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Urteilskopf

81 IV 186


42. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mai 1955 dans la cause Hirsch contre Ministère public du canton de Genève.

Regeste

1. Bannbruch durch Ein- und Ausfuhr von Gold (Erw. 1).
2. Grundsätze des Zollstrafrechts, anwendbar auf
- das Zusammentreffen strafbarer Handlungen (Erw. 2 und 3);
- die Bemessung der Busse, insbesondere bei Bannbruch (Erw. 4).

Sachverhalt ab Seite 186

BGE 81 IV 186 S. 186

A.- De 1944 à 1951, Hirsch a été condamné 13 fois, pour des délits douaniers, à des amendes allant de 7 fr. à 22 000 fr. environ. La plupart de ces condamnations se rapportaient à des trafics prohibés d'or.
De novembre 1949 jusqu'au mois d'avril 1950, il a fait dédouaner, pour l'importation en Suisse, 1 375 316 kg. d'or fin en lingots sur le vu de permis d'importation qu'il s'était procurés abusivement ou qu'il s'était fait céder en produisant des documents fictifs. Il a en outre fait exporter en fraude, par divers complices, la même quantité d'or fin en lingots.
Déféré au juge pénal pour ces faits, il a été condamné le 31 mai 1954, par le Tribunal de police de Genève, d'une part, à deux mois d'emprisonnement sans sursis et à une amende de 273 412 fr. pour trafic prohibé à l'importation,
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d'autre part, à deux mois d'emprisonnement sans sursis et à une amende de 273 412 fr. pour trafic prohibé à l'exportation.
Sur appel de Hirsch, la Cour de justice de Genève con firma ce jugement, le 9 octobre 1954.

B.- Le 25 octobre 1954, Hirsch a déclaré se pourvoir en nullité contre cet arrêt, qui lui avait été communiqué le 15 octobre. Il a motivé ensuite son pourvoi par un mémoire daté du 25 octobre 1954 et déposé auprès de la Cour de justice, le 2 novembre suivant. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'il soit statué à nouveau.

C.- Sur le fond, le Ministère public fédéral conclut au rejet du pourvoi.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. Le recourant ne conteste pas s'être rendu coupable de trafic prohibé à l'importation tout d'abord, puis à l'exportation. Il a raison.
Ses importations, comme ses exportations d'or, ne pouvaient avoir lieu que moyennant une autorisation délivrée par la Banque nationale suisse selon les règles édictées par le Département fédéral des finances et des douanes (art. 3 al. 1 et art. 4 de l'ACF du 7 décembre 1942 sur la surveillance du commerce de l'or, ainsi que de l'importation et de l'exportation de l'or). Il s'est fait céder certaines autorisations délivrées à des tiers, ce qui était illicite (art. 7 de l'ordonnace d'exécution du 28 octobre 1946). Dans un cas, il s'en est fait délivrer une personnellement. Mais, d'après les constatations souveraines du juge cantonal, il n'a jamais eu l'intention de respecter la condition à laquelle étaient soumises toutes les autorisations d'importer dont il s'est servi, à savoir que l'or soit façonné en Suisse et réexporté dans le délai prescrit (art. 3 al. 2 de l'ACF du 7 décembre 1942 et 7 de l'ordonnance d'exécution du 28 octobre 1946). Il s'ensuit que, dans tous les cas, les importations qu'il a
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faites constituaient des actes de trafic prohibé au sens des ch. 5 et 6 de l'art. 76 LD. Ses exportations, qui ont eu lieu sans soumettre la marchandise au contrôle douanier, constituaient la même infraction (art. 76 ch. 2 LD). Il était donc punissable de par les art. 77 ss. LD et c'est à juste titre que le juge cantonal lui a appliqué ces dispositions légales (art. 5 ch. 2 de l'ACF du 7 décembre 1942).

2. Hirsch allègue cependant que le juge cantonal aurait mal interprété les art. 77 ss. LD et en particulier n'aurait pas dû prononcer deux peines distinctes pour les deux infractions retenues (trafic prohibé à l'importation tout d'abord, puis à l'exportation). Car, dit-il, lorsqu'il y a concours réel de deux délits douaniers, comme en l'espèce le second ne constitue qu'une circonstance aggravante du premier et la sanction doit consister dans une peine d'ensemble.
Sur ce point, le Tribunal fédéral a, jusqu'ici, donné de la loi l'interprétation suivante: La loi sur les douanes règle le concours d'infractions à son art. 85. De par le ch. 1 de l'art. 333 CP, cette disposition légale s'applique, en cas de délit douanier, à l'exclusion des principes généraux du code pénal qui ont le même objet (cf. RO 72 IV 189). Cependant, elle ne concerne que le concours idéal à l'exclusion du concours réel (arrêt Riat, du 14 février 1949, non publié). Aucune prescription spéciale du droit fiscal et notamment du droit douanier ne règle ce dernier cas, mais on n'en saurait conclure qu'il soit soumis à l'art. 68 ch. 1 CP. Car il suffit que le droit spécial règle une matière, ne fût-ce qu'implicitement et négativement, pour que l'application des principes généraux du code pénal soit exclue (RO 72 IV 190, consid. 2; 74 IV 26). Tel est le cas du concours réel en droit douanier.
Dans ce domaine particulier, la peine ne saurait être fixée, comme dans le droit pénal commun, selon la culpabilité, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle du délinquant (art. 63 CP; cf., pour l'amende, art. 48 ch. 2 CP; RO 72 IV 191;
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arrêt Riat, précité). Le but de la peine est ici de réparer la perte subie par le fisc et de protéger la collectivité (RO 72 IV 190 s., consid. 2; arrêt Riat, précité).
Ce caractère spécial de la répression en matière de délits douaniers ne permet pas, en principe, de prononcer une peine d'ensemble lorsqu'il y a cumul d'infractions; peu importe qu'il s'agisse de cumul idéal ou de cumul réel. La seule exception est celle que prescrit le premier alinéa de l'art. 85 LD. Dans tous les autres cas, il faut prononcer autant de peines qu'il y a d'infractions. Cette règle est implicite, mais absolue en matière de cumul réel (arrêts Riat, précité; Agazzi, du 17 mars 1949, non publié; RO 76 IV 296 litt. c; 78 IV 198, consid. 4; arrêt Arditi, du 12 juin 1953, non publié; v. de même Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, 1944-1945, nos 114 et 115; 1951 nos 90 et 91).

3. Le recourant demande à la Cour de cassation de revoir les principes ainsi posés. Il estime tout d'abord que si la première phrase de l'art. 85 al. 1 LD vise le concours idéal, la seconde, en revanche, ne peut avoir trait qu'au concours réel. Il est vrai que, séparée de son contexte, cette phrase, d'après la rédaction française de la loi tout au moins, semble ne pas concerner le concours idéal seulement. Elle est ainsi formulée: "Le concours de deux délits constitue une circonstance aggravante". Pour appliquer ce principe, le juge devrait tout d'abord fixer la peine pour l'un des délits en concours et l'aggraver ensuite pour l'autre, en vertu des art. 75 al. 2 et 77 al. 3 LD. Mais, dans son contexte, le sens de l'art. 85 al. 1 deuxième phrase est clair: La première phrase pose en principe qu'en cas de concours idéal entre une contravention douanière et un acte de trafic prohibé, "la peine applicable est celle prévue pour le plus grave". La deuxième phrase se rapporte nécessairement à la première, car elle la complète en précisant que l'on tiendra compte de l'autre délit comme d'une circonstance aggravante qui entraînera une augmentation de la peine dans les limites
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que fixe la loi. Cette interprétation est du reste confirmée par le texte allemand et italien de la loi, où, grammaticalement, la deuxième phrase de l'art. 85 al. 1 se rapporte sans conteste à la première ("Das Zusammentreffen gilt"...; "Il concorso dei due reati constituisce"...). Enfin, l'art. 82 LD, qui énumère limitativement les circonstances aggravantes dans les délits douaniers, prévoit exclusivement, sous ch. 5, le concours idéal entre une contravention douanière et un acte de trafic prohibé et nullement le cas du concours réel.
Le texte et le système de la loi s'opposent donc absolument à l'interprétation que propose le recourant. Le cumul des peines entraînant certaines rigueurs, on comprend que, dans le cas du concours idéal d'infractions douanières où ces rigueurs pouvaient être particulièrement apparentes le législateur ait fait une exception (art. 85 al. 1). Dans le cas de concours réel de délits douaniers, en revanche, le cumul des peines se justifie entièrement, surtout lorsqu'il s'agit d'amendes. Mais il se justifie également dans le cas de peines privatives de liberté, quitte au juge, lorsqu'il les fixe, à tenir compte, dans le cadre de la loi, du fait qu'elles s'ajoutent les unes aux autres et ne se confondent pas.

4. Invoquant l'art. 77 al. 1 LD, le juge cantonal a dit, dans l'arrêt attaqué, "qu'en matière de trafic prohibé, la peine est fixée en tenant compte de la valeur des marchandises qui ont fait l'objet du trafic et nullement en raison de la perte fiscale subie par la Confédération ou pour protéger la collectivité." Le recourant le conteste. Les délits douaniers retenus contre lui n'ayant fait subir au fisc qu'une perte minime, il estime que les amendes qui ont été prononcées sont trop élevées et contraires à la loi.
On a vu plus haut que les amendes douanières sont infligées en vue de réparer la perte subie par le fisc et de protéger la collectivité (cf. RO 72 IV 191). Dans le cas du trafic prohibé, où la perte subie par le fisc est
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en général minime, vu la nature même de l'infraction, la réparation de cette perte ne peut jouer qu'un rôle tout à fait accessoire, tandis que l'essentiel est la protection de la collectivité, laquelle a un intérêt éminent à ce que le trafic de marchandises prohibées ou soumises à des restrictions n'échappe pas au contrôle. Il n'est donc pas exact que, comme le dit la Cour de justice dans son arrêt, l'amende en matière de trafic prohibé n'ait pas pour but de protéger la collectivité. C'est précisément ce but que vise la prescription spéciale de l'art. 77, selon laquelle l'amende, en cas de trafic prohibé, est proportionnelle à la valeur des marchandises. Le juge cantonal a appliqué cet article à juste titre. A cet égard, par conséquent, Hirsch se plaint à tort d'une violation de la loi.

5. ...

Dispositiv

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Rejette le pourvoi.