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Urteilskopf

115 II 380


68. Arrêt de la IIe Cour civile du 12 octobre 1989 dans la cause Département fédéral de justice et police contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg (recours de droit administratif)

Regeste

Bäuerlicher Grundbesitz; Kaufsrecht; Einspruch (Art. 19 Abs. 1 lit. a EGG).
1. Mehrteiliges Rechtsgeschäft, welches einerseits darin besteht, dass eine Gesellschaft ein landwirtschaftliches Heimwesen an einen Unternehmer verkauft, indem dieser ein Kaufsrecht ausübt, und andererseits in der Abtretung des Heimwesens durch den Unternehmer an einen Landwirt im Austausch gegen in dessen Eigentum stehende Grundstücke. Ein solches Rechtsgeschäft, welches ausgedacht wurde, um eine Einsprache zu umgehen, die die kantonale Behörde gegen einen früheren Vorvertrag erhoben hatte, ist nicht in seiner Gesamtheit zu betrachten; ausschlaggebend ist einzig das Grundstückgeschäft zwischen der Gesellschaft und dem Unternehmer (E. 5). Es ist somit ohne Bedeutung, dass die Abwicklung des gesamten Geschäfts ein landwirtschaftliches Heimwesen - welches ein Landwirt bewirtschaften wollte - wieder der Landwirtschaft zugeführt hätte (E. 6a).
2. Es widerspricht dem Zweck von Art. 1 EGG, wenn die kantonale Behörde den Erwerb eines landwirtschaftlichen Heimwesens zu einem ungewöhnlich hohen Preis zulässt, bloss weil der Landwirt ihn durch den Tausch von Bauland bezahlen kann (E. 6b).

Sachverhalt ab Seite 381

BGE 115 II 380 S. 381
Par contrat du 15 janvier 1983, la société D. a acquis, pour le prix total de 1'332'872 francs, un domaine agricole, sis sur le territoire de la commune de Châtonnaye, comprenant, outre les bâtiments, 37 poses de pâturages, 20 poses de champs et 13 poses de bois. Par la suite, elle chercha un acquéreur pour ce domaine, qu'elle trouva en la personne de V. Le 30 décembre 1986, la société D. et V. passèrent une promesse de vente et d'achat pour le prix de 1'400'000 francs. Le 19 mai 1987, l'Autorité foncière cantonale s'opposa à cet acte, estimant que V. agissait dans un dessein de spéculation. Ce dernier n'a pas recouru contre cette décision.
Par acte notarié du 25 avril 1988, intitulé "pacte d'emption, échange immobilier, cession de droit d'emption par levée d'option", la société D. a concédé à V. un droit d'emption sur le domaine, stipulé transmissible et cessible, dont l'exercice était subordonné au versement d'un montant de 1'400'000 francs. Simultanément, V. déclarait exercer son droit d'emption, non pour lui-même mais pour l'agriculteur H. Ce dernier acceptait, de son côté, de lui céder en échange, sans soulte, les immeubles dont il est propriétaire à Gurmels et Cordast. Ces bien-fonds constituent un domaine agricole de 21 poses, acheté le 29 novembre 1979 pour le prix de 385'000 francs; 4200 m2 sont situés en zone à bâtir; les autres parcelles sont, pour la plupart, proches de cette zone, certaines lui étant même contiguës.
Par décision du 23 juin 1988, l'Autorité foncière cantonale a fait opposition au pacte d'emption, estimant que V. agissait dans un dessein de spéculation. L'échange immobilier entre V. et H. devenait ainsi sans objet.
BGE 115 II 380 S. 382
Le 1er août 1988, les parties à l'acte du 25 avril 1988 ont recouru au Conseil d'Etat du canton de Fribourg contre cette décision, concluant à l'annulation de l'opposition. Par décision du 6 décembre 1988, le Conseil d'Etat a admis le recours.
Le Département fédéral de justice et police exerce un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre la décision du Conseil d'Etat; il conclut à son annulation et à la confirmation de la décision de l'Autorité foncière cantonale du 23 juin 1988. L'autorité intimée conclut à l'irrecevabilité du recours. V., la société D. et H. concluent au rejet du recours.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. L'art. 45 LPR ouvre la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre les décisions prises en dernière instance cantonale en matière d'opposition à un contrat de vente.
En l'espèce, un droit d'emption, stipulé cessible et transmissible, a été constitué par la société D., par acte notarié du 25 avril 1988, en faveur de V., qui a déclaré, simultanément, l'exercer en faveur de H. On est ainsi en présence d'un acte juridique destiné à produire des effets économiques analogues à ceux de la vente et qui doit dès lors lui être assimilé (art. 19 al. 3 LPR; ATF 92 I 417 consid. 1).
Dirigé contre une décision du Conseil d'Etat du canton de Fribourg, rendue en dernière instance cantonale (art. 16 et 17 LALPR frib.) et en application de l'art. 19 LPR, le recours est recevable de ce chef.
Le Département fédéral de justice et police, compétent en la matière, a par ailleurs qualité pour recourir (art. 103 let. b OJ).

2. Le domaine litigieux a été acquis par la société D. le 15 janvier 1983. S'agissant d'un domaine agricole, il ne relève pas des exceptions prévues à l'art. 218 al. 2 CO. Il est dès lors soumis à l'interdiction d'aliéner pendant dix ans, à moins qu'une aliénation anticipée ne soit autorisée pour de justes motifs au sens de l'art. 218bis CO. En l'espèce, la question n'a cependant pas à être examinée préalablement. Selon la jurisprudence, en effet, la procédure d'opposition, dans les cas prévus par l'art. 19 LPR, n'est pas subsidiaire par rapport à la procédure concernant l'aliénation d'immeubles avant l'expiration du délai d'interdiction selon les art. 218 ss CO (ATF 109 Ib 92 consid. 1).
BGE 115 II 380 S. 383

3. Le Conseil d'Etat a relevé que le but de V. n'était pas d'exploiter du terrain agricole lui-même ou par l'entremise d'un tiers, même s'il y était contraint provisoirement en raison de la prohibition de revente (art. 218 ss CO), mais d'acquérir le domaine de H. à Gurmels dont une partie était déjà en zone à bâtir et dont une autre pourrait y être inclue prochainement. Tel était le motif pour lequel V. avait accepté de verser 1'400'000 francs à la société D., ce qui ne correspondait nullement à la valeur objective actuelle du domaine de H. reçu en échange. Par ailleurs, l'autorité administrative n'avait pas à tenir compte du fait que la transaction litigieuse permettrait à la société venderesse de réaliser son bien aux conditions les plus favorables. Avec l'Autorité foncière cantonale, le Conseil d'Etat a en conséquence admis que, au regard de ces circonstances, la transaction litigieuse revêtait bien un caractère spéculatif. Le recourant le rappelle expressément et les intimés ne le contestent pas. Le Conseil d'Etat a toutefois estimé qu'il existait en l'espèce une "circonstance très particulière". Selon lui, "la transaction immobilière voulue par les parties permet en effet - occasion peut-être unique - de remettre en quelque sorte dans le "circuit agricole" un domaine qu'un agriculteur souhaite exploiter. Par là-même, le but de la loi, exposé à l'article premier, serait pleinement respecté". Il a considéré qu'il s'agissait là d'un élément suffisant pour justifier la levée de l'opposition.

4. Quand bien même les conditions prévues par l'art. 19 al. 1 LPR se trouvent réalisées, il appartient à l'autorité compétente de déterminer si en l'espèce l'opposition, justifiée légalement, doit être formée ou non (principe de l'opportunité). Cela ne signifie pas qu'elle puisse agir arbitrairement; elle doit user de son pouvoir d'appréciation dans les limites qui lui sont posées, c'est-à-dire prendre chaque fois la décision qui apparaît appropriée compte tenu des circonstances particulières et des principes généraux. Le Tribunal fédéral ne revoit pas sa décision sous l'angle de l'opportunité. Il examine en revanche - et cela avec plein pouvoir - si dans l'espèce l'autorité cantonale a correctement appliqué les conditions d'opposition prévues par le droit fédéral (ATF 89 I 62 consid. 1). Les diverses dispositions légales doivent être interprétées et appliquées d'après le but de la loi, défini à l'art. 1er LPR. Ce but est notamment de protéger la propriété foncière rurale en tant que fondement d'une paysannerie saine et capable d'un effort productif, comme aussi
BGE 115 II 380 S. 384
de favoriser la création et le maintien d'entreprises agricoles (ATF 100 Ib 264/265 consid. 3b).
En l'espèce, dans la mesure où le recourant soutient que, dans l'application qu'il a faite de l'art. 19 al. 1 let. a LPR, le Conseil d'Etat a méconnu le but poursuivi par la loi en son art. 1er, dont la procédure d'opposition doit garantir le respect, il invoque une violation du droit fédéral. C'est donc à tort que le Conseil d'Etat, à l'avis duquel les intimés se rangent sur ce point, objecte que le recourant critique l'opportunité de sa décision et que, les conditions prévues par l'art. 104 let. c OJ n'étant pas réalisées, le recours serait irrecevable.

5. Pour le recourant, l'argument retenu par le Conseil d'Etat n'est pas décisif au regard des critères légaux. L'acte notarié du 25 avril 1988 prêterait à confusion: il suggère qu'en exerçant son droit d'emption, V. aurait cédé ce droit à H., alors que ces deux opérations s'excluent. Seul devrait donc être pris en considération le rapport juridique entre la société D. et V. La transaction litigieuse n'aboutirait donc nullement à remettre le domaine dans le "circuit agricole" et c'est à tort que le Conseil d'Etat aurait considéré que le but prévu par l'art. 1er LPR serait respecté.
Afin de déterminer si la circonstance retenue par le Conseil d'Etat permet de sauvegarder le but poursuivi par la loi, il y a lieu d'examiner préalablement l'acte qui se trouve à la base de la transaction litigieuse.
Il est constant que, le 30 décembre 1986, la société D. et V. ont passé une promesse de vente et d'achat, pour le prix de 1'400'000 francs. L'Autorité foncière cantonale s'est toutefois opposée à cette transaction et aucun recours n'a été interjeté contre sa décision. Par acte notarié du 25 avril 1988, la société D. a alors concédé à V. - qui n'est pas agriculteur et dont il n'est pas contesté qu'il n'a nullement l'intention d'exploiter du terrain agricole - un droit d'emption, stipulé cessible et transmissible, que le bénéficiaire a déclaré exercer, non pour lui-même, mais pour l'agriculteur H., qui a accepté de lui céder en échange les immeubles dont il est propriétaire à Gurmels et Cordast. Les circonstances dans lesquelles cette dernière transaction est intervenue tendent à démontrer que l'échange des domaines et la "cession" par V. à H. ont été envisagés comme un moyen, pour la société D. et V., de remédier à l'illégalité d'un acte antérieur, à savoir la promesse de vente du 30 décembre 1986, qui, en raison
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de son caractère spéculatif, s'était heurté à l'opposition de l'Autorité foncière cantonale.
Cette manière de voir est confirmée par la construction juridique de l'acte notarié du 25 avril 1988. Ainsi que le relève le recourant, l'acte notarié prête à confusion dans la mesure où il fait état d'une "cession d'un droit d'emption par levée d'option". La nature juridique du droit d'emption est controversée; il est conçu soit comme une vente conditionnelle, soit comme un droit de nature potestative qui a pour but un contrat de vente et d'achat, soit comme une offre de vente contractuellement prolongée dans le temps. En conséquence, le transfert du droit d'emption est défini tantôt comme une cession de contrat, tantôt comme une cession d'un droit potestatif (ATF 111 II 146 consid. 4b). Le Tribunal fédéral ne s'est toutefois pas prononcé sur la nature juridique du droit d'emption (ATF 111 II 146 consid. 4b, ATF 94 II 111 consid. 3). En l'espèce, cette question peut également demeurer indécise. En effet, quelle que soit sa nature juridique, l'exercice du droit d'emption par son titulaire ne se confond pas avec la cession de ce droit à un tiers. Le droit d'emption est un droit formateur (ATF 94 II 278 consid. 2); comme tel, il s'épuise par l'usage qu'on en fait. En déclarant exercer son droit, V. n'a pu que parfaire la vente convenue dans le pacte, devenant ainsi propriétaire du domaine. Le système prévu par l'acte notarié combine en réalité deux transactions entre des parties distinctes: la vente du domaine par la société D. à V. moyennant l'exercice par ce dernier du droit d'emption stipulé en sa faveur, d'une part, et la cession du domaine par V. à H., moyennant échange dudit domaine contre des immeubles dont ce dernier est propriétaire, d'autre part. L'unicité de l'acte n'est que la conséquence de la concomitance dans le temps des transactions passées. Cette concomitance ne s'explique cependant pas par l'interdépendance nécessaire des opérations visées dans l'acte, comme le soutiennent les intimés. Ainsi qu'on l'a vu, la transaction entre V. et H. était en réalité destinée à éluder la décision de l'Autorité foncière cantonale prononçant la nullité de la promesse de vente passée entre la société D. et V. le 30 décembre 1986.
Ce n'est donc pas la transaction dans son ensemble, en tant qu'elle lie non seulement la société D. et V. mais également H., qui doit être prise en considération. Ce qui est décisif, c'est l'opération intervenue entre la société D. et V. Le fait que les parties à la promesse de vente et d'achat du 30 décembre 1986 n'aient pas
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recouru contre la décision de l'Autorité foncière de s'y opposer, mais qu'elles aient choisi de passer, quelques mois plus tard, la transaction litigieuse selon la construction juridique de l'acte notarié sont à cet égard significatifs.

6. Reste à examiner si le Conseil d'Etat pouvait, pour le motif très particulier qu'il a retenu, renoncer à s'opposer à la transaction. A son avis, V. aurait remis un domaine dans le "circuit agricole".
a) Ainsi qu'on l'a vu, ce n'est pas la transaction dans son ensemble qui, en l'espèce, doit être prise en considération; est seule décisive l'opération intervenue entre la société D. et V. Celle-ci tendait à éluder la décision de l'Autorité foncière cantonale prononçant la nullité de la promesse de vente du 30 décembre 1986. Dans ces conditions, il importe peu que la seconde opération, entre V. et H., ait eu pour but de transférer le domaine à ce dernier. L'argument du Conseil d'Etat selon lequel cette dernière opération permettrait néanmoins de remettre dans le circuit agricole un domaine qu'un agriculteur souhaite exploiter est dès lors privé de pertinence.
b) Au demeurant, le motif particulier retenu par le Conseil d'Etat n'est pas fondé. Selon son art. 1er, la LPR a notamment pour but de protéger la propriété foncière rurale en tant que fondement d'une paysannerie saine et capable d'un effort productif, comme aussi de favoriser la création et le maintien d'entreprises agricoles. La procédure d'opposition est destinée à garantir la réalisation de ce but. Elle tend notamment à lutter contre la spéculation afin de permettre l'acquisition par des agriculteurs de domaines à des prix normaux. Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité cantonale tolère l'acquisition d'un domaine à un prix anormalement élevé parce que l'agriculteur qui s'en porte acquéreur est en mesure de le payer moyennant un échange avec du terrain à bâtir, le but poursuivi par la loi se trouve détourné. En admettant de telles pratiques, l'autorité cantonale, non seulement ne s'oppose pas à des opérations spéculatives, mais contribue à les favoriser. Ce faisant elle viole la loi, dont les dispositions, notamment les art. 18 ss, doivent être interprétées et appliquées d'après son but, tel qu'il est défini à l'art. 1er (cf. supra, ch. 4).
Au demeurant, le domaine ne saurait être remis dans le circuit agricole, dès lors qu'il n'en est jamais sorti. En outre, le domaine de Gurmels est exposé à disparaître.

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