adopte un comportement abusif ne méritant aucune protection. 
 
4.6.  
 
4.6.1. La solution retenue par la cour cantonale s'agissant de la prétendue nullité du congé litigieux ne prête pas le flanc à la critique. Sur la base des faits constatés par la juridiction précédente, il n'est en effet pas possible de retenir que la recourante aurait eu connaissance de la réelle identité des héritiers de feu B.________ au moment où elle a procédé à la notification du congé litigieux le 24 mai 2017. La recourante a allégué n'avoir été informée de l'existence du certificat d'héritiers établi en octobre 2016 - à la suite de la déclaration d'absence de B2.________ prononcée en avril 2016 - qu'en mai 2018, soit postérieurement à la résiliation du bail intervenue en mai 2017. Bien qu'il ait contesté cette allégation, l'intimé n'a jamais démontré que la recourante aurait eu connaissance de ces informations lorsqu'elle a résilié le bail en mai 2017. Par ailleurs, force est d'observer que la recourante a procédé aux vérifications nécessaires aux fins de connaître la composition de l'hoirie de feu B.________. Peu après le décès de celle-ci, la bailleresse a en effet entrepris des démarches auprès de la justice de paix, de l'administrateur de la succession, de l'intimé et de son neveu B3.________ en vue d'éclaircir la situation. Selon les renseignements qui lui ont été alors fournis, les héritiers de feu B.________ étaient l'intimé et B2.________, lequel était toutefois introuvable depuis plusieurs années. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la recourante d'avoir notifié le congé litigieux à l'intimé ainsi qu'à B2.________, à l'adresse de son fils B3.________. En tout état de cause, l'intimé ne saurait raisonnablement tirer argument du prétendu vice formel affectant la résiliation, motif pris que celle-ci n'a pas été notifiée à ses deux neveux, alors qu'il reconnaît lui-même que ceux-ci n'ont jamais occupé l'appartement et s'en sont complètement désintéressés. Le comportement adopté par l'intimé est à cet égard révélateur puisqu'il n'a pas jugé utile d'attraire ses cohéritiers à la procédure visant à contester la validité du congé notifié le 24 mai 2017. Dans ces circonstances, l'intéressé ne saurait invoquer la nullité du congé pour vice de forme sans commettre d'abus de droit.  
 
4.6.2. La cour cantonale a reconnu à juste titre que le demandeur avait un intérêt digne de protection à agir en annulation du congé litigieux. En revanche, elle a enfreint le droit fédéral en considérant que le demandeur pouvait agir seul en annulation du congé sans attraire ses cohéritiers à la procédure. Lorsqu'elle affirme, en substance, que les deux cohéritiers de l'intimé ne possèdent aucun intérêt à agir en contestation du congé litigieux et, partant, n'avaient pas besoin de participer à la présente procédure d'un côté ou de l'autre de la barre, l'autorité précédente fait fi de la distinction qu'il convient d'opérer entre la titularité du droit litigieux et celle de l'intérêt digne de protection visé par l'art. 59 al. 2 let. a CPC. En effet, la nécessité d'obtenir un jugement où tous les membres de la communauté héréditaire sont parties est une question de légitimation active, soit de titularité du droit objet de l'action; il s'agit ainsi d'un problème relevant du droit matériel (DENIS PIOTET, La représentation de l'hoirie dans le procès successoral, in Journée de droit successoral 2019, n. 22 p. 150). L'intérêt digne de protection visé par l'art. 59 al. 2 let. a CPC constitue quant à lui une condition de recevabilité de l'action; si celui-ci fait défaut, la demande est irrecevable.  
Il sied de bien distinguer ces deux questions. Selon la jurisprudence, seul l'héritier qui habitait effectivement le logement occupé par le défunt et continue d'y habiter dispose d'un intérêt digne de protection à agir en annulation du congé. Si un autre héritier cotitulaire du bail ne remplit pas cette condition, il ne peut pas contester seul le congé en dirigeant son action contre la partie bailleresse et ses cohéritiers, faute d'intérêt digne de protection à l'annulation du congé (art. 59 al. 2 let. a CPC). Cela ne constitue toutefois que la première étape du raisonnement. Si un héritier dispose d'un intérêt digne de protection pour agir en annulation du congé et que la demande est ainsi recevable, il faut encore examiner si tous ses cohéritiers, consorts nécessaires, sont bel et bien impliqués à la procédure d'un côté ou de l'autre de la barre. En effet, si certains héritiers - devenus parties au contrat de bail - ne peuvent invoquer les art. 271 s. CO pour contester la résiliation du bail, il n'en demeure pas moins que le sort de l'action en annulation du congé introduite par leur cohéritier peut affecter leur situation juridique. Ils peuvent notamment avoir intérêt à ce que le bail prenne fin afin de ne plus être tenus solidairement de payer le loyer. La décision relative à l'annulation du congé doit dès lors leur être opposable raison pour laquelle l'héritier qui dispose d'un intérêt digne de protection au sens de l'art. 59 al. 2 let. a CPC ne peut pas être l'unique partie au procès contre le bailleur (FRANÇOIS BASTONS BULLETTI, note relative à l'arrêt 4A_347/2017, in CPC Online, newsletter du 24 mai 2018). A défaut, on risquerait d'aboutir à des situations insatisfaisantes, dans l'hypothèse où un congé contesté avec succès par un seul des hoirs entraînerait le maintien du bail, mais où le jugement rendu ne serait pas opposable aux autres héritiers non parties à la procédure judiciaire. Un tel cas de figure soulèverait divers problèmes juridiques épineux, au rang desquels figurent notamment le point de savoir si les héritiers non parties à la procédure et opposés à la poursuite du bail demeureraient liés par celui-ci, la question du maintien éventuel de la responsabilité solidaire de tous les héritiers à l'égard de la partie bailleresse s'agissant notamment des dettes de loyer ainsi que les compensations éventuelles à opérer au sein de la communauté héréditaire (DENIS PIOTET, note relative à l'arrêt rendu le 21 janvier 2016 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, in JdT 2016 III 96). Comme l'a rappelé le Tribunal fédéral dans de nombreux arrêts, dont certains ont été publiés, tous les cotitulaires d'un bail doivent nécessairement être parties à la procédure en annulation du congé d'un côté ou de l'autre de la barre (ATF 146 III 346 consid. 2.2; 140 III 598 consid. 3.2; arrêts 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1; 4A_347/2017, précité, consid. 3.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1). Au vu de ce qui précède et pour les motifs susmentionnés, il y a lieu d'admettre que les membres de la communauté héréditaire, cotitulaires du bail, doivent nécessairement être parties à l'instance pour que le juge puisse statuer valablement sur la demande en annulation du congé. A défaut, l'action introduite par un hoir dirigée contre la partie bailleresse à l'exclusion de ses cohéritiers doit être rejetée, faute de légitimation active. 
En l'espèce, l'intimé connaissait pertinemment l'identité des titulaires du bail de l'appartement concerné à compter du mois d'octobre 2016, date à laquelle le certificat d'héritiers a été établi. Alors même qu'il a contesté le premier congé qui lui a été notifié en 2014 en dirigeant son action contre la recourante et son frère disparu, il n'a, curieusement, pas attrait ses deux neveux cohéritiers, pourtant cotitulaires du bail, à la procédure tendant à l'annulation du second congé notifié en mai 2017. Force est ainsi d'admettre que l'intimé, qui a décidé d'agir seul et exclusivement contre la recourante, sans attraire ses deux cohéritiers à la présente procédure, ne disposait pas de la légitimation active. Par ailleurs, la recourante, qui a d'emblée contesté le droit de l'intimé d'agir seul, ne saurait se voir reprocher d'avoir commis un quelconque abus de droit contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que l'action introduite le 23 juin 2017 par l'intimé est rejetée faute de légitimation active. 
 
5.  
Vu l'issue de la procédure, il convient de mettre les frais judiciaires à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF), lequel versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la demande introduite le 23 juin 2017 est rejetée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : O. Carruzzo