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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.54/2005 /ech 
 
Arrêt du 24 mai 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
A.________, 
demandeur et recourant, représenté par 
Me Jean-Bernard Waeber, 
 
contre 
 
X.________ SA, 
défenderesse et intimée, représentée par 
Me Jean-Charles Lopez. 
 
Objet 
contrat de travail; salaire; art. 9 OLE
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de 
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève 
du 15 décembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
Par contrat de travail du 19 décembre 2001, X.________ SA a engagé A.________ comme coiffeur, pour son salon "B.________ Coiffure", dès le 7 mars 2002. Le contrat prévoyait un salaire mensuel de 3'500 fr. et précisait qu'"après les trois premiers mois, vous aurez également à votre charge la formation de nos assistantes en ce qui concerne la coupe et la technique de coiffure. Pour ce poste de formateur, votre traitement mensuel sera de 2'000 fr." 
 
Le 26 décembre 2001, X.________ SA a adressé à l'Office cantonal de la population une demande d'autorisation de travail pour frontalier en faveur de A.________, afin de l'engager en tant que "coiffeur qualifié dames et hommes", avec une rémunération de 5'500 fr. par mois. A l'appui de cette demande ont été fournies une lettre explicative ainsi qu'une copie du contrat de travail. Le 6 février 2002, l'Office cantonal de la population a délivré une autorisation de travail conforme à la demande qui lui avait été adressée. 
 
Pendant la durée de son engagement, A.________ a enseigné et donné des conseils pour les brushings, teintures et massages du cuir chevelu, ainsi que pour les soins capillaires, mais pas en ce qui concerne la coupe de cheveux. B.________ donnait la technique de base et A.________ l'affinait. B.________ avait consigné ses méthodes dans un recueil, dont elle s'écartait en pratique, ce qui rendait leur application difficile aux employés, ainsi que leur enseignement par A.________, qui avait exercé durant deux ans une activité de formateur dans une école privée de coiffure, à Lyon. 
 
Pendant toute la durée du contrat, A.________ a reçu un salaire mensuel de 3'500 fr., qu'il a accepté sans autre discussion. B.________ a précisé que le temps d'essai était une période lors de laquelle elle devait "former" A.________ à sa nouvelle méthode, ce que ce dernier a reconnu. Par contre, il a contesté que le temps d'essai ait été allongé de trois mois supplémentaires pour cette activité de formateur ou qu'il y ait eu un accord entre lui et B.________ selon lequel, faute de posséder les compétences de formateur, il aurait été gardé en tant que coiffeur pour un salaire de 3'500 fr. par mois. 
 
Le 28 mars 2003, A.________ a résilié son contrat à l'échéance du 3 mai 2003, en respectant le délai de congé prévu. 
Le 3 octobre 2003, A.________ a réclamé à son ancien employeur la somme de 30'000 fr. pour différence de salaire dû. Il affirmait qu'il aurait dû être rémunéré conformément à la demande d'autorisation de travail, soit à hauteur de 5'500 fr. par mois, alors que, pendant la durée de son engagement, il avait reçu un salaire de 3'500 fr. Il réclamait ainsi la différence de 2'000 fr. sur toute la durée des rapports de travail, soit quinze mois. 
 
Le 7 octobre 2003, X.________ SA a répondu à A.________ que le contrat de travail avait été joint à la demande d'autorisation de travail, de sorte que celle-ci devait se lire à la lumière de celui-là. Elle relevait par ailleurs que le salaire convenu était de 3'500 fr. pour le poste de coiffeur et de 2'000 fr. pour celui de formateur, mais que A.________ n'avait pas fourni d'activité de formateur car il ne possédait pas les qualités nécessaires. Dès lors, "n'étant pas capable d'assurer la seconde partie de son contrat, nous ne lui avons pas donné la rémunération qui s'y rapportait". 
B. 
Le 17 novembre 2003, A.________ a assigné X.________ SA devant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, notamment en paiement de la somme de 30'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès cette date, à titre de différence de salaire susmentionnée. Par jugement du 27 février 2004, le Tribunal des prud'hommes a condamné X.________ SA à payer à A.________ la somme brute de 24'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 17 novembre 2003, en relevant que le juge civil était lié par les conditions de rémunération fixées concrètement dans l'autorisation administrative du 6 février 2002. A.________ avait ainsi droit au salaire de 5'500 fr., mais pas durant le temps d'essai, la différence de salaire de 2'000 fr. sur douze mois correspondant à 24'000 fr. 
 
Statuant à l'instance de X.________ SA par arrêt du 15 décembre 2004, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a annulé le jugement entrepris et condamné X.________ SA à verser à A.________ la somme de 7'700 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 17 novembre 2003, sous réserve des déductions légales et sociales usuelles. La cour cantonale a estimé ce montant sur la base de l'art. 42 al. 2 CO. En substance, elle a retenu que X.________ SA n'avait pu prouver que le contrat de travail initial avait été modifié par un accord exprès verbal entre les parties, limitant la rémunération à 3'500 fr. Par contre, elle a considéré que A.________ avait accepté pendant quatorze mois, sans émettre aucune protestation, le salaire de 3'500 fr., de sorte qu'il fallait admettre sa renonciation tacite à percevoir le salaire de 5'500 fr. prévu dans le contrat de travail. Comme il avait cependant accompli une activité dépassant celle d'un simple coiffeur, même s'il n'avait pas exercé la fonction de formateur décrite dans le contrat et que B.________ attendait de lui, il devait être rémunéré pour ses prestations supplémentaires à raison de 700 fr. par mois pendant onze mois, ce qui correspondait à un montant total de 7'700 fr. 
C. 
A.________ (le demandeur) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la condamnation de X.________ SA à lui payer la somme brute de 24'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 17 novembre 2003, avec suite de dépens. 
 
X.________ SA (la défenderesse) propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué, avec suite de dépens. Pour sa part, la cour cantonale a formulé des observations. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Interjeté par le demandeur, qui a partiellement succombé dans ses conclusions condamnatoires, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. c et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ), ni pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 52 et les arrêts cités). 
 
Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4; 127 III 248 consid. 2c p. 252). 
1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par les parties (art. 63 al. 1 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29). 
2. 
Le demandeur invoque la jurisprudence du Tribunal de céans relative aux art. 342 al. 2 CO et 9 OLE (RS 823.21). 
2.1 Dans le but d'assurer la paix sociale en préservant les travailleurs suisses d'une sous-enchère salariale et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes (ATF 129 III 618 consid. 6.1 p. 623), l'art. 9 al. 1 OLE prévoit que les autorisations d'employer un travailleur étranger ne peuvent être accordées que si l'employeur accorde à celui-ci les mêmes conditions de rémunération et de travail en usage dans la localité et la profession qu'il accorde aux Suisses et que si l'étranger est assuré de manière adéquate contre les conséquences économiques d'une maladie. 
 
Dans une jurisprudence désormais bien établie, et valable jusqu'à l'abrogation de l'art. 9 OLE par l'entrée en vigueur des accords bilatéraux avec l'UE, le Tribunal fédéral admet que cette règle déploie des effets de droit civil, dans le sens où elle oblige l'employeur de respecter les conditions qui assortissent l'autorisation délivrée, en particulier de verser le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut faire valoir devant les juridictions civiles, conformément à l'art. 342 al. 2 CO; il en découle que la clause du contrat individuel de travail prévoyant un salaire inférieur au salaire fixé par l'autorité administrative compétente, en application de l'art. 9 OLE, est entachée de nullité de par la loi. Le juge civil est alors lié par les conditions de rémunération fixées concrètement dans l'autorisation administrative délivrée pour un emploi donné. Dès lors que la décision administrative est entrée en force, le travailleur a droit au salaire fixé et il n'y a plus à prendre en considération ni accord individuel ni convention collective, et il importe peu que la rémunération contractuelle, bien qu'inférieure au salaire fixé par l'autorité administrative, dépasse le salaire usuel dans la branche pour l'emploi considéré (ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621 s. et les références citées). 
 
Dans les conflits de compétence entre les autorités administratives et le pouvoir judiciaire (qui comprend les tribunaux ordinaires civils, pénaux et administratifs), la règle tirée du principe de la séparation des pouvoirs exige que les agents administratifs et les juges interviennent de manière indépendante dans le champ de leur compétence propre, et respectent chacun les décisions de l'autre ordre. Ce principe d'indépendance réciproque, ou d'autonomie, connaît une exception lorsqu'une disposition légale particulière le prévoit expressément, ou lorsqu'une autorité administrative doit rendre une décision sur la base d'un jugement de renvoi d'un tribunal administratif, assorti d'instructions concrètes liant l'autorité administrative de base concernée. Quant à la reconnaissance réciproque des décisions, elle vaut uniquement pour leur dispositif, et non pas pour les motifs à l'appui de ce dernier. Par exception à cette norme, les décisions administratives nulles, qui, en raison de leur caractère vicié, n'emportent aucun effet juridique, ne lient naturellement pas les tribunaux (arrêt 4P.256/2004 du 26 janvier 2005, consid. 2.4.1 et la référence citée). Inversement, le juge doit suivre celles auxquelles la loi confère un caractère obligatoire pour lui, ce qui est le cas de l'art. 9 OLE, tel que l'interprète la jurisprudence susmentionnée du Tribunal de céans, selon laquelle le juge civil est lié par les conditions salariales déterminées concrètement dans l'autorisation administrative (ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621; plus récemment arrêt 4P.256/2004 du 26 janvier 2005, consid. 2.4.2). 
2.2 En l'espèce, en condamnant la défenderesse à payer au demandeur un salaire mensuel brut fixé à 4'200 fr., alors que l'autorisation de travail pour frontalier prévoyait une rémunération brute de 5'500 fr. par mois pour un "coiffeur qualifié dames et hommes" , la cour cantonale s'est écartée des exigences des art. 342 al. 2 CO et 9 OLE, commettant par là une violation du droit fédéral, qui commande l'annulation de l'arrêt entrepris et, implicitement, la confirmation du jugement du Tribunal de prud'hommes. 
 
En effet, le demandeur a droit à la différence de salaire entre celui fixé dans l'autorisation administrative, soit 5'500 fr., et celui que lui a versé la défenderesse pendant la durée du contrat, soit 3'500 fr., à raison de 2'000 fr. par mois pendant douze mois, soit 24'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 17 novembre 2003, date de l'introduction de la demande. 
 
Dès que la décision administrative est entrée en force, ce qui est le cas en l'espèce, le travailleur a droit au salaire fixé et il n'y a pas lieu de tenir compte d'un éventuel accord individuel modifiant les conditions du contrat soumises à l'Office cantonal de la population. C'est donc à tort que la Cour d'appel a estimé que le demandeur avait tacitement renoncé à percevoir le salaire de 5'500 fr. prévu dans le contrat, en raison de l'absence de protestations de sa part et parce qu'il n'avait jamais affirmé n'avoir pas réclamé la différence de 2'000 fr. par crainte d'être licencié. 
 
Au demeurant, la jurisprudence admet que le travailleur peut faire valoir en tout temps, après l'expiration des rapports contractuels, ses prétentions tirées de ceux-ci, dans le délai de prescription, sous réserve de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), dont les conditions sont restrictives (cf. ATF 129 III 171 consid. 2.4 p. 176 in fine et les arrêts cités). A cet égard, le fait pour l'employé de n'avoir soulevé ses prétentions qu'à l'expiration des rapports de travail ne peut constituer, à lui seul, un abus de droit manifeste, faute de quoi les art. 341 al. 1 et 342 al. 2 , ainsi que l'art. 9 OLE, seraient lettre morte pour les travailleurs qu'ils sont censés protéger (ATF 129 III 618 consid. 5.2 p. 622 et les arrêts cités). Dans ce sens, le Tribunal de céans a jugé qu'il n'y avait pas abus de droit de la part d'une employée, qui avait travaillé près de vingt-cinq ans dans une entreprise sans faire aucune remarque sur le mode de rémunération la concernant, de n'introduire son action en justice que deux ans et demi après la cessation des rapports de travail (cf. arrêt 4P.256/2004 du 26 janvier 2005, consid. 3). 
 
Dans le cas présent, la durée du contrat était légèrement supérieure à une année et la demande en justice a été déposée six mois et demi après la résiliation du contrat, soit au tout début du délai de prescription de l'art. 128 al. 3 CO. A supposer que l'argument de la modification tacite du contrat de travail ait revêtu une quelconque pertinence, il eût dû être écarté pour violation des art. 341 al. 1, 342 al. 2 CO et 9 OLE, ce qui conduirait à la même conclusion de l'annulation de l'arrêt attaqué et de la condamnation de la défenderesse à payer au demandeur la somme de 24'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 17 novembre 2003. 
3. 
Comme la valeur litigieuse, établie selon les prétentions à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), ne dépasse pas 30'000 fr., la procédure est gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). Cela ne dispense toutefois pas d'allouer des dépens (ATF 115 II 30 consid. 5c p. 42). Ceux-ci seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis. 
2. 
La défenderesse est condamnée à payer au demandeur la somme de 24'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 17 novembre 2003. La partie qui en a la charge procédera aux déductions légales et sociales usuelles. 
3. 
Il n'est pas perçu de frais. 
4. 
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
Lausanne, le 24 mai 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: