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Urteilskopf

22338/15


A.R., L.R. gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 22338/15, 19 décembre 2017

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 8 par. 1 et art. 9 par. 1 CEDH. Education sexuelle obligatoire dans les écoles publiques.

  L'un des buts de l'éducation sexuelle est la prévention des violences et de l'exploitation sexuelles, qui représentent une menace réelle pour la santé physique et morale des enfants et contre lesquelles ils doivent être protégés à tout âge. Un des objectifs de l'éducation publique est de préparer les enfants aux réalités sociales, ce qui semble militer en faveur de l'éducation sexuelle de très jeunes enfants qui fréquentent le jardin d'enfants ou l'école primaire. La Cour considère ainsi que l'éducation sexuelle scolaire, telle qu'elle est pratiquée dans le canton de Bâle-Ville, poursuit des buts légitimes. Par ailleurs, la Cour estime que les autorités suisses ont respecté la marge d'appréciation qui leur est reconnue par la Convention (ch. 24-46).
  La requérante n'a pas suffisamment étayé le grief de violation du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. La Cour en conclut que le grief est manifestement mal fondé et qu'il doit être rejeté (ch. 47-50).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Inhaltsangabe des BJ


(4. Quartalsbericht 2017)

Recht auf Achtung des Privatlebens (Art. 8 EMRK); Religionsfreiheit (Art. 9 EMRK); Sexualunterricht in der Primarschule.

Der Fall betrifft die Abweisung eines Gesuchs um Dispens eines 7-jährigen Mädchens vom Sexualunterricht durch eine Primarschule in Basel. Die Beschwerdeführerinnen (Mutter und Tochter) wehren sich nicht grundsätzlich gegen den Sexualunterricht in der öffentlichen Schule. Gestützt auf Artikel 8 Absatz 1 EMRK stellen sie einzig den Nutzen des Sexualunterrichts im Kindergarten und in den ersten beiden Jahren der Primarschule in Frage.

Der Gerichtshof stellte insbesondere fest, dass einer der Zwecke des Sexualunterrichts die Verhinderung sexueller Gewalt und Ausbeutung sei, welche eine reale Bedrohung für die körperliche und geistige Gesundheit der Kinder darstellen und gegen welche Kinder in jedem Alter geschützt werden müssen. Er betonte zudem, dass einer der Zwecke der öffentlichen Bildung die Vorbereitung der Kinder auf die sozialen Realitäten sei, was für den Sexualunterricht von sehr jungen Kindern zu sprechen scheine. Der Gerichtshof stellte des Weiteren fest, dass die innerstaatlichen Behörden die vorrangige Rolle der Eltern bei der sexuellen Erziehung anerkannt haben. Ausserdem ergebe sich der komplementäre Charakter des Sexualunterrichts aus seiner nicht systematischen Natur: Die Lehrpersonen müssten sich darauf beschränken, auf die Fragen und Handlungen der Kinder zu reagieren. Der Gerichtshof kam zum Schluss, dass die Schweizer Behörden den ihnen zustehenden Ermessensspielraum respektiert haben. Rüge der Verletzung von Artikel 8 EMRK offensichtlich unbegründet.

Rüge der Verletzung von Artikel 9 EMRK ungenügend belegt. Unzulässig (Mehrheit).







Sachverhalt

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 22338/15
 
A.R. et L.R.
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 19 décembre 2017 en une chambre composée de :
Helena Jäderblom, présidente,
    Branko Lubarda,
    Luis López Guerra,
    Helen Keller,
    Dmitry Dedov,
    Georgios A. Serghides,
    Jolien Schukking, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 30 avril 2015,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  La première requérante, Mme A.R., est une ressortissante suisse née en 1970 et résidant à Bâle. La deuxième requérante est sa fille, L.R., née en 2003. Elles sont représentées devant la Cour par Me P. Grolimund, avocat à Bâle. La chambre a décidé d'accorder d'office l'anonymat aux requérantes (article 47 § 4 du règlement de la Cour) afin de protéger leurs intérêts.
A.  Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérantes, peuvent se résumer comme suit.
1.  La demande de dispense
3.  La présente requête concerne le rejet par la direction de l'école primaire de Bâle d'une demande de dispense (Dispensation) des leçons d'éducation sexuelle en faveur de la deuxième requérante, alors âgée de 7 ans, qui était sur le point de passer en 2e classe de l'école primaire. L'éducation sexuelle était prévue par le département du canton de Bâle-Ville par une directive sur les objectifs de l'éducation à la santé sexuelle - pédagogie sexuelle à l'école (« la directive », paragraphe 17 ci-dessous).
4.  Dans leur demande soumise en août 2011 à l'école primaire, les requérantes arguaient que la participation de la deuxième requérante à des cours d'éducation sexuelle constituait une ingérence dans leurs droits fondamentaux garantis par la Constitution suisse, notamment le droit à la vie personnelle (article 10 de la Constitution, paragraphe 14 ci-dessous), la protection des enfants (article 11 de la Constitution), la protection de la vie familiale (article 13 de la Constitution) et la liberté de conscience (article 15 de la Constitution). Elles indiquaient que l'ingérence dans l'exercice des droits précités n'était pas prescrite par une loi, et que l'intérêt légitime pour des cours d'éducation sexuelle au niveau de la 1re ou de la 2e classe de l'école primaire faisait défaut.
5.  La directrice de l'école primaire rejeta cette demande par une décision du 27 septembre 2011, indiquant qu'il ne pouvait y avoir de dispense des leçons d'éducation sexuelle au motif qu'il ne s'agissait pas d'une matière à part entière, mais seulement d'un sujet susceptible d'être abordé en classe, et que l'opportunité de traiter ce sujet était laissée à l'appréciation des enseignants.
2.  Le recours devant le département d'éducation
6.  Les requérantes introduisirent alors un recours auprès du directeur du département d'éducation (Vorsitzender des Erziehungsdepartments) du canton de Bâle-Ville. Se référant à la Constitution suisse, elles dénoncèrent à nouveau une ingérence dans l'exercice des droits fondamentaux mentionnés ci-dessus. Elles estimaient que cette ingérence devait être qualifiée de grave au motif qu'elle concernait des sujets sensibles, notamment la sexualité et la manière d'aborder un tel sujet au niveau du jardin d'enfants et de l'école primaire. Elles craignaient des conséquences négatives pour la santé psychique et physique de la deuxième requérante. Elles considéraient en outre que l'existence de cours d'éducation sexuelle priverait la première requérante de la possibilité d'aborder elle-même avec son enfant le sujet sensible de la sexualité.
7.  Le directeur du département d'éducation rejeta le recours par une décision du 3 juillet 2012, tout en admettant l'existence d'une « ingérence légère » (leichter Eingriff) dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, ingérence fondée selon lui sur une base légale suffisante. Dans ce contexte, le directeur précisa que la directive du 6 décembre 2010 avait été modifiée par le département de l'éducation le 11 novembre 2011 (paragraphe 17 ci-dessous). Il indiqua par ailleurs que l'éducation sexuelle n'avait pas pour but de propager une certaine forme ou morale de la sexualité auprès des élèves, et qu'elle n'impliquait pas non plus pour les enfants l'obligation de contribuer verbalement. Concernant l'allégation d'ingérence dans le droit à la liberté de conscience protégée par l'article 9 de la Convention, il répondit que la première requérante avait manqué de spécifier en quoi sa volonté de ne pas confronter son enfant à des questions sexuelles était fondée sur une conscience protégée par cette disposition, et que, dès lors, l'article 9 de la Convention ne pouvait s'appliquer. Le directeur estima en outre que l'éducation sexuelle en question poursuivait également un but légitime, à savoir la protection de l'enfant contre le danger des violences sexuelles et le renforcement d'une relation positive avec son corps. Il ajouta qu'elle était aussi appropriée pour atteindre ce but au motif que les leçons d'éducation sexuelle étaient données « en réponse » (reaktiv) et non pas d'une manière systématique, en ce qu'elles n'auraient eu lieu que lorsque le sujet de la sexualité avait été évoqué concrètement par un ou des enfants et qu'il nécessitait ainsi d'être traité, ce qui, selon le directeur, se faisait avec la classe entière, et de manière appropriée et adaptée à l'âge des enfants.
3.  Le recours devant le tribunal administratif
8.  Le 13 septembre 2012, les requérantes saisirent le tribunal administratif du canton de Bâle-Ville en demandant l'annulation de la décision antérieure.
9.  Par un arrêt du 14 août 2013, le tribunal rejeta le recours. Il indiqua que la deuxième requérante n'avait jamais participé à des cours d'éducation sexuelle dans la forme critiquée, et que le différend résultait de la simple éventualité pour elle d'y participer conformément à l'ordre interne de l'école. Il estima qu'il y avait ingérence dans le droit de la première requérante à l'éducation de son enfant, qui tombait dans le champ d'application de l'article 8 de la Convention, mais pas dans le droit à la liberté personnelle ou à la vie privée de la deuxième requérante, aux motifs que les leçons en question ne poursuivaient pas un but d'endoctrinement, qu'elles étaient adaptées à l'âge des enfants et qu'elles ne demandaient pas une contribution active de ceux-ci. Le tribunal estima également que la cause des requérantes ne tombait pas dans le champ d'application de l'article 9 de la Convention.
10.  Il poursuivit son raisonnement en rejetant la thèse d'une ingérence grave dans l'exercice par les parents de leur droit d'éduquer leurs enfants et conclut qu'il n'était pas nécessaire qu'une telle ingérence fût prévue de façon détaillée par la loi du fait du statut particulier (Sonderstatus) de l'éducation au sein de l'école publique. Selon le tribunal, il suffisait donc que la base légale fût de nature générale. Toujours selon lui, la mesure en cause était également nécessaire dans une société démocratique. En outre, eu égard à l'absence de risque pour le bien-être de l'enfant, il n'aurait pas existé d'obligation pour l'État de rechercher une alternative aux leçons d'éducation sexuelle. Le tribunal considéra enfin que la mesure était proportionnée au but poursuivi au motif que les recommandations « Jardin d'enfants et école primaire » de Bâle-Ville de novembre 2011 (« les recommandations », paragraphe 17 ci-dessous) prévoyaient expressément que l'éducation sexuelle restait avant tout une tâche parentale.
4.  Le recours devant le Tribunal fédéral
11.  Les requérantes saisirent alors le Tribunal fédéral. Elles alléguaient notamment que le tribunal s'était trompé en fondant son analyse sur la thèse de cours d'éducation sexuelle donnés « en réponse ». Elles soutenaient que, en réalité, il s'agissait de cours obligatoires et systématiques. Elles précisaient à cet égard que le caractère obligatoire découlait du fait que le plan d'études formulait des objectifs précis que les enfants auraient été censés atteindre en matière d'éducation sexuelle et que le sujet de la sexualité était traité avec la classe entière, y compris avec les enfants qui n'avaient pas posé de questions par rapport à la sexualité. Dès lors, les requérantes alléguaient notamment une violation de leurs droits consacrés aux articles 8 et 9 de la Convention.
12.  Le Tribunal fédéral rejeta le recours par un arrêt du 15 novembre 2014 (2C_132/2014, 2C_133/2014). Il se départit néanmoins de l'analyse du tribunal administratif relative à l'applicabilité de la Convention en ce qui concerne la liberté de conscience au sens de l'article 9 de la Convention. Il indiqua à cet égard que, la deuxième requérante étant obligée de participer aux leçons même si elle ne l'avait pas souhaité, cette disposition s'appliquait. Quant au droit au respect de la vie privée et familiale de la première requérante, il confirma que cette disposition était également applicable dans la mesure où la participation de l'enfant à l'éducation sexuelle avait un impact sur le droit des parents à éduquer leurs enfants. Il laissa ouverte la question de savoir si le rejet de la dispense constituait également une ingérence dans ces droits de la deuxième requérante dès lors que l'examen au fond de ces droits était en tout état de cause similaire.
13.  Sur le fond, le Tribunal fédéral qualifia de « légère » l'ingérence dans la vie familiale et la liberté de religion et de conscience causée par les leçons en question et démentit le caractère obligatoire de celles-ci. Il considéra que les autorités disposaient d'une base légale suffisante en l'espèce. Il précisa que les élèves étaient soumis à un statut particulier et qu'il suffisait que cette base fût de nature générale, les détails en étant laissés à l'appréciation de l'exécutif. Pour ces raisons, il estima que la conclusion du tribunal administratif selon laquelle les leçons en cause étaient prévues par la loi était correcte. Soulignant que les leçons d'éducation sexuelle n'étaient données qu'« en réponse » à des questions des enfants, le tribunal conclut qu'elles ne violaient pas le principe de la proportionnalité. Par ailleurs, il estima que ces leçons étaient également appropriées pour atteindre un but légitime, à savoir la prévention des abus sexuels et la protection de la santé, et qu'elles étaient en outre nécessaires au motif qu'il existait un intérêt légitime pour l'apprentissage relativement aux sujets sexuels par des enfants fréquentant le jardin d'enfants et l'école primaire. Enfin, il souligna que la liberté pédagogique du personnel éducatif devait être respectée et que l'on ne pouvait dispenser des enfants des leçons d'éducation sexuelle.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
14.  Les dispositions pertinentes en l'espèce de la Constitution fédérale (Cst.) sont libellées comme suit :
Article 10 : Droit à la vie et liberté personnelle
« 2.  Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. »
Article 11 : Protection des enfants et des jeunes
« 1.  Les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement.
2.  Ils exercent eux-mêmes leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discernement. »
Article 13 : Protection de la sphère privée
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. »
Article 15 : Liberté de conscience et de croyance
« 1.  La liberté de conscience et de croyance est garantie. (...) »
Article 62 : Instruction publique
« 1.  L'instruction publique est du ressort des cantons.
2.  Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques. »
15.  Les dispositions de la loi scolaire du canton de Bâle-Ville du 4 avril 1929, dans sa version en vigueur en 2011, au moment où les requérantes ont introduit leur demande de dispense, étaient libellées comme suit (traduction non officielle) :
§ 2.
« Il existe les écoles et cours publics suivants :
1.  l'école publique (Volksschule) :
a)  le jardin d'enfants, 1re et 2e année scolaire
b)  l'école primaire, 3e à 6e année scolaire.
(...) »
§ 3a.
« L'école publique a pour tâche, en complément et à l'appui de l'éducation familiale, de favoriser le développement corporel et spirituel des élèves pour qu'ils soient prêts à satisfaire aux exigences humaines et professionnelles de la vie. »
§ 3b.
« L'école publique transmet aux élèves les connaissances et compétences qui sont nécessaires pour réussir dans la société et la vie professionnelle. Elle soutient les élèves à la fois dans la découverte de leur identité personnelle au sein de la société et dans le développement de leur capacité à apprendre tout au long de la vie, et à agir d'une manière responsable envers les autres et l'environnement. »
§ 22.
« Les matières enseignées à l'école primaire sont : les langues, la lecture, les mathématiques, les sciences de la vie et de la terre (Sach- und Heimatunterricht), l'écriture, le dessin, la gymnastique (Turnen) et les travaux manuels. De plus, des cours de musique facultatifs sont prodigués. »
§ 66.
« 1.  Tous les élèves sont obligés de participer aux cours dans toutes les matières obligatoires. (...)
5.  Un élève peut être dispensé d'un cours ou de certaines matières.
6.  La direction de l'école prend les décisions à la demande du corps des professeurs ou des tuteurs légaux d'un enfant. »
§ 68.
« 1.  Le conseil de l'éducation (Erziehungsrat) adopte le plan d'études pour l'école publique (...) »
16.  Le « plan d'études 91 », adopté par le conseil de l'éducation du canton de Bâle-Ville le 23 septembre 1991, prévoit que les cours de sciences de la vie et de la terre incluent l'éducation à la santé. Cette dernière comprend l'éducation sexuelle, laquelle se limite à répondre « aux questions et problèmes [posés de manière] individuelle et spontanée » et n'est prodiguée que « dans l'intérêt général et avec l'autorisation des parents ».
17.  Les paragraphes pertinents en l'espèce de la directive sur les objectifs de l'éducation à la santé sexuelle - pédagogie sexuelle à l'école (Leitfaden Lernziel sexuelle Gesundheit - Sexualpädagogik in der Schule), adoptée le 6 décembre 2010 par le conseil de l'éducation, publiée dans sa version initiale en janvier 2011 et dans sa version révisée en novembre 2011 (les modifications sont signalées en italique), disposent (traduction non officielle) :
1.  Éducation sexuelle à l'école (...)
1.2.  Fonction et but
« La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d'expériences sexuelles dénuées de contrainte, discrimination ou violence. Dès lors, [la notion de santé sexuelle] va au-delà de la simple absence de maladie, de perturbation et de faiblesse.
L'éducation sexuelle dans le cadre scolaire ne doit pas servir à exercer un contrôle social ou une standardisation. Elle doit plutôt transmettre des informations, renforcer l'estime de soi et le développement émotionnel, permettre de discuter de l'amitié et de l'amour, inviter à la réflexion sur les rôles sexospécifiques, et contribuer à la prévention des maladies infectieuses et des grossesses involontaires. L'éducation sexuelle scolaire inclut la prévention des violences et de l'exploitation sexuelles. Une telle prévention est importante. Le but est que les enfants et adolescents intègrent l'information, le comportement et les aptitudes au service d'une sexualité autodéterminée et responsable, et qu'ils se protègent contre les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses involontaires.
L'éducation sexuelle scolaire respecte la pluralité culturelle à l'école. Les différentes normes et valeurs sont expliquées de manière équivalente. La participation aux leçons d'éducation sexuelle est obligatoire, car tous les enfants et adolescents ont droit à une éducation sexuelle.
C'est la tâche de l'école de répondre aux besoins d'éducation sexuelle des enfants et adolescents. Dès lors, l'école fournit une contribution importante et durable à la santé sexuelle des élèves. »
1.3.  Tâches communes des parents et de l'école
« Les parents jouent un rôle important dans l'éducation sexuelle des enfants. En même temps, l'école a une mission d'éducation sexuelle. Une éducation sexuelle accomplie demande une collaboration étroite entre les parents et l'école.
L'école soutient et complète l'éducation sexuelle prodiguée par les parents. Les parents sont informés de l'objet, du contenu et des buts des leçons. Cela peut s'effectuer par le biais de lettres aux parents, de réunions à l'école et d'autres moyens qui peuvent viser les parents et les élèves. En cas de besoin, des entretiens peuvent avoir lieu et le personnel spécialisé peut être impliqué.
(...) »
3.  Instruction pour atteindre le but éducatif de la santé sexuelle (...)
3.1.  Instruction pour le jardin d'enfants et l'école primaire
« Complément au plan d'études
Pour le plan d'études des jardins d'enfants et des écoles primaires, un complément a été rédigé qui définit la mise en œuvre des leçons (qui n'auront pas lieu d'une façon systématique). La santé sexuelle est traitée dans le cadre de l'éducation de santé. (...) »
Niveau
Buts généraux
Connaissances
Jardin d'enfants
-  renforcer une conscience positive du corps
-  renforcer la confiance en soi
-  savoir dessiner toutes les parties du corps (y compris les organes génitaux)
-  apprendre que la création d'un enfant nécessite un homme et une femme
-  savoir ce qu'est une action sexuelle non désirée et comment se protéger contre une telle action
-  être informé du droit de dire non et savoir qui contacter (personnel éducatif ou les parents) en cas de besoin
École primaire
-  élargir la conscience de ses propres sentiments sexuels et de ceux des autres
-  sensibiliser aux dangers de la sexualité
-  disposer de connaissances sur l'acte de procréation et savoir qu'il y a des moyens de prévention [de la grossesse]
-  savoir que la sexualité n'est pas pratiquée que pour la procréation, mais aussi pour le plaisir et l'amour
-  connaître la signification des termes « virus » et « bactéries » en relation avec maladie/sexualité
-  être informé de son droit à dire non, et savoir qu'il y a des bons et des mauvais secrets
Matériels pédagogiques
Chaque école primaire avec un jardin d'enfants intégré dispose de matériels destinés à l'éducation sexuelle scolaire (version initiale « de sex box ») :
-  livres divers pour regarder et lire ;
-  un puzzle du corps en bois ;
-  2 poupées avec des organes génitaux visibles : un garçon et une fille ;
-  matériel pour le personnel éducatif : documents pour l'exposition « Mon corps m'appartient » et une collection d'idées pour la leçon ;
-  complément au plan d'études. »
Pédagogie sexuelle :
« Dans le document suivant se trouvent (...) les descriptions de compétences qui seront fournies aux élèves du jardin d'enfants et de l'école primaire de façon adéquate. Au jardin d'enfants et à l'école primaire, il n'y aura pas de leçons d'éducation sexuelle systématiques. Le sujet de la sexualité sera traité « en réponse » : le personnel éducatif, conscient que l'éducation sexuelle d'enfants de cet âge est principalement la tâche des parents, se borne à réagir aux questions et actions des enfants.
 
Recommandations « Jardin d'enfants et école primaire » de Bâle-Ville de novembre 2011
(Sexualpädagogik : Handreichung Kindergarten und Primaschule Kanton Basel-Stadt) (extraits ; traduction non officielle)
Sujet/âge
Buts et compétences
Mon corps
-  renforcement d'une conscience corporelle positive
-  identification avec son propre sexe 
Jardin d'enfants, et 1re et 2e classe
Filles et garçons :
-  observent leur corps avec les différents sens
-  agissent respectueusement avec leur propre corps et celui des autres
-  connaissent les fonctions de leur corps et peuvent nommer les différents organes, y compris les organes génitaux
-  connaissent et nomment les différences et similitudes corporelles des filles et des garçons, y compris les organes génitaux
-  savent que des contacts corporels peuvent être agréables et connaissent leur dimension privée
(...) Éducation sexuelle 
-  établissement et renforcement des connaissances en matière de reproduction, identification avec son propre sexe et confrontation avec celui des autres 
Jardin d'enfants, et 1re et 2e classe
Filles et garçons :
-  sont capables d'exprimer avec leurs propres mots que la création d'un enfant nécessite une femme (mère) et un homme (père)
-  savent qu'un bébé grandit dans le ventre de la mère et savent comment il naît 
1e et 2e classe
Filles et garçons :
-  savent que, si un homme et une femme ont des rapports sexuels, un enfant peut être engendré
-  ont été informés de ce que chaque rapport sexuel ne débouche pas forcément sur la création d'un enfant
(...) hygiène 
-  renforcement de la responsabilité des enfants envers leur propre hygiène 
Jardin d'enfants, et 1re à 4e classe
Filles et garçons (...) :
-  savent que l'origine de certaines maladies peut se trouver dans des fluides corporels
-  connaissent le danger représenté par des seringues et préservatifs abandonnés
(...)
 
Éducation sanitaire psycho-sociale
-  renforcement de la confiance en soi
-  élargissement des compétences par rapport aux sentiments (les siens et ceux des autres)
-  sensibilisation aux dangers liés à la sexualité
Jardin d'enfants, et 1re et 2e classe
Filles et garçons :
-  perçoivent leurs propres sentiments et sont capables de les identifier
-  perçoivent leurs sentiments envers d'autres personnes et sont capables de les identifier
-  font la distinction entre bons et mauvais secrets
-  font la différence entre des contacts corporels perçus comme agréables et ceux perçus comme non agréables, et sont capables d'en parler
-  savent qu'il y a des personnes (enfants, adolescents et adultes) qui commettent des abus, y compris des abus sexuels
-  connaissent leur droit de dire non aux actions non désirées
-  éprouvent des sentiments de pudeur et les respectent
-  connaissent des personnes auxquelles ils peuvent demander de l'aide
-  connaissent les termes homosexualité, gay, lesbien, bisexuel. Reconnaissent quand ils sont appliqués de façon abusive et discriminatoire, et renoncent à leur emploi en tant que gros mots
 
 
18.  Les articles pertinents en l'espèce de la Convention des Nations unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, qui est entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997, sont libellés comme suit :
Article 5
« Les États parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu'ont les parents ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté, comme prévu par la coutume locale, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l'enfant, de donner à celui-ci, d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l'orientation et les conseils appropriés à l'exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention. »
Article 19
« 1.  Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants égaux ou de toute autre personne à qui il est confié. »
Article 28
« 1.  Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer 1'exercice de ce droit progressivement et sur la base de 1'égalité des chances (...) »
Article 29
« 1.  Les États parties conviennent que 1'éducation de l'enfant doit viser à : (...) d)  Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone (...) »
 
GRIEFS
19.  Sur le terrain de l'article 8 § 1 de la Convention, les requérantes, qui déclarent ne pas s'opposer à l'éducation sexuelle en tant que telle dans les écoles publiques, mais remettre seulement en cause son utilité aux stades du jardin d'enfants et des deux premières années de l'école primaire, allèguent une violation du droit au respect de la vie privée et familiale à l'égard de la première requérante. Sous l'angle de la même disposition, elles estiment en outre que la deuxième requérante a subi une ingérence non justifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée. Par ailleurs, elles estiment avoir subi une atteinte à leur liberté de religion et de conscience (article 9 § 1 de la Convention), ainsi qu'une violation de l'interdiction de la discrimination (article 14 de la Convention), en combinaison avec les articles 8 et 9 de la Convention.


Erwägungen

 
EN DROIT
A.  La qualité de victime des requérantes concernant toute la requête (article 34 de la Convention)
20.  La Cour estime que, s'agissant de la violation des droits découlant de la Convention de la deuxième requérante, la requête est irrecevable dans la mesure où celle-ci ne peut se prétendre victime au sens de l'article 34 de la Convention. En effet, la Cour a souligné dans sa jurisprudence constante que, pour se prétendre victime d'une violation au sens de l'article 34 de la Convention, le requérant « doit avoir subi directement les effets de la mesure litigieuse » (Tănase c. Moldova [GC], no 7/08, § 104, CEDH 2010). Elle rappelle en outre que la Convention « n'autorise pas (...) les particuliers à se plaindre d'une disposition de droit interne simplement parce qu'il leur semble, sans qu'ils en aient directement subi les effets, qu'elle enfreint la Convention » (Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, § 50, CEDH 2012).
21.  Dans la présente espèce, il convient de retenir, à cet égard, que la deuxième requérante - selon les conclusions des juridictions internes qui ne sont pas mises en doute par les requérantes - n'a jamais participé réellement à des leçons d'éducation sexuelle avant la fin de sa deuxième année à l'école primaire. La Cour estime que cet aspect est important dans la mesure où les requérantes ne nient pas catégoriquement l'utilité de l'éducation sexuelle, mais mettent seulement en doute son opportunité à ce stade de la scolarité. Une violation des droits découlant de la Convention de la deuxième requérante résultant de la participation à des leçons d'éducation sexuelle au cours des deux premières années de l'école primaire, qui pour celle-ci se sont terminées en été 2012, peut a priori être exclue au moment où la présente requête a été introduite, soit en avril 2015.
22.  Il s'ensuit que la requête, dans la mesure où elle concerne la deuxième requérante, est manifestement mal fondée et qu'elle doit être rejetée, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
23.  La situation de la première requérante est différente. La Cour rappelle que la fille de celle-ci était, au moment de la demande de dispense, alors sur le point de passer en 2e classe de l'école primaire. Elle admet dès lors que la première requérante pouvait craindre tout au long de la 2e année scolaire que sa fille fût confrontée à des leçons d'éducation sexuelle. Elle estime que ses droits protégés par la Convention étaient déjà affectés par la décision initiale de l'école primaire de refuser l'octroi d'une dispense des leçons d'éducation sexuelle. La Cour ne saurait a priori exclure que ses convictions et son comportement en ce qui concerne l'éducation sexuelle de sa fille ont été affectés ; dès lors, elle estime que la première requérante peut se prétendre victime au sens de l'article 34 de la Convention.
B.  Sur la violation alléguée de l'article 8 de la Convention
1.  Applicabilité de l'article 8 à la présente espèce
24.  La première requérante allègue que le droit au respect de la vie privée et familiale selon l'article 8 § 1 de la Convention protège le droit des parents à l'éducation de leur enfant, y compris l'éducation sexuelle. L'article 8 de la Convention est libellé comme suit :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
25.  Elle se fonde sur la jurisprudence de la Cour dans les affaires Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark (7 décembre 1976, § 53, série A no 23) et Dojan et autres c. Allemagne (déc.) (no 319/08, 13 septembre 2011), dans lesquelles la Cour a rappelé que le droit des parents d'assurer l'éducation de leur enfant est d'abord protégé par l'article 2 du Protocole no 1 à la Convention, qui est lex specialis en matière d'éducation parentale. La Cour note que cette disposition n'est pas applicable en l'espèce, puisque la Suisse n'a pas ratifié le Protocole no 1. Elle rappelle que, dans les deux affaires invoquées par la première requérante, elle a fondé son analyse sur l'article 2 du Protocole no 1. En d'autres termes, elle n'a jamais affirmé expressément que l'article 8 § 1 s'appliquait au droit des parents à l'éducation de leurs enfants (Dojan et autres, décision précitée), s'étant toujours limitée à interpréter l'article 2 § 1 du Protocole no 1 à la lumière des articles 8 à 10 de la Convention (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité, § 53 ; voir aussi, Folgerø et autres c. Norvège [GC], no 15472/02, § 84, CEDH 2007-III).
26.  La Cour estime que cela ne signifie pas nécessairement que l'article 8 § 1 ne peut pas s'appliquer en l'espèce, comme le confirme l'arrêt du Tribunal fédéral (paragraphe 12 ci-dessus). Le libellé lui-même de cette disposition, évoquant la « vie familiale », suggère plus qu'une simple cohabitation entre les parents et les enfants, et il vise également la liberté et le devoir des parents d'éduquer et d'élever leurs enfants. Ce résultat s'impose aussi à la lumière de la protection de la vie privée. La Cour a constaté à plusieurs reprises que la notion de vie privée est « non susceptible d'une définition exhaustive » et qu'elle peut « englober de multiples aspects de l'identité physique et sociale d'un individu » (S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 66, CEDH 2008). Dès lors, elle n'exclut pas que l'éducation d'un enfant, en tant que l'un des aspects fondamentaux de l'identité d'un parent, fasse partie de la vie privée de celui-ci au sens de l'article 8.
27.  Compte tenu de ce qui précède, et même à supposer que l'article 8 s'applique au grief de la première requérante, elle conclura à son irrecevabilité pour les motifs qui suivent.
2.  Sur l'existence d'une ingérence
28.  La Cour estime que le rejet par la directrice de l'école primaire de la demande de dispense a constitué une ingérence dans l'exercice par la première requérante de ses droits protégés par l'article 8 de la Convention. C'est à partir de cet événement que celle-ci a pu subir une certaine immixtion par l'école dans sa propre conception de l'éducation sexuelle de sa fille.
3.  Sur la justification de l'ingérence
a)  Prévue par la loi
29.  La Cour constate d'emblée que l'alinéa 2 de l'article 62 de la Constitution fédérale prévoit un enseignement obligatoire dans les écoles publiques (paragraphe 14 ci-dessus). Il résulte de la lecture du paragraphe 66, alinéa 1, combiné avec le paragraphe 22, de la loi scolaire du canton de Bâle-Ville (paragraphe 15 ci-dessus), que les élèves sont censés participer aux matières obligatoires, parmi lesquelles figurent également les sciences de la vie et de la Terre. Par ailleurs, le plan d'études 91 (paragraphe 16 ci-dessus) indique clairement que l'éducation à la santé fait partie des cours de sciences de la vie et de la Terre et que l'éducation à la santé englobe l'éducation sexuelle. De surcroît, le contenu de l'éducation sexuelle est défini de façon plus détaillée par la directive sur les objectifs de l'éducation à la santé sexuelle et par les recommandations « Jardin d'enfants et école primaire » (Handreichung Kindergarten und Primarschule) (paragraphe 17 ci-dessus).
30.  En contestant l'existence d'une base légale en l'espèce, la première requérante allègue, dans un premier temps, que l'éducation sexuelle n'est pas prévue par une loi, mais seulement par une directive. Rappelant que la notion de « loi » telle que prévue par l'article 8 § 2 de la Convention comprend tout le droit écrit interne, y compris des « textes de rang infralégislatif » (Dogru c. France, no 27058/05, § 52, 4 décembre 2008), la Cour estime que cet argument doit être écarté.
31.  Dans un deuxième temps, la première requérante indique que la directive en question n'est pas publiée dans le recueil officiel des lois cantonales, mais seulement sur Internet. À cet égard, la Cour rappelle que la condition d'une base légale suffisante n'implique pas que le texte en question doive être publié dans un recueil officiel ; il suffit que le texte soit accessible sur Internet (voir, notamment, Osmanoğlu et Kocabaş c. Suisse, no 29086/12, § 53, CEDH 2017).
32.  Dans un troisième temps, la première requérante considère que la qualité de la directive est insuffisante pour justifier une ingérence dans l'exercice des droits garantis par l'article 8. Selon elle, la lecture du texte de cette directive ne permet pas de tirer des conclusions prévisibles et entraîne forcément des résultats arbitraires, aux motifs que, selon la disposition en question, d'un côté, les cours d'éducation sexuelle sont obligatoires et que, de l'autre, ils ont un caractère non systématique. La Cour estime que cet argument n'est pas convaincant ; elle rappelle à cet égard que la directive doit être interprétée à la lumière des recommandations précitées (paragraphe 17 ci-dessus), qui énoncent clairement qu'il n'y aura pas de leçons d'éducation sexuelle systématiques au jardin d'enfants et à l'école primaire, et que le sujet de la sexualité sera traité dans la classe sur le mode « en réponse ».
33.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités pouvaient se prévaloir d'une base légale suffisante.
b)  Existence d'un but légitime
34.  La première requérante soutient que les autorités suisses ne peuvent pas se fonder sur un but légitime dans la présente affaire. Elle considère que les buts invoqués, à savoir la création des conditions d'une sexualité autodéterminée ainsi que la protection contre les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses involontaires, ne concernent en rien des enfants âgés de 4 à 8 ans.
35.  La Cour reconnaît, à cet égard, que l'application de certains des buts poursuivis par l'éducation sexuelle prodiguée aux enfants mineurs peut prêter à controverse. Cela étant, la Cour souligne que le libellé du deuxième paragraphe de l'article 8 de la Convention fait expressément référence à la protection de la santé. Elle relève que, selon la directive en question, l'un des buts de l'éducation sexuelle est la prévention des violences et de l'exploitation sexuelles. Elle estime que les abus sexuels représentent une menace réelle pour la santé physique et morale des enfants, contre laquelle ceux-ci doivent être protégés à tout âge. Elle considère dès lors que la société a indéniablement un intérêt particulier à ce que les très jeunes enfants reçoivent une éducation sexuelle. Elle relève en outre qu'un autre aspect, intrinsèquement lié à la tâche même de l'éducation publique, à savoir préparer les enfants aux réalités sociales, semble militer en faveur de l'éducation sexuelle des très jeunes enfants qui fréquentent le jardin d'enfants ou l'école primaire. En effet, ces enfants ne vivent pas de manière isolée, mais sont exposés à une multitude d'influences et d'informations extérieures - y compris en provenance des médias -, qui peuvent soulever chez eux des questions légitimes et qui rendent nécessaire leur confrontation de manière encadrée avec le sujet en question.
Par conséquent, la Cour estime qu'il existe en l'espèce plusieurs buts légitimes.
c)  Nécessité dans une société démocratique
i.  Principes généraux applicables
36.  La Cour rappelle d'abord que, pour déterminer si une ingérence peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique », il faut notamment trancher la question de savoir si elle répond à un « besoin social impérieux », si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités internes pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (S. et Marper, précité, § 101). S'il appartient aux autorités nationales de juger les premières de la nécessité de l'ingérence, il revient à la Cour de trancher la question de savoir si les motifs de l'ingérence étaient pertinents et suffisants au regard des exigences de la Convention (voir, notamment, Coster c. Royaume-Uni [GC], no 24876/94, § 104, 18 janvier 2001).
37.  À cet égard, il est inévitable de reconnaître une certaine marge d'appréciation aux autorités nationales, qui, grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la situation et les besoins locaux. L'étendue de la marge dépend de la nature du droit garanti par la Convention en cause, de son importance pour la personne concernée et de la nature des activités soumises à des restrictions, comme de la finalité de celles-ci (Coster, précité, § 105). Cette marge est d'autant plus restreinte quand le droit en cause est important pour garantir à l'individu la jouissance effective des droits fondamentaux ou d'ordre « intime » qui lui sont reconnus (S. et Marper, précité, § 102). En revanche, lorsqu'il n'y a pas de consensus au sein des États membres du Conseil de l'Europe, que ce soit sur l'importance relative de l'intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, en particulier lorsque l'affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates, la marge d'appréciation est plus large (S.H. et autres c. Autriche [GC], no 57813/00, § 94, CEDH 2011, Fretté c. France, no 36515/97, § 41, CEDH 2002-I, ou Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], no 28957/95, § 85, CEDH 2002-VI).
38.  S'agissant de la présente espèce, qui porte sur une allégation de violation de l'article 8, la Cour constate qu'elle peut prendre en considération pour son interprétation, mutatis mutandis, les principes découlant de l'article 2 du Protocole no 1, la lex specialis en matière d'éducation parentale, même si ce Protocole n'est pas applicable ratione personae à la Suisse (voir, mutatis mutandis, l'approche suivie par la Cour relativement à l'article 9 de la Convention dans son arrêt Osmanoğlu et Kocabaş, précité, §§ 90 et suivants).
39.  Il s'ensuit que, en vertu des principes découlant de la jurisprudence de la Cour relativement à l'article 2 du Protocole no 1, les leçons d'éducation sexuelle ne portent pas atteinte au droit parental à l'éducation sauf si elles poursuivent « un but d'endoctrinement qui puisse être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents » (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité, § 53, et Jiménez Alonso et Jiménez Merino c. Espagne (déc.), no 51188/99, § 1, CEDH 2000-VI ; voir également, à cet égard, Dojan et autres, décision précitée).
ii.  Application des principes susmentionnés à la présente espèce
40.  La Cour souligne, d'emblée, la particularité de la présente affaire, dans laquelle la première requérante ne dénonce pas l'existence de cours d'éducation sexuelle en tant que tels, mais seulement le fait qu'ils soient donnés aux enfants âgés de 4 à 8 ans. Elle partage l'avis de la requérante lorsqu'elle indique que des enfants aussi jeunes sont particulièrement sensibles et influençables, et que la relation entre un enfant et ses parents revêt une importance particulière dans ces années cruciales pour son développement. Cette considération est, par ailleurs, corroborée par l'article 5 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, qui établit une relation entre le niveau de développement des capacités de l'enfant et le droit des parents de donner à celui-ci une orientation que les États doivent respecter (paragraphe 18 ci-dessus). Il découle de ce qui précède qu'il est opportun d'accorder un niveau de protection particulièrement élevé à l'éducation parentale des jeunes enfants. Aussi la Cour se doit-elle de procéder à un examen approfondi et minutieux en l'espèce, pour vérifier si l'étendue du droit parental relativement à l'éducation de son enfant a été respectée dans la présente affaire.
41.  Même en tenant compte de ce que la nature du lien entre les parents et leurs enfants en bas âge nécessite une protection particulière, la Cour estime opportun de rappeler que la protection de l'éducation parentale prévue à l'article 5 de la Convention relative aux droits de l'enfant n'est pas une fin en soi, mais qu'elle doit toujours servir le bien-être de l'enfant. Ce constat découle du texte même et de l'esprit de ladite convention. En effet, par l'article 29, lettre d), les États parties à la Convention conviennent que l'éducation doit viser à « préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre ». De même, l'article 19 de cette convention oblige les États parties à prendre « toutes les mesures », notamment des mesures « éducatives », pour « protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales (...), y compris la violence sexuelle ». La Cour estime que, comme démontré ci-dessus (paragraphes 34-35), l'éducation sexuelle scolaire, telle qu'elle est pratiquée dans le canton de Bâle-Ville, poursuit ces buts.
42.  La Cour est également convaincue que les leçons d'éducation sexuelle en cause ne poursuivaient pas un but d'endoctrinement des enfants. Elle note que la première requérante elle-même n'allègue pas que les cours d'éducation sexuelle avaient pour but d'influencer la morale sexuelle des élèves. Par ailleurs, la Cour relève que la directive adoptée par le conseil de l'éducation reconnaît expressément que l'éducation sexuelle scolaire ne doit pas servir à exercer un contrôle social ou une standardisation (paragraphe 17 ci-dessus). En tout état de cause, elle observe qu'il n'existe aucun indice selon lequel les autorités publiques n'auraient pas agi en conformité avec cet impératif.
43.  S'agissant de la proportionnalité du refus d'accorder la dispense des leçons d'éducation sexuelle, la Cour observe que les autorités nationales ont reconnu la portée primordiale du droit des parents à assurer l'éducation sexuelle de leurs enfants. Il faut souligner à cet égard que la directive elle-même reconnaît expressément le « rôle important » des parents et qu'elle précise que l'école a seulement pour rôle de « compl[éter] » l'éducation sexuelle prodiguée par les parents. Par ailleurs, le caractère complémentaire des leçons d'éducation sexuelle découle de leur aspect non systématique. En effet, les autorités ont modifié la directive en 2011 par l'introduction de recommandations soulignant le caractère non systématique de ces leçons. Celles-ci énoncent que la tâche du personnel éducatif en la matière se borne à « réagir aux questions et actions des enfants » (paragraphe 17 ci-dessus). Dans la présente affaire - dans laquelle la deuxième requérante n'a en réalité jamais assisté à des leçons d'éducation sexuelle -, il ne fait aucun doute que ces recommandations ont bien été suivies. Dès lors, la Cour ne peut souscrire aux arguments de la première requérante, selon lesquelles les cours d'éducation sexuelle devaient être qualifiés d'« obligatoires » et de « systématiques ».
44.  Quant à l'argumentation de la première requérante selon laquelle les cours d'éducation sexuelle seraient inopportuns au motif qu'ils peuvent confronter à des informations sur la sexualité des enfants qui n'ont encore jamais spontanément évoqué le sujet, la Cour estime qu'elle n'est pas pertinente, dès lors qu'elle ne prend pas en considération la dynamique à l'œuvre dans une classe ou un jardin d'enfants. Concevoir qu'il est possible de répondre à des questions en matière sexuelle uniquement aux enfants qui ont posé ces questions tout en faisant en sorte que les autres enfants ne soient pas confrontés au sujet serait méconnaître les réalités scolaires et apparaît comme une pratique irréalisable.
45.  Enfin, la Cour note le sérieux avec lequel les autorités compétentes ont traité le sujet sensible de l'éducation sexuelle. En effet, il découle notamment de la directive, en particulier sous sa forme modifiée, et des recommandations susmentionnées, prévoyant de façon détaillée des leçons d'éducation sexuelle adaptées à l'âge et au sexe des enfants, que les autorités suisses ont fait preuve d'une grande sérénité face aux différents intérêts en jeu. Ce constat s'applique également au cas concret des requérantes, dans lequel les autorités cantonales et les juridictions internes ont rendu des décisions très bien motivées, qui tiennent compte de l'intérêt de l'enfant tout en reconnaissant le rôle primordial des parents dans l'éducation de leurs enfants, y compris en matière d'éducation sexuelle.
46.  Il résulte de ce qui précède que, en l'espèce, les autorités suisses ont respecté la marge d'appréciation qui leur est reconnue par la Convention. Par conséquent, le grief tiré de l'article 8 § 1, dans la mesure où il concerne la première requérante et même à supposer que l'article 8 s'applique au cas d'espèce, doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
C.  Sur la violation alléguée de l'article 9 de la Convention
47.  La première requérante allègue en outre une violation de l'article 9 de la Convention, qui est libellé comme suit :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2.  La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
48.  La Cour note que, selon la première requérante, les valeurs fondamentales de l'éducation sont protégées par la liberté de conscience et de pensée. La Cour n'a jamais traité une affaire soulevant des questions en matière d'éducation sexuelle sur le terrain de l'article 9 de la Convention, dont le Tribunal fédéral a pourtant admis l'applicabilité en l'espèce. En ce qui concerne la liberté de conscience, la Cour rappelle avoir exigé, à l'égard des objecteurs de conscience au service militaire, qu'une « conviction atteign[e] un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d'importance pour entraîner l'application des garanties de l'article 9 » (Bayatyan c. Arménie [GC], no 23459/03, § 110, CEDH 2011).
49.  La Cour estime qu'elle n'est pas obligée de trancher la question de l'applicabilité de l'article 9 de la Convention à la présente espèce dans la mesure où la première requérante n'a pas suffisamment étayé devant elle son grief de violation de cette disposition. L'intéressée s'est en effet bornée à faire référence, de manière assez abstraite, à des valeurs fondamentales, éthiques et morales, de la personne humaine, qui seraient liées à l'éducation sexuelle, sans pour autant expliquer concrètement quelles valeurs et comment celles-ci seraient affectées par la participation aux leçons d'éducation sexuelle. De surcroît, même dans l'hypothèse où le grief serait suffisamment étayé, une violation de cet article peut être exclue essentiellement pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées à l'égard de l'article 8. L'article 9 § 1 n'accorde pas le droit à un adepte d'une certaine religion ou philosophie de refuser la participation de son enfant à un enseignement public qui pourrait être contraire à ses idées, mais il se limite à une interdiction pour l'État d'endoctriner les enfants par le biais de cet enseignement (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, précité, § 53, et Jiménez Alonso et Jiménez Merino, décision précitée ; voir également Dojan et autres, décision précitée). Or il découle des conclusions qui ont été tirées sous l'angle de l'article 8 que les autorités compétentes ne poursuivaient nullement un tel but et qu'elles ont respecté le caractère complémentaire de l'éducation sexuelle scolaire par rapport à l'éducation sexuelle prodiguée au sein de la famille.
50.  Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu'il doit être rejeté, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
D.  Sur la violation alléguée de l'article 14, combiné avec les articles 8 et 9 de la Convention
51.  La première requérante allègue avoir subi une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention, combiné avec les articles 8 et 9 de la Convention. Elle estime qu'un enfant qui ne veut pas être informé sur des questions sexuelles est discriminé s'il y est confronté contre son gré.
52.  La Cour estime que, eu égard aux conclusions ci-dessus, seul entre en jeu l'article 14 de la Convention, combiné avec l'article 8, en ce qui concerne la première requérante. En tout état de cause, la Cour estime que celle-ci n'a pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne la violation alléguée de l'article 14, combiné avec l'article 8 de la Convention, dès lors qu'elle ne s'est pas plainte devant le Tribunal fédéral d'avoir subi une discrimination.
53.  Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,
Déclare la requête irrecevable.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 18 janvier 2018.
    Stephen Phillips    Greffier
    Helena Jäderblom    Présidente

Referenzen

Artikel: Art. 8 par. 1 et art. 9 par. 1 CEDH