Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.20/2005 /ajp 
 
Arrêt du 18 mars 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aemisegger et Reeb. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Christian Buonomo, avocat, 
 
contre 
 
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République et canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8, 
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale 1956, 1211 Genève 1. 
 
Objet 
art. 9, 26, 27 et 49 Cst. (ordre de remise en état [LDTR]), 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Genève 
du 23 novembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
X.________ est propriétaire de la parcelle n°0000 du Registre foncier de Genève. Sur ce bien-fonds, sis à l'angle des rues de D.________ et de F.________, est édifiée une maison d'habitation. 
 
Le 30 novembre 1998, X.________ a demandé au Département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le Département cantonal) l'autorisation de rénover deux logements, situés aux 2ème et 5ème étages de la maison. Ces deux appartements, alors vacants, avaient été précédemment remis à bail, pour un loyer s'élevant à 9'312 fr. par an (s'agissant du logement situé au 2ème étage) et de 9'396 fr. par an (s'agissant du logement situé au 5ème étage). Le 27 janvier 1999, le Département cantonal a accordé l'autorisation. Sa décision se référait au préavis du service chargé de l'application de la loi cantonale sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 25 janvier 1996 (LDTR). Selon ce préavis, le loyer futur des deux logements ne devait pas dépasser 14'000 fr. par an, pendant trois ans. 
 
Le 23 mars 1999, le H.________ a remis à bail le logement du 5ème étage à A.________. Le bail, conclu pour cinq ans, prenait effet au 1er mai 1999. Le loyer annuel a été fixé à 19'800 fr., sans les charges. L'art. 2 des dispositions particulières jointes au contrat précisait que le loyer annuel net était « ramené » à 13'992 fr. jusqu'au 30 avril 2002. 
 
Le 6 mai 1999, le H.________ a remis à bail le logement du 2ème étage à B.________. Le bail, conclu pour cinq ans, prenait effet au 15 mai 1999. Le loyer annuel a été fixé à 19'440 fr., sans les charges. Il était toutefois « ramené » à 13'992 fr. jusqu'au 30 avril 2002. 
 
Le 27 mars 2002, le H.________ a notifié à A.________ un avis selon lequel son loyer était porté à 19'800 fr. dès le 1er mai 2002, et à B.________ un avis selon lequel son loyer était porté à 19'440 fr. dès le 1er juin 2002. 
 
Le 8 septembre 2003, le Département cantonal a invité X.________ à rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours, en rectifiant les baux dans le sens de la fixation d'un loyer initial de 14'000 fr. par an au maximum, pendant une période de trois ans à compter de la prise d'effet des baux. 
Par arrêt du 23 novembre 2004, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours formé par X.________ contre cette décision. Il a considéré qu'au regard du but de la LDTR, c'est le montant fixé par l'autorité qui est déterminant pendant la période de contrôle et sert de référence pour toute hausse subséquente. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 23 novembre 2004 et la décision du 8 septembre 2003. Elle invoque les art. 9, 26, 27 et 49 Cst. 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département cantonal propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
En règle générale, le recours de droit public ne peut être dirigé que contre des décisions cantonales de dernière instance (art. 86 et 87 OJ). A titre exceptionnel, la conclusion tendant à l'annulation de la décision de l'autorité inférieure est recevable, lorsque le pouvoir d'examen de l'autorité cantonale de recours est plus restreint que celui du Tribunal fédéral dans la procédure du recours de droit public (ATF 128 I 46 consid. 1c p. 51; 125 I 492 consid. 1a p. 493/494; 118 Ia 165 consid. 2b p. 169, et les arrêts cités). En l'espèce, le Tribunal administratif n'est pas limité dans son pouvoir d'examen lorsqu'il est saisi d'un litige fondé sur la LDTR. Le recours est ainsi irrecevable dans la mesure où il tend à l'annulation de la décision du 8 septembre 2003. 
2. 
Pour la recourante, la solution retenue par le Tribunal administratif heurterait la primauté du droit fédéral, garantie par l'art. 49 Cst. Tels qu'ils sont formulés, les griefs tirés de la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.), de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et de la liberté économique (art. 27 Cst.) n'ont pas de portée propre à cet égard. 
2.1 Le droit fédéral prime d'emblée et toujours le droit cantonal dans les domaines placés dans la compétence de la Confédération et que celle-ci a effectivement réglementés (art. 49 al. 1 Cst.; 2 Disp. trans. aCst.). Les règles cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, doivent ainsi céder le pas devant le droit fédéral. Ce principe n'exclut cependant toute réglementation cantonale que dans les matières que le législateur fédéral a réglées de façon exhaustive, les cantons restant au surplus compétents pour édicter, quand tel n'est pas le cas, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux prévus par le droit fédéral (ATF 130 I 82 consid. 2.2 p. 87, 169 consid. 2.1 p. 170, 279 consid. 2.2 p. 283, et les arrêts cités). Si donc, dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC, c'est à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 130 I 169 consid. 2.1 p. 170; 129 I 330 consid. 3.1 p. 334, 402 consid. 2 p. 404, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'une règle de droit cantonal au droit fédéral (ATF 130 I 96 consid. 2.3 p. 98; 128 I 46 consid. 5a p. 54; 128 II 66 consid. 3 p. 70, et les arrêts cités). 
2.2 En matière de législation sur le logement, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral (ATF 117 Ia 328 consid. 2b p. 331; 113 Ia 126 consid. 9d p. 143). Cela étant, les cantons demeurent libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en soumettant à autorisation la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation (ATF 89 I 178). Si l'institution d'un contrôle permanent et général des loyers est incompatible avec le droit fédéral (ATF 116 Ia 401 consid. 4b/aa, et les arrêts cités), il est possible, en revanche, d'assortir l'autorisation de rénover des logements à un contrôle des loyers pendant une durée de dix ans (ATF 101 Ia 502). 
 
Aux termes de l'art. 12 LDTR, les loyers fixés conformément à l'art. 11 de la même loi sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde. En l'occurrence, s'agissant de rénovation n'équivalant pas à une transformation lourde, le Département cantonal a limité à 14'000 fr. par an le loyer des logements en question, pour une période de trois ans. 
2.3 La recourante ne critique pas cette mesure en tant que telle. Elle estime en revanche qu'elle n'avait pas à indiquer dans le contrat de bail que le loyer, pour les trois premières années du contrat, était fixé à 14'000 fr. Elle estime être en droit de fixer librement le montant du loyer, conformément aux règles du droit fédéral, quitte à rabattre le montant de celui-ci à la limite imposée par le Département cantonal. C'est ce qu'elle a fait en l'occurrence: les baux litigieux indiquaient un loyer annuel de 19'800 fr. et 19'440 fr., réduit à 13'992 fr. La recourante soutient que l'obligation de rectifier le contrat de bail pour aligner le montant du loyer initial à celui fixé par le Département cantonal ne reposerait pas sur une base légale, ne répondrait à aucun intérêt public et violerait le principe de la proportionnalité. 
2.3.1 Bien que le respect par les cantons de la primauté du droit fédéral soit un droit constitutionnel du citoyen (ATF 125 I 182 consid. 2a p. 184; 123 I 221 consid. 3d p. 238; 122 I 70 consid. 1a p. 72/73), les conditions d'intervention du droit cantonal ne s'examinent pas à la lumière de l'art. 36 al. 1 Cst., régissant la restriction des droits fondamentaux, mais uniquement sous l'angle des principes rappelés ci-dessus. 
 
Il est dès lors douteux que l'obligation de rectifier les baux initiaux doive nécessairement reposer sur une base légale au sens formel du terme. Cela étant, dès l'instant où l'art. 12 LDTR institue un contrôle des loyers après l'exécution des travaux de rénovation, l'obligation faite au propriétaire sous cet aspect inclut celle de rectifier des baux indiquant un loyer qui ne correspondrait pas à celui fixé par le Département cantonal. 
2.3.2 Selon l'autorisation du 27 janvier 1999, le loyer des deux logements en cause devait être fixé à 14'000 fr. par an. La recourante s'est conformée à cette obligation, mais de manière détournée: le loyer initial a été fixé à 19'800 fr. et à 19'440 fr., puis « ramené » à 13'992 fr. pour la durée du contrôle, soit les trois premières années du contrat. Cela étant, on ne voit pas pour quel motif le contrat n'indiquerait pas le loyer effectif, qui est un élément essentiel du contrat de bail (ATF 119 II 347). En outre, le procédé utilisé par la recourante n'est pas anodin. Pour majorer unilatéralement un loyer en effet, le bailleur ne devrait invoquer que des critères relatifs, et le juge appliquer la méthode relative. Exceptionnellement, la jurisprudence admet que le bailleur se prévale directement d'un facteur absolu et que le juge applique la méthode absolue pour examiner une majoration unilatérale du loyer. Cela s'explique par le fait que les dispositions concernant la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité (art. 253b al. 3 CO), d'une part, et parce que les modalités spécifiques auxquelles obéit la fixation du loyer par l'autorité administrative ne sont pas de nature à éveiller chez le locataire la confiance, propre à la méthode relative, quant au caractère suffisant du dernier loyer qu'il a payé, d'autre part (ATF 129 III 272 consid. 2.1 p. 274; 123 III 171 consid. 6a p. 173-175; 117 II 77 consid. 2 p. 80). Ces principes dégagés en relation avec la législation cantonale de subventions à la construction de logements sociaux s'appliquent, mutatis mutandis, à la situation où comme en l'espèce, le loyer est fixé par l'autorité administrative pour vérifier que les loyers consécutifs à des travaux de rénovation correspondent aux besoins prépondérants de la population (art. 11 al. 2 LDTR). Il est dès lors conforme à l'intérêt public lié à la bonne foi en affaires et à l'objectif poursuivi par la loi qui est de préserver un parc locatif correspondant aux besoins de la population que le loyer pris en compte pour une éventuelle majoration après la fin du contrôle cantonal soit celui fixé par le Département cantonal (soit 14'000 fr.) et non celui indiqué dans les contrats des 29 mars et 6 mai 1999 (soit 19'800 fr. et 19'440 fr.). 
 
Contrairement à ce que soutient la recourante, la solution retenue par le Tribunal administratif n'influe en rien sur la majoration ultérieure du loyer selon les principes qui viennent d'être rappelés. En particulier, l'obligation de rectifier les baux initiaux n'a pas pour effet de prolonger le contrôle étatique au-delà du délai légal, ni d'empêcher la recourante, si elle l'estime justifié, de majorer le loyer selon les règles du droit civil après la fin de la période de contrôle de trois ans. 
3. 
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais sont mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, ainsi qu'au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève. 
Lausanne, le 18 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: