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Urteilskopf

127 III 207


38. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 19 janvier 2001 dans la cause K. contre l'Office X. (recours en réforme)

Regeste

Art. 8 Abs. 3 BV und Art. 3 GlG; Recht der Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer auf gleichen Lohn für gleichwertige Arbeit.
Macht die Person, die sich auf eine Geschlechterdiskriminierung im Arbeitsverhältnis beruft, diese glaubhaft, wird gemäss Art. 6 GlG die Beweislast umgekehrt mit der Folge, dass der Arbeitgeber das Fehlen einer geschlechtsspezifischen Diskriminierung zu beweisen hat (E. 3).
Das Verbot jeglicher Diskriminierung aufgrund des Geschlechts gilt absolut (E. 4, 5b und 5c).
Begriff des objektiven Grundes, der eine lohnmässige Ungleichheit zwischen Männern und Frauen zu rechtfertigen vermag (E. 5a).
Im vorliegenden Fall steht einem Vergleich zwischen den Aufgaben der Arbeitnehmerinnen und der Arbeitnehmer nichts entgegen (E. 5d, 5e und 5f).
Bejahung der Glaubhaftmachung einer geschlechtsspezifischen Diskriminierung anlässlich von Beförderungen im Unternehmen (E. 6).
Tragweite der Sachverhaltsfeststellung von Amtes wegen durch das Gericht gemäss Art. 12 Abs. 2 GlG (E. 7 und 8).

Sachverhalt ab Seite 208

BGE 127 III 207 S. 208

A.- a) Par lettre du 29 novembre 1978, K., juriste de formation, a été engagée par l'Office X. (ci-après: X.), qui est une association
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de droit privé subventionnée par la Confédération, comme collaboratrice du département "Promotion du commerce extérieur". Entrée en fonction le 11 décembre 1978, elle a été nommée déléguée au sein du département précité, après son temps d'essai. K. s'est pleinement investie dans son travail, donnant notamment entière satisfaction aux clients et partenaires de X.
Dès la fin des années 1980, des difficultés sont survenues entre les parties au sujet du montant du salaire de K.; celle-ci estimait en particulier que sa rétribution ne tenait pas suffisamment compte de ses responsabilités et de la qualité de son travail. Par lettre du 20 mai 1991, la prénommée a ainsi tenté de négocier avec X. un "rééquilibrage" de son traitement. Le directeur de l'Office, sans opposer une fin de non-recevoir, a toutefois estimé que la demande était prématurée en raison de la hausse de salaire de 11,4% que K. avait obtenue à compter du 1er janvier 1991. Le 9 juin 1991, le directeur lui a écrit ce qui suit: "(...) je suis absolument conscient que votre salaire, tel qu'il a été fixé par mon prédécesseur et votre chef, se situe au bas de l'échelle (am unteren Rand der Bandbreite liegt)".
Le climat s'est par la suite dégradé, si bien que X., le 27 juillet 1992, a résilié le contrat de travail de l'intéressée pour le 31 octobre 1992.
b) K. fait désormais valoir que la disparité de rémunération au profit de ses collègues masculins qui régnait à X. constituait une discrimination contraire au principe de l'égalité entre les sexes.
Il a été constaté que les attributions et responsabilités de K. à partir du 1er septembre 1979 ont été définies dans un cahier des charges, qui a subi des modifications en 1983 et 1989. Les activités exercées au sein de X. se répartissaient en deux catégories. Celles qualifiées de "desk" consistaient principalement en l'information et la documentation dispensées en Suisse aux entreprises désireuses de faire du commerce à l'étranger. Les activités dites de "field" recouvraient principalement deux types de missions, soit la recherche de partenaires dans des pays étrangers pour le compte des entreprises suisses désirant y faire du commerce (voyages à mandat), ainsi que l'organisation, toujours à l'étranger, de foires et de délégations d'hommes d'affaires. Le cahier des charges de K., depuis le 1er mai 1983, portait la mention "déléguée PCE pour le desk et le field".
Dès le mois de juin 1991, une nouvelle attribution des fonctions a été décidée par la direction de X.; les activités des différentes régions ont été regroupées au sein d'un département "Marchés étrangers", à l'exclusion des foires, traitées par un nouveau département
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"Foires". A cette époque, un simple service "Afrique/Moyen-Orient" a subsisté à Lausanne en remplacement de l'ancienne zone du même nom. Le chef de ce service était directement subordonné au chef du département "Marchés étrangers". Lors de la création de ce dernier, tous les collègues de K., titulaires comme elle de la fonction de "délégué", ont été promus chefs d'une unité régionale, à l'exception de A., qui a quitté X. dans le courant de l'été 1991. A. et K. n'ont alors reçu que le titre de "conseiller à l'exportation".
Dans ce contexte, par circulaire du 20 juin 1991, X. a annoncé à ses collaborateurs la nomination de deux chefs de département et de cinq chefs de service. E. et F. ont été formellement élevés au rang de chef d'une section régionale, avec augmentation de salaire dès le 1er juin 1991. Ainsi, E. a accédé au titre de "chef Marchés Etrangers Afrique/Moyen-Orient", responsable envers le chef du département de la marche dudit service. E. avait une connaissance pratique - et non professionnelle - du monde arabe pour être né en Tunisie et y avoir habité jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Compte tenu d'un stage préalable à son engagement en qualité de délégué, il était au bénéfice d'une ancienneté, au sein de X., de neuf ans supérieure à celle de K. Dans leurs activités de conseil à l'exportation, E. et K. se remplaçaient mutuellement.
K. est pour sa part passée de la fonction de "déléguée" à celle de "conseillère à l'exportation Afrique". Elle a conservé ces titres et fonctions jusqu'à la cessation de ses rapports de travail. Elle a fonctionné également comme conseillère à l'exportation "Asie" pour une période qui n'a pas été établie. Elle était en outre convoquée à certaines réunions au même titre que les chefs de service E. et F. notamment. K., bien que formellement subordonnée à E., menait en pratique ses actions d'une manière indépendante. Chacun représentait X. à l'extérieur pour sa propre zone de compétence.

B.- a) Le 13 mai 1993, K. a déposé une requête de preuve à futur tendant à la désignation d'un expert hors procès aux fins de répondre à diverses questions relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations au sein de X. Le 23 septembre 1993, le Juge de paix du cercle de Lausanne a désigné H. en qualité d'expert.
Dans un document non daté préparé à l'intention de l'expert H., X. a défini comme il suit sa politique en matière de salaire et de promotion:
"La politique salariale de X. tient compte de cinq critères essentiels: formation, expérience professionnelle, fonction/responsabilités budgétaires, prestation et âge (...).
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X. est une association de droit privé. Il ne peut, dès lors, être comparé, sur le plan de la politique salariale, à une administration publique qui connaît en général un système de rémunération relativement rigide (...). Même si X., pour des raisons évidentes dues à la grande spécialisation de chaque place de travail, ne dispose pas officiellement d'un tel système, il serait donc faux de prétendre qu'il y a absence d'une politique salariale (...).
X. ne peut cependant proposer à son personnel ce qu'on appelle dans un certain nombre de grandes entreprises un "plan de carrière". Les raisons en sont simples :
- Les possibilités de promotion et d'avancement sont tout naturellement limitées par la petite taille de l'organisation.
- Le haut degré de spécialisation dans chaque domaine d'activité ne facilite pas des rocades d'un département à l'autre.
- La régionalisation de l'organisation ne favorise pas la mobilité du personnel."
L'expert hors procès H. a déposé un rapport daté du 30 avril 1994, duquel il ressort que K. a été victime d'une discrimination salariale lorsqu'elle était employée par X.
b) Par demande du 6 octobre 1994, K. a ouvert action contre X. devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Dans ses dernières conclusions, elle a requis que le défendeur soit déclaré son débiteur de la somme de 140'405 fr.50 en capital.
En cours de procès, l'avocat bernois C. a été mis en oeuvre en qualité d'expert. Il a déposé un rapport dans lequel il a considéré en substance que la demanderesse, par rapport aux autres employés du "desk", en particulier E., n'avait pas subi de discrimination salariale. En revanche, K. a subi des discriminations d'intensité variable par rapport à D., A. et B., qui ne disposaient pas de qualifications.
Le 13 mars 1998, le Bureau cantonal de l'égalité entre les femmes et les hommes a émis un préavis. Il en ressort notamment que lorsqu'une entreprise, à l'instar de X., n'a pas de politique salariale cohérente, il est à craindre qu'il lui soit difficile de démontrer, en cas de plainte, qu'il n'y a pas chez elle de discrimination à raison du sexe. Par jugement du 19 octobre 1998, la Cour civile a rejeté les conclusions de la demanderesse. Elle a considéré que la réclamation de celle-ci, initialement fondée sur le respect du principe d'égalité de droits entre hommes et femmes consacré à l'art. 4 al. 2 aCst., trouvait maintenant son fondement dans la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes (Loi sur l'égalité, LEg; RS 151.1), entrée en vigueur le 1er juillet 1996. L'autorité cantonale a retenu que la politique salariale de X. n'était pas "sexuellement
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discriminatoire", mais ressemblait à des "rails" dont les collaborateurs ne sortaient que difficilement, sous réserve de promotion, même si leurs responsabilités et la nature de leur travail se modifiaient avec le temps. Cette pratique, fût-elle discutable, qui ne répercutait que marginalement les performances des salariés, n'avait en soi aucune connotation sexiste. L'écart de la rémunération tenait pour l'essentiel à la pratique salariale du défendeur, qui défavorisait objectivement les personnes - de sexe féminin ou masculin - engagées jeunes, peu après leurs études, alors qu'elles n'avaient pas d'expérience pratique de la vie économique.

C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral, reprenant ses conclusions d'instance cantonale. Elle soutient qu'elle a prouvé la vraisemblance d'une discrimination sexiste à son endroit, alors que le défendeur a échoué dans la contre-preuve d'une justification de cette discrimination par une autre cause.
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. a) Selon la cour cantonale, l'art. 6 LEg ne prévoit qu'un simple allégement du fardeau de la preuve d'un comportement discriminatoire et non un renversement complet dudit fardeau en vertu duquel la vraisemblance d'une différence de traitement en matière de salaire ou de promotion emporterait également la présomption de sa nature sexiste. Les magistrats vaudois ont alors admis que le caractère sexiste de la politique du défendeur en matière de rémunération et de promotion n'était pas établi, ni même rendu vraisemblable.
Pour la demanderesse, l'art. 6 LEg impose au juge, dans un premier temps, de rechercher si la discrimination a été rendue vraisemblable par le travailleur, puis, à supposer que cela soit le cas, de vérifier si l'employeur a apporté la preuve que la différence de salaire ne repose pas sur le sexe mais sur des critères objectifs. La recourante soutient qu'elle a pleinement satisfait aux exigences de la disposition précitée relatives à la vraisemblance de la discrimination invoquée.
b) Aux termes de l'art. 6 LEg in initio, l'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable. Cette disposition allège le fardeau de la preuve d'une discrimination à raison du sexe, en ce sens qu'il suffit
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à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence d'une telle discrimination. Si celle-ci y parvient, le fardeau de la preuve est renversé; il appartient alors à l'employeur d'établir l'inexistence de la discrimination (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 février 1993, in: FF 1993 I 1215/1216; SABINE STEIGER-SACKMANN, in: Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle 1997, n. 57, 58 et 64 ad art. 6 LEg).
L'autorité cantonale méconnaît cette disposition lorsqu'elle affirme qu'il ne suffit pas, pour que le fardeau de la preuve soit renversé, que la partie demanderesse établisse une différence de traitement en matière de salaire ou de promotion avec un travailleur de l'autre sexe. Certes, l'existence d'une différence de salaire entre n'importe quels travailleurs ne fait pas apparaître comme probable une discrimination en raison du sexe. En revanche, lorsque des travailleurs de sexe opposé ont une position semblable dans l'entreprise avec des cahiers des charges comparables, il est présumé, s'il y a une différence de rémunération entre eux, que celle-ci est de nature sexiste, l'employeur devant apporter la preuve de la non-discrimination (ATF 125 III 368 consid. 4 p. 372; ATF 125 II 541 consid. 6a/6b p. 550 s.; ATF 125 I 71 consid. 4a p. 82 qui renvoie à l' ATF 118 Ia 35 où était déduit directement de l'art. 4 al. 2 aCst. le devoir d'examen minimal auquel le juge doit procéder en la matière). Si l'employeur ne réussit pas à rapporter cette preuve, l'action de la partie demanderesse doit être accueillie, sans que doive encore être établie l'existence dans l'entreprise d'une politique du personnel sexiste, comme l'a retenu à tort la Cour civile.
c) Une discrimination à raison du sexe peut intervenir dans la classification générale de diverses fonctions au sein d'une échelle de traitement, ou bien dans la fixation de la rémunération d'une personne déterminée lorsqu'on la compare avec celle d'autres personnes du sexe opposé (ATF 125 III 368 consid. 3 p. 371 et les arrêts cités). Dans les deux cas, elle peut résulter de l'évaluation des prestations de travail selon des critères directement ou indirectement discriminatoires ou du fait que des critères d'évaluation neutres, objectivement admissibles en eux-mêmes, sont appliqués de façon inconséquente au détriment d'un sexe, soit que le critère invoqué à l'appui d'une différence de traitement ne soit pas du tout réalisé concrètement, soit qu'il ne joue aucun rôle pour l'exercice de l'activité en cause (cf. ATF 117 Ia 270 consid. 4a p. 276) soit encore qu'il n'exerce une influence sur l'évaluation des prestations de travail que dans des cas isolés (ATF 125 III 368 ibidem).
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La jurisprudence considère comme non discriminatoires les différences de salaire qui reposent sur des motifs objectifs. Parmi ceux-ci figurent d'abord les motifs qui peuvent influencer la valeur même du travail, comme la formation, l'ancienneté, la qualification, l'expérience, le domaine concret d'activité, les prestations et les risques encourus (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 373; ATF 124 II 409 consid. 9c p. 428, 436 consid. 7a p. 441 et les références). En outre, des différences de salaire peuvent se justifier pour des motifs qui ne se rapportent pas immédiatement à l'activité de la travailleuse ou du travailleur, mais qui découlent de préoccupations sociales, comme les charges familiales ou l'âge (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 373; ATF 118 Ia 35 consid. 2c p. 37 ss; ATF 117 Ia 270 consid. 4a p. 276). En règle générale, des motifs objectifs ne peuvent légitimer une différence de rémunération que s'ils jouent un rôle véritablement important en regard de la prestation de travail et s'ils influent par conséquent sur les salaires versés par le même employeur (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 374).
En instance de réforme, le Tribunal fédéral examine librement si les critères en vertu desquels l'employeur apprécie les prestations de travail et détermine les salaires constituent une discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe. Entre également dans son pouvoir d'examen la question de savoir si l'autorité cantonale a respecté les exigences spécifiques découlant du droit fédéral quant à la constatation des faits ainsi que les dispositions fédérales en matière de preuve, singulièrement celles prévues aux art. 6 LEg et, en relation avec l'art. 343 CO, 12 LEg (ATF 125 III 368 consid. 3 p. 372).
Il y a lieu de vérifier, à la lumière des principes qui précèdent, si la demanderesse a suffisamment rendu vraisemblable que le défendeur traitait inégalement ses collaborateurs selon leur sexe.

4. a) D'après la cour cantonale, la vraisemblance d'une différence de traitement en matière de salaire n'emporterait pas la présomption de sa nature sexiste lorsque l'employée se trouve sous-payée dans une mesure semblable par rapport à ses collègues aussi bien masculins que féminins.
b) L'interdiction de la discrimination au sens posé par la LEg ne s'applique qu'aux différences de traitement entre travailleurs, d'une part, et travailleuses, d'autre part. Elle ne s'oppose pas à des discriminations entre hommes ou entre femmes (ATF 125 I 71 consid. 4d/aa; ATF 118 Ia 35 consid. 2c p. 38; ATF 113 Ia 107 consid. 4a p. 116). Cependant, l'interdiction de discrimination entre hommes et femmes est inconditionnelle. Quoi qu'en pense la cour cantonale, ni la
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Constitution fédérale ni la loi fédérale sur l'égalité ne subordonnent son application à la condition que l'employeur ne discrimine pas entre hommes ou entre femmes. Une telle condition, invoquée par les juges précédents, ne trouve aucun appui dans le texte même des art. 8 al. 3 Cst. ou 3 LEg. Cette manière de voir est de plus contraire aux objectifs visés par le constituant et le législateur, car, si l'on suivait la Cour civile, il suffirait à un employeur de pratiquer des discriminations entre hommes ou entre femmes pour s'exonérer de toute interdiction de discrimination à raison du sexe des travailleurs. Un tel résultat ne saurait être admis, sauf à justifier la discrimination par la discrimination. Il faut donc s'en tenir au principe que l'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale, sous réserve seulement de l'existence d'un motif objectif justifiant une différence de traitement. Pour s'être écartée de ce principe, la cour cantonale a violé le droit fédéral.

5. a) L'autorité cantonale voit un motif objectif d'inégalité de traitement dans la politique salariale suivie par le défendeur, laquelle défavoriserait les personnes des deux sexes engagées jeunes, peu après la fin de leurs études, alors qu'elles n'ont pas encore acquis d'expérience pratique de la vie économique, en particulier des marchés étrangers. Un tel écart de salaire à l'engagement tendrait à se perpétuer, voire à augmenter en chiffres absolus, avec l'ancienneté et la compensation du renchérissement. De l'avis des magistrats vaudois, l'évolution du salaire de la demanderesse pendant la période de 1988 à 1992 s'inscrit dans cette politique. Celle-ci a en effet été engagée en 1978 pour un salaire modeste, en tant que jeune universitaire sans expérience; le directeur de X. lui avait d'ailleurs confirmé, le 9 juin 1991, être absolument conscient que son salaire se situait au bas de l'échelle.
Comme on l'a vu, le critère invoqué à l'appui d'une différence de rémunération doit jouer un rôle pour l'exercice de l'activité en cause (ATF 125 III 368 consid. 3 p. 371; ATF 117 Ia 270 consid. 4a p. 276, où il est considéré comme douteux qu'une formation plus avancée légitime d'une façon générale un salaire plus élevé).
Ainsi, sitôt qu'une différence de traitement est rendue vraisemblable et que l'employeur la justifie au motif que l'intéressée a été engagée jeune, il lui incombe d'établir quel rôle l'expérience joue pour l'exercice de l'activité en cause, en démontrant la valeur qu'il lui attribue et les raisons pour lesquelles l'expérience acquise au sein de l'entreprise ne vaut pas celle acquise à l'extérieur. Une telle démarche s'impose d'autant plus lorsque la salariée, comme en
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l'espèce, a une longue ancienneté dans l'entreprise (plus de dix ans au moment où elle s'est plainte de discrimination à raison du sexe), que ses responsabilités se sont accrues au fil du temps et que, selon la politique salariale de l'employeur, les écarts de rémunération tendent à augmenter en chiffres absolus avec les années qui passent.
La cour cantonale a donc méconnu la notion, posée par la jurisprudence fédérale, de motif objectif propre à justifier une disparité de traitement.
b) La Cour civile nie que la demanderesse ait été moins bien traitée que ses collègues masculins en faisant valoir qu'elle a bénéficié d'une progression salariale proportionnellement supérieure à celle desdits collègues pendant la période considérée. En outre, l'écart entre le salaire auquel aurait pu prétendre la demanderesse selon l'expert hors procès H. et celui qu'elle a effectivement touché a eu tendance à se réduire sensiblement au cours de cette période.
L'autorité cantonale croit ainsi pouvoir exonérer le défendeur de toute violation de l'art. 3 LEg non pas parce qu'elle n'aurait pas constaté de disparité de traitement, ni parce qu'une disparité de traitement - supposée établie - serait justifiée par un motif objectif étranger au sexe, mais parce que l'employeur n'a pas eu l'intention d'opérer des discriminations à raison du sexe.
Mais l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe s'applique aussi bien aux discriminations non intentionnelles qu'aux discriminations intentionnelles (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 février 1993, in: FF 1993 I 1212; ATF 113 Ia 107 consid. 4a p. 116; MONIQUE COSSALI SAUVAIN, La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, in: Le droit du travail en pratique, vol. 15, Journée 1995 de droit du travail et de la sécurité sociale, p. 64; ELISABETH FREIVOGEL, in: Commentaire de la loi sur l'égalité, Lausanne 2000, n. 4 ad art. 3 LEg).
Peu importe donc que le défendeur ait eu ou non l'intention d'adopter une politique salariale sexiste. Au demeurant, la question à résoudre est de savoir si les rémunérations sont en elles-mêmes discriminatoires et non pas si leur évolution doit être considérée comme telle.
c) Selon la cour cantonale, seul le sieur B., du siège de Zurich, a vu son salaire progresser en pourcentage comme celui de la demanderesse, alors que, par rapport aux autres, le salaire de cette dernière a augmenté plus rapidement. A lire le rapport de l'expert C., B. aurait toutefois été favorisé indûment par rapport à ses collègues, "ce qui n'enfrein(drait) aucune prohibition, à l'inverse d'une discrimination
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au sens de l'art. 3 LEg". B. a en outre bénéficié de deux promotions successives qui expliquent, au moins partiellement, la progression de son salaire.
Quoi qu'en pense la Cour civile, le fait qu'un travailleur ait été indûment favorisé par comparaison avec une travailleuse ne saurait exclure l'existence d'une discrimination. Au contraire, une telle situation est précisément constitutive de discrimination au sens de l'art. 3 LEg.
d) Pour l'autorité cantonale, le défendeur est une entreprise de taille moyenne, où l'évaluation des fonctions est problématique.
Le fait qu'une entreprise soit petite n'empêche pas de comparer des activités pour déterminer si elles sont de valeur égale. Cet élément ne saurait dispenser le juge d'établir d'office tous les faits pertinents à cet égard.
e) D'après la cour cantonale, une des difficultés du dossier résulterait du fait que l'activité de la demanderesse n'est pas typiquement féminine.
On ne saurait comprendre la Cour civile. C'est précisément lorsqu'une activité est typiquement féminine que la comparaison avec les travaux accomplis par des hommes se révèle plus difficile (cf. ELISABETH FREIVOGEL, op. cit., n. 115 ad art. 3 LEg).
f) La cour cantonale est d'avis qu'il n'y aurait, en l'espèce, aucune comparaison possible avec d'autres femmes.
Cette circonstance est sans pertinence. En effet, la discrimination invoquée est une discrimination à raison du sexe, dans le cadre d'une comparaison avec le travail accompli par d'autres hommes. Peu importe qu'il soit difficile de déterminer si d'autres femmes ont été victimes de la discrimination alléguée.

6. La demanderesse se plaint d'une discrimination en matière de promotion; à ses yeux, elle aurait dû être promue de la fonction de "délégué" au poste de chef d'une unité régionale, comme l'ont été tous ses collègues en juin 1991, exception faite de A. qui a quitté X. pendant l'été 1991.
En l'occurrence, il est incontesté que les prestations de travail de la demanderesse ont donné entière satisfaction au défendeur. Or, malgré cela, la recourante, qui était le seul "délégué" de sexe féminin et qui disposait au surplus de la meilleure formation - premier critère, selon le défendeur, à prendre en compte pour fixer le salaire - est la seule personne, parmi toutes celles qui entraient en considération, à n'avoir pas reçu de fonction dirigeante. Il appert ainsi que la demanderesse a rendu suffisamment vraisemblable qu'elle
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a été victime d'une discrimination fondée sur le sexe lors des promotions de juin 1991 (cf. art. 3 al. 2 LEg), ce qui renverse le fardeau de la preuve sur ce point (art. 6 LEg).

7. La demanderesse prétend que la cour cantonale a violé les art. 12 al. 2 LEg et 343 al. 4 CO en établissant les faits de manière incomplète, notamment en écartant la requête qu'elle avait formée le 10 juin 1997, tendant à l'établissement d'un seul et unique tableau consolidé des salaires versés à chaque collaborateur mentionné dans le rapport d'expertise avec son titre et, le cas échéant, avec l'évolution de son titre pendant la période considérée; à la production des classeurs fédéraux contenant la correspondance de la demanderesse en relation avec les foires à l'étranger; à la production des textes d'entretiens de qualification, des cahiers des charges officiels et des preuves d'actions effectivement réalisées à l'étranger par ses collègues.
Comme l'autorité cantonale a nié qu'il y ait eu disparité de traitement entre la demanderesse et d'autres collaborateurs du défendeur, le Tribunal fédéral ne saurait, à ce stade, dire quelles mesures d'instruction précises la Cour civile aurait dû prendre pour chiffrer l'étendue des disparités salariales que la demanderesse a rendues vraisemblables.
Il y a toutefois lieu de rappeler que, selon les art. 12 al. 2 LEg et 343 al. 4 CO, le juge établit les faits d'office. Cette obligation s'étend aussi bien à la constatation de la vraisemblance de la discrimination (le risque de la preuve incombant à la demanderesse) qu'à l'établissement d'un motif justificatif étranger au sexe (le risque de la preuve incombant au défendeur). La cour cantonale devra donc, selon les formes de la procédure cantonale, ordonner la production de tous les moyens de preuve lui permettant de remplir la tâche ainsi définie.

8. En définitive, les motifs retenus par l'autorité cantonale pour nier d'emblée la vraisemblance d'une discrimination sont contraires au droit fédéral. Il y a donc lieu d'admettre partiellement le recours, d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à cette juridiction, pour qu'elle établisse si la demanderesse a été victime d'une disparité de traitement qui ne serait pas justifiée par des motifs étrangers au sexe (art. 64 al. 1 OJ). Dans le jugement qu'elle rendra, l'autorité cantonale, établissant les faits d'office, procédera à toutes les constatations nécessaires quant aux tâches effectuées par la demanderesse et par les autres employés du défendeur, quant à la complexité des tâches en question, quant à l'accomplissement par les intéressés d'autres tâches administratives ou organisationnelles
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accessoires (par ex. suppléances, foires, délégations), quant à la rémunération de ces travailleurs, quant à la valeur de leur travail et, le cas échéant, quant aux motifs objectifs propres à justifier une disparité de traitement.

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