Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_53/2009 
 
Arrêt du 24 juin 2009 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Parties 
A.________, 
B.________, 
recourantes, 
toutes deux représentées par Me Nicolas Wisard, avocat, 
 
contre 
 
Ville de Genève, Service de la sécurité et de l'espace publics, case postale 3737, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
dépose de panneaux d'affichage sur le domaine privé, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 9 décembre 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ et B.________ (ci-après: les sociétés) sont spécialisées dans l'affichage publicitaire pour le compte de tiers. Elles exercent leur activité sur des parcelles privées. La société C.________, membre du groupe X.________, est quant à elle au bénéfice d'une concession sur l'affichage public en Ville de Genève. 
Jusqu'à l'entrée en vigueur, le 20 octobre 2000, de la loi cantonale sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 (LPR; RSG F 3 20), l'implantation de procédés de réclame sur le domaine privé n'était assujettie à aucune autorisation. A l'expiration des délais transitoires prévus à l'art. 42 LPR, le Service des agents de ville et du domaine public de la Ville de Genève a requis la mise en conformité des panneaux d'affichage situés sur le domaine privé, mais perceptibles depuis le domaine public. 
Le 9 janvier 2006, les sociétés ont introduit des demandes d'autorisation pour huit panneaux d'affichage implantés aux adresses suivantes: avenue de Champel 4; rue des Charmilles 11; rue du Grand-Pré 72; rue de l'Ancien-Port 9; rue Simon-Durand 9; rue de Moillebeau 36; rue de Lyon 19 et rue Saint-Jean 54. 
 
B. 
Par décisions du 14 décembre 2006, la Ville de Genève a rejeté ces demandes et ordonné la dépose des panneaux d'affichages précités au 17 janvier 2007. Les décisions étaient fondées sur des préavis défavorables de la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après: la CMNS), laquelle avait considéré que les bâtiments concernés appartenaient à des ensembles protégés du XIXème et début du XXème siècles au sens de l'art. 89 de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RSG L 5 05). Les panneaux contrevenaient également à l'art. 20 du projet de concept directeur de l'affichage en Ville de Genève, lequel prohibe notamment l'installation de support contre les façades ou aux abords directs de bâtiments classés ou inscrits à l'inventaire au sens des art. 4, 7 et 10 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS; RSG L 4 05). 
 
C. 
Par décision du 7 septembre 2007, la Commission cantonale de recours en matière de constructions du canton de Genève (ci-après: la commission de recours) a rejeté le recours interjeté par les sociétés contre les décisions du 14 décembre 2006. Par acte du 15 octobre 2007, A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après; le Tribunal administratif). Elles ont notamment fait valoir une inégalité de traitement, citant à l'appui de leur grief plusieurs panneaux exploités par la société C.________ qui se trouveraient dans des situations comparables aux leurs et qui ne seraient pas menacés d'être supprimés. Le 23 juin 2008, les juges cantonaux ont procédé à une inspection locale en présence des parties et d'un architecte délégué par la CMNS. Par arrêt du 9 décembre 2008, ils ont rejeté le recours. Ils ont considéré en substance que les panneaux des sociétés se trouvaient sur ou à proximité d'immeubles appartenant à des ensembles protégés par les art. 89 à 93 LCI et qu'ils nuisaient à leur esthétique. Le principe d'égalité de traitement entre concurrents garanti par l'art. 27 Cst. n'avait pas vocation à s'appliquer, faute pour les sociétés d'être en relation de concurrence directe avec la société C.________. Les conditions exceptionnelles du droit à l'égalité dans l'illégalité n'étaient en outre pas remplies. 
 
D. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral, principalement d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif, la décision de la commission de recours et les décisions du 14 décembre 2006 ainsi que d'octroyer les autorisations sollicitées. Subsidiairement, elles requièrent que les ordres de dépose du 14 décembre 2006 ne soient assortis d'effets qu'au jour où les sociétés du groupe X.________ devront déposer sur ordre de la Ville de Genève l'ensemble de leurs panneaux apposés sur ou à proximité d'immeubles protégés que la CMNS aura préavisés négativement. Les recourantes se plaignent d'une violation du principe de l'égalité de traitement entre concurrents (art. 27 Cst.) et font valoir un droit à l'égalité dans l'illégalité (art. 8 Cst.). 
Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Dans ses observations, la Ville de Genève conclut au rejet du recours. Invitées à se déterminer, les recourantes persistent dans leurs conclusions. 
Par ordonnance du 24 février 2009, le Juge présidant la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourantes. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des procédés de réclame perceptibles depuis le domaine public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourantes ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal administratif. Elles sont particulièrement touchées par l'arrêt attaqué confirmant les refus d'autorisations sollicitées et les ordres de dépose que la Ville de Genève a rendus à l'encontre de leurs panneaux d'affichage. Elles ont dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
Les recourantes prétendent que la Ville de Genève aurait fait montre de plus de sévérité dans l'appréciation des demandes d'autorisation de leurs panneaux d'affichage que pour ceux de la société C.________. Elles avancent qu'un nombre significatif de panneaux de la société C.________ s'avéreraient illégaux, sans pour autant que la Ville de Genève entende réellement les remettre en cause. Les recourantes estiment pouvoir être mises au bénéfice du principe de l'égalité dans l'illégalité, au motif que la Ville de Genève persistera vraisemblablement dans sa pratique illégale. 
 
2.1 Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative (cf. art. 5 al. 1 Cst.) prévaut sur celui de l'égalité de traitement (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392). En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité de traitement, lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas appliquée du tout dans d'autres cas semblables. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question; le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 127 II 113 consid. 9 p. 121 et les références citées; 115 Ia 81 consid. 2; 90 I 159 consid. 3 p. 167 ss; arrêt 2P.16/2005 du 9 août 2005 consid. 7.1, non publié in ATF 131 II 627). Si l'autorité ne s'exprime pas, le Tribunal fédéral présumera qu'elle se conformera au jugement qu'il aura rendu (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 83 et les références citées). Encore faut-il qu'il n'existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l'égalité de traitement, ni d'ailleurs qu'aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s'y oppose (ATF 123 II 248 consid. 3c p. 254; 115 Ia 81 consid. 2 p. 83 et les références citées). La jurisprudence a également précisé qu'il était nécessaire que l'autorité n'ait pas respecté la loi, non pas dans un cas isolé, ni même dans plusieurs cas, mais selon une pratique constante (ATF 127 I 1 consid. 3a p. 2; 126 V 390 consid. 6a p. 392; 115 Ia 81). Lorsque toutes ces conditions sont remplies, le citoyen est en droit d'exiger d'être mis au bénéfice de l'illégalité. 
 
2.2 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a d'abord reconnu que les panneaux de la société C.________ situés au 25 rue des Bains, au 44 rue des Maraîchers, au 15 rue de Montchoisy, au 87 rue des Eaux-Vives et à l'angle de la rue des Garages et de la rue du Valais étaient apposés sur ou à proximité d'immeubles protégés comme appartenant à des ensembles du XIXème et début du XXème siècles. La Ville de Genève avait donc adopté une pratique contraire à la loi dans le cas des panneaux précités de la société C.________, en ne requérant pas le préavis de la CMNS pour s'assurer que les édifices en question faisaient partie des ensembles protégés. Les juges cantonaux ont ensuite présumé que la Ville de Genève changerait de pratique: ils ont fondé leur raisonnement sur le fait que celle-ci n'avait pas déclaré qu'elle ne respecterait pas la loi à l'avenir. Le concept directeur d'affichage permettait de surcroît de considérer que la Ville entendait mener une politique rigoureuse en matière d'affichage public. Lors de l'inspection locale, le représentant de la Ville de Genève avait en outre déclaré qu'il sera procédé au contrôle systématique des mille sept cents procédés de réclames sis sur son territoire. 
Le Tribunal administratif a enfin décrit la conduite à suivre à l'avenir à l'égard de l'ensemble des panneaux d'affichage sur son territoire. La Ville de Genève est désormais tenue de soumettre les panneaux de la société C.________ précités à la procédure d'autorisation prévue par la LPR, qui prévoit la consultation préalable de la CMNS. Elle devra également adopter systématiquement une pratique conforme à la loi pour l'ensemble des procédés de réclame soumis à son autorité, ce qui implique que même pour des bâtiments ne figurant pas sur le répertoire comportant une liste indicative des ensembles maintenus au sens des art. 89 à 93 LCI, elle devra s'assurer qu'ils ne sont pas protégés et s'ils le sont, solliciter le préavis de la CMNS. 
L'arrêt cantonal a ainsi mis clairement fin à une pratique jugée non conforme à la loi, et tout laisse à penser qu'à l'avenir la Ville de Genève adoptera une pratique cohérente et conforme à la loi. Dans ses observations devant le Tribunal de céans, la Ville de Genève a en effet clairement affirmé "avec vigueur sa ferme détermination de respecter le principe de l'égalité de traitement et l'ensemble des règles qui en découlent". A l'appui de ses déclarations, elle a produit deux courriers adressés à la CMNS postérieurement à l'arrêt attaqué, par lesquels elle soumet à cette commission cantonale, d'une part les six cas ayant fait l'objet de comparaisons avec les panneaux litigieux et, d'autre part plusieurs dossiers qui, après examen des considérants du Tribunal administratif, auraient pu ou dû également être soumis à préavis. 
Face à la détermination de la Ville de Genève de modifier sa pratique, les griefs des recourantes perdent de leur pertinence. Dans ces circonstances en effet, les sociétés ne sauraient se prévaloir du fait que la Ville de Genève aurait contesté avoir une pratique favorisant la société C.________ au détriment des recourantes, même dans les écritures produites postérieurement à l'inspection locale. Il en va de même du fait que le chef du service compétent de la Ville de Genève aurait affirmé qu'il ne serait pas procédé d'office à la notification d'ordres d'enlèvement pour les panneaux qui ne seraient pas conformes. Le processus de régularisation de la pratique de la Ville de Genève étant en cours, les recourantes ne peuvent pas non plus prétendre que les panneaux de la société C.________ pris en comparaison figureraient en tant qu'objets destinés à être maintenus dans le concept directeur d'affichage. Enfin, il ne peut être fait grief à la Ville de Genève de n'avoir donné aucune explication au sujet des mesures qu'elle viendrait à adopter à l'avenir pour réexaminer les panneaux de la société C.________ à proximité de bâtiments protégés: les recourantes ont elles-mêmes relevé que la marche à suivre avait été clairement décrite dans l'arrêt attaqué. 
En définitive, face à la reconnaissance explicite de l'illégalité de la pratique antérieure et face à la détermination clairement annoncée de la Ville de Genève de se conformer désormais à la loi, le principe de l'égalité doit céder le pas au principe de la légalité et il ne saurait y avoir de droit à l'égalité dans l'illégalité. 
Pour les mêmes motifs, les recourantes ne peuvent pas non plus demander que l'exécution de l'ordre de dépose n'intervienne que le jour où les panneaux comparables de la société C.________ seront également déposés. Il y a cependant lieu de relever que, lors de l'inspection locale du 23 juin 2008 ainsi que dans ses observations au Tribunal de céans, la Ville de Genève a formellement déclaré que la dépose n'interviendrait qu'"après la dernière préréservation de l'emplacement", afin de tenir compte des engagements contractuels conclus avant la notification des décisions querellées. 
 
3. 
Les recourantes font également valoir une violation du principe de l'égalité de traitement entre concurrents au sens de l'art. 27 Cst. Ce grief est devenu sans objet, dans la mesure où la Ville de Genève a clairement manifesté son intention de ne plus tolérer d'inégalité de traitement dans la pose de panneaux publicitaires et de suivre la procédure d'autorisation prévue par la LPR pour la société C.________ également. 
 
4. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les recourantes, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). La Ville de Genève n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge des recourantes. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, à la Ville de Genève et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 24 juin 2009 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Féraud Tornay Schaller