Urteilskopf
112 Ia 398
63. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 12 novembre 1986 dans la cause 1. Association Vaudoise des Journalistes et consorts et 2. Société anonyme des Editions Domaine public contre Grand Conseil du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste
Abstrakte Normenkontrolle; Gesetz des Kantons Waadt vom 4. März 1985 betreffend die Änderung des Gesetzes über die Presse vom 14. Dezember 1937: Recht auf Gegendarstellung (Art. 28g bis 28l ZGB) und Recht auf Richtigstellung der kantonalen Behörden.
1. Derogatorische Kraft des Bundesrechts (Art. 2 ÜbBest. BV).
Die Art. 28g bis 28l ZGB regeln das Recht auf Gegendarstellung gestützt auf den Schutz der Persönlichkeit abschliessend.
Das Recht auf Richtigstellung, welches gemäss dem neuen Art. 15 des Gesetzes über die Presse den Behörden des Kantons und der Gemeinden zusteht, verstösst nicht gegen Art. 2 ÜbBest. BV, denn es bezieht sich nur auf die falsche Berichterstattung über Tatsachen im Zusammenhang mit der Ausübung hoheitlicher Befugnisse. Da sein Zweck nicht im Schutz der Persönlichkeit besteht, handelt es sich um öffentliches Recht der Kantone im Sinne von Art. 6 ZGB und betrifft somit eine Frage, welche der Bundesgesetzgeber nicht normieren wollte. Art. 15 ist aber eng auszulegen (E. 4). Demgegenüber verletzt der neue Art. 65 des Gesetzes über die Presse Art. 2 ÜbBest. BV, soweit er das Recht auf Richtigstellung auf Radio und Fernsehen ausdehnt (E. 5).
2. Pressefreiheit (Art. 55 BV); Rechtsgleichheit (Art. 4 BV).
Das Recht auf Richtigstellung gemäss dem neuen Art. 15 des Gesetzes über die Presse liegt im öffentlichen Interesse und ist verhältnismässig (E. 6). Da sich das Recht auf alle im Kanton Waadt verbreiteten Informationen bezieht, verletzt es auch nicht die Rechtsgleichheit nach Art. 4 BV (E. 7).
Le 14 décembre 1984, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a adopté deux projets de lois modifiant respectivement la loi du 14 décembre 1937 sur la presse et celle du 30 novembre 1910 d'introduction dans le canton de Vaud du code civil suisse. Ces projets tendaient à l'adaptation de la législation vaudoise au nouveau droit fédéral sur la protection de la personnalité, plus précisément en ce qui concerne le droit de réponse des personnes touchées par des publications de la presse, de la radio ou de la télévision. Les modifications proposées s'inscrivaient par conséquent dans le cadre des art. 28 à 28l introduits dans le code
BGE 112 Ia 398 S. 400
civil par la loi fédérale du 16 décembre 1983 (RO 1984, p. 778), entrée en vigueur le 1er juillet 1985.
En ce qui concerne la loi sur la presse, le projet comportait une refonte complète de son Titre III (art. 14 à 29) intitulé: "Du droit de réponse". En étaient retranchées toutes les dispositions qui régissaient le droit de réponse des particuliers, à l'exception du droit de réponse des héritiers de la personne mise en cause, dont l'art. 16 du projet soulignait la portée. Pour le surplus, l'art. 14 précisait que "les conditions d'exercice des droits de réponse fédéral et cantonal sont celles fixées par le code civil suisse", le droit cantonal réglementant les conditions d'exercice du "droit de réponse cantonal" et le recours au juge prévu à l'art. 28l CC. Le projet reprenait, à son art. 15, le droit de réponse que l'ancien droit reconnaissait aux corps constitués, mais sous la forme d'"un droit de rectification" appartenant "aux autorités cantonales et communales ainsi qu'à leurs membres individuellement, pour toute présentation de faits ayant trait à l'exercice de la puissance publique". Enfin, son art. 65 déclarait les art. 14 à 16 et 19 à 25 applicables à tous les médias à caractère périodique visés à l'art. 28g CC.
Le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté ce projet le 4 mars 1985. Il en a biffé l'art. 16 relatif au droit de réponse des héritiers pour le motif que cette matière avait été réglée exhaustivement par le législateur fédéral. Il a par contre maintenu le droit de rectification des autorités et de leurs membres, sans toucher aux modalités que le projet du Conseil d'Etat prévoyait pour son exercice.
Agissant par la voie de deux recours de droit public distincts, l'Association Vaudoise des Journalistes (AVJ), Reto Breiter et Gérald Piguet, d'une part, et la Société anonyme des Editions Domaine public, d'autre part, demandent, à eux deux, au Tribunal fédéral d'annuler les art. 14 al. 2, 15, 16, 17, 25 et 65 de la loi vaudoise du 4 mars 1985 modifiant celle du 14 décembre 1937 sur la presse. Ils allèguent des violations des art. 7 Cst.cant., 3, 4, 31, 55, 55bis et 64 Cst., 2 Disp. trans.Cst., ainsi que de l'art. 10 CEDH.
Le Tribunal fédéral a jugé les deux recours mal fondés en ce qu'ils tendaient à l'annulation des art. 14 al. 2, 15, 16, 17 et 25 de la loi vaudoise du 4 mars 1985 modifiant la loi sur la presse. En revanche, il a partiellement admis le recours de la Société anonyme des Editions Domaine public en tant qu'il concluait à l'annulation de l'art. 65 de cette loi.
Extrait des considérants:
2. (Questions de recevabilité.)
b) (Qualité pour former un recours de droit public contre un arrêté de portée générale; en l'espèce, qualité reconnue à un journaliste, à l'Association Vaudoise des Journalistes et à la S.A. des Editions Domaine public.)
3. (Etendue et portée du contrôle abstrait des normes. Obligation constitutionnelle du législateur cantonal intervenant dans le domaine des droits fondamentaux de prévenir le mieux possible leur violation ultérieure.)
4. Le grief essentiel soulevé par les recourants est celui d'une violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Ils reprochent au législateur cantonal d'être intervenu dans un domaine qui, du point de vue matériel, a été réglementé exhaustivement par la Confédération. La Société anonyme des Editions Domaine public se réfère également, à ce propos, à l'
art. 64 Cst., qui limite la compétence législative des cantons en leur interdisant notamment d'édicter des prescriptions formelles ou matérielles contredisant le droit privé fédéral ou en compromettant la mise en oeuvre. S'ils le font, ils violent l'art. 2 Disp.trans.Cst.; c'est donc à la lumière des droits publics subjectifs tirés de cette dernière disposition qu'il y a lieu d'examiner le grief ici évoqué (cf.
ATF 110 II 48 consid. c,
ATF 104 Ia 108 consid. 4a).
a) Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (ou de la primauté du droit fédéral), énoncé à l'art. 2 Disp.trans.Cst., veut que le droit public fédéral prime d'emblée et toujours le droit public cantonal dans les domaines que la constitution ou un arrêté fédéral urgent place dans la compétence de la Confédération et que celle-ci a effectivement réglementés. Les règles cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leurs buts ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, doivent ainsi céder le pas devant le droit fédéral. Ce principe n'exclut cependant toute réglementation cantonale que dans les matières que le législateur fédéral a entendu régler de façon exhaustive, les cantons restant au surplus compétents pour édicter, quand tel n'est pas le cas, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés sont en harmonie avec ceux prévus par le droit fédéral (cf.
ATF 109 Ia 67 consid. 2a,
ATF 101 Ia 506 consid. 2b).
BGE 112 Ia 398 S. 402
L'autorité intimée ne conteste pas que le législateur fédéral a - par la novelle du 16 décembre 1983 modifiant l'art. 28 et introduisant les art. 28a à 28l CC - réglementé exhaustivement le droit de réponse en tant que moyen de protection de la personnalité. Elle soutient toutefois que les dispositions critiquées sont d'une autre nature et qu'elle les a adoptées sur la base de la compétence cantonale réservée par l'art. 6 al. 1 CC, aux termes duquel les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public.
b) L'institution du droit de réponse est apparue pour la première fois en Suisse à l'art. 36 de la loi vaudoise sur la presse du 26 décembre 1832, disposition inspirée de l'art. 11 de la loi française du 25 mars 1822 sur la répression des délits de presse. Aménagé de façon détaillée aux art. 14 à 29 (Titre III) de la loi sur la presse du 14 décembre 1937, ce droit de réponse cantonal était reconnu à toute personne "nommée ou désignée d'une manière inexacte, offensante ou malveillante", ainsi qu'aux corps constitués (cf. BARRELET, Droit suisse des mass media, Berne 1980, No 613 ss, p. 198 s.). Il s'apparentait à une mesure de nature civile, dont la mise en oeuvre présupposait que le requérant ait été atteint dans sa personnalité, et constituait, au fond, une simple modalité de l'action civile en cessation du trouble dont le requérant aurait aussi bien pu atteindre l'objectif en se fondant sur l'
art. 28 al. 1 CC (cf.
ATF 107 Ia 282 consid. 4a,
ATF 106 II 92; PIERRE TERCIER, Le droit de réponse: du droit français au droit suisse, in: Mélanges Guy Flattet, Lausanne 1985, p. 424).
La loi fédérale du 16 décembre 1983 a modifié les art. 27 (titre marginal) et 28 CC, les a complétés par les art. 28a à 28l nouveaux, et a modifié l'
art. 49 CO, cela en vue de renforcer la protection de la personnalité. Après en avoir posé le principe (art. 28), ces dispositions énumèrent les actions à la disposition de celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité et en définissent le for (art. 28a et b). Elles déterminent ensuite les conditions auxquelles sont soumises les mesures provisionnelles, la procédure à suivre pour leur prononcé, les modalités de leur exécution et la réparation du préjudice éventuel en résultant (art. 28c à 28f). Dans sa nouvelle teneur, l'
art. 49 CO assouplit l'action en réparation du tort moral à la disposition de celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité, dans ce sens qu'il ne lui est plus nécessaire d'établir que l'auteur de l'atteinte a commis une faute particulièrement grave.
BGE 112 Ia 398 S. 403
Parallèlement à l'action en rectification prévue à l'art. 28a al. 2 CC, les art. 28g à 28l instituent un droit de réponse ("Gegendarstellungsrecht", "diritto di risposta") en faveur de "celui qui est directement touché dans sa personnalité par la présentation que font des médias à caractère périodique, notamment la presse, la radio et la télévision, de faits qui le concernent". L'art. 28g al. 2 exclut ce droit "en cas de reproduction fidèle des débats publics d'une autorité auxquels la personne touchée a participé". Ce droit de réponse n'a trait qu'à la présentation des faits et il ne présuppose pas l'illicéité de l'atteinte portée à la personnalité (cf. BO CN 1983 II p. 1377, rapport Cotti; BO CE 1983, p. 137, intervention Friedrich). Il n'appartient pas seulement aux particuliers, mais aussi aux personnes morales de droit privé ou de droit public; il protège ainsi également les corporations de droit public - et donc notamment l'Etat - touchées dans leur personnalité (BO CE 1983, p. 137 in fine, intervention Friedrich et p. 135, intervention Binder; Message du Conseil fédéral du 5 mai 1982 concernant la revision du code civil suisse (Protection de la personnalité), FF 1982 II p. 680; cf. PIERRE TERCIER, - Le droit de réponse, précité, p. 428; - Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, No 1370, p. 184; ANDREAS BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, Bâle 1985, No 635, p. 162).
La loi du 16 décembre 1983 n'a pas fondamentalement remis en cause les règles générales que la jurisprudence avait dégagées des
art. 28 CC et 49 CO. Elle renforce par contre, en premier lieu, les moyens procéduraux en faveur de celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité, et réglemente, en second lieu, le droit de réponse conçu comme indépendant de toute illicéité de l'acte contesté. La protection nouvelle instituée par le droit de réponse a été justifiée par l'évolution des techniques de communication et d'information, qui ont accru les risques d'atteintes à la personnalité et ont rendu souvent inopérantes les mesures que le juge pouvait ordonner soit à titre provisionnel, soit au terme d'un jugement, sur la base de l'ancien
art. 28 CC (cf.
ATF 107 Ia 277 ss). Ce développement de la presse écrite et audio-visuelle commande en particulier que la réponse du lésé puisse être diffusée rapidement, sans intervention judiciaire et, toujours indépendamment de la question de l'illicéité de l'atteinte subie, dès le moment où une personne est directement touchée dans ses intérêts personnels (cf. Message précité, p. 666, 670 et 671). Chaque fois
BGE 112 Ia 398 S. 404
que des faits se rapportant à la personnalité telle qu'elle est protégée par le droit sont présentés d'une manière qui ne correspond pas à la version de celui qui est directement touché par cette présentation, ce dernier a le droit d'y répondre sans avoir à démontrer que la déclaration incriminée constitue un acte illicite (cf. DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelles, 2e éd., Berne 1986, No 680, p. 177). Une simple allusion qui, dans l'esprit du lecteur, de l'auditeur ou du spectateur, peut se rapporter à la personne concernée fait par conséquent naître le droit de réponse, pour autant que la présentation critiquée se rapporte à des faits (Message précité, p. 696 s.; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., No 689 ss, p. 180; BUCHER, op.cit., No 651 ss, p. 167; TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, No 1397 ss, p. 187 ss; REHBINDER, Die Neuordnung des Gegendarstellungsrechts, in: Recht 1985, p. 74). A l'encontre d'un commentaire ou d'un jugement de valeur, l'intéressé ne peut en revanche agir que par la voie de l'action en rectification prévue à l'
art. 28a al. 2 CC, qui présuppose l'illicéité de l'atteinte portée à sa personnalité.
c) L'entrée en vigueur, le 1er juillet 1985, de ces dispositions a eu pour effet - sous réserve du régime transitoire défini aux art. 1er à 4 Tit.fin. CC - d'abroger le droit de réponse institué dans certaines législations cantonales, telles la loi tessinoise sur la presse du 13 juin 1834 (art. 20), la loi schaffhousoise sur la presse du 15 décembre 1837 (par. 2) ou la loi grisonne contre l'abus de la liberté de presse du 13 juillet 1839 (par. 12) (cf. TERCIER, Le droit de réponse, précité, p. 425 s.). Cela a été plus particulièrement le cas de la réglementation du droit de réponse selon le Titre III de la loi vaudoise sur la presse du 14 décembre 1937 (LVP), tout au moins dans la mesure où les dispositions qui y figuraient concernaient la protection de la personnalité (cf. ATF 33 I 303). Le législateur fédéral a en effet entendu régler de manière globale et exhaustive le droit de réponse fondé sur la protection de la personnalité (cf. Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, No 1285 à 1287, p. 173 s.).
Le législateur vaudois l'a compris, qui, dans sa novelle du 4 mars 1985, s'est limité, de ce point de vue, à rappeler que les conditions d'exercice du droit de réponse sont celles fixées par le code civil suisse (art. 14 al. 1), et à réglementer le recours au juge prévu à l'
art. 28l CC (art. 14 al. 2). Il a manifesté clairement son intention de ne pas empiéter sur la compétence exclusive de la Confédération en biffant, au cours des débats parlementaires, l'art. 16 du projet
BGE 112 Ia 398 S. 405
du Conseil d'Etat qui consacrait un droit de réponse, "aux conditions du droit fédéral, aux héritiers de la personne mise en cause, lorsque celle-ci est décédée après la publication incriminée ou dans les vingt ans qui l'ont précédée" (Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud (BGC), 1985, p. 1625 et 1631/1632).
Il a en revanche maintenu le droit de réponse des corps constitués au sens de l'ancien art. 15 lettre a LVP, pour en faire un "droit de rectification cantonal". Aux termes de l'art. 15 nouveau LVP, ce droit de rectification "appartient aux autorités cantonales et communales ainsi qu'à leurs membres individuellement pour toute présentation de faits ayant trait à l'exercice de la puissance publique". C'est à cette disposition que s'en prennent essentiellement les recourants.
d) Dans son exposé des motifs, le Conseil d'Etat a précisé que la rectification dont parle le droit cantonal concerne exclusivement la présentation de faits relatifs aux affaires publiques et ne relève pas des droits de la personnalité au sens de l'art. 28g CC (BGC, p. 1622). La majorité de la commission parlementaire a souligné cette caractéristique en déclarant que la question n'était pas ici celle de l'atteinte à la personnalité, "domaine dans lequel le législateur fédéral a refusé le droit de réponse à des entités - telles que gouvernements et municipalités - qui n'ont pas la jouissance des droits civils", mais que le problème se posait sur le seul plan du droit public des cantons, réservé à l'art. 6 CC (BGC, p. 1631). Ce point de vue sur la nature du droit de rectification cantonal n'a, à juste titre, pas été expressément réfuté par la minorité de la commission (cf. BGC, p. 1636 à 1641).
C'est à tort que les recourants contestent cette manière de voir. Dans les domaines régis par le droit civil fédéral, les cantons conservent en effet la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'
art. 6 CC, aux conditions que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler cette matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (
ATF 109 Ia 66 consid. 2a,
ATF 101 Ia 505 /506 consid. 2b et les nombreux arrêts cités).
Il ressort de la lettre de l'
art. 15 LVP - et les travaux préparatoires le confirment - que cette disposition n'a pas pour but la protection de la personnalité des collectivités de droit public, au sens de l'
art. 28 CC; elle vise uniquement la rectification, par leurs
BGE 112 Ia 398 S. 406
autorités et les membres de celles-ci, d'une présentation erronée de faits ayant trait à l'exercice de la puissance publique, alors même que cette présentation ne porte pas atteinte à la personne de l'autorité, telle que protégée par les
art. 28 ss CC (cf.
ATF 107 Ia 315 -317, où est soulignée la distinction entre "Richtigstellung" - à quoi tend l'
art. 15 LVP - et "Gegendarstellung" - ce qu'instituent les art. 28g à 28l CC). Le droit de rectification des autorités relève par conséquent de toute évidence du droit public cantonal réservé par l'
art. 6 CC et touche à une question que le législateur fédéral n'a nullement voulu réglementer. Les recourants ne démontrent pas en quoi ce droit de rectification éluderait le droit de réponse des art. 28g à 28l CC ou en contredirait le sens ou l'esprit. L'
art. 15 LVP tend simplement à éviter la diffusion d'informations fausses sur les actes des organes de l'Etat agissant en tant que détenteur de la puissance publique. En cela, il répond à un intérêt public: celui qu'a l'ensemble de la population à une information objective sur les activités étatiques. Quant aux
art. 16 et 17 LVP, qui règlent les modalités d'exécution du droit de rectification, rien n'indique - et les recourants ne le prétendent d'ailleurs pas - qu'ils puissent heurter, à eux seuls, le principe de la primauté du droit fédéral.
Il résulte de ce qui précède que les
art. 15, 16 et 17 LVP ne violent pas l'art. 2 Disp.trans.Cst., tout au moins en tant qu'ils instituent et réglementent un droit de rectification en faveur des autorités cantonales et communales à l'égard de la presse écrite.
e) Il sied toutefois de souligner que, dans la mesure où ce droit est reconnu individuellement aux membres des autorités concernées, ceux-ci ne sauraient en user qu'en tant que représentants de l'autorité, et ce uniquement pour rectifier une présentation de faits susceptible d'induire le public en erreur et non pour défendre leur propre réputation ou celle de l'organe qu'ils représentent. Il ne serait en effet pas admissible que les membres d'une autorité cantonale ou communale puissent exiger des organes de presse une rectification pour toute présentation de leurs activités au sein de l'organe auquel ils appartiennent. Leur protection légitime est assurée à ce propos soit par les art. 28g à 28l CC, soit, le cas échéant, par l'
art. 28a al. 2 CC, soit encore par les dispositions pénales réprimant les atteintes à l'honneur. Cette interprétation restrictive de l'
art. 15 LVP est seule conforme à l'art. 2 Disp.trans. Cst. Appelé à contrôler la loi vaudoise du 4 mars 1985 dans le cadre de l'
art. 52 al. 3 Tit.fin. CC, le Conseil
BGE 112 Ia 398 S. 407
fédéral s'est exprimé dans le même sens (JAAC 50/II, No 36, p. 230 s.). A titre d'exemple, il sera loisible à une municipalité ou à l'un de ses membres la représentant en l'occurrence d'inviter un journal à rectifier une information erronée sur le nouveau coefficient d'impôt communal, en se fondant sur l'
art. 15 LVP. Il ne leur sera en revanche pas possible d'utiliser cette voie pour répondre à des appréciations critiques sur la gestion financière de la commune.
5. La S.A. des Editions Domaine public attaque également l'
art. 65 LVP, dont elle conteste la conformité aux
art. 3 et 55bis Cst. C'est aussi sous l'angle de l'art. 2 Disp.trans.Cst. qu'il y a lieu d'examiner ce grief, les dispositions constitutionnelles invoquées touchant à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et ne conférant aucun droit constitutionnel aux citoyens (cf.
ATF 88 I 270 consid. 3,
ATF 72 I 11). La référence, toute générale, à l'
art. 3 Cst. n'est au reste d'aucun intérêt spécifique.
L'art. 65 LVP prescrit que le droit de rectification des autorités cantonales et communales s'applique à tous les médias à caractère périodique visés à l'art. 28g CC. La recourante soutient que cette disposition se heurte à la compétence exclusive que l'art. 55bis Cst. confère à la Confédération pour légiférer en matière de radio et de télévision, ainsi que sur d'autres formes de diffusion publique de productions et d'informations au moyen des techniques de télécommunication. En adoptant l'arrêté du 7 octobre 1983 sur l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (RS 784.45), le législateur fédéral aurait en effet réglé exhaustivement le droit de rectification des autorités, l'autorité de plainte instituée par cet arrêté pouvant être saisie de toutes réclamations relatives à des émissions de radio et de télévision qui ont été transmises par des diffuseurs suisses.
a) C'est à tort que l'autorité intimée conteste la qualité de la S.A. des Editions Domaine public pour soulever ce grief, au motif qu'elle est une société d'édition de la presse écrite. On ne saurait en effet exclure que cette société obtienne un jour une concession pour l'exploitation d'une radio locale, laquelle serait assujettie, en vertu de l'
art. 65 LVP, au droit de rectification institué à l'art. 15 de cette loi. Son intérêt juridiquement protégé peut aussi se fonder, comme elle le souligne, sur le fait - non contesté - que les articles de son périodique seraient régulièrement repris ou cités, avec indication de leur provenance,
BGE 112 Ia 398 S. 408
dans la revue de presse hebdomadaire et quotidienne de la Radio Suisse Romande.
b) A titre subsidiaire, l'autorité intimée admet que le droit de rectification cantonal n'est pas applicable à la radio et à la télévision. C'est par suite d'une inadvertance que l'art. 65 LVP, qui se trouve dans le Titre VII LVP, se serait référé, en ce qui concerne ce droit de rectification, aux médias à caractère périodique mentionnés à l'art. 28g CC, sans en retrancher la radio et la télévision. Elle soutient que l'art. 65 ne devrait cependant pas être annulé, parce qu'il se prête à une interprétation conforme à la constitution.
L'art. 65 LVP a la teneur suivante:
"Les articles 14, 15, 18 à 25 sont applicables à tous les médias à caractère périodique visés à l'article 28g CC."
La constitutionnalité de cette disposition ne serait guère discutable si elle ne se rapportait qu'aux art. 18 à 24 LVP, qui traitent de la procédure à suivre pour le recours au juge prévu à l'
art. 28l CC; cette procédure est en effet du ressort des cantons, sous réserve des règles particulières énoncées aux al. 2 à 4 de l'
art. 28l CC. Tout au plus pourrait-on se demander à quoi servirait ce texte s'il se limitait à déclarer expressément applicables aux organismes visés à l'
art. 28g CC des règles de procédure édictées précisément pour permettre la mise en oeuvre de cette disposition. Quoi qu'il en soit, l'
art. 65 LVP ne se rapporte pas seulement aux art. 18 à 24 de cette loi, mais aussi à ses art. 14, 15 et 25, dont les deux derniers traitent du droit de rectification cantonal à l'exclusion du droit de réponse de l'
art. 28g CC. Force est ainsi de constater qu'aux termes de l'
art. 65 LVP, le droit de rectification cantonal est applicable à tous les médias à caractère périodique visés par cette disposition du droit fédéral. Or l'
art. 28g CC ne s'arrête pas à une définition générale des médias à caractère périodique, mais indique, à titre exemplaire, la presse, la radio et la télévision. L'autorité intimée n'étant pas habilitée à interpréter l'
art. 65 LVP contrairement à son texte clair (cf.
ATF 111 Ia 297 et les références), le droit de rectification cantonal est nécessairement applicable, non seulement à la presse écrite ou à certains moyens de diffusion audio-visuels particuliers, mais également à la radio et à la télévision. Dans cette mesure, il viole l'art. 2 Disp.trans.Cst.
BGE 112 Ia 398 S. 409
En effet, soumettre la radio et la télévision à un droit de rectification des autorités cantonales et communales revient bien à les subordonner à une certaine surveillance de la part de ces autorités. Or la question de la surveillance des sociétés concessionnaires de radio et de télévision - y compris les radios locales - a été résolue dans l'arrêté fédéral déjà cité du 7 octobre 1983, qui a institué, d'une part, une autorité de plainte chargée de statuer "sur les réclamations relatives à des émissions de radio et de télévision qui ont été transmises par des diffuseurs suisses" (art. 1er) et, d'autre part, une autorité de surveillance - le département -, qui examine notamment d'office si les émissions compromettent la sécurité intérieure et extérieure des cantons ainsi que leur ordre constitutionnel (art. 2 al. 1) (cf. SCHÜRMANN, Medienrecht, Berne 1985, p. 136 ss). Il importe peu que cet arrêté ait eu, à l'origine, sa base constitutionnelle à l'art. 36 et non à l'art. 55bis Cst., qui n'a été accepté en votation populaire que le 2 décembre 1984 (FF 1985 I p. 285). L'arrêté du 7 octobre 1983 s'inscrit en effet dans le cadre de la compétence réservée à la Confédération par l'al. 5 de cette dernière disposition constitutionnelle, et il est sans importance que la surveillance fédérale n'aille pas aussi loin qu'irait le droit de rectification cantonal.
Le grief de violation de l'art. 2 Disp.trans.Cst. est ainsi fondé en tant qu'il est dirigé contre l'art. 65 LVP. Le recours doit dès lors être admis sur ce point, la disposition critiquée devant être annulée dans sa totalité. Il appartiendra au canton de décider s'il entend maintenir cette disposition en limitant sa portée aux seuls art. 18 à 24 LVP.
6. Les recourants se plaignent en outre d'une violation de la liberté de la presse, telle qu'elle est garantie par l'
art. 55 Cst. ainsi que par l'
art. 7 Cst.cant. (RS 131.231). La S.A. des Editions Domaine public se prévaut également d'une violation de l'
art. 10 CEDH. Les recours n'exposent toutefois pas en quoi ces normes du droit cantonal et du droit conventionnel comporteraient, en l'occurrence, des garanties supérieures à celles offertes par le droit constitutionnel de la Confédération (cf.
ATF 110 Ia 3 consid. 2a; cf. aussi
ATF 108 Ia 318 consid. 2,
ATF 104 Ia 91 ss consid. 4 et les références). C'est donc sous le seul angle de l'
art. 55 Cst. qu'il y a lieu d'examiner ce grief.
a) La liberté de la presse est un aspect particulier de la liberté d'opinion, qu'elle concrétise dans le domaine spécifique de la
BGE 112 Ia 398 S. 410
presse (
ATF 107 Ia 280 consid. 2, 49 consid. 3,
ATF 98 Ia 421 consid. 2a). Alors que la liberté d'opinion, garantie implicitement par la constitution fédérale, comprend la faculté d'exprimer librement ses idées et de les répandre en usant de moyens légaux, la liberté de la presse, garantie expressément par le constituant historique, comporte la possibilité pour le citoyen d'utiliser la presse, c'est-à-dire un produit de l'imprimerie au sens large, pour exprimer sa pensée (
ATF 97 I 896 consid. 4,
ATF 96 I 588 consid. 3a, 592 consid. 6).
Selon les recourants, le droit de rectification cantonal institué à l'art. 15 LVP restreindrait cette liberté dans une mesure importante, parce qu'elle engendrerait un effet d'autocensure chez tous ceux qui s'apprêtent à relater, par la voie de la presse, l'activité officielle des autorités cantonales et communales. Cette restriction ne serait pas justifiée par un intérêt public prépondérant et violerait le principe de la proportionnalité, dès lors que les règles de déontologie auxquelles sont soumis les journalistes suffisent à atteindre les buts avoués par les auteurs de la loi attaquée. Ce grief est dénué de pertinence.
b) S'il est vrai que la liberté de la presse est un élément essentiel de la société démocratique, elle n'en est pas pour autant un droit absolu et intangible. Le législateur cantonal peut la restreindre pour des raisons d'intérêt public, après avoir procédé à une pesée sérieuse des intérêts en présence (
ATF 107 Ia 49 consid. 3,
ATF 104 Ia 97 consid. 6,
ATF 98 Ia 63 consid. 7, 96 I 589 consid. 4a).
Tel a été le cas en l'espèce. On a vu (consid. 4d ci-dessus) que l'
art. 15 LVP a pour but d'éviter que la présentation inexacte de faits ayant trait à l'exercice de la puissance publique dans le canton et dans les communes puisse conduire à une désinformation de l'opinion publique. En cela, il va dans le sens des exigences de la liberté d'information, et ce par le moyen approprié d'une intervention des autorités concernées pour rétablir l'exactitude des faits présentés de manière erronée (cf.
ATF 107 Ia 316,
ATF 104 Ia 103 /4). Au demeurant, cette institution ne met nullement en cause le droit, qui découle aussi de l'
art. 55 Cst., d'un organe de presse de s'abstenir de tout compte rendu au sujet d'une activité d'une collectivité publique (cf. BARRELET, op.cit., No 94, p. 45; - Liberté des médias pour le public? in: La liberté des médias, au service de qui?, Berne 1981, p. 127). En outre, le moyen choisi par le législateur vaudois ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public visé et ne constitue dès lors pas une
BGE 112 Ia 398 S. 411
intervention excessive dans le champ de la liberté de la presse: les modalités techniques de la rectification, telles qu'énoncées aux
art. 16 et 17 LVP, ne sauraient être qualifiées de déraisonnables, à tout le moins dans le cadre d'un contrôle abstrait de ces normes. Quant à la crainte des recourants d'un usage abusif du droit de rectification cantonal, elle n'est pas fondée, puisque l'
art. 25 LVP rend applicable, par analogie, à l'exercice du droit de rectification la procédure de recours au juge, prévue à l'
art. 28l CC en matière de droit de réponse et réglementée aux art. 18 à 24 LVP.
c) Ces considérations conduisent également au rejet du grief tiré d'une violation de la liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 Cst., pour autant qu'on puisse suivre la S.A. des Editions Domaine public lorsqu'elle prétend que les dispositions attaquées restreignent ce droit constitutionnel en faisant perdre aux organes de presse concernés une part de leur attractivité.
7. Les recourants se plaignent enfin d'une violation de l'égalité de traitement. Ils soutiennent, en substance, que les dispositions attaquées ne seraient effectivement applicables qu'à des organes de presse ayant leur siège ou leur domicile dans le canton de Vaud, à l'exclusion de ceux qui sont établis dans les autres cantons, voire à l'étranger, et qui sont aussi diffusés dans le canton de Vaud.
L'argument ne manquerait certes pas d'intérêt si le législateur cantonal avait prescrit que les dispositions attaquées ne s'appliquent qu'aux organes de presse ayant leur siège ou leur domicile dans le canton. Il y aurait alors une discrimination, difficilement soutenable au regard de l'
art. 4 Cst., entre ces organes et ceux qui, tout en ayant leur siège ou leur domicile ailleurs que dans le canton de Vaud, y diffuseraient des informations relatives à l'exercice de la puissance publique par les autorités cantonales et communales vaudoises. La différence de siège ou de domicile ne constituerait sans doute pas une particularité justifiant un traitement différencié des organes de presse concernés. Cette question n'a cependant pas à être résolue. Le champ d'application de l'
art. 15 LVP s'étend en effet, comme c'était le cas de l'ancien art. 15 lettre a, à toute information diffusée dans le canton de Vaud, et cela quel que soit le siège ou le domicile de l'entreprise de médias dont elle émane. Du moins faut-il interpréter ainsi le texte incriminé, en l'absence de dispositions contraires, si l'on veut qu'il soit conforme à l'
art. 4 Cst. La règle de l'
art. 59 Cst. n'ayant
BGE 112 Ia 398 S. 412
pas un caractère absolu, rien ne s'oppose à une application au droit de rectification cantonal de la règle de l'ubiquité, les organes de presse qui distribuent leurs produits dans le canton de Vaud étant, à ce titre, soumis à la juridiction de celui-ci (cf. TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, No 1050, p. 141). Or, ce qui est décisif pour déterminer si une disposition légale respecte le principe d'égalité, c'est le cercle des personnes auquel elle est applicable. Les problèmes qui peuvent surgir, lors de l'exécution des mesures prises sur la base du texte incriminé, à cause des limites territoriales assignées à la souveraineté cantonale ne sont pas un motif de taxer ce texte d'inconstitutionnel (cf.
ATF 99 Ia 381 consid. b,
ATF 97 I 122 consid. 5a,
ATF 96 I 704 consid. 4b et les arrêts cités). S'il en allait autrement, de nombreuses dispositions du droit public cantonal encourraient le reproche de violer l'égalité de traitement. Il suffit de penser à certaines mesures ou sanctions prévues par le droit public cantonal, par exemple en matière de santé publique, qui s'appliquent à toutes violations de ce droit commises dans le canton concerné, même si ces violations sont le fait de personnes qui n'y sont pas domiciliées et à l'égard desquelles l'exécution des mesures ou des sanctions s'avère parfois aléatoire. A s'en tenir aux règles relatives au droit de rectification cantonal, on devrait par exemple admettre que le par. 136 de la loi zurichoise d'organisation judiciaire du 13 juin 1976, qui confère ce droit aux autorités judiciaires cantonales, serait inégalitaire sous le prétexte qu'un organe de presse domicilié dans un autre canton ou à l'étranger pourrait se refuser à obtempérer à une demande de rectification faite par les autorités zurichoises.
Le grief de violation de l'égalité de traitement est donc manifestement mal fondé.