108 II 398
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Urteilskopf
108 II 398
77. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 octobre 1982 dans la cause Fondation X. contre Y. et consorts (recours en réforme)
Regeste
Auf das Personalstatut einer juristischen Person anwendbares Recht.
Überprüfung der Parteifähigkeit im Berufungsverfahren (E. 2a).
Das Personalstatut beurteilt sich nach dem Recht des Staates, wo die juristische Person ihren statutarischen Sitz hat und inkorporiert ist. Vorbehalten bleibt das Recht des tatsächlichen Verwaltungssitzes, wenn der statutarische Sitz fiktiv ist (Bestätigung der Rechtsprechung; E. 3).
Anwendung schweizerischen Rechts, des Rechts am tatsächlichen Sitz, auf eine sogenannte Unterhaltsstiftung mit Sitz in Liechtenstein. Verneinung ihrer Rechtspersönlichkeit wegen Verstosses gegen Art. 335 ZGB (E. 4).
A.- R., qui réside à Genève, a décidé de constituer à Vaduz, pour des motifs d'ordre fiscal, une fondation de famille selon le
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droit liechtensteinois, ayant pour but de servir son entretien et celui de sa famille.Au bénéfice d'une cession de créance, la fondation a ouvert action en paiement d'une somme d'argent contre Y. et consorts.
Les défendeurs ont contesté à la demanderesse toute capacité civile en faisant valoir que la fondation était nulle et ne pouvait être reconnue en Suisse, d'une part, parce que son siège est fictif, d'autre part, parce que sa création constitue une fraude à la loi suisse. Ils ont en outre invoqué la nullité de la cession de créance.
B.- Par jugement du 13 novembre 1980, le Tribunal de première instance de Genève a admis la capacité pour agir de la demanderesse, mais l'a déboutée de toutes ses conclusions pour cause de nullité de la cession de créance.
La Cour de justice du canton de Genève a annulé ce jugement par arrêt du 12 mars 1982, dit que la demanderesse n'a pas la personnalité juridique et déclaré la demande irrecevable.
C.- La fondation demanderesse ayant recouru en réforme, en reprenant ses conclusions de première instance, le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé l'arrêt attaqué.
Considérant en droit:
1. Constatant d'une part que le siège réel de l'administration de la fondation demanderesse est à Genève, et non pas au Liechtenstein, d'autre part que l'existence de ladite fondation constitue une fraude à la loi, notamment fiscale, la cour cantonale admet que cette fondation doit être déclarée nulle et qu'étant dépourvue de la personnalité juridique, elle n'a pas la capacité d'agir en justice. La Cour de justice considère subsidiairement que la demande devrait de toute façon être rejetée par le motif que la cession de créance litigieuse est nulle en vertu de l'art. 29 al. 1bis LB.
2. a) La capacité d'être partie, comme la capacité d'ester en justice, relève théoriquement du droit de procédure. Mais ces questions sont inséparables de l'exercice des droits civils et de l'existence de la personne qui entend agir, questions qui relèvent généralement du droit privé fédéral. Le Tribunal fédéral peut donc les examiner dans le cadre d'un recours en réforme (ATF 77 II 9 consid. 1; WURZBURGER, La violation du droit fédéral dans le recours en réforme, in RDS 94 (1975) II p. 91 s. et les références citées).
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b) Sont irrecevables en instance de réforme, selon l'art. 55 al. 1 lettre c OJ, les griefs dirigés contre les constatations de fait, ainsi que les faits, dénégations et preuves nouveaux. C'est dès lors en vain que la recourante s'en prend aux constatations de l'arrêt attaqué touchant à la résidence de fait de R. à Genève, à l'absence de preuve d'un domicile ailleurs et au lieu où s'est exercée l'activité de la fondation, et qu'elle produit une nouvelle pièce, soit un "document de voyage" délivré à R. par les autorités italiennes.
3. a) La législation suisse ne contient pas de disposition indiquant selon quel critère ou quelle règle de rattachement doit être déterminé, en droit international privé, le statut personnel des personnes juridiques.
La doctrine est divisée entre deux tendances principales, l'une fondée sur la théorie dite du siège réel et l'autre sur la théorie dite de l'incorporation. La première théorie soumet le statut personnel au droit du lieu où s'exerce effectivement l'administration de la personne morale. Selon la théorie de l'incorporation, en revanche, la personne morale est régie par le droit du lieu où les formalités de constitution ont été accomplies. Une troisième théorie, dite du siège social (ou statutaire), soumet la personne morale au droit du lieu où elle a fixé statutairement son siège; pour certains, cette théorie est assimilée, au moins quant à ses effets, à la théorie de l'incorporation; pour d'autres, elle revêt un caractère un peu différent en raison d'effets particuliers dans certaines situations spécifiques (cf. sur ces diverses théories: VISCHER, Droit international privé, Traité de droit privé suisse I, 4, p. 65; PERRIN, La reconnaissance des sociétés étrangères et ses effets, thèse Genève 1969, p. 46-53 et 91-94; BÜRGI/NORDMANN, Kommentar, n. 127 s. ad art. 753/754; RIEMER, Berner Kommentar, Die Stiftungen, Systematischer Teil, n. 538; NIEDERER, Einführung in die allgemeinen Lehren des internationalen Privatrechts, 3e éd., p. 170 ss; SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, 4e éd., I, p. 311-313; FORSTMOSER, Schweizerisches Aktienrecht, I, 1, p. 113-115, VISCHER/VON PLANTA, Internationales Privatrecht, 2e éd., p. 60 ss).
Alors que la tendance des pays européens continentaux reste favorable à la théorie du siège réel, la doctrine suisse dominante soutient toujours davantage la théorie de l'incorporation, et cela dans l'intérêt des relations et de la sécurité juridique et pour des raisons pratiques. La commission d'experts qui a élaboré le projet de loi sur le droit international privé a résolument opté pour le
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principe de l'incorporation, et a recueilli jusqu'ici l'approbation du Conseil fédéral (Projet de loi fédérale sur le droit international privé de la commission d'experts, art. 152 ss; cf. aussi rapport écrit du Conseil fédéral à diverses interpellations touchant au statut des personnes juridiques étrangères, in Bull.stén. Conseil national 1979 II p. 944 ss, en particulier p. 946, ch. II, 4; JAAC 1980, n. 104, consid. 5).b) La jurisprudence du Tribunal fédéral se dégage des arrêts suivants:
Un arrêt de 1950 (ATF 76 III 62) se bornait à relever que la condition juridique d'une personne morale est déterminée par le droit du pays auquel elle appartient. Dans l'arrêt Vernet et consorts (ATF 76 I 150 ss), rendu presque simultanément, le Tribunal fédéral a précisé (p. 159) qu'en droit international privé suisse le domicile d'une personne morale - lequel est décisif pour fixer sa nationalité - n'est à son siège statutaire que si celui-ci n'est pas un siège fictif, c'est-à-dire sans rapport avec la réalité des choses et choisi uniquement pour échapper aux lois du pays où la personne morale exerce en fait son activité; s'il se révèle que tel est le cas, la personne morale sera domiciliée dans le pays où elle a son véritable siège, c'est-à-dire où se situe le centre principal de son administration. Cet arrêt adopte ainsi le critère du siège statutaire, avec une importante réserve en faveur du siège réel si le siège statutaire se révèle fictif et a été choisi pour frauder la loi du siège réel.
Dans des arrêts ultérieurs où ne s'est pas posé le problème d'un siège fictif, le Tribunal fédéral a déclaré se fonder sur le droit du lieu du siège (ATF 79 II 90, ATF 91 II 125 consid. 2). Dans deux arrêts il a pu se borner à constater que le droit applicable était le même, dans les espèces examinées, aussi bien selon la théorie du siège réel que selon celle de l'incorporation (ATF 80 II 59, ATF 99 II 260 consid. 8). Il a précisé dans d'autres arrêts que le statut personnel était déterminé par le droit de l'Etat dans lequel la personne morale a son siège et auquel elle doit sa personnalité (ATF 95 II 448 consid. 1, ATF 102 Ia 580 consid. 7a).
Se référant à l'arrêt Vernet et consorts, l'arrêt ATF 102 Ia 410 consid. 2b déclare que le Tribunal fédéral s'en tient au critère du siège social, et que l'on ne fait exception à ce principe que s'il s'agit d'un siège fictif.
Enfin, dans un arrêt Srouji du 17 mars 1982 (ATF 108 II 122), le Tribunal fédéral relève que le droit international privé soumet
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en principe le statut de la société anonyme à la loi selon laquelle elle est organisée, et que le siège social n'est pas nécessairement le centre principal de son activité; mais il se réfère expressément à la réserve du siège fictif telle qu'exprimée dans l'arrêt Vernet et consorts.c) Il ressort de cette jurisprudence que le Tribunal fédéral rattache le statut personnel de la personne morale au droit de l'Etat du siège statutaire et de l'incorporation. Les cas soumis au Tribunal fédéral n'ayant pas révélé de dissociation entre l'Etat du siège statutaire et celui de l'incorporation, la jurisprudence n'a pas eu à dire auquel des deux critères devait être donnée la préférence. Pour la même raison, on peut aussi se dispenser de trancher la question ici.
Quoi qu'il en soit, la jurisprudence du Tribunal fédéral se distingue tant de la théorie de l'incorporation que de celle du siège statutaire par le maintien de la réserve du siège fictif telle qu'elle a été posée dans l'arrêt Vernet et consorts. En effet, le caractère fictif du siège ne joue aucun rôle dans l'application pure de ces deux théories (cf. SCHÖNLE, Die Anerkennung liechtensteinischer juristischer Personen in Deutschland, in NJW 1965, p. 1116). La jurisprudence du Tribunal fédéral tempère ce que celles-ci peuvent avoir de trop absolu en réservant de rattacher le statut personnel de la personne morale au lieu du siège réel de l'administration, si le siège statutaire est fictif. Il y a ainsi présomption que la personnalité morale acquise conformément aux règles du droit de l'Etat où la personne s'est constituée et où elle a son siège social est reconnue en droit suisse (ATF 105 III 111); mais cette présomption peut être renversée en cas de siège fictif. Selon la jurisprudence de l'arrêt Vernet et consorts, le siège est fictif lorsqu'il est sans rapport avec la réalité des choses et qu'il a été choisi uniquement pour échapper aux lois du pays où la personne morale, en fait, exerce son activité et a le centre de son administration (cf. VAUCHER, Le statut des étrangers en Suisse, in RDS 86 (1967) II p. 523); il faut donc d'une part dissociation entre le siège statutaire et le siège réel et d'autre part fraude à la loi (cf. PERRIN, op.cit., p. 102 ss), la conséquence d'une telle situation étant l'application du droit du siège effectif pour déterminer le statut personnel de la personne morale.
Il n'y a pas de raison de revenir sur cette jurisprudence, en tout cas lorsqu'il est nettement établi qu'aucun acte d'administration n'est accompli au siège statutaire, et que la fiction adoptée a pour
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but de tourner des dispositions importantes et impératives du droit matériel normalement applicable (cf. MEIER/BOESCHENSTEIN, Die Nichtanerkennung der liechtensteinischen Anstalt in Italien, in RSJ 71 (1975), p. 361). Les difficultés pratiques qui peuvent découler du fait que l'on dénie la personnalité juridique à la personne morale créée fictivement ne sont pas déterminantes. Ainsi que le relève la cour cantonale, ces difficultés ne doivent en effet pas empêcher le juge de respecter la volonté du législateur et le texte de la loi.
4. En l'espèce, il ressort des constatations de fait que la fondation demanderesse (Stiftung) que R. a statutairement créée et établie au Liechtenstein, conformément au droit de ce pays, n'y exerce aucune activité, qu'elle n'y a ni siège réel, ni même de "boîte aux lettres". Toute l'activité de cette fondation s'est exercée à Genève. Au surplus, son but est de servir l'entretien de R. et de sa famille, et son unique activité, exercée par R. seul, a été de faire des placements spéculatifs de liquidités auprès de la défenderesse. Le siège liechstensteinois de la demanderesse constitue donc bien un siège fictif, au sens de la jurisprudence. Ce siège statutaire est sans rapport avec la réalité, à savoir une activité et une administration totalement centrées à Genève.
Par ailleurs, la création de la fondation, avec siège statutaire au Liechtenstein, a non seulement été réalisée en vue d'éluder la loi fiscale suisse, mais elle a aussi tourné les importantes restrictions posées par la loi suisse quant au but des fondations. Les fondations dites d'entretien sont illicites en droit suisse; ce sont en effet des fondations qui accordent à une personne ou à des membres de la famille la jouissance de la fortune de la fondation ou de ses revenus; elles offrent des prestations qui sortent du cadre de l'art. 335 CC et de l'énumération exhaustive des buts possibles figurant dans cette disposition, et elles ont pour effet d'éluder l'interdiction de constituer des fidéicommis de famille (ATF 93 II 448 ss, consid. 4).
Les conditions jurisprudentielles de la dissociation entre le siège réel et le siège statutaire de la fondation, d'une part, de la fraude à la loi, d'autre part, sont ainsi réalisées en l'espèce. C'est par conséquent le droit suisse, soit le droit du siège effectif, qui doit être appliqué pour déterminer le statut personnel de la fondation litigieuse.
La fondation demanderesse étant illicite au regard du droit suisse, puisque son but n'est pas conforme aux exigences strictes
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et exhaustives de l'art. 335 CC, elle doit être déclarée nulle, soit inexistante et dépourvue de la personnalité juridique (art. 52 al. 3 CC; ATF 93 II 448 ss, 73 II 81).La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit fédéral en prononçant que la demanderesse n'a pas la personnalité juridique, et le recours doit être rejeté sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la demanderesse devrait de toute façon être déboutée en raison de la nullité de la cession de créance litigieuse.