Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_207/2019
Arrêt du 17 août 2020
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Hohl, Niquille, Rüedi et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
A.________ Ltd,
représentée par Me Guillaume Ruff,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Jacques Emery,
intimé.
Objet
demande reconventionnelle,
recours contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/21322/2016, ACJC/396/2019).
Faits :
A.
Le 16 mai 2017, B.________ a déposé une demande en paiement devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant à ce que A.________ Ltd soit condamnée à lui verser 253'750 fr. avec intérêts et à ce que la mainlevée définitive soit prononcée dans la poursuite qu'il avait introduite contre cette société.
Le 29 septembre 2017, A.________ Ltd a déposé, dans le délai supplémentaire imparti par le tribunal, un mémoire de réponse dans lequel elle s'est limitée à admettre ou contester les allégués du demandeur, tout en concluant à son déboutement.
La défenderesse a été représentée par un avocat à partir du 19 janvier 2018. Elle a changé de mandataire le 7 septembre 2018. Plusieurs audiences ont été agendées, puis renvoyées à la demande des parties.
Le 10 septembre 2018, la défenderesse, agissant par son nouveau conseil, a sollicité l'octroi d'un délai pour répondre à la demande et produire des pièces, subsidiairement l'octroi d'un délai uniquement pour produire des pièces. Le demandeur s'est opposé à cette requête.
Par ordonnance du 11 septembre 2018, le tribunal - constatant qu'aucun allégué n'avait été formulé dans la réponse et se référant à l'art. 56 CPC - a fixé à la défenderesse un délai au 1
er octobre 2018 pour compléter son mémoire, en alléguant des faits et en produisant des moyens de preuve.
Le 1
er octobre 2018, la défenderesse a déposé une écriture de réponse "annulant et remplaçant" celle du 29 septembre 2017. Elle a conclu au déboutement de la partie adverse, à ce qu'il soit ordonné à cette dernière de requérir la radiation de la poursuite, à la levée du séquestre ordonné par le Préfet du district de la Riviera le 2 août 2017, de même qu'à la radiation de l'annotation du séquestre au registre foncier. Elle a en outre formé une demande reconventionnelle, concluant au paiement par le demandeur de 34'375 fr. avec intérêts.
Lors de l'audience de débats d'instruction du 8 octobre 2018, le demandeur s'est opposé aux conclusions reconventionnelles de la défenderesse.
B.
Par ordonnance du 11 octobre 2018, le Tribunal de première instance a rejeté les conclusions reconventionnelles de la défenderesse, au motif qu'elles avaient été formulées tardivement.
La défenderesse a déposé un "recours" (recte: appel) contre cette décision. Par arrêt du 12 mars 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a déclaré l'appel irrecevable. Elle a considéré que la défenderesse concluait uniquement à l'annulation de la décision querellée sans prendre de conclusions au fond, de sorte que l'appel ne remplissait pas les conditions de l'art. 311 CPC. Même s'il avait été recevable, l'appel aurait dû être rejeté. En effet, l'art. 224 al. 1 CPC ouvrait la possibilité à la défenderesse de déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse; une fois la réponse déposée, la défenderesse était forclose. Le nouveau délai qui lui avait été octroyé afin de compléter sa réponse, en alléguant des faits et produisant des moyens de preuve, n'y changeait rien.
C.
A.________ Ltd interjette un recours en matière civile. Elle conclut principalement à ce que la demande reconventionnelle soit déclarée recevable et la cause soit retournée au Tribunal de première instance ou à la Cour de justice, pour que la procédure suive son cours.
B.________ conclut au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère à son arrêt.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué a été rendu à la suite d'un appel exercé contre une décision par laquelle le Tribunal de première instance a "rejeté" (recte: déclaré irrecevables; cf. consid. 3.2 infra) les conclusions reconventionnelles de la défenderesse. Il s'agit d'une décision partielle qui constitue une forme de décision finale (art. 91 let. a LTF; cf. ATF 132 III 785 consid. 2 p. 790; arrêts 4A_370/2013 du 6 janvier 2014 consid. 1 et 4A_504/2011 du 24 février 2012 consid. 1). Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). Il se justifie dès lors d'entrer en matière.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
La recourante perd de vue ces principes lorsqu'elle procède à un rappel des faits pertinents en s'écartant de ceux qui figurent dans l'arrêt cantonal, sans invoquer ni, a fortiori, motiver le grief d'arbitraire. Il n'en sera pas tenu compte.
3.
Selon la cour cantonale, l'appel interjeté contre l'ordonnance du 11 octobre 2018 est irrecevable dans la mesure où la défenderesse conclut uniquement à l'annulation de cette décision, sans prendre de conclusions au fond susceptibles d'être reprises sans modification dans le dispositif de l'arrêt à rendre.
3.1. La recourante dénonce une violation des art. 311 et 318 CPC . Nonobstant son dispositif rejetant la demande reconventionnelle, l'ordonnance du 11 octobre 2018 serait en réalité une décision d'irrecevabilité. L'instance d'appel n'aurait ainsi pas pu se prononcer sur le fond et, le cas échéant, n'aurait eu d'autre choix que d'annuler la décision et de renvoyer la cause au tribunal de première instance. Or, tel était précisément l'objet des conclusions en appel de la recourante.
3.2. L'appel (art. 308 ss CPC) a un effet réformatoire, ce qui signifie que l'instance d'appel a le pouvoir de statuer elle-même sur le fond, en rendant une décision qui se substitue au jugement attaqué (art. 318 al. 1 let. b CPC). Il s'ensuit que la partie appelante ne saurait se limiter, sous peine d'irrecevabilité, à conclure à l'annulation de la décision entreprise, mais doit prendre des conclusions au fond, libellées de telle manière que l'instance d'appel statuant à nouveau puisse les incorporer sans modification au dispositif de sa décision (ATF 137 III 617 consid. 4.3 et les références; arrêt 4A_383/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.1). Cependant, si le tribunal de première instance a rendu une décision d'irrecevabilité, l'appel ne peut tendre qu'à l'annulation de celle-ci et au renvoi de la cause au premier juge. Le même principe prévaut devant le Tribunal fédéral, auquel la LTF confère un pouvoir réformatoire général (art. 107 al. 2 et art. 117 LTF ). Les conclusions sur le fond supposent donc que l'autorité précédente soit entrée en matière et ait rendu un jugement au fond (
Sachurteil). En revanche, de telles conclusions ne sont pas recevables si la décision attaquée est un jugement de procédure (
Prozessurteil), le juge ayant refusé d'entrer en matière parce que les conditions de recevabilité ne sont pas remplies (ATF 138 III 46 consid. 1.2 p. 48).
3.3. Selon le dispositif de l'ordonnance du 11 octobre 2018, les conclusions reconventionnelles de la défenderesse ont été rejetées. Apparemment, le Tribunal de première instance a rendu un jugement au fond. La nature d'un jugement ne se détermine toutefois pas d'après sa dénomination, mais d'après son contenu. Un jugement de procédure ne change ainsi pas de caractère si, dans son dispositif, une action est rejetée de manière erronée, au lieu d'être déclarée irrecevable pour défaut d'une condition de recevabilité (ATF 116 II 196 consid. 1b p. 198; 115 II 187 consid. 3b p. 191; plus récemment arrêts 5A_466/2016 du 12 avril 2017 consid. 2.2 et 5A_300/2011 du 10 août 2011 consid. 3.4.3). Pour déterminer le sens exact et la portée du dispositif, il convient d'examiner les motifs de la décision (ATF 142 III 210 consid. 2.2 p. 213; 136 III 345 consid. 2.1 p. 348; 116 II 738 consid. 2a p. 744).
En l'espèce, la décision de première instance est fondée, en droit, sur l'art. 224 al. 1 CPC; le tribunal a jugé que cette disposition proscrivait le dépôt d'une demande reconventionnelle après celui de la réponse. Les premiers juges n'ont donc pas examiné la demande reconventionnelle au fond, mais ont jugé que celle-ci, déposée un an après la réponse, ne satisfaisait pas à une condition de recevabilité. Comme la décision attaquée est en réalité un jugement de procédure, l'appelante n'avait pas à prendre de conclusions en paiement, qui se seraient révélées irrecevables; c'est à juste titre que la défenderesse a formulé des conclusions en annulation au pied de son appel.
La cour cantonale ne pouvait dès lors déclarer l'appel irrecevable au motif de conclusions déficientes. Le grief de la recourante est fondé.
4.
Au demeurant, la cour cantonale a considéré que l'appel, même recevable, aurait dû être rejeté. Selon elle, l'art. 224 al. 1 CPC proscrit le dépôt d'une demande reconventionnelle après celui de la réponse. Il n'y a pas à déroger à cette règle, quand bien même la reconvention serait fondée sur des éléments de preuve nouveaux. Or, au moment elle a pris des conclusions reconventionnelles, la défenderesse avait déjà déposé un mémoire de réponse. Certes, la possibilité lui avait été donnée de compléter celui-ci par des allégations de fait et des moyens de preuve, mais cette faculté n'emportait pas celle d'assortir son écriture d'une demande reconventionnelle.
4.1. La recourante est d'avis que la cour cantonale a méconnu le sens de l'art. 224 al. 1 CPC. De son point de vue, lorsque le défendeur est admis à reformuler, respectivement à compléter sa réponse, il bénéficie derechef de la faculté de déposer une demande reconventionnelle. Toute autre interprétation de cette disposition serait excessivement formaliste, dans la mesure où elle ne reposerait sur aucun intérêt légitime. La solution de la cour cantonale consacrerait au surplus une violation du droit de l'accès au juge déduit des art. 29a Cst. et 6 par. 1 CEDH.
4.2. Aux termes de l'art. 224 al. 1 CPC, le défendeur peut déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse si la prétention qu'il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale. Compte tenu de la lettre claire de la loi - l'usage de la préposition "dans" -, cette norme est comprise dans le sens qu'une demande reconventionnelle n'est plus possible après le dépôt de la réponse (FRANCESCO TREZZINI, Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2e éd. 2017, n° 29 ad art. 224 CPC; DANIEL WILLISEGGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 30 ss ad art. 224 CPC; CHRISTOPH LEUENBERGER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 3e éd. 2016, n° 20 ad art. 224 CPC; GASSER/RICKLI, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO) Kurzkommentar, 2e éd. 2014, n° 2 ad art. 224 CPC; NAEGELI/RICHERS, in Kurzkommentar ZPO, Oberhammer/Domej/Haas [éd.], 2e éd. 2014, n° 14 ad art. 224 CPC; LAURENT KILLIAS, in Berner Kommentar, 2012, n° 45 s. ad art. 224 CPC); à défaut de réserve expresse, la règle est valable même lorsque la partie demanderesse modifie sa demande ( art. 227 et 230 CPC ) ou allègue de nouveaux éléments de fait (art. 229 CPC) (arrêt 5A_618/2015 du 2 mars 2016 consid. 5.2; ERIC PAHUD, in Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO) Kommentar, Brunner/Gasser/Schwander [éd.], 2e éd. 2016, n° 12 ad art. 224 CPC).
Qu'en est-il si, comme en l'espèce, le juge a fixé au défendeur un délai, en application de l'art. 56 CPC, pour clarifier ou compléter sa réponse? Le temps limite pour exercer l'action reconventionnelle s'en trouve-t-il reporté? Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion de se déterminer sur cette question.
Selon l'art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l'occasion de les clarifier ou de les compléter. Le devoir d'interpellation du juge constitue une atténuation de la maxime des débats, selon laquelle les parties doivent en principe alléguer les faits constituant le cadre du procès. Le but de l'art. 56 CPC est ainsi d'éviter qu'une partie ne soit déchue de ses droits parce que ses allégués de fait et ses offres de preuves sont affectés de défauts manifestes (consid. 7.1 non publié de l'ATF 142 III 102; arrêts 5A_921/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.4.2, 4A_78/2014-4A_80/2014 du 23 septembre 2014 consid. 3.3.3). De jurisprudence constante, le devoir d'interpellation du juge ne doit pas servir à réparer des négligences procédurales (arrêt 4A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 7.1, non publié in ATF 142 III 102; arrêts précités 5A_921/2014 consid. 3.4.2, 4A_78/2014-4A_80/2014 consid. 3.3.3; arrêts 4A_444/2013 du 5 février 2014 consid. 6.3.3, 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2, 5A_115/2012 du 20 avril 2012 consid. 4.5.2). L'intervention du juge ne doit pas non plus avantager unilatéralement une partie et aboutir à une violation du principe de l'égalité des armes (arrêt précité 4A_375/2015 consid. 7.1, non publié in ATF 142 III 102; arrêts précités 4A_78/2014-4A_80/2014 consid. 3.3.3, 4A_444/2013 consid. 6.3.3). L'interpellation est limitée par le cadre du procès; le juge ne doit ainsi pas rendre les parties attentives à des faits qu'elles n'ont pas pris en considération, ni les aider à mieux présenter leur cause, ni leur suggérer des arguments pertinents (ATF 142 III 462 consid. 4.3 p. 464 s.).
Au regard du but et du sens de l'interpellation prévue à l'art. 56 CPC, il est manifeste que la possibilité offerte au défendeur de rectifier sa réponse ne doit pas lui permettre de disposer d'un délai supplémentaire pour déposer une demande reconventionnelle. Le principe d'égalité des armes, de même que celui de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense, ne s'en accommoderaient guère. Il serait du reste pour le moins incongru que le défendeur tire avantage de défauts manifestes affectant son mémoire de réponse, en bénéficiant d'une possibilité dont un défendeur diligent ne disposerait pas. Il s'ensuit que l'octroi d'un délai au sens de l'art. 56 CPC est sans incidence sur le moment ultime pour prendre des conclusions reconventionnelles, que l'art. 224 al. 1 CPC fixe clairement au dépôt de la réponse.
4.3. En l'espèce, la défenderesse a bénéficié d'un délai au 1er octobre 2018 pour compléter son mémoire de réponse du 29 septembre 2017; ce délai, imparti sur la base de l'art. 56 CPC, devait lui permettre d'alléguer des faits et de produire des moyens de preuve, étant précisé que, dans sa réponse, la défenderesse s'était déterminée sur la demande uniquement pour en admettre ou contester les allégués. A l'échéance du délai imparti, la défenderesse a déposé une écriture censée "annuler et remplacer" la précédente. Cette figure de style ne change toutefois rien au fait que la réponse a été déposée le 29 septembre 2017. La demande reconventionnelle insérée dans l'écriture du 1er octobre 2018 était donc tardive au regard de l'art. 224 CPC. Comme on l'a vu (consid. 4.2 supra), la possibilité qui a été donnée à la défenderesse de compléter sa réponse sur la base de l'art. 56 CPC ne lui ouvrait pas un nouveau délai pour déposer une demande reconventionnelle. Le grief tiré d'une violation de l'art. 224 al. 1 CPC ne peut être que rejeté.
Contrairement à ce que la recourante soutient, la cour cantonale n'a pas non plus fait preuve de formalisme excessif en considérant la demande reconventionnelle comme irrecevable (art. 29 al. 1 Cst.; sur cette notion, cf. par ex. ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 p. 204; 142 I 10 consid. 2.4.2; 135 I 6 consid. 2.1 p. 9). De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5; arrêts 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.3, 1C_310/2010 du 6 décembre 2010 consid. 5.2, 4A_299/2010 du 25 août 2010 consid. 5).
Quant au droit d'accès au juge, il est bien évident que la recourante en a bénéficié, dans un délai donné, et qu'elle en dispose toujours si elle décide d'ouvrir action contre le demandeur dans une procédure distincte. Le grief tiré d'une violation des art. 29a Cst. et 6 § 1 CEDH est manifestement mal fondé.
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, sur la question de la recevabilité de l'appel, mais il est rejeté en tant qu'il porte sur le fond du litige, soit la recevabilité de la demande reconventionnelle. Dans ces conditions, l'arrêt attaqué n'a pas à être réformé en tant que tel (cf. consid. 3.3 supra); seul le dispositif sera modifié dans le sens que l'appel de la recourante est rejeté au lieu d'être déclaré irrecevable.
En fin de compte, la recourante n'obtient pas gain de cause, de sorte qu'elle prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimé ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis en tant qu'il concerne la recevabilité de l'appel.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne le fond de la cause.
Le dispositif de l'arrêt attaqué est modifié en ce sens que l'appel interjeté par A.________ Ltd contre l'ordonnance du 11 octobre 2018 est rejeté. L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 17 août 2020
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
La Greffière : Godat Zimmermann