103 Ia 14
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Urteilskopf
103 Ia 14
4. Extrait de l'arrêt du 9 mars 1977 dans la cause Unité jurassienne Tramelan contre Conseil-exécutif du canton de Berne
Regeste
Formelle Rechtsverweigerung, aktuelles Interesse an kant. Beschwerde.
1. Zulässigkeit einer staatsrechtlichen Beschwerde wegen formeller Rechtsverweigerung: aktuelles Interesse; Rechtsbegehren (E. 1b und c).
2. Aktuelles Interesse an kant. Beschwerde; Möglichkeit, dass sich gerügter Eingriff in gleicher oder ähnlicher Weise wiederholt (E. 2).
"Unité jurassienne" est un groupement politique qui a été constitué dans les districts de Courtelary, La Neuveville et Moutier, à la suite de la consultation populaire du 16 mars 1975 au cours de laquelle les électeurs de ces districts s'étaient prononcés pour leur maintien dans le canton de Berne;il se propose d'agir en vue d'obtenir, malgré cette votation, le rattachement de ces trois districts au futur canton du Jura.. Son action politique s'oppose à celle de "Force démocratique", groupement favorable au maintien des districts du Sud dans le canton de Berne.
Le 2 octobre 1975, Unité jurassienne a demandé au Conseil communal de Tramelan de bien vouloir mettre à sa disposition la halle de gymnastique de cette localité, pour une soirée
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d'information en vue des élections au Conseil national, soirée prévue dans la période du 13 au 23 octobre 1975. Le 10 octobre 1975, la Municipalité a répondu qu'elle ne mettrait aucun local à la disposition du groupement, en précisant:"Dans la situation politique actuelle, le Conseil municipal ne saurait mettre des locaux publics à disposition pour l'organisation d'une manifestation de nature à compromettre gravement l'ordre et la sécurité publics."
Unité jurassienne n'a dès lors pas pu organiser la réunion d'information prévue à Tramelan. En revanche, Force démocratique a tenu une réunion politique dans la salle de gymnastique communale de Tramelan le 8 octobre 1975.
Contre la décision de la Municipalité, la section de Tramelan d'Unité jurassienne a formé une plainte auprès du Préfet du district de Courtelary, qui l'a rejetée, puis un recours - daté du 15 avril 1976 - auprès du Conseil-exécutif du canton de Berne, qui l'a déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt actuel.
Agissant par la voie du recours de droit public, "Unité jurassienne Tramelan" demande au Tribunal fédéral, à titre principal, d'annuler la décision du Conseil-exécutif et de lui renvoyer l'affaire en lui ordonnant d'entrer en matière sur le recours et de statuer dans le sens des considérants; à titre éventuel, elle demande d'admettre le recours du 15 avril 1976 comme bien fondé, de déclarer que le refus du Conseil municipal constitue une violation des droits fondamentaux et d'enjoindre au Conseil municipal de mettre à sa disposition, à l'avenir, les salles communales dans une mesure équitable. Elle se plaint de déni de justice, d'inégalité de traitement, de violation de la liberté de réunion, de manifestation et d'expression; elle invoque également les art. 10, 11, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable et a cassé la décision du Conseil-exécutif.
Extrait des motifs:
Les questions relatives à la recevabilité du recours de droit public doivent être examinées en fonction du caractère essentiel du présent recours, qui est un recours pour déni de justice formel.
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a) ...
b) En ce qui concerne l'intérêt actuel au recours de droit public, il faut noter qu'un tel intérêt existe en principe lorsque est allégué un déni de justice formel; en effet, toute personne dont le recours cantonal a été déclaré irrecevable a un intérêt actuel à faire contrôler la constitutionnalité d'une telle décision. Si l'existence ou l'inexistence d'un intérêt actuel à ce qu'une décision au fond soit rendue par l'autorité cantonale constituait une question de recevabilité pour le recours cantonal, elle constitue ici une question de fond et non de recevabilité, du moment que le recours cantonal a été déclaré irrecevable. Le recours de droit public pour déni de justice est ainsi recevable, de ce point de vue; mais, pour décider s'il doit être admis ou rejeté, la chambre de céans doit examiner si c'est à tort ou à raison que le Conseil-exécutif a déclaré irrecevable, pour défaut d'intérêt actuel, le recours dont il était saisi. C'est donc là une question de fond dans la procédure du recours de droit public.
Le Tribunal fédéral a d'ailleurs déjà relevé à plusieurs reprises, lorsqu'il était saisi d'un recours pour violation du droit d'être entendu - cas particulier de déni de justice formel - que la violation de ce droit, dont la nature est purement formelle, entraîne l'annulation de la décision entachée de ce vice, même si le recourant ne peut établir y avoir un intérêt matériel (ATF 98 Ib 176 consid. 3, ATF 96 I 22, ATF 94 I 109 consid. 5, ATF 92 I 264 No 45) et même s'il n'a pas qualité pour recourir sur le fond (ATF 102 Ia 94 consid. 1 et les arrêts cités).
c) Quant aux conclusions d'un recours pour déni de justice formel, elles ne peuvent tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée. Si cette décision constitue effectivement un déni de justice formel, le Tribunal fédéral doit l'annuler purement et simplement; l'affaire est alors replacée en l'état où elle se trouvait avant que ne soit rendue la décision attaquée et l'autorité cantonale doit, en général, statuer à nouveau et entrer en matière sur la requête ou le recours dont elle était saisie, en tenant compte des considérants du Tribunal fédéral.
Il faut relever cependant que, lorsque l'autorité cantonale a déclaré le recours irrecevable mais a quand même examiné, à titre subsidiaire, le fond du recours et déclaré qu'elle aurait dû de toute façon le rejeter, le Tribunal fédéral examine lui-même
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si les motifs avancés pour justifier le rejet au fond résistent aux griefs soulevés devant lui par le recourant. Si tel est le cas, il renonce à casser la décision attaquée et à renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour qu'elle reprenne dans une nouvelle décision, mais à titre principal cette fois, l'argumentation qu'elle avait développée à titre subsidiaire (ATF 102 Ia 36, ATF 99 Ia 415 s.). En revanche, si la motivation subsidiaire sur le fond viole des droits constitutionnels invoqués par le recourant, le Tribunal fédéral casse évidemment la décision attaquée (ATF 101 Ia 287 s.); il le fait également si la motivation n'est que très sommaire, alors que se posent des questions où le pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale joue un rôle important; en statuant lui-même sur le fond dans de tels cas, il priverait pratiquement le justiciable d'un degré de juridiction, ce qui ne serait pas satisfaisant (cf. ATF 99 Ia 416 et 322).Mais une telle question ne se pose pas en l'espèce, où le Conseil-exécutif s'est contenté de déclarer le recours irrecevable, sans en examiner le fond, c'est-à-dire sans examiner si c'est à tort ou à raison que l'autorisation d'utiliser une salle communale pour une réunion politique avait été refusée à la recourante.
Ainsi, seule la conclusion principale tendant à l'annulation de la décision attaquée est recevable en l'espèce, de sorte que le Tribunal fédéral n'examinera que le grief de déni de justice formel.
Si le recours est admis, l'affaire sera replacée en l'état où elle se trouvait avant que soit rendue la décision du 25 août 1976, de sorte que le Conseil-exécutif devra entrer en matière sur le recours dont il était saisi et rendre sur le fond une décision susceptible de faire l'objet d'un nouveau recours de droit public.
2. Le Conseil-exécutif considère que, malgré le défaut de disposition expresse du droit bernois, la recevabilité d'un recours cantonal peut être subordonnée à l'existence d'un intérêt actuel; la recourante ne lui en fait pas grief. Le Conseil-exécutif admet aussi implicitement qu'il pourrait renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel, comme le fait le Tribunal fédéral dans une jurisprudence constante, lorsque la situation pourrait se reproduire dans les mêmes conditions ou dans des conditions analogues (ATF 99 Ia 691 consid. 3, ATF 97 I 918). Mais il estime que des conditions semblables à celles qui
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existaient lors du refus de l'autorisation par la commune de Tramelan ne se reproduiront vraisemblablement pas; aussi en a-t-il conclu qu'il n'existait aucun motif suffisant d'entrer en matière sur le recours en dépit du fait que l'intérêt en jeu avait perdu son actualité.La recourante relève au contraire qu'elle pourrait en tout temps redemander une salle communale en vue d'organiser une réunion politique, portant sur des élections et des votations ou tout autre objet. Elle estime dès lors que le Conseil-exécutif est tombé dans l'arbitraire en refusant d'admettre qu'une situation semblable à celle de la présente affaire pourrait se produire dans d'autres occasions et, partant, en refusant d'admettre qu'il aurait dû entrer en matière sur le recours malgré le défaut d'intérêt actuel.
a) S'agissant d'une question de procédure, il appartient au législateur cantonal de fixer les conditions d'un recours cantonal et aux autorités compétentes cantonales d'en assurer l'application et l'interprétation, toutefois sous le contrôle constitutionnel du Tribunal fédéral. Les dispositions de droit fédéral sur la procédure administrative (LPA) ou sur le recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) ne sont pas applicables en cette matière, même pas - sous réserve de quelques dispositions - lorsque c'est une autorité cantonale de dernière instance qui statue en vertu du droit fédéral (art. 1er al. 3 LPA; ATF 102 Ib 225 consid. 1). On ne saurait imposer de façon générale aux cantons d'adopter, dans leur procédure administrative, les règles et les exceptions relatives à l'exigence d'un intérêt actuel que le Tribunal fédéral a déduites des art. 88 et 103 lettre b OJ .
Mais on sait que l'art. 16 de la loi bernoise sur la justice administrative, du 22 octobre 1961, a servi de modèle à la rédaction du nouvel art. 103 OJ (dans sa teneur du 20 décembre 1968). Le Conseil-exécutif ne définit pas clairement son interprétation de l'art. 16 al. 1 LJA, mais il laisse entendre qu'exceptionnellement il accepterait de renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel et entrerait en matière si l'acte visé par le recours pouvait se produire à nouveau dans les mêmes conditions; mais il estime que tel n'est pas le cas en l'espèce, et c'est sur ce point que la recourante qualifie d'arbitraire la décision attaquée.
Il s'agit donc d'examiner si le Conseil-exécutif a apprécié de façon arbitraire les circonstances du présent cas.
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b) Dans la décision attaquée, le Conseil-exécutif déclare qu'"une manifestation du genre de celle envisagée par Unité jurassienne ne pourra avoir lieu à nouveau qu'en automne 1979 et pour autant que se présente la même situation engendrée par la séparation du Jura, ce qui, à priori, n'est aucunement certain. Pour cette raison..., il n'existe aucun motif suffisant pour entrer en matière sur le recours, en dépit du fait que l'intérêt en jeu a perdu son actualité." Et, dans ses observations sur le recours de droit public, la Direction des affaires communales relève que "le Conseil-exécutif a tenu compte du climat particulièrement tendu dans lequel les élections au Conseil national ont eu lieu dans le Jura non encore juridiquement séparé". Il s'agit là d'un élément dont le Conseil-exécutif pouvait certes tenir compte pour résoudre la question de fond (savoir, pour examiner le bien-fondé du refus communal de mettre une salle à disposition de la recourante), mais non pour trancher la question de recevabilité relative à l'intérêt actuel du recours. En effet, le point litigieux était de savoir si, en principe, une salle communale peut être refusée pour une assemblée politique prévue par un groupement minoritaire. Or la campagne en vue des élections au Conseil national n'est pas la seule occasion où un groupement politique peut avoir besoin d'une salle pour y tenir une assemblée; un tel besoin existe également à l'occasion des élections cantonales et communales, qui n'ont probablement pas moins d'importance pour les citoyens, ainsi que pour certaines votations communales, cantonales et fédérales, et sans doute encore à l'occasion d'autres événements politiques. En retenant uniquement, comme cas d'éventuelle situation semblable permettant de faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, les élections au Conseil national de 1979, le Conseil exécutif a manifestement négligé un élément important pour la solution du problème de recevabilité qu'il avait à résoudre. Sa décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et doit dès lors être considérée comme arbitraire (cf. ATF 100 Ia 307 consid. 3b et les arrêts cités).
Dans une matière où, comme en l'espèce, la décision de l'autorité cantonale supérieure de recours ne peut en général que rarement intervenir avant la date envisagée pour une manifestation, on ne saurait admettre que cette autorité déclare irrecevables les recours dont elle est saisie et se soustraie ainsi à son obligation, prévue par la loi cantonale, de
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contrôler le bien-fondé des décisions communales. Pratiquement, une telle attitude permettrait aux autorités communales de refuser impunément à tout groupement politique minoritaire les locaux nécessaires pour des assemblées publiques. La seule façon d'y remédier serait alors de permettre le recours direct au Tribunal fédéral, en considérant comme rendues en dernière instance cantonale les décisions inférieures prises à un moment tel qu'une décision cantonale sur recours ne pourrait plus être rendue à temps. Mais une telle solution, insolite et irrationnelle, ne saurait être tolérée; non seulement elle entraînerait pour le Tribunal fédéral une surcharge que les dispositions sur l'épuisement des instances cantonales visent précisément à éviter, mais encore elle priverait les citoyens d'un degré de juridiction prévu par le droit cantonal, ce qui serait inadmissible (cf. ATF 99 Ia 416 et 322) et heurterait en outre les principes du fédéralisme.