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{T 0/2} 
6S.82/2002/ROD 
 
C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E 
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Séance du 11 juin 2002 
 
Présidence de M. Schubarth, Président. 
Présents: M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et 
M. Karlen, Juges. Greffier: M. Denys. 
______________ 
 
Statuant sur le pourvoi en nullité 
formé par 
 
X.________, représenté par Me François Canonica, avocat à 
Genève, 
 
contre 
 
l'arrêt rendu le 1er février 2002 par la Cour de cassa- 
tion genevoise dans la cause qui oppose le recourant au 
Procureur général du canton de G e n è v e; 
 
(confiscation de valeurs patrimoniales) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants: 
 
A.- En juin 1992, le Ministère public genevois a 
ordonné l'ouverture d'une enquête préliminaire à l'en- 
contre de X.________, titulaire d'un passeport diplo- 
matique de la République du Yémen et d'un passeport 
argentin, domicilié en Espagne, pour blanchiment d'ar- 
gent, défaut de vigilance en matière d'opérations finan- 
cières, ainsi que faux dans les titres et certificats 
étrangers. Le 18 juin 1992, le Ministère public a or- 
donné la saisie de 6'240'177.40 US$ déposés sur le compte 
n° 1964 auprès de la Banque Audi (Suisse) SA à Genève. En 
juillet 1992, les mêmes fonds ont également été saisis à 
titre conservatoire dans le cadre d'une requête d'en- 
traide internationale émanant des autorités espagnoles. 
La mesure de blocage des fonds requise par les autorités 
espagnoles a par la suite été levée, la procédure espa- 
gnole s'étant achevée par l'acquittement de X.________. 
 
Les fonds sont cependant restés bloqués car les 
faits reprochés à X.________ dans le cadre de l'enquête 
genevoise étaient distincts de ceux qui étaient à l'ori- 
gine de la procédure espagnole. Le 31 juillet 1995, le 
Ministère public genevois a clôturé son enquête prélimi- 
naire et introduit une requête en confiscation des fonds 
saisis. Cette requête reposait en particulier sur l'im- 
plication de X.________ dans un trafic illicite d'armes à 
destination de pays de l'ex-Yougoslavie (Croatie et 
Bosnie). Il lui était reproché d'avoir fourni aux autori- 
tés espagnoles un document qui contenait une indication 
mensongère quant à la destination d'armes chargées sur le 
navire "Nadia" et d'avoir de la sorte obtenu l'autorisa- 
tion pour le navire de quitter le port espagnol où il 
transitait. 
 
B.- Par arrêt du 22 septembre 1997, la Chambre 
pénale de la Cour de justice genevoise a déclaré infondée 
la requête en confiscation. Elle a notamment relevé que 
l'infraction de trafic d'armes à destination de l'ex- 
Yougoslavie était certes réalisée mais qu'elle n'était 
pas punissable en Suisse, car les armes n'y avaient pas 
transité et X.________ n'était pas citoyen suisse ni 
domicilié dans ce pays. 
 
C.- Statuant sur le pourvoi cantonal du Ministère 
public, la Cour de cassation genevoise l'a partiellement 
admis par arrêt du 8 mai 1998. En bref, il ressort de cet 
arrêt que le trafic illicite d'armes reproché à 
X.________ constitue une infraction en droit suisse, soit 
celle réprimée par l'art. 11 de l'ordonnance du Conseil 
fédéral du 18 décembre 1991 sur l'acquisition et le port 
d'armes à feu par des ressortissants yougoslaves (RO 1992 
p. 25); il n'existe cependant aucun rattachement avec la 
Suisse dès lors que les armes n'y ont pas transité, que 
X.________ n'est pas domicilié dans ce pays, et qu'il 
n'en est pas citoyen; pour la Cour de cassation 
genevoise, cette situation n'exclut pourtant pas la 
confiscation en vertu du droit suisse du produit de 
l'infraction, pour autant que celle-ci soit également 
punissable dans le pays de commission - condition de la 
double incrimination abstraite; la Cour de cassation 
genevoise a ainsi renvoyé la cause à la Chambre pénale 
pour déterminer si le comportement imputé à X.________ 
tombait également sous le coup du droit espagnol. 
 
Dans la suite de la procédure, le Ministère public 
a ordonné la levée partielle de la saisie sur les fonds, 
laquelle a été maintenue à concurrence de 3'315'000 US$, 
montant qui correspondait au prix d'achat des armes 
livrées en ex-Yougoslavie, majoré des intérêts courus. La 
Chambre pénale genevoise a sollicité un avis de l'Insti- 
tut suisse de droit comparé (ISDC) sur le droit espagnol. 
L'ISDC a remis son avis le 10 février 1999, complété par 
un courrier du 16 juillet 1999. 
 
D.- Par un nouvel arrêt du 22 novembre 1999, la 
Chambre pénale genevoise a admis la requête en confis- 
cation du Ministère public. En particulier, le montant 
confisqué a été arrêté à 3'315'000 US$ sur la base des 
éléments suivants: Le compte n° 1964 auprès de la Banque 
Audi à Genève a d'abord été approvisionné par deux ver- 
sements, le premier de 7'388'140 US$ le 6 juin 1990 et le 
deuxième de 2'909'950 US$ le 19 juin 1990, en provenance 
d'un compte ouvert par l'épouse de X.________ auprès 
d'une banque zurichoise; il a ensuite été crédité à six 
reprises entre les mois de février et de juin 1992 de 
différents montants d'un total de 2'300'000 US$ en pro- 
venance d'un compte ouvert par le dénommé Y.________ 
auprès de l'Arab Bank (Switzerland); ce dernier compte 
avait lui-même été crédité de deux versements en date du 
7 février 1992, puis d'un troisième le 29 mai 1992, pour 
un total de 2'649'000 US$; Y.________ a admis que les 
fonds qui avaient transité sur son compte devaient servir 
à l'acquisition d'armes destinées à la Croatie et à la 
Bosnie; le compte n° 1964 auprès de la Banque Audi a été 
débité à quatre reprises, les 14 et 26 février, 13 et 27 
mai 1992, en faveur d'une société Cenrex, sise à 
Varsovie, pour un total de 2'549'135 US$, qui équivalait 
au prix d'achat des armes; la Chambre pénale a ainsi 
considéré que la valeur des fonds qui provenaient du 
trafic illicite d'armes pouvait être fixée à 3'315'000 
US$, comme le requérait le Ministère public, ce qui 
correspondait au prix d'acquisition des armes de 
2'549'135 US$, arrondi à 2'550'000 US$, augmenté 
proportionnellement de la plus-value de 30% dont avait 
bénéficié le compte n° 1964 depuis sa saisie. 
 
E.- X.________ a formé un pourvoi cantonal contre 
l'arrêt du 22 novembre 1999. La Cour de cassation 
genevoise a admis ce pourvoi par arrêt du 15 septembre 
2000. Elle a rappelé que l'acquittement prononcé en 
Espagne concernait d'autres faits que ceux liés au trafic 
d'armes. Selon elle, l'infraction au droit espagnol 
n'avait pas été déterminée avec une précision suffisante; 
cette infraction ne pouvait pas trouver sa source dans 
l'embargo des Nations Unies sur le commerce d'armes à 
destination des pays de l'ex-Yougoslavie car la résolu- 
tion du Conseil de sécurité n'avait pas encore été mise 
en oeuvre en Espagne à l'époque des faits reprochés, 
contrairement à la Suisse avec l'ordonnance du Conseil 
fédéral du 18 décembre 1991 sur l'acquisition et le port 
d'armes à feu par des ressortissants yougoslaves; par 
conséquent, seule une infraction "ordinaire" de la légis- 
lation espagnole pouvait entrer en ligne de compte. La 
Cour de cassation genevoise a ainsi renvoyé la cause à 
la Chambre pénale pour qu'elle procède à un complément 
d'instruction quant au droit espagnol. 
 
L'ISDC a rendu un avis complémentaire le 2 février 
2001. 
 
F.- Statuant à nouveau par arrêt du 25 juin 2001, 
la Chambre pénale genevoise a derechef admis la requête 
en confiscation du Ministère public. 
 
G.- Par arrêt du 1er février 2002, la Cour de 
cassation genevoise a rejeté le pourvoi cantonal formé 
par X.________ contre l'arrêt du 25 juin 2001. 
 
La Cour de cassation genevoise a retenu les faits 
suivants: Chargé d'armes, le navire "Nadia" a quitté, 
probablement en avril 1992, le port de Ceuta (Espagne) 
sur la base d'une autorisation des autorités espagnoles 
obtenue grâce à une fausse déclaration de destination, 
qui mentionnait le Yémen à la place de l'ex-Yougoslavie. 
X.________ possédait la maîtrise de ce trafic d'armes 
vers l'ex-Yougoslavie et a agi avec conscience et volonté 
s'agissant de la fausse déclaration de destination. 
 
La Cour de cassation genevoise a relevé que, de son 
point de vue et alors que le Tribunal fédéral ne s'était 
encore jamais exprimé sur cette question, il était 
possible de prononcer une confiscation en vertu du droit 
suisse même en l'absence de tout rattachement avec notre 
pays. Il fallait pour cela que le comportement en cause 
fasse l'objet d'une disposition pénale en droit étranger 
comme en droit suisse et que soit ainsi réalisée la con- 
dition de la double incrimination abstraite. Cette con- 
dition était remplie en l'espèce. En droit suisse, le 
comportement reproché à X.________, soit le fait d'avoir 
porté sur un document administratif une indication 
mensongère concernant la destination d'une cargaison 
d'armes, tombait sous le coup de la loi fédérale sur le 
matériel de guerre du 30 juin 1972 (RO 1973 p. 107), en 
vigueur au moment des faits, dont l'art. 17 al. 1 let. b 
réprime le comportement de celui qui donne des indica- 
tions fausses ou incomplètes dans une demande en vue 
d'une autorisation d'exporter du matériel de guerre. Le 
comportement de X.________ tombait également sous le coup 
d'une norme espagnole de droit pénal administratif, 
l'art. 1.1 al. 1 ch. 6 de la "Ley Organica 7/82" du 13 
juillet 1982. Dans la suite de son raisonnement, la Cour 
de cassation genevoise a considéré que les fonds saisis 
auprès de la banque genevoise se trouvaient dans un 
rapport de connexité directe avec l'établissement de la 
fausse déclaration et représentaient ainsi le résultat de 
l'infraction. Elle a prononcé leur confiscation en vertu 
de l'art. 58 aCP et non de l'art. 59 CP, lequel est entré 
en vigueur le 1er août 1994, soit postérieurement aux 
faits reprochés. 
 
H.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal 
fédéral contre l'arrêt de la Cour de cassation genevoise 
du 1er février 2002. Il conclut à son annulation. 
 
Invité à se déterminer, le Procureur général gene- 
vois conclut au rejet du pourvoi. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) S'opposant à la confiscation d'avoirs 
bancaires lui appartenant, le recourant est légitimé à se 
pourvoir en nullité en vertu de l'art. 270 let. h PPF. 
 
b) Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal 
fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 
PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté 
par l'autorité cantonale (cf. 273 al. 1 let. b et 277bis 
al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené 
sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, 
dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 
65 consid. 1 p. 66/67). 
 
2.- a) Il ne ressort pas de la procédure cantonale 
que l'Espagne aurait sollicité de la Suisse la confisca- 
tion des avoirs bancaires du recourant en raison des 
faits qui lui sont reprochés dans l'arrêt attaqué. 
Quoique ces faits se soient passés hors de la Suisse, que 
le recourant ne soit pas citoyen de ce pays et qu'il n'y 
soit pas domicilié, la Cour de cassation genevoise a 
admis qu'elle était compétente pour confisquer les avoirs 
bancaires de ce dernier en vertu du droit suisse. Le 
recourant le conteste. 
 
b) La confiscation des valeurs patrimoniales a été 
prononcée en vertu de l'art. 58 aCP, qui dispose qu'alors 
même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le 
juge prononcera la confiscation des objets et valeurs qui 
sont le produit ou le résultat d'une infraction, qui ont 
été l'objet d'une infraction ou qui ont servi à la com- 
mettre ou qui étaient destinés à la commettre, s'il y a 
lieu de supprimer un avantage ou une situation illicite 
ou si les objets compromettent la sécurité des personnes, 
la morale ou l'ordre public. 
 
Il n'est pas contesté que sur le point ici 
litigieux - la compétence des autorités suisses pour 
confisquer les valeurs patrimoniales -, l'art. 58 aCP n'a 
pas de portée distincte par rapport à la nouvelle 
réglementation sur la confiscation, en vigueur depuis le 
1er août 1994. Celle-ci sépare désormais la confiscation 
d'objets dangereux (art. 58 CP) et la confiscation de 
valeurs patrimoniales (art. 59 CP). L'art. 58 CP prévoit 
qu'alors même qu'aucune personne déterminée n'est punis- 
sable, le juge prononcera la confiscation d'objets qui 
ont servi ou devaient servir à commettre une infraction 
ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets 
compromettent la sécurité des personnes, la morale ou 
l'ordre public. Selon l'art. 59 ch. 1 al. 1 CP, le juge 
prononcera la confiscation des valeurs patrimoniales qui 
sont le résultat d'une infraction ou qui étaient desti- 
nées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infrac- 
tion, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en 
rétablissement de ses droits. 
 
c) La question de savoir si une confiscation peut 
intervenir ou non du seul fait que les valeurs patrimo- 
niales sont situées en Suisse, alors que l'infraction qui 
en est à l'origine n'est pas poursuivable dans ce pays, 
est débattue en doctrine. 
 
Le courant majoritaire considère que la confisca- 
tion suppose que la compétence territoriale suisse soit 
établie en vertu des art. 3 à 7 CP ou d'une disposition 
spécifique, comme l'art. 24 de la loi fédérale sur les 
stupéfiants (RS 812.121; LStup), selon lequel les avan- 
tages pécuniaires illicites qui se trouvent en Suisse 
seront également acquis à l'Etat lorsque l'infraction 
aura été commise à l'étranger (cf. Ursula Cassani, 
Combattre le crime en confisquant les profits: Nouvelles 
perspectives d'une justice transnationale, in Criminalité 
économique, Groupe suisse de travail de criminologie, 
vol. 17, 1999, p. 262/263 et les références citées sous 
note 7; cf. aussi les références citées in ATF 122 IV 91 
consid. 3b p. 94). Autrement dit, sous réserve d'une loi 
spéciale, une confiscation n'est possible que si l'in- 
fraction en relation avec les biens à confisquer ressor- 
tit à la compétence du juge suisse. 
 
Deux auteurs sont d'avis que la compétence territo- 
riale pour la confiscation appartient au juge du lieu où 
se trouve les valeurs patrimoniales, indépendamment de la 
compétence pour l'action pénale contre l'auteur, lorsque 
l'infraction est punissable aussi bien dans l'Etat où 
elle a été commise qu'en Suisse - principe de la double 
incrimination abstraite (cf. Niklaus Schmid, Kommentar 
Einziehung, organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. 
I, Zurich 1998, art. 58 CP n° 30 ss, art. 59 CP n° 28 et 
230; Das neue Einziehungsrecht nach StGB Art. 58 ff. in 
RPS 113/1995 p. 321 ss, spéc. 325 et 332; Maurice Harari, 
Corruption à l'étranger: quel sort réserver aux fonds 
saisis en Suisse - in RPS 116/1998 p. 1 ss, spéc. 11 ss). 
Pour fonder sa solution, la Cour de cassation genevoise 
s'est référée à ces deux auteurs. 
 
La jurisprudence a jusqu'ici suivi la doctrine 
dominante et considère ainsi que, sous réserve d'une 
norme spéciale comme l'art. 24 LStup, la confiscation 
implique que la juridiction suisse soit compétente au 
sens des art. 3 à 7 CP pour poursuivre l'infraction qui 
est à l'origine des biens à confisquer, ou dont ces 
derniers sont le produit ou l'instrument (ATF 117 IV 233 
consid. 4 p. 238; 115 Ib 517 consid. 7g/aa p. 538 et 13c 
p. 553; arrêt 1P.299/1993 du 8 novembre 1993, traduit in 
SJ 1994 p. 110). Mais plus récemment, en référence à la 
position émise par Schmid, elle a relevé que la question 
faisait l'objet d'une controverse doctrinale (ATF 122 IV 
91 consid. 3b p. 94). 
 
d) Pour motiver sa solution, la doctrine minori- 
taire se réfère au libellé de l'art. 58 CP, selon lequel 
une confiscation peut être prononcée "alors même 
qu'aucune personne déterminée n'est punissable" ("ohne 
Rücksicht auf die Strafbarkeit einer bestimmten Person"; 
"indipendentemente dalla punibilità di una data 
persona"), qu'elle applique également à l'art. 59 CP
Cette clause est reprise de l'art. 58 aCP. Son extension 
à l'art. 59 CP ne prête pas le flanc à la critique (cf. 
FF 1993 III p. 298). Cependant, la vocation de cette 
clause n'est pas de régler la compétence territoriale, 
mais d'assurer la possibilité de confisquer, alors même 
que l'auteur de l'infraction ne peut être identifié, 
qu'il est décédé ou irresponsable ou qu'il ne peut être 
poursuivi en Suisse pour d'autres raisons, par exemple 
parce qu'il s'est enfui à l'étranger et qu'il n'a pas été 
extradé (cf. Cassani, op. cit., p. 262). 
 
Selon le message du Conseil fédéral relatif à la 
révision qui a abouti aux actuels art. 58 ss CP, la 
possibilité de confisquer des valeurs patrimoniales 
"alors même qu'aucune personne déterminée n'est punis- 
sable" n'a pas d'autre portée que le droit alors en 
vigueur (l'art. 58 aCP) et vise en particulier les cas 
où l'auteur n'est pas identifié ou si un acquittement 
doit être prononcé, bien que les éléments constitutifs 
de l'infraction soient réalisés, par exemple en raison 
de l'irresponsabilité de l'auteur (cf. FF 1993 III 
p. 298/299). Au moment de cette révision, la juris- 
prudence précitée (ATF 117 IV 233 consid. 4 p. 238; 115 
Ib 517 consid. 7g/aa p. 538 et 13c p. 553) avait déjà 
relevé que la confiscation implique la compétence de la 
juridiction suisse quant à l'action pénale selon les art. 
3 à 7 CP ou une loi spéciale. Si le législateur fédéral 
avait souhaité ouvrir la confiscation indépendamment de 
toute compétence pour l'action pénale contre l'auteur, il 
l'aurait clairement spécifié, comme il l'a par exemple 
fait à l'art. 24 LStup
 
La révision en cours de la partie générale du Code 
pénal ne modifie pas cette solution. Le projet (art. 
69 ss) reprend les dispositions actuelles relatives à la 
confiscation (cf. FF 1999 p. 1914; BO 1999 CE p. 1129; BO 
2001 CN p. 584). Les art. 3 à 8 du projet reprennent par 
ailleurs les principes définis actuellement aux art. 3 ss 
CP, sous réserve des délits sexuels contre les mineurs, 
qui sont soumis à une compétence universelle (cf. FF 1999 
p. 1798 ss). Les Chambres fédérales débattent d'intro- 
duire à l'art. 7 du projet une compétence universelle en 
cas de violation "des principes généraux de droit recon- 
nus par la communauté des peuples" (cf. BO 2001 CN 
p. 541). Quoi qu'il en soit, il n'est pas envisagé 
d'admettre une compétence générale pour le prononcé d'une 
confiscation au lieu de situation des avoirs. 
 
Les art. 3 à 7 CP posent les règles d'application 
du Code pénal, dont l'art. 59 CP fait précisément partie. 
Pour qu'il puisse être question d'une infraction selon le 
droit pénal suisse, il est indispensable qu'il existe un 
point de rattachement avec notre pays, tel que défini aux 
art. 3 à 7 CP. La confiscation selon l'art. 59 CP de 
valeurs patrimoniales en relation avec une infraction est 
aussi soumise aux art. 3 à 7 CP. Elle ne peut être ordon- 
née que si l'infraction en cause ressortit à la compé- 
tence de la juridiction suisse. 
 
Il ne faut d'ailleurs pas minimiser la compétence 
territoriale du juge suisse en matière de confiscation, 
en particulier telle qu'elle peut découler de l'art. 7 CP 
(cf. infra, let. e) ou encore de l'art. 305bis ch. 3 CP
qui prévoit que les avoirs issus d'un crime à l'étranger 
peuvent constituer un blanchiment en Suisse; par ce 
biais, les fonds blanchis peuvent être considérés comme 
le résultat au sens de l'art. 59 CP d'une infraction 
commise en Suisse et ainsi être confisqués (cf. Cassani, 
op. cit., p. 264/265). En outre, il faut évidemment 
réserver la coopération internationale et la saisie 
d'avoirs en Suisse à la requête d'un Etat étranger (cf. 
notamment art. 63 al. 2 let. d EIMP [RS 351.1]; art. 
13 ss de la Convention n° 141 du Conseil de l'Europe 
du 8 novembre 1990, relative au blanchiment, au dépis- 
tage, à la saisie et à la confiscation des produits du 
crime [RS 0.311.53]). D'ailleurs, en matière de collabo- 
ration internationale, la possibilité d'une confiscation 
autonome en vertu des art. 3 à 7 CP ou d'une loi spéciale 
a une incidence. Par exemple, l'art. 13 de la Convention 
n° 141 précitée oblige les Etats contractants à se prêter 
mutuellement assistance en aménageant l'une des voies 
suivantes: soit exécuter la décision de confiscation 
rendue par l'Etat requérant (art. 13 ch. 1 let. a), soit 
prononcer la confiscation par une voie autonome (art. 13 
ch. 1 let. b); dans son message relatif à la ratification 
de la Convention, le Conseil fédéral expose que la Suisse 
empruntera la voie de la confiscation autonome lors- 
qu'elle est compétente en vertu des art. 3 à 7 CP ou 
d'une norme spéciale comme l'art. 24 LStup, alors que 
s'il n'existe aucun rattachement, elle exécutera la déci- 
sion étrangère de confiscation (cf. FF 1992 VI p. 21/22). 
Une telle conception n'aurait aucun sens si l'on admet- 
tait, en suivant la doctrine minoritaire, qu'une confis- 
cation autonome en Suisse est possible en raison du seul 
lieu de situation des valeurs patrimoniales. 
 
e) En l'espèce, l'Espagne n'a pas requis la coopé- 
ration de la Suisse pour les faits dont il est question 
ici. La qualification de blanchiment n'a pas été retenue. 
Il ne reste que l'art. 7 CP qui puisse fonder la compé- 
tence du juge suisse pour l'action pénale, aucun autre 
rattachement en vertu des art. 3 ss CP n'étant réalisé. 
 
Selon l'art. 7 al. 1 CP, un crime ou un délit est 
réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi, qu'au lieu 
où le résultat s'est produit. Il a été reproché au recou- 
rant d'avoir porté sur un document administratif une 
indication mensongère concernant la destination d'une 
cargaison d'armes et d'avoir ainsi obtenu des autorités 
espagnoles l'autorisation pour le navire de quitter le 
port. Pour la Cour de cassation genevoise, ce comporte- 
ment est en droit suisse constitutif de l'infraction 
réprimée par l'art. 17 al. 1 let. b de la loi fédérale 
sur le matériel de guerre du 30 juin 1972 (RO 1973 
p. 107). A ce stade de la procédure, une autre qualifi- 
cation juridique ne saurait être envisagée. L'art. 17 
al. 1 let. b précité punit de l'emprisonnement ou d'une 
amende jusqu'à 500'000 francs, voire de la réclusion pour 
cinq ans au plus dans les cas graves, celui qui inten- 
tionnellement donne dans une demande formulée en vertu de 
la présente loi des indications fausses ou incomplètes, 
déterminantes pour l'octroi d'une autorisation, ou fait 
usage d'une telle demande établie par un tiers. 
 
Pour admettre un for pour l'action pénale rela- 
tivement à cette infraction, il faudrait qu'elle ait 
produit un résultat en Suisse au sens de l'art. 7 CP. Le 
Tribunal fédéral a longtemps considéré, à la suite d'un 
revirement de sa jurisprudence, que la notion de résultat 
selon l'art. 7 CP s'interprétait de la même manière que 
pour la définition du délit matériel (ATF 105 IV 326 
consid. 3c à g p. 327 ss). Il s'est récemment distancié 
de cette solution et est revenu à une interprétation plus 
large de la notion de résultat. Il a ainsi estimé que la 
lecture en Suisse de lettres diffamatoires par des per- 
sonnes à qui elles avaient été adressées depuis l'étran- 
ger était une conséquence suffisante de l'acte en Suisse 
pour admettre un résultat au sens de l'art. 7 CP et, 
partant, l'application du droit suisse, même si cette 
prise de connaissance ne devait pas constituer un résul- 
tat au sens technique des délits matériels (ATF 125 IV 
177 consid. 2 et 3 p. 180 ss). Le Tribunal fédéral a 
également examiné la question du résultat relativement à 
la qualification d'abus de confiance. Il s'agissait d'un 
acte commis à l'étranger ayant conduit à l'appauvrisse- 
ment d'une société anonyme avec siège en Suisse, du fait 
que le compte de celle-ci en Suisse n'avait pas été 
crédité du montant correspondant à des marchandises sous- 
traites. Le Tribunal fédéral a admis que cet appauvrisse- 
ment constituait un résultat au sens de l'art. 7 CP pour 
le motif qu'il représentait une diminution de patrimoine, 
immédiatement provoquée en Suisse par l'infraction, ce 
que ne pouvait ignorer l'auteur dès lors que le siège de 
la société lésée était en Suisse (ATF 124 IV 241 consid. 
4c et d p. 244/245). 
 
Rien en l'occurrence ne permet d'appréhender les 
versements opérés sur le compte bancaire à Genève comme 
le résultat de l'infraction prise en considération, qui 
réprime uniquement la fausse indication donnée par le 
recourant aux autorités espagnoles afin d'obtenir une 
autorisation de départ pour le navire. Cette indication 
représente certes l'un des éléments qui a permis de 
concrétiser le trafic d'armes. Mais elle n'a pas eu comme 
conséquence directe et immédiate les versements d'argent 
auprès de la banque genevoise. Contrairement à l'avis de 
la Cour de cassation genevoise, la présente configuration 
ne peut être assimilée à celle visée dans l'arrêt du 
Tribunal fédéral du 4 mai 1999 (6S.819/1998, publié in SJ 
1999 I 417), où la remise d'un chèque falsifié, réalisant 
la qualification de faux dans les titres (art. 251 CP), à 
une banque avait permis d'obtenir indûment de l'argent de 
celle-ci; car dans ce dernier cas, c'est l'emploi du 
titre falsifié auprès de la banque lésée qui avait direc- 
tement procuré l'avantage illicite. En outre, il ne res- 
sort pas de l'état de fait que le prix des armes aurait 
directement été versé sur le compte à Genève. Or, il ne 
suffit pas pour fonder un résultat au sens de l'art. 7 CP 
que le prix payé ailleurs soit ensuite transféré en 
Suisse. Encore peut-on relever que les versements sont 
pour partie intervenus à des dates antérieures à celle 
d'avril 1992 retenue pour le départ du navire. 
 
Faute de connexité immédiate entre les versements 
et l'infraction imputée au recourant, celle-ci n'a donc 
pas produit de résultat en Suisse au sens de l'art. 7 CP
susceptible de fonder la compétence des tribunaux 
suisses. Il en découle qu'une confiscation en vertu de 
l'art. 58 aCP, respectivement de l'art. 59 CP, est exclue 
(cf. supra, consid. 2d). La confiscation prononcée viole 
le droit fédéral. Le grief du recourant est fondé. 
 
Il résulte de ce qui précède qu'en dehors de toute 
coopération internationale requise de la Suisse par un 
Etat étranger et de tout rattachement de l'infraction 
avec la Suisse, des valeurs patrimoniales ne sauraient, 
en l'état du droit, faire l'objet d'une confiscation. Le 
cas échéant, il appartient au législateur fédéral de 
définir à quelles conditions une mesure de confiscation 
autonome pourrait intervenir en pareille situation. 
 
3.- Le pourvoi doit être admis et l'arrêt attaqué 
doit être annulé. Il est renoncé à la perception de frais 
et une indemnité est allouée au recourant (art. 278 al. 3 
PPF). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et 
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle 
décision. 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais. 
 
3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera 
au recourant une indemnité de 3'000 francs à titre de 
dépens. 
 
4. Communique le présent arrêt en copie au manda- 
taire du recourant, au Procureur général du canton de 
Genève et à la Cour de cassation genevoise. 
_____________ 
 
Lausanne, le 11 juin 2002 
 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,