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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.460/2003 /col 
 
Arrêt du 7 octobre 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
B.________, 
recourante, représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, rue du Progrès 1, case postale 1161, 1701 Fribourg, 
 
contre 
 
K.________, 
intimé, représenté par Me Christophe Misteli, avocat, avenue Paul-Ceresole 3, 1800 Vevey, 
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia 18, case postale, 
1800 Vevey, 
Procureur général du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
procédure pénale, non-lieu 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal 
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de 
Vaud du 10 juillet 2003. 
 
Faits: 
A. 
Par ordonnance du 29 janvier 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est Vaudois a clos par un non-lieu une enquête ouverte sur plainte de B.________ contre K.________ pour lésions corporelles par négligence. Opérée le 20 octobre 2000 d'une cataracte à l'oeil droit, la plaignante avait subi une brûlure du tunnel scléro-cornéen. Le médecin avait examiné la sonde au microscope et constaté une raie dans la partie visible de la tige; la sonde avait été changée, et l'opération avait été poursuivie en raison du risque d'inflammation à laisser le cristallin entamé. Il s'en était suivi une rupture capsulaire avec perte du noyau dans le vitré ayant nécessité un transfert à l'Hôpital ophtalmique de Lausanne. A l'appui du non-lieu, le juge d'instruction a retenu, en se fondant sur deux rapports d'expertise du 3 septembre 2001 et du 22 juillet 2002, ainsi qu'un complément du 4 novembre 2002, que la technique utilisée (phakoémulsification) était adéquate, et que la brûlure pouvait avoir été causée par un défaut de la sonde, sans que l'on puisse reprocher au médecin de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. La décision de poursuivre l'opération était justifiée. La perte du noyau constituait un risque opératoire classique, même s'il pouvait exister un "rapport indirect" entre la brûlure et la rupture de la capsule. Les informations données à la patiente étaient suffisantes. 
B. 
Par arrêt du 19 mars 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision. Le juge d'instruction ne s'était pas explicitement prononcé sur une demande de prolongation du délai de prochaine clôture, mais la plaignante avait déjà obtenu deux prolongations, et n'invoquait pas de circonstances exceptionnelles permettant d'en obtenir une troisième. Les mesures d'instruction sollicitées ne paraissaient pas propres à modifier la décision de non-lieu. 
C. 
B.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt. Elle en demande l'annulation, ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle requiert l'assistance judiciaire. 
Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt. Le Ministère public et l'intimé K.________ concluent au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est interjeté dans les formes et le délai utiles contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale, confirmant une décision de non-lieu. 
1.1 En vertu de l'art. 8 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5), la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle (art. 2 al. 1 LAVI) a qualité au sens de l'art. 88 OJ pour recourir sur le fond contre une décision de non-lieu, de classement ou d'acquittement, pour autant qu'elle ait eu qualité de partie dans la procédure pénale, et que le prononcé puisse avoir des effets sur ses prétentions civiles. Tel est le cas en l'occurrence. 
1.2 La recourante conclut au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants. Compte tenu de la nature essentiellement cassatoire du recours de droit public, et en l'absence d'une exception à cette règle, seule est recevable la conclusion tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107 et les arrêts cités). 
2. 
Dans un grief d'ordre formel, à examiner en premier lieu, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Le 16 décembre 2002, le juge d'instruction avait fixé un délai au 20 janvier 2003 pour requérir un complément d'expertise. Le 20 janvier 2003, la recourante avait demandé une prolongation de ce délai. Le juge avait rendu le non-lieu le 29 janvier suivant, sans statuer sur cette demande. La recourante indique ensuite les diverses mesures d'instruction complémentaires qui auraient dû, selon elle, être ordonnées. 
2.1 Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet au justiciable de participer à la procédure probatoire en exigeant l'administration des preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70). Par ailleurs, le droit d'être entendu doit être exercé dans le respect des règles de procédure cantonales relatives à l'administration des preuves. 
2.2 La recourante méconnaît que le Tribunal d'accusation a répondu à ses arguments en relevant que le délai de prochaine clôture avait déjà été reporté deux fois, que selon l'art. 135 al. 2 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD), un délai ne peut être prolongé plus de deux fois qu'en raison de circonstances exceptionnelles, et que le changement d'avocat, intervenu en décembre 2002, ne constituait pas une telle circonstance. La recourante se contente d'affirmer que la non- utilisation du délai de prochaine clôture ne la privait pas du droit de recourir pour demander un complément d'enquête. Elle ne prétend pas, en revanche, que les considérations relatives aux demandes de prolongation de délai seraient arbitraires. Elle ne fait en particulier valoir aucune circonstance qui aurait dû conduire le magistrat à reporter une nouvelle fois le délai de prochaine clôture. Le grief n'apparaît dès lors pas motivé conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. L'absence de décision formelle sur ce point n'a d'ailleurs pas privé la recourante du droit de recourir, au travers de la décision de non-lieu, et la cour cantonale s'est pour sa part déterminée sur les divers compléments requis. 
2.3 La recourante persiste à demander une expertise complémentaire, une audition du médecin et de son assistant, ainsi que la production des photos ou du film réalisés durant l'opération. Une nouvelle expertise devrait selon elle permettre de déterminer si le défaut de la sonde avait pu aggraver ou accélérer la brûlure. La cour cantonale a toutefois estimé que la recourante n'avait pas requis de complément dans les délais fixés selon l'art. 250 al. 2 CPP/VD après la remise de chaque rapport. En outre, la recourante se limitait à citer des pièces du dossier qui devaient susciter des doutes, sans préciser sur quels points devrait porter le complément requis. Dans son recours de droit public, la recourante ne tente pas de démontrer que l'une ou l'autre de ces affirmations serait arbitraire. Le grief tiré du droit d'être entendu doit par conséquent être écarté. 
3. 
Sur le fond, la recourante invoque une violation du principe "in dubio pro duriore": il y aurait des indices suffisants de commission d'une infraction. L'intimé n'aurait pas contrôlé le matériel utilisé pour l'opération, aurait insuffisamment informé sa patiente sur les risques encourus, et aurait violé les règles de l'art. 
3.1 Selon l'art. 260 CPP/VD, le juge instructeur rend une ordonnance de non-lieu s'il estime qu'il n'y a pas lieu à condamnation ou à renvoi. L'autorité d'instruction doit ainsi éviter la saisine du juge du fond lorsqu'il apparaît d'emblée qu'une condamnation est exclue, notamment en raison du doute qui doit profiter à l'accusé. L'adage "in dubio pro duriore" n'a pas de portée indépendante par rapport aux dispositions du droit cantonal, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Il en va de même pour l'appréciation des preuves opérée par l'instance cantonale (ATF 128 I 177 consid. 2.2 p. 182/183; 127 I 38 consid. 2 p. 40/41). 
3.2 La recourante ne saurait reprocher à l'intimé de ne pas avoir examiné la sonde au microscope avant son utilisation, puisqu'il s'agit d'un matériel neuf à usage unique. Par ailleurs, les experts relèvent unanimement le caractère exceptionnel de l'incident survenu. Enfin, la cause de celui-ci n'ayant pas pu être déterminée avec certitude, rien n'indique qu'un examen préalable aurait permis de déceler un défaut de la sonde. La violation du devoir d'informer le patient n'est pas non plus démontrée, la recourante se contentant pour sa part de généra-lités sur ce devoir d'information, ajoutant qu'elle n'aurait pas effectué l'opération si elle en connaissait les risques. Or, une brûlure du type de celle qui est intervenue est qualifiée par les experts d'événement exceptionnel. Selon l'expert, le patient doit être informé des risques de l'opération, sans qu'il soit toutefois judicieux d'en dresser une liste exhaustive, compte tenu de l'effet anxiogène pour le patient. L'information devrait essentiellement porter sur le risque infectieux - potentiellement invalidant pour l'oeil -, alors que les autres complications, telle la rupture du sac capsulaire pourraient être "récupérées" sans perte visuelle. La motivation du juge d'instruction, à laquelle se réfère la cour cantonale, reprend ces considérations. Elle ne saurait être qualifiée d'arbitraire. Quant à la violation des règles de l'art, elle est niée par les deux experts tant pour la brûlure que pour l'incident suivant. A ce sujet également, la recourante se contente d'évoquer l'importance et le caractère exceptionnel des lésions subies, mais ces éléments ne permettent pas à eux seuls de déduire l'existence d'une négligence de la part du médecin. Pour autant qu'il est suffisamment motivé, le grief doit lui aussi être rejeté. 
4. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante demande l'assistance judiciaire. Les conditions en paraissent réalisées, en dépit du peu de chances de succès du recours. Me Fabbro est désigné comme défenseur d'office, et rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. L'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense pas la recourante de payer à l'intimé une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Stefano Fabbro est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à l'intimé K.________, à la charge de la recourante. 
4. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 7 octobre 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: