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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.26/2007 /frs 
 
Arrêt du 15 juin 2007 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl. 
Greffière: Mme Borgeat. 
 
Parties 
X.________, 
défendeur et recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat, 
 
contre 
 
Y.________, 
demanderesse et intimée, représentée par Me François Membrez, avocat, 
 
Objet 
action en annulation de la poursuite selon l'art. 85a LP
 
recours en réforme [OJ] contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève 
du 30 novembre 2006. 
 
Faits : 
A. 
A.a Durant plusieurs années, Y.________ a travaillé en qualité de secrétaire pour X.________ et sa société Z.________ SA. 
 
Un litige de travail a opposé la première au second. Par arrêts de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève des 13 février et 22 octobre 2003, confirmés par le Tribunal fédéral le 9 mars 2004 (arrêts 4C.123/2003 et 4P.83/2003), X.________ a été condamné à payer à Y.________ la somme de 192'000 fr. pour avoir utilisé les services de celle-ci pendant quatre ans, de 1997 à fin 2000, sans lui verser de salaire. 
A.b En 2001, alors que X.________ était candidat au Grand Conseil Y.________ a divulgué et fait divulguer à un grand nombre de personnes, notamment des journalistes de la presse écrite, des voisins et des relations d'affaires de X.________, qu'elle avait subi, des années durant, de nombreux sévices physiques et psychologiques de la part de celui-ci. 
 
En particulier, ses propos ont été à l'origine d'un article paru dans l'édition du 16 septembre 2001 du journal A.________. Cet article a donné lieu à une action pour atteinte à la personnalité de X.________ contre l'organe de presse et la journaliste qui l'ont publié, respectivement écrit. 
 
Par arrêt du 13 juin 2003, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a notamment constaté que l'article du 16 septembre 2001 portait une atteinte illicite aux droits de la personnalité de X.________, cet article comportant certains faits inexacts, à savoir que X.________ aurait exigé de sa secrétaire qu'elle lui fasse ses courses et son linge, qu'il l'aurait séquestrée, qu'il lui aurait continuellement occasionné des hématomes aux bras, qu'il lui aurait fracturé le nez, une phalange et quatre dents, qu'il lui aurait démis l'épaule et failli l'étrangler, et, enfin, que ces lésions auraient causé à Y.________ des frais médicaux et dentaires de plusieurs milliers de francs, jamais remboursés par X.________; la Cour de justice a condamné les Editions R.________ SA à publier dans le journal A.________, à ses frais, les constatations susmentionnées, en indiquant qu'elles résultaient du dispositif de l'arrêt; elle n'a par contre pas alloué à X.________ l'indemnité pour tort moral de 25'000 fr. qu'il réclamait, considérant en substance que la constatation de l'atteinte illicite et la publication du rectificatif suffisaient à réparer le tort moral, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter une somme d'argent. Le Tribunal fédéral a rejeté les recours interjetés contre l'arrêt précité sur ces points le 23 septembre 2004 (arrêts 5C.167/2003 et 5P.299/2003). 
 
X.________ n'a pas été élu au Grand Conseil. 
B. 
En raison des propos que Y.________ avait tenus à son encontre, X.________ a ouvert contre elle une action pour tort moral, le 11 novembre 2002 (cause C/26988/2002), lui réclamant au total 383'165 fr. 35, soit 100'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 01.05.2001, à titre de réparation du tort moral, 108'165 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 30.09.2001, à titre de remboursement des frais de campagne électorale, et 175'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 01.10.2001, à titre de remboursement de ses frais judiciaires. 
 
Le 29 septembre 2004, X.________ a requis la poursuite de Y.________ pour les mêmes montants que ceux réclamés dans sa demande du 11 novembre 2002 (poursuite no xxxx). 
 
Y.________ n'ayant pas formé opposition au commandement de payer, qui lui a été notifié par voie édictale, X.________ a retiré, sans désistement d'action, sa demande en paiement du 11 novembre 2002. 
C. 
Le 4 novembre 2005, Y.________ a ouvert une action en annulation de la poursuite au sens de l'art. 85a LP contre X.________, devant le Tribunal de première instance de Genève, faisant valoir en substance que la dette qui lui était réclamée n'existait pas. 
 
Par jugement du 8 mai 2006, le Tribunal de première instance a constaté que Y.________ n'était pas débitrice de la somme de 383'165 fr. 35 avec intérêts et a annulé la poursuite no xxxx. 
 
X.________ a appelé de ce jugement. Par arrêt du 25 août 2006, la Cour de justice a ordonné la suspension provisoire de la poursuite dirigée contre Y.________ (poursuite no xxxx), conformément à l'art. 85a al. 2 LP
Statuant au fond le 30 novembre 2006, la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance du 8 mai 2006. 
D. 
Contre cet arrêt, X.________ interjette parallèlement un recours en réforme et un recours de droit public (5P.29/2007) au Tribunal fédéral. Dans son recours en réforme, il conclut, principalement, au rejet de l'action de Y.________ et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'instance inférieure pour complément d'instruction. Il invoque la violation des art. 4, 8, 28a al. 3 CC et 49 CO. 
 
Des observations n'ont pas été requises. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), l'ancienne loi d'organisation judiciaire (OJ) est applicable à la présente cause (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette disposition souffre toutefois des exceptions dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme (ATF 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379; 118 II 521 consid. 1b p. 523). Il se peut également que le Tribunal fédéral soit amené à examiner les deux recours en parallèle (ATF 117 II 630 consid. 1b p. 631; 111 II 398 consid. 1 p. 399). 
 
En l'espèce, la cour cantonale a notamment refusé d'administrer les mesures probatoires (enquêtes) sollicitées par le défendeur, et ce en se fondant sur un motif principal et sur un motif subsidiaire; or, le motif principal est critiqué par le défendeur dans son recours de droit public, le motif subsidiaire dans son recours en réforme. 
 
L'autorité cantonale lui a par ailleurs refusé l'octroi d'une indemnité pour tort moral, adoptant à nouveau une double motivation critiquée en partie dans le recours en réforme et en partie dans le recours de droit public. 
Dans ces circonstances, un examen simultané des deux recours s'impose. 
3. 
La décision rendue en matière d'annulation ou de suspension de la poursuite selon l'art. 85a LP est une décision dans une contestation civile au sens des art. 44 ss OJ, puisqu'elle tranche au fond une action en constatation de droit négative (ATF 132 III 89 consid. 1.2 p. 93). En l'espèce, la créance en poursuite dont l'existence est alléguée étant supérieure à 8'000 fr., le recours est également recevable au regard de l'art. 46 OJ. Interjeté en temps utile, compte tenu des féries de Noël (cf. art. 34 al. 1 let. c OJ) contre une décision rendue par le tribunal suprême du canton de Genève et non susceptible d'un recours ordinaire de droit cantonal, le recours est également recevable au regard des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ. 
4. 
Lorsque la décision incriminée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen ou le motif de recours approprié (ATF 132 III 555 consid. 3.2 p. 560; 132 I 13 consid. 3 p. 16/17; 121 IV 94 consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid. 2 p. 16; 115 II 300 consid. 2a p. 302; 111 II 398 consid. 2b p. 399). En ce qui concerne en particulier le recours en réforme, le recourant est tenu d'indiquer en quoi le droit fédéral est violé par chacune des motivations (ATF 115 II 300 consid. 2a p. 302 et l'arrêt cité). 
5. 
La cour cantonale a refusé d'administrer les mesures probatoires sollicitées par le défendeur; selon ce dernier, des enquêtes auraient dû être ordonnées, qui auraient permis de détailler les souffrances qu'il a subies. Il se plaint d'une violation de l'art. 8 CC
 
En l'espèce, la Cour de justice a écarté les offres de preuve du défendeur par un motif principal et un motif subsidiaire (5P.29/2007, consid. 5.1). Le motif principal, critiqué à juste titre dans le recours de droit public par le défendeur, a été jugé non arbitraire par la cour de céans (5P.29/2007, consid. 5.4). La motivation principale étant indépendante et suffisante pour maintenir l'arrêt attaqué sur ce point, il est superflu d'examiner, dans le présent recours, le motif subsidiaire, fondé sur la charge de la motivation - les faits pertinents doivent être exposés avec précision, de telle sorte que les preuves nécessaires puissent être administrées - incombant au défendeur (sur cette question, cf. ATF 127 III 365 consid. 2b p. 368). Le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC est ainsi sans objet. 
6. 
Le défendeur reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir fait un mauvais usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC en relation avec les art. 44 et 49 CO) en niant son droit à une indemnité pécuniaire pour tort moral en raison de sa faute concomitante. 
 
Il se plaint en outre de ce que l'autorité cantonale a retenu que le tort moral allégué avait été suffisamment réparé en l'espèce par la constatation de l'atteinte illicite et la publication d'un rectificatif dans le cadre de la procédure judiciaire l'ayant opposé à l'organe de presse et à la journaliste responsables de l'article du 16 septembre 2001 (cf. supra, let. A.b). Selon lui, cela n'est pas susceptible de réparer le tort moral découlant des atteintes plus vastes et plus importantes causées par la demanderesse elle-même. Il invoque à cet égard la violation des art. 8, 28a al. 3 CC et 49 CO. 
6.1 Selon l'art. 49 CO, auquel renvoie l'art. 28a al. 3 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement; le juge peut substituer ou ajouter à l'allocation de cette indemnité un autre mode de réparation. 
 
Les facteurs de réduction de l'indemnité prévus à l'art. 44 CO, soit en particulier la faute concomitante du lésé, permettent au juge de réduire, voire de supprimer le montant de la réparation morale octroyée sur la base de l'art. 49 CO (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1159 ss, 1325 et les références citées). L'art. 44 CO laisse au juge un large pouvoir d'appréciation au sens de l'art. 4 CC (ATF 128 III 390 consid. 4.5 p. 399; 127 III 453 consid. 8c p. 459). 
 
Comme chaque fois qu'une question relève du pouvoir d'appréciation du juge, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale et n'intervient que si le juge a excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation. Tel est notamment le cas si la décision attaquée s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; le Tribunal fédéral redresse en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 132 III 49 consid. 2.1 p. 51, 758 consid. 3.3 p. 762). 
6.2 En l'espèce, la Cour de justice a admis que la demanderesse avait porté atteinte à la personnalité du défendeur en été et en automne 2001, en lui imputant mensongèrement la perpétration de toute une série de délits graves contre la vie et l'intégrité corporelle (quatre dents, une phalange et le nez cassés, une épaule démise et une tentative d'étranglement). Elle a toutefois rejeté la prétention de 100'000 fr. réclamée à la demanderesse par le défendeur pour tort moral, et ce pour deux motifs. 
6.2.1 A titre principal, la cour cantonale a retenu la faute concomitante du défendeur, estimant que les atteintes dénoncées par celui-ci s'étaient inscrites dans un contexte professionnel tendu dont le défendeur, en sa qualité d'employeur, avait grandement contribué à l'émergence. Il résulte en effet des différentes décisions judiciaires intervenues dans le cadre du litige opposant les parties que le défendeur a lui-même porté atteinte à la personnalité de la demanderesse, en lui faisant subir des brimades pendant plusieurs années, et qu'il a gravement violé ses obligations d'employeur. Selon l'autorité cantonale, en raison de cette faute concomitante déjà, l'octroi d'une réparation morale n'est pas justifiée. 
6.2.2 Subsidiairement, elle a considéré que la constatation de l'atteinte illicite et la publication d'un rectificatif par l'organe de presse incriminé (cf. supra, let. A.b) suffisaient en l'espèce à réparer le tort moral subi, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter une somme d'argent, le défendeur n'ayant pas démontré, ni même allégué, qu'un tort moral subsisterait encore après la publication dudit rectificatif; en particulier, il n'explique pas en quoi les souffrances provoquées par la demanderesse dépasseraient celles causée par la publication de l'article de presse du 16 septembre 2001. 
6.3 En ce qui concerne la motivation principale (faute concomitante), le défendeur soutient que la cour cantonale a omis un élément et qu'elle s'est basée sur certains éléments dont elle n'aurait pas dû tenir compte. 
6.3.1 Ainsi, le défendeur reproche à la Cour de justice de ne pas avoir pris en considération le comportement totalement incompréhensible de la demanderesse qui, ne recevant aucun salaire pendant quatre ans, est tout de même restée au service de son employeur; selon le défendeur, c'est elle qui, en restant à son service pendant si longtemps, lui a permis de ne pas la rémunérer. 
La critique du défendeur n'est pas sérieuse; elle ne permet en tout cas pas de constater une mauvaise appréciation par l'autorité cantonale de la faute concomitante du défendeur. 
6.3.2 Le défendeur soutient également que la cour cantonale n'aurait pas dû tenir compte de la décision judiciaire concernant l'affaire qui l'a opposé à l'organe de presse et à la journaliste du journal A.________ (cf. supra, let. A.b), et ce en raison du principe de l'autorité de la chose jugée; selon lui, la demanderesse n'ayant pas été partie à ladite procédure, les juges cantonaux ne pouvaient fonder leur appréciation sur une décision qui ne lui est pas opposable; il reproche en outre à l'autorité cantonale d'avoir pris en considération une décision pénale inexistante (en raison de la prescription de l'action pénale). Le défendeur estime que la cour cantonale ne devait pas tenir compte des éléments ressortant des décisions précitées pour fonder son appréciation, soit du fait que la demanderesse a subi des brimades de sa part pendant plusieurs années, qu'elle a été victime de voies de fait et qu'il l'a empêchée de boire de l'eau pendant les heures de bureau. En définitive, il est d'avis que la Cour de justice pouvait uniquement retenir, pour apprécier une éventuelle faute concomitante de sa part, le fait qu'il n'a pas rémunéré son employée pendant des années. 
 
Cette critique est manifestement mal fondée. L'autorité de la chose jugée d'une décision est invoquée à mauvais escient. Le droit fédéral ne restreint pas les moyens de preuve que le juge peut prendre en considération; en particulier, il ne lui interdit pas de tenir compte des constatations de fait qui résultent des procès-verbaux d'autorités civiles, pénales ou administratives de la Confédération et des cantons, de leurs décisions et jugements, ainsi que des dépositions des témoins et des rapports d'expertise qui y figurent, et ce même si les procédures en question n'opposent pas les mêmes parties (cf. sur cette question: Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, vol. II, n. 7 ad art. 197 LPC/GE; cf. également l'art. 198 al. 2 CPC/FR). Contrairement à ce que prétend le défendeur, l'autorité cantonale n'a donc pas excédé son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC) dans la prise en compte de sa faute concomitante. 
6.4 La motivation principale de la Cour de justice, pour rejeter la prétention du défendeur à une indemnité pour tort moral, étant suffisante pour maintenir l'arrêt attaqué sur ce point, il est donc superflu d'examiner la motivation subsidiaire, que le défendeur remet en cause en invoquant une violation des art. 8, 28a al. 3 CC et 49 CO (cf. supra, consid. 6 in initio, 2ème par. et consid. 6.2.2). 
7. 
En conclusion, le recours en réforme, mal fondé, doit être rejeté. Le défendeur, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la demanderesse, qui n'a pas été invitée à répondre. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du défendeur. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 15 juin 2007 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: