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Urteilskopf

143 III 284


45. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre Département de la sécurité et de l'économie (DSE) de la République et canton de Genève (recours en matière civile)
5A_390/2016 du 17 mai 2017

Regeste

Art. 32 IPRG; Eintragung einer ausländischen Entscheidung oder Urkunde über eine Geschlechtsumwandlung in die schweizerischen Zivilstandsregister.
Die Geschlechtsumwandlung, die durch den Konsul eines ausländischen Staates in der Schweiz ausgesprochen wurde, kann in die schweizerischen Zivilstandsregister nicht eingetragen werden (E. 4 und 5).

Sachverhalt ab Seite 284

BGE 143 III 284 S. 284

A. A. (prénom féminin), de nationalités suisse et espagnole, domiciliée à Genève, est née B. (prénom masculin) le *** 1967 à Genève.
L'autorisation de changer de prénom et de porter celui de A. lui a été accordée le 17 avril 2009.

B. Le 23 décembre 2009, le Consul général d'Espagne à Genève a été saisi d'une requête de A. tendant à l'inscription de son changement de prénoms ainsi qu'à la modification de l'indication relative à son sexe dans les registres de l'Etat civil espagnol.
Par décret du 6 avril 2010, il a autorisé la rectification demandée ainsi que la modification de l'acte de naissance espagnol, afin que l'intéressée y figure comme étant A., de sexe féminin.
BGE 143 III 284 S. 285

C. Le 18 mai 2015, A. a demandé la transcription, dans les registres de l'Etat civil suisse, de la décision de changement de sexe prononcée par le Consul général d'Espagne le 6 avril 2010. Elle a produit plusieurs documents, en espagnol et en français, attestant les démarches effectuées auprès du Consulat général espagnol, des extraits de lois espagnoles, ainsi que son extrait de naissance et sa carte d'identité espagnols mentionnant tous deux qu'elle était de sexe féminin.
Le 24 août 2015, le Département genevois de la sécurité et de l'économie, en sa qualité d'autorité de surveillance de l'Etat civil, a rejeté cette requête.
Statuant le 5 avril 2016, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours interjeté par A. contre cette décision.

D. Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours en matière civile de A.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Dans un second grief, la recourante reproche à la Chambre administrative son refus de retranscrire dans les registres de l'Etat civil suisse le changement de sexe découlant du décret du Consul général d'Espagne à Genève. Elle se plaint d'une violation du principe de la bonne foi des art. 9 et 5 al. 3 Cst., de la non-application de la Convention CIEC n° 16 relative à la délivrance d'extraits plurilingues d'actes de l'état civil du 8 septembre 1976, d'un formalisme excessif au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. ainsi que de la violation des art. 23 al. 3, 31 et 32 LDIP (RS 291). Elle soutient enfin que la renvoyer à agir devant les juridictions civiles pour faire reconnaître son changement de sexe contrevient à son droit à la reconnaissance de son identité et à son droit de mener sa vie conformément à l'appartenance ressentie (art. 8 CEDH) ainsi qu'au principe d'égalité et à l'interdiction de toute discrimination (art. 8 Cst. et 14 CEDH).

4.1 La présente cause revêt un caractère international. L'élément d'extranéité est l'existence d'un acte étranger (le décret consulaire autorisant la rectification du registre de l'Etat civil espagnol et la modification de l'acte de naissance espagnol, afin que l'intéressée y figure notamment comme étant de sexe féminin) relatif à une donnée d'état civil concernant le statut personnel (sexe) enregistrée en Suisse (cf. ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit
BGE 143 III 284 S. 286
international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 1 ad art. 32 LDIP; SIMON OTHENIN-GIRARD, La transcription des décisions et des actes étrangers à l'état civil [art. 32 LDIP et 137 OEC], REC 1998 p. 163).

4.2 L'art. 1 al. 2 LDIP réserve les traités internationaux. En l'espèce, il n'existe pas de convention entre la Suisse et l'Espagne en matière de reconnaissance réciproque des décisions ou actes étrangers concernant l'état civil, et plus singulièrement l'inscription d'un changement de sexe. En particulier, la Suisse n'est pas partie à la Convention relative à la reconnaissance des décisions constatant un changement de sexe conclue à Vienne le 12 septembre 2000 (CIEC n° 29), laquelle est en revanche en vigueur en Espagne depuis le 1er mars 2011. Quant à la Convention relative à la délivrance d'extraits plurilingues d'actes de l'état civil conclue à Vienne le 8 septembre 1976 (CIEC n° 16; RS 0.211.112.112) - qui lie tant la Suisse que l'Espagne -, elle ne règle pas ce domaine, même par analogie comme le demande la recourante. Elle détermine en effet la manière d'établir certains extraits d'état civil lorsqu'une partie intéressée le demande ou lorsque leur utilisation nécessite une traduction (art. 1 CIEC n° 16; cf. BUCHER, op. cit., n° 24 ad art. 33 LDIP). Les dispositions de la LDIP sont dès lors applicables dans le cas présent (cf. ATF 126 III 327 consid. 2).

5.

5.1 Selon l'art. 32 LDIP, une décision ou un acte étranger concernant l'état civil est transcrit dans les registres de l'état civil en vertu d'une décision de l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil (al. 1); la transcription est autorisée lorsque les conditions fixées aux art. 25-27 LDIP sont remplies (al. 2).

5.2 La reconnaissance suppose d'abord que la compétence de l'autorité étrangère soit donnée en vertu d'une disposition de la LDIP (art. 25 let. a; 26 let. a LDIP).
Le contrôle de cette compétence ne porte pas sur l'application, par l'autorité qui a rendu la décision dans l'Etat d'origine, de ses propres règles de compétence directe. Il s'agit uniquement de la compétence indirecte, c'est-à-dire de savoir si le lien juridictionnel retenu en l'espèce pour fonder la compétence du tribunal dans l'Etat d'origine est suffisant du seul point de vue de l'Etat requis (BUCHER, op. cit., n° 1 ad art. 26 LDIP).

5.3 L'ordre juridique suisse ne contient aucune disposition réglementant le changement de sexe. La jurisprudence a pallié cette lacune
BGE 143 III 284 S. 287
en créant une action d'état civil sui generis. L'inscription du changement de sexe au registre de l'Etat civil (cf. art. 7 al. 2 let. o et 98 al. 1 let. h OEC [RS 211.112.2]) suppose ainsi que la personne ait fait constater le nouveau sexe par la voie d'une action judiciaire (cf. art. 40 al. 1 let. j OEC; ATF 119 II 264).
Dans les relations internationales, la jurisprudence a posé que, dans les cas où les droits de plusieurs pays pourraient entrer en considération, les autorités judiciaires du domicile, appliquant le droit du domicile, sont compétentes pour connaître d'une action en reconnaissance du nouvel état civil ensuite d'un changement de sexe (ATF 119 II 264). Se référant à cet arrêt, la doctrine retient que la compétence - directe - pour connaître de l'action en changement de sexe revient aux autorités judiciaires ou administratives suisses du domicile conformément à l'art. 33 al. 1 LDIP, à défaut de dispositions spéciales dans le chapitre 2 consacré aux personnes physiques (BUCHER, op. cit., n° 4 ad art. 33 LDIP; DUTOIT, Droit international privé suisse, 5e éd. 2016, n° 1 ad art. 33 LDIP; plus nuancés: GEISER/JAMETTI GREINER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2007, nos 6 et 8 ad art. 33 LDIP pour lesquels le for au lieu duquel le registre est tenu doit s'appliquer lorsque seule est en jeu une inscription dans les registres; FURRER/GIRSBERGER/MÜLLER-CHEN/ SCHRAMM, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, p. 87; VISCHER, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n° 4 ad art. 33 LDIP; OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre public en droit international privé suisse, Personnes - Famille - Successions (ci-après: La réserve d'ordre public), 1999, in Etudes suisses de droit international, vol. 110, p. 333, n. 526; cf. aussi: arrêt 5A_613/2009 du 27 novembre 2009 consid. 1).
Hormis les art. 39 et 42 LDIP réglant la reconnaissance des changements de noms et des déclarations d'absence et de décès intervenus à l'étranger, il n'y a pas de règle générale définissant les chefs de compétence indirecte reconnus en Suisse dans les matières ayant trait aux personnes physiques et, plus singulièrement, en cas de changement de sexe.
A cet égard, certains auteurs proposent de s'inspirer des solutions retenues aux art. 39 et 42 LDIP (BUCHER, op. cit., n° 8 ad art. 33 LDIP; MARCO LEVANTE, Wohnsitz und gewöhnlicher Aufenthalt im internationalen Privat- und Zivilprozessrecht der Schweiz, 1998, p. 115, qui se réfère à l'avis de BUCHER, Droit international privé
BGE 143 III 284 S. 288
suisse, vol. II: Personnes, Famille, Successions, 1992, p. 75, n. 159; OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre public, op. cit., p. 341, n. 540 qui se rallie à BUCHER), motif pris qu'une application analogique offrirait un champ de compétence plus large permettant d'éviter les cas boiteux (cf. LEVANTE, op. cit., p. 115). Serait donc reconnue la décision de constatation de changement de sexe émanant de l'autorité de domicile ou de l'Etat national du requérant, la prise en considération de l'une des nationalités suffisant en cas de pluralités de nationalités (art. 23 al. 3 LDIP; OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre public, op. cit., p. 341, n. 540).
D'autres auteurs renvoient, d'une façon toute générale et sans autres commentaires, aux art. 25-32 LDIP (GEISER/JAMETTI GREINER, op. cit., n° 13 ad art. 33 LDIP). Un tel renvoi signifie l'application de l'art. 26 let. a LDIP s'agissant de la compétence indirecte, étant entendu que les hypothèses de l'art. 26 let. b-d LDIP n'entrent pas en considération en l'espèce. La compétence des autorités étrangères serait ainsi donnée si le défendeur était domicilié dans l'Etat dans lequel la décision a été rendue.
Point n'est besoin de discuter plus avant cette question en l'espèce. Quand bien même devrait-on admettre une compétence indirecte de l'Etat national de la requérante par application analogique de l'art. 39 ou 42 LDIP, le changement de sexe autorisé par le décret du Consul général d'Espagne à Genève ne pourrait être transcrit dans les registres de l'Etat civil suisse. La reconnaissance suppose l'existence d'une décision qui peut être attribuée à une autorité juridictionnelle jouissant d'un pouvoir inhérent à l'exercice de la souveraineté d'un Etat étranger (BUCHER, op. cit., n° 4 ad art. 25 LDIP). Or, dans le cadre de sa compétence souveraine, la Suisse n'accepte pas que les représentants diplomatiques ou consulaires étrangers exercent, en Suisse, des fonctions d'état civil (DUTOIT, op. cit., n° 7 ad art. 34 LDIP et le renvoi à la Lettre du Département fédéral des affaires étrangères du 8 février 1995 aux Représentations diplomatiques et consulaires en Suisse publiée à la REC 1995, p. 128; avis du 6 février 2006 du DFAE sur la légalisation de documents d'Etat civil) ou des actes juridictionnels réservés aux tribunaux civils ordinaires (cf. ATF 110 II 5), comme c'est le cas pour le changement de sexe (ATF 119 II 264).
Pour ces motifs, c'est à juste titre et sans formalisme excessif que la Chambre administrative de la Cour de justice a refusé de
BGE 143 III 284 S. 289
retranscrire dans les registres de l'Etat civil suisse le changement de sexe découlant du décret du Consul général d'Espagne à Genève. Un tel refus ne préjuge par ailleurs pas du droit de la recourante, qui est née et est domiciliée en Suisse, pays dont elle est en outre ressortissante, d'obtenir la modification de son identité sexuelle par le biais d'une action judiciaire ouverte devant les tribunaux genevois, procédure dont l'autorité cantonale a exposé qu'elle était simple et rapide et ne dépendait même plus d'une intervention chirurgicale. (...)

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Sachverhalt

Erwägungen 4 5

Referenzen

BGE: 119 II 264, 126 III 327, 110 II 5

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