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Urteilskopf

137 I 135


14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. X. et B. X. contre Y. (recours en matière civile)
4A_546/2010 du 17 mars 2011

Regeste

Art. 257a Abs. 1 und Art. 257b Abs. 1 OR, Art. 49 Abs. 1 BV, Art. 5 und 6 ZGB; Mietvertrag; Nebenkosten; derogatorische Kraft des Bundesrechts.
Zwingende Natur von Art. 257a und 257b OR, welche die Nebenkosten definieren. Der Mietvertrag kann dem Mieter nicht rechtsgültig als Nebenkosten Auslagen auferlegen, die keinen Zusammenhang mit der Benutzung der Mietlokalitäten haben (E. 2.4).
Verletzung des Grundsatzes der derogatorischen Kraft des Bundesrechts. Ein kantonales Gesetz bezüglich der Erstellung von Sozialwohnungen, das Gebäude erfasst, die keine Bundeshilfe im Sinne des WEG erhalten, darf nicht von Art. 257a Abs. 1 und Art. 257b Abs. 1 OR abweichen und dem Vermieter erlauben, als Nebenkosten Auslagen in Rechnung zu stellen, die mit dem Bestehen der Mietsache selber verbunden sind (E. 2.5-2.8).

Erwägungen ab Seite 136

BGE 137 I 135 S. 136
Extrait des considérants:

2.

2.1 Les recourants soutiennent que le législateur fédéral a réglementé de manière exhaustive le régime des frais accessoires aux art. 257a et 257b CO (mis à part pour les immeubles ayant bénéficié d'un subventionnement en vertu de la loi fédérale du 4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements [LCAP; RS 843]) et que les cantons ne peuvent plus, par des règles de droit public, intervenir dans les relations entre bailleurs et locataires. Ils font grief à la loi fribourgeoise d'élargir la notion de "frais accessoires", l'art. 25 al. 3 de cette loi y incluant, pour des immeubles ne bénéficiant pas de l'aide de la LCAP, des dépenses relatives à l'existence de la chose louée (primes d'assurance et impôt réels); en mettant ces frais à la charge des locataires, la cour précédente aurait, selon les recourants, transgressé le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.) et violé les art. 257a, 257b CO, ainsi que les art. 38 al. 2 LCAP et 25 de l'ordonnance du 30 novembre 1981 relative à la LCAP (OLCAP; RS 843.1). Enfin, ils reprochent à l'autorité précédente d'avoir fait preuve d'arbitraire dans l'application de l'art. 4 CC.

2.2 En l'occurrence, il ne s'agit pas de savoir si la cour cantonale a correctement appliqué le droit cantonal (cette question ne pouvant être revue librement par le Tribunal fédéral), mais uniquement de se demander si l'application qui a été faite par la cour précédente des règles cantonales aboutit à un résultat conforme au principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.).
Le recourant a désigné de façon précise les normes de droit fédéral qui sont, d'après lui, touchées par la disposition cantonale contestée (sur l'exigence: arrêt 1P.705/2000 du 24 septembre 2001 consid. 2a et les références citées). Cela étant, le Tribunal fédéral peut vérifier librement, sous l'angle de l'art. 49 al. 1 Cst., la conformité de la règle de droit cantonal avec le droit fédéral (ATF 126 I 76 consid. 1 p. 78 et les arrêts cités; arrêt 1P.705/2000 déjà cité consid. 2a).
BGE 137 I 135 S. 137

2.3 L'art. 25 al. 3 de la loi fribourgeoise du 26 septembre 1985 encourageant la construction de logements à caractère social (RSF 87.2) se présente comme suit:
"Les frais accessoires sont fixés conformément à l'art. 38 al. 2 de la loi fédérale du 4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements."
Il convient de rechercher, à titre préalable, si cette règle constitue du droit cantonal autonome ou, au contraire, fait partie intégrante de simples mesures d'exécution d'une loi fédérale (notamment de la LCAP à laquelle la disposition cantonale renvoie) (sur ces notions, cf. ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 58 et les arrêts cités; ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, 1984, p. 857 s.). Dans le premier cas, la Cour de céans pourra effectuer son examen sous l'angle de l'art. 49 al. 1 Cst.; dans le deuxième, il s'agira avant tout de confronter deux lois fédérales (le Code des obligations et la loi fédérale à l'origine des mesures d'exécution cantonales).
La disposition litigieuse s'inscrit dans une loi cantonale poursuivant deux objectifs principaux, à savoir de compléter l'aide fédérale octroyée en vertu de la LCAP (art. 1 let. a) et de faciliter la construction et l'acquisition de logements sociaux par des personnes de l'étranger (art. 1 let. b). Les deux objectifs - et donc les règles permettant de poursuivre ceux-ci - sont clairement séparés. Le premier est concrétisé au Chapitre deuxième ("Aide complémentaire destinée à abaisser les loyers"; art. 5-21). Le Chapitre troisième ("Construction de logements sociaux par des personnes à l'étranger"; art. 22-29) de la loi cantonale, applicable en l'espèce, vise le deuxième objectif; il fait référence à l'art. 9 al. 1 let. a de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41).
L'art. 9 al. 1 let. a LFAIE donne la faculté aux cantons d'autoriser l'acquisition d'immeuble par des personnes à l'étranger lorsque celui-ci est destiné à la construction, sans aide fédérale, de logements à caractère social au sens de la législation cantonale dans les lieux où sévit la pénurie de logements, ou comprend de tels logements s'ils sont de construction récente.
Le législateur fribourgeois a fait usage de cette faculté, reprenant, à l'art. 22 al. 1 de la loi cantonale, l'essentiel des termes de la disposition fédérale. Il a ensuite fixé les conditions de l'autorisation, notamment en définissant la notion de "pénurie de logements" (art. 23), en
BGE 137 I 135 S. 138
désignant le service compétent pour examiner les projets et contrôler les loyers (art. 24 et 26) et en déterminant la base de calcul des loyers et des frais accessoires (art. 25).
La LFAIE se limite à accorder une faculté aux cantons, laissant ceux-ci libres d'adopter la réglementation adéquate. En particulier, la loi fédérale ne contient aucune règle fixant les frais accessoires. Cette question a été tranchée par le législateur fribourgeois à l'art. 25 al. 3; il a choisi de renvoyer à l'art. 38 al. 2 LCAP, disposition qui, contrairement au Code des obligations, intègre dans la notion de frais accessoires aussi des coûts liés à l'existence de la chose elle-même. Le législateur fribourgeois a donc fait le choix d'appliquer l'art. 38 al. 2 LCAP à titre de droit cantonal supplétif. Il en résulte que l'art. 25 al. 3 de la loi fribourgeoise - comme d'ailleurs l'ensemble du Chapitre 3 - constitue du droit cantonal autonome, et non une simple mesure d'exécution de la LFAIE.
Dans l'examen du principe de la force dérogatoire du droit fédéral, il s'agit de rappeler la façon dont les frais accessoires sont réglementés aux art. 257a s. CO (cf. infra consid. 2.4), avant d'examiner si le législateur fribourgeois pouvait également se saisir de cette question à l'art. 25 al. 3 de la loi cantonale (cf. infra consid. 2.5 et 2.6).

2.4 Selon l'art. 257a CO, les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose (al. 1); ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement (al. 2). Les prestations en rapport avec l'usage de la chose sont énumérées, de façon non exhaustive, à l'art. 257b al. 1 CO. Il s'agit notamment des dépenses effectives du bailleur pour les frais de chauffage, d'eau chaude, d'autres frais d'exploitation, ainsi que des contributions publiques résultant de l'utilisation de la chose.
Il résulte de l'art. 257a al. 1 CO (a contrario) que les prestations du bailleur sans lien avec l'usage de la chose louée ne peuvent être facturées comme frais accessoires. C'est le cas des dépenses en rapport avec la propriété ou l'existence même de la chose, soit des frais dus indépendamment de l'occupation de l'immeuble ou de la conclusion d'un contrat de bail (ISABELLE BIERI, in Droit du bail à loyer, 2010, n° 5 ad art. 256b CO, PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 1994, n° 40 ad art. 256a-256b CO). Entrent dans cette catégorie de frais les impôts fonciers et les primes d'assurance du bâtiment (entre autres auteurs: DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 332 s.; BIERI, op. cit.,
BGE 137 I 135 S. 139
n° 10 ad art. 257a-257b CO). Sont également visées les dépenses consacrées par le bailleur à l'entretien de la chose louée ou à la rénovation des locaux (ATF 105 II 35 consid. 4 p. 37 ss; LACHAT, op. cit., p. 332 s. et les références; BIERI, op. cit., n° 13 ad art. 257a-257b CO).
Les art. 257a et 257b CO qui définissent les frais accessoires sont impératifs. Le contrat ne peut donc valablement mettre à la charge du locataire, sous la forme de frais accessoires, des dépenses sans relation avec l'usage des locaux (arrêt 4C.82/2000 du 24 mai 2000 consid. 3a; ATF 105 II 35 consid. 4 p. 37 ss; LACHAT, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 2003, n° 3 ad art. 256b CO; BIERI, op. cit., n° 18 ad art. 256b CO et n° 10 ad art. 257a-257b CO; ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 4e éd. 2007, n° 6 ad art. 257a CO; THOMAS OBERLE, Nebenkosten, Heizkosten, 2e éd. 2001, p. 33 s.; PHILIPPE RICHARD, Les frais accessoires au loyer dans les baux d'habitations et de locaux commerciaux, in 12e Séminaire sur le droit du bail, 2002, n° 21 p. 6; RICHARD PERMANN, Mietrecht, 2e éd. 2007, n° 1 ad art. 257a CO; HIGI, op. cit., n° 3 ad art. 257a-257b CO; GIACOMO RONCORONI, Zwingende und dispositive Bestimmungen im revidierten Mietrecht, Mietrechtspraxis [mp] 1990, p. 80 et 93 [selon cet auteur, l'art. 257b al. 2 CO est toutefois de droit semi-impératif]). Si le bailleur entend mettre ces frais à la charge du locataire, il doit alors les prendre en compte dans le calcul du loyer (cf. OBERLE, op. cit., p. 18 et 34; LACHAT, op. cit., ch. 6.4 p. 442 s., et en particulier note de pied 112).

2.5 Le problème de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.; art. 2 Disp. trans. aCst.) se pose différemment selon qu'il s'agit de droit privé ou de droit public cantonal (ATF 117 Ia 328 consid. 2a p. 330; ATF 113 Ia 309 consid. 3b p. 311 s.).

2.5.1 En principe, la réglementation de droit civil est exclusive et les cantons ne peuvent adopter des règles de droit privé dans les domaines régis par le droit fédéral que si ce dernier leur en réserve la possibilité (art. 5 al. 1 CC; ATF 117 Ia 328 consid. 2b p. 331; ATF 113 Ia 309 consid. 3b p. 311 et l'arrêt cité; sur l'ensemble de la question: STEINAUER, op. cit., n° 169 ss p. 57 ss). En matière de bail, la réglementation fédérale est exhaustive, sous réserve de la compétence laissée aux cantons d'édicter certaines règles de droit privé complémentaires (art. 257e al. 4, art. 270 al. 2 CO) (ATF 117 Ia 328 consid. 2b p. 331). A défaut d'une telle réserve, il est interdit aux
BGE 137 I 135 S. 140
cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail (cf. ATF 117 Ia 328 consid. 2a et 2b p. 330 s.; ATF 116 Ia 401 consid. 4b/aa p. 408 et les arrêts cités).

2.5.2 Une seule et même matière peut toutefois être saisie à la fois par des règles de droit privé fédéral et par des règles de droit public cantonal.
Dans les domaines régis par le droit civil fédéral, les cantons conservent en effet la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC à condition toutefois que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive (en ce sens qu'il n'entendait laisser aucune place pour du droit public cantonal sur la même matière), que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 135 I 106 consid. 2.1 p. 108; ATF 131 I 333 consid. 2.1 p. 336; ATF 130 I 169 consid. 2.1 p. 170; ATF 129 I 330 consid. 3.1 p. 334, ATF 129 I 402 consid. 2 p. 404 et les arrêts cités).
Les cantons demeurent par exemple libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie dans le secteur locatif dans la mesure où leur finalité n'est pas d'intervenir dans les rapports entre bailleur et preneur (ATF 89 I 178 consid. 3d p. 184). Le Tribunal fédéral n'a ainsi pas jugé contraire au droit fédéral le fait d'assortir l'octroi de l'autorisation de rénover des appartements soumis au régime de la loi vaudoise du 4 mars 1985 concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation (...) (LDTR; RSV 840.15) à un contrôle des loyers durant une période maximale de dix ans au regard du but d'intérêt public poursuivi par la loi (ATF 101 Ia 502 consid. 2d p. 510).

2.6

2.6.1 La cour cantonale retient que "les règles cantonales en matière d'encouragement de la construction de logements à caractère social, motivées par un intérêt public pertinent, n'éludent pas les règles fédérales protectrices en matière de bail, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit". Elle sous-entend par là que les dispositions formant le Chapitre 3 de la loi fribourgeoise constituent du droit public cantonal (cf. supra consid. 2.5.2). La thèse défendue par les recourants est basée sur le même constat (cf. supra consid. 2.1).
Certes, l'objectif général du Chapitre 3 de la loi fribourgeoise vise à encourager la construction de logements à caractère social (cf. supra
BGE 137 I 135 S. 141
consid. 2.3); il ne consiste donc pas en soi à réglementer les relations entre bailleur et locataire. La question présentement litigieuse n'est toutefois pas de savoir si l'objectif général de la loi cantonale fait obstacle aux dispositions du droit du bail. Il s'agit de déterminer si un point précis des règles édictées par le législateur fribourgeois (soit la façon de définir les frais accessoires à l'art. 25 al. 3 de la loi cantonale) fait obstacle à la mise en oeuvre des art. 257a s. CO.
Cela étant, plusieurs éléments poussent à conclure que la norme cantonale relèverait plutôt du droit privé, en particulier le fait que le renvoi à la LCAP procède d'un choix du législateur fribourgeois tendant à définir les frais à la charge des locataires qui ne sont pas couverts par le loyer. Or, la question du paiement du loyer et celle des frais accessoires ne vise pas à réaliser un intérêt général, mais touche la relation entre bailleur et locataire (sur la théorie des intérêts: ATF 132 I 270 consid. 4.3 p. 273; ATF 128 III 250 consid. 2 p. 253 et les références; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6e éd. 2010, n° 255 ss p. 56 s.). La norme cantonale intervient directement dans cette relation et constituerait dès lors du droit privé cantonal (cf. ATF 117 Ia 328 consid. 2a p. 331; s'agissant de la fixation du loyer: ATF 113 Ia 126 consid. 9d p. 142).

2.6.2 En l'occurrence, il n'est toutefois pas utile d'approfondir la question et d'apprécier, parmi les différentes théories développées pour délimiter les affaires ressortissant au droit public de celles relevant du droit privé, celle qui est la mieux appropriée pour résoudre la question concrète qui se pose (à ce sujet, cf. récemment: arrêt 4A_503/2010 du 20 décembre 2010 consid. 3.2 et les références).
Dans l'hypothèse où l'on retient que la norme cantonale litigieuse est de droit privé, il suffit de constater que les art. 257a et 257b CO ne contiennent aucune réserve maintenant la compétence législative des cantons pour arriver à la conclusion que le législateur fribourgeois ne pouvait légiférer sur cette question (cf. supra consid. 2.5.1).
Dans l'hypothèse énoncée par la juridiction précédente (la règle cantonale litigieuse est de droit public), même à considérer que les art. 257a et 257b CO ne règleraient pas la question des frais accessoires de façon exhaustive, il est indéniable que la norme cantonale, qui qualifie de frais accessoires certains coûts liés à l'existence de la chose louée, élude purement et simplement les art. 257a s. CO (cf. supra consid. 2.4). En outre, on ne voit pas quel intérêt public pertinent pourrait poursuivre le canton en militant pour introduire
BGE 137 I 135 S. 142
certaines charges du bailleur dans les frais accessoires plutôt que dans le loyer. A cet égard, on relèvera que le législateur fribourgeois ne saurait se prévaloir des considérations à la base de l'adoption de l'art. 38 al. 2 LCAP, norme à laquelle renvoie le droit cantonal. La LCAP a prévu un système dérogeant à celui prévu aux art. 257a s. CO pour les immeubles bénéficiant de l'aide de la Confédération. Le Conseil fédéral a expliqué qu'en intégrant les montants des redevances publiques (notamment impôts réels, taxes d'éclairage et primes d'assurance immobilières) dans le loyer (comme cela est exigé par les art. 257a s. CO), cela pourrait donner l'impression que l'aide des pouvoirs publics "n'est pas toujours la même" puisque les montants des redevances publiques et la façon de les porter en compte varient selon les cas. Il a alors été décidé, pour "rendre plus clair le calcul du loyer", de considérer les redevances publiques comme des frais accessoires que le locataire doit payer séparément, en sus du loyer (Message du 17 septembre 1973 relatif à la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements, FF 1973 II 711 ch. 453.34). En l'espèce, l'intimé n'a bénéficié d'aucune aide financière des pouvoirs publics (cf. art. 22 al. 1 de la loi cantonale) et les situations ne sont donc nullement comparables.
Dans les deux hypothèses, la mise à la charge des locataires des postes litigieux mentionnés dans les frais accessoires se heurte au principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Il importe donc peu que l'arrêt cantonal rendu par la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal fribourgeois l'ait été en application correcte du droit cantonal (cf. ATF 120 II 28 consid. 3 p. 29).

2.7 L'argumentation alternative de la cour cantonale - également attaquée par les recourants (sur l'exigence de recevabilité posée par la jurisprudence, cf. ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s.) - tend à rendre une décision en équité obligeant les locataires à prendre en charge des frais accessoires que l'autorité précédente qualifie elle-même d'"inhabituels".
La juridiction cantonale ne désigne pas expressément le fondement juridique de son raisonnement. Il apparaît toutefois qu'elle n'entendait pas indiquer que la décision de première instance heurterait le sentiment de justice et d'équité, soit qu'elle serait arbitraire (art. 9 Cst.). On ne voit en effet pas que la décision de première instance, qui vise à régler un litige entre les parties au contrat de bail, serait choquante pour la seule raison que le bailleur a été "trompé" par une
BGE 137 I 135 S. 143
disposition cantonale qui se révèle contraire au droit fédéral. Il faut souligner que, de leur côté, les locataires n'en peuvent rien et qu'il n'est pas choquant qu'ils demandent l'application d'une norme impérative de droit fédéral. Par ailleurs, tirer argument de l'art. 9 Cst. reviendrait en l'espèce à empêcher, de façon inadmissible, l'application du principe constitutionnel de la force dérogatoire du droit fédéral (sur lequel repose la décision de première instance).
La cour cantonale semble plutôt placer son raisonnement dans la perspective de la conséquence pour les cocontractants de l'application des art. 257a s. CO. Elle souligne que la décision de première instance léserait le bailleur et que la pratique dont se plaignent les locataires n'est pas contraire à leurs intérêts. Elle laisse ainsi entendre que la première instance n'a pas entrepris correctement la pesée des intérêts dans le litige qu'elle a dû trancher, ce qui conduit à se poser la question de l'application de l'art. 4 CC (cf. STEINAUER, op. cit., n° 410 p. 143). C'est donc à bon droit que les recourants invoquent une violation de l'art. 4 CC.
Selon l'art. 4 CC, le juge applique les règles du droit et de l'équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.
En mentionnant - de façon non exhaustive - trois cas de renvoi au juge, l'art. 4 CC vise à donner à celui-ci une certaine liberté d'action lorsqu'il doit rechercher le sens d'une norme déterminée (cf. STEINAUER, op. cit., n° 409 s. p. 143; HAUSHEER/JAUN, op. cit., n° 1 ad art. 4 CC).
Certes, l'application en l'espèce du principe de la force dérogatoire du droit fédéral a pour conséquence qu'un bailleur est soumis à des règles différentes selon que son immeuble a bénéficié ou non d'un subventionnement public; dans le premier cas, il peut mettre à la charge du locataire, sous la forme de frais accessoires, les dépenses indépendantes de l'usage de la chose; dans le deuxième, cette faculté lui est retirée, alors même que l'on a affaire dans les deux situations à des constructions à caractère social. En ce sens, la remarque de la cour cantonale, qui tend à mettre en évidence que la solution n'est pas satisfaisante, est compréhensible. L'art. 4 CC ne permet cependant pas à la juridiction précédente d'y remédier. En effet, les art. 257a et 257b CO, de nature impérative, prévoient que les frais accessoires doivent être en rapport avec l'usage de la chose. On ne
BGE 137 I 135 S. 144
voit donc pas que ces dispositions fassent référence aux règles de l'équité. Ayant retenu que les frais litigieux sont totalement indépendants de l'usage de la chose, la juridiction précédente, en passant à la subsomption, n'avait pas d'autre choix que de conclure que ces dépenses ne constituaient pas des frais accessoires. En tirant la conclusion inverse, la cour cantonale a clairement transgressé les art. 257a s. CO et son raisonnement, basé sur l'art. 4 CC, ne permet pas de justifier la pratique cantonale ancrée à l'art. 25 al. 3 de la loi fribourgeoise.

2.8 A l'issue de cette analyse, le Tribunal fédéral parvient à la conclusion qu'une loi cantonale relative à la construction de logements à caractère social et régissant des immeubles ne bénéficiant pas de l'aide fédérale au sens de la LCAP ne peut déroger aux art. 257a et 257b CO et permettre au bailleur de facturer comme frais accessoires des coûts liés à l'existence de la chose elle-même.
C'est donc en violation des art. 257a al. 1 et 257b al. 1 CO que les parties ont mis ces frais à la charge des locataires. Ceux-ci sont en droit de réclamer le montant payé à tort pendant la durée de leur bail (cf. art. 62 ss CO). Ce montant a été constaté d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF).
Il s'ensuit qu'en considérant que le bailleur pouvait facturer de tels coûts aux locataires, la cour cantonale a violé le droit fédéral. Par conséquent, le recours doit être admis, l'arrêt entrepris annulé et la demande en remboursement des locataires accueillie.

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