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Urteilskopf

122 II 349


44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 24 juin 1996 dans la cause Tranchet et consorts contre Etat de Genève et Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (recours de droit administratif)

Regeste

Enteignung von nachbarrechtlichen Abwehransprüchen (gegenüber den Lärmeinwirkungen eines Flughafens) und Folgen des Überflugs eines in der Verlängerung der Landepiste liegenden Grundstücks; Art. 5 EntG, Art. 667 Abs. 1 und 679 ff. ZGB.
Anspruch des Grundeigentümers auf Schutz vor Beeinträchtigungen, die sich aus dem Überflug für sein Grundstück ergeben könnten; Interesse am Genuss des Luftraumes; Tragweite der Bestimmung von Art. 667 Abs. 1 ZGB in ihrer Beziehung zur eidgenössischen Lutfahrtgesetzgebung (E. 4a/aa-bb).
Angesichts des Charakters der umstrittenen, Wohnzwecken dienenden Liegenschaft und der Art der diese überfliegenden Luftfahrzeuge hat der Grundeigentümer ein schützenswertes Interesse daran, den Überflug in einer Höhe von 108 m ab Boden zu verhindern (E. 4a/cc).
Dem Eigentümer, der Nachbar eines Landes-Flughafens ist, stehen die privatrechtlichen Klagen nach Art. 679 ff. ZGB nicht zur Verfügung, um den Durchflug durch den Luftraum seines Grundstücks zu verhindern; es ist Sache des Enteignungsrichters zu beurteilen, ob ein Entschädigungsanspruch bestehe und, gegebenenfalls, wie hoch die Entschädigung sei; die Voraussetzungen der Unvorhersehbarkeit, der Spezialität und der Schwere, die für Entschädigungen für Lärmimmissionen erfüllt sein müssen, werden grundsätzlich in diesem Fall nicht verlangt (E. 4b).
Berechnung der Entschädigung im konkreten Fall; Pauschalentschädigung für den Überflug und die Lärmwirkungen (E. 4c-d).

Sachverhalt ab Seite 350

BGE 122 II 349 S. 350
Jean Tranchet et consorts sont copropriétaires, notamment, des parcelles no 1735 et 1877 du registre foncier, sur le territoire de la commune de Vernier. Ces terrains non bâtis, dont les surfaces respectives sont de 3281 m2 et 3948 m2, sont situés à environ 1,5 à 2 km de l'extrémité sud-ouest de l'aéroport de Genève; ils ne se trouvent pas dans le même quartier mais sont l'un et l'autre classés dans la 5e zone résidentielle (zone de villas). La parcelle no 1877 est par ailleurs dans l'axe de la piste de l'aéroport, à 1950 m du seuil de celle-ci; ainsi, tous les avions qui atterrissent à Genève en direction du nord-est ("approche 05", vol aux instruments) la survolent à une altitude de 108 m.
Le 16 octobre 1990, le Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie a conféré le droit d'expropriation au canton de Genève, afin qu'il puisse faire ouvrir, par le Président de la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (ci-après: la Commission fédérale), une procédure destinée à statuer sur les prétentions de Jean Tranchet et consorts en relation avec les nuisances causées par l'exploitation de l'aéroport de Genève. Devant la Commission fédérale, Jean
BGE 122 II 349 S. 351
Tranchet et consorts ont conclu au paiement d'une indemnité pour expropriation formelle des droits de voisinage ainsi que pour expropriation matérielle, à la suite de l'entrée en vigueur du plan des zones de bruit de l'aéroport.
La Commission fédérale a rendu sa décision le 16 juin 1993. Elle a rejeté la demande d'indemnité pour expropriation formelle, puis elle a constaté que les conditions à l'octroi d'une indemnité pour expropriation matérielle en raison de l'inclusion de la parcelle no 1877 dans la zone de bruit B étaient réunies; elle a donc condamné l'Etat de Genève à verser à Jean Tranchet et consorts la somme de 769'860 fr. avec intérêts dès le 2 septembre 1987.
Jean Tranchet et consorts ont formé un recours de droit administratif contre le prononcé de la Commission fédérale, en concluant au paiement d'une indemnité globale de 3'670'384 fr. pour expropriation formelle des droits de voisinage et pour expropriation matérielle. L'Etat de Genève a également formé un recours de droit administratif contre le prononcé de la Commission fédérale, en faisant valoir qu'il n'y avait pas d'expropriation matérielle.
Le Tribunal fédéral a rendu le 12 juillet 1995 un jugement partiel dans la présente cause, ainsi que dans d'autres causes connexes (l'arrêt a été publié en partie aux ATF 121 II 317 ss). Il a annulé la décision de la Commission fédérale en tant qu'elle allouait à Jean Tranchet et consorts une indemnité pour expropriation matérielle et il a ordonné la poursuite de l'instruction de la cause afin de déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure une indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage (immissions) était due. Des experts ont dès lors été désignés, qui ont participé aux inspections locales et aux séances d'instruction d'une délégation du Tribunal fédéral; le Département des travaux publics et de l'énergie du canton de Genève (ci-après: le Département des travaux publics) a été invité à produire une liste des transactions immobilières intervenues entre 1981 et 1986 dans le périmètre des zones de bruit de l'aéroport. En outre, par décision partielle du 10 octobre 1995, rendue dans la présente cause et dans les autres causes connexes, le Tribunal fédéral a prononcé que la valeur vénale en automne 1985 était déterminante pour apprécier la dévaluation des immeubles des expropriés provoquée par les immissions de bruit, les intérêts usuels sur les éventuelles indemnités courant dès le 1er janvier 1985 (décision publiée aux ATF 121 II 350). Le Tribunal fédéral a mis fin à la cause de Jean Tranchet et consorts par le présent arrêt, qui fixe l'indemnité d'expropriation due par l'Etat de Genève.
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Erwägungen

Extrait des considérants:

3. (Indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage - immissions de bruit - en ce qui concerne la parcelle no 1735. Condition de l'imprévisibilité remplie: cf. ATF 121 II 317 consid. 6c/aa p. 337; conditions de la spécialité et de la gravité également. Dévaluation estimée à 15% et indemnité fixée à 123'040 fr.).

4. La parcelle no 1877, classée comme la parcelle no 1735 en zone résidentielle, est également exposée au bruit du trafic aérien. Les mesures d'instruction opérées après le jugement du 12 juillet 1995 ont permis de constater que ce terrain, situé dans l'axe de la piste (la ligne figurant cet axe sur les plans traverse la parcelle), était en outre survolé par tous les avions se dirigeant vers l'aéroport de Genève selon la trajectoire d'approche imposée (vol aux instruments) en cas d'utilisation de la piste 05. Selon le jugement précité, le Tribunal fédéral doit encore se prononcer sur "l'expropriation formelle des droits de voisinage (immissions)". Même si l'intrusion dans l'espace aérien d'un fonds n'est pas une "immission" au sens de l'art. 684 CC (cf. infra, consid. 4b), il faut interpréter le jugement précité en ce sens que le Tribunal fédéral doit déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le survol de la parcelle justifie l'octroi d'une indemnité d'expropriation. Cette question doit être examinée en premier lieu (consid. 4a-b), avant celle des immissions de bruit (consid. 4c).
a) Le jugement du 12 juillet 1995 (ATF 121 II 317 consid. 5b p. 332) rappelle que le propriétaire foncier a, en vertu de l'art. 667 al. 1 CC, le droit d'être protégé contre les dommages que pourrait causer le survol de son fonds et son intérêt à jouir de l'espace aérien lui permet en principe - sous réserve des restrictions découlant notamment de la législation fédérale sur l'aviation - de se défendre contre les activités de tiers qui seraient préjudiciables à l'utilisation de son fonds.
aa) Aux termes de l'art. 667 al. 1 CC, la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, dans toute la hauteur et la profondeur utiles à son exercice. C'est ainsi l'intérêt que présente l'exercice du droit de propriété - notamment l'intérêt à s'opposer aux agissements de tiers dans le volume du bien-fonds - qui définit l'extension verticale de la propriété foncière. Cet intérêt doit néanmoins être digne de protection (ATF 97 II 333 consid. 2); il dépend de la situation de l'immeuble et d'autres circonstances concrètes (ATF 93 II 170 consid. 5). Aussi la jurisprudence
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rendue en application de cette disposition n'a-t-elle pas fixé, de façon générale, un seuil d'altitude au-dessous duquel le passage des avions serait en principe interdit en vertu du droit civil (cf. ATF 104 II 86 consid. 1 et les arrêts cités).
Le trafic aérien fait en outre l'objet d'une réglementation de droit public. L'art. 1er al. 1 de la loi fédérale sur l'aviation (LA, RS 748.0; jusqu'au 1er janvier 1995: loi fédérale sur la navigation aérienne, LNA) a la teneur suivante:
"L'utilisation de l'espace aérien suisse par des aéronefs ou des engins balistiques est autorisée dans les limites de la présente loi, de la législation fédérale en général et des accords internationaux liant la Suisse."
L'ancien art. 1er al. 1 LNA, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994, avait une teneur analogue (même s'il ne réservait pas les accords internationaux).
bb) Conformément à ce que prévoit l'art. 1er al. 1 LA, certaines normes spéciales de la législation fédérale sur l'aviation entraînent des restrictions de la propriété foncière afin de permettre une utilisation adéquate de l'espace aérien par les aéronefs. C'est le cas notamment des règles visant à empêcher la création d'obstacles à l'aviation (cf. PHILIPPE ROCHAT, La protection contre les obstacles à la navigation aérienne, thèse Lausanne 1974, p. 22). Des restrictions particulières s'appliquent dans les environs des aérodromes publics, l'art. 42 al. 1 let. a LA permettant à ce propos au Conseil fédéral d'édicter des prescriptions relatives aux "zones de sécurité" autour de ces aérodromes. Ces règles figurent actuellement aux art. 71 ss de l'ordonnance sur l'infrastructure aéronautique (OSIA; RS 748.131.1; auparavant: art. 57 ss de l'ordonnance sur la navigation aérienne [ONA]). Le plan des zones de sécurité indique ainsi des "restrictions de la propriété en hauteur" (art. 72 OSIA); il n'a cependant pas pour objet de définir la hauteur utile à l'exercice de la propriété du sol, au sens de l'art. 667 al. 1 CC, mais il se borne à interdire certains obstacles (constructions, installations, plantations) qui dépasseraient une cote fixée en fonction de la distance jusqu'au seuil de la piste et de la situation par rapport aux trajectoires des avions (routes). En l'occurrence, la limite de hauteur des constructions et installations sur la parcelle no 1877 est de 24 m en vertu du plan des zones de sécurité de l'aéroport de Genève-Cointrin. Cette restriction à la propriété foncière n'est toutefois pas en cause ici, les prétentions des expropriés ne se rapportant pas aux conséquences de l'adoption du plan des zones de sécurité.
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Cela étant, la "législation fédérale en général", que réserve l'art. 1er al. 1 LA, comprend l'art. 667 al. 1 CC. La portée de cette règle du droit civil n'est donc en principe pas modifiée par l'art. 1er LA (cf. ATF 103 II 96 consid. 2; HANS OPPIKOFER, Die aktuellen Probleme des Luftrechts, RDS 65/1946 p. 207a; ALFRED BAI, Luftrecht und Grundeigentum, thèse Zurich 1955, p. 84). Les restrictions liées à la suppression des obstacles à l'aviation ainsi que les règles cantonales du droit des constructions ont certes réduit la portée pratique de l'art. 667 al. 1 CC, mais elles ne l'ont pas totalement supprimée (cf. PETER LIVER, Schweizerisches Privatrecht, tome V/1, Bâle 1977, p. 168/169). L'intérêt du propriétaire à jouir de l'espace aérien sur son fonds ne se limite pas à la possibilité d'y construire, mais il consiste aussi à pouvoir s'opposer aux ingérences de tiers dans cet espace, lorsqu'elles provoquent des atteintes ou des désagréments. En l'occurrence, il est manifeste que, si la parcelle no 1877 était construite selon la destination prévue par le plan d'affectation (villas), le propriétaire aurait un intérêt digne de protection à empêcher de telles ingérences à une hauteur de 24 m; le seuil fixé par le plan des zones de sécurité n'est donc pas déterminant pour définir l'étendue verticale de la propriété foncière.
Quant aux prescriptions de police du droit fédéral relatives aux hauteurs minimales de vol - par exemple, dans les régions de plaine et en vol aux instruments (IFR), au moins 300 m au-dessus de l'obstacle le plus élevé situé dans un rayon de 8 km, sauf pour les besoins du décollage et de l'atterrissage (cf. art. 49 de l'ordonnance concernant les règles de l'air applicables aux aéronefs [ORA; RS 748.121.11]) -, elles ne définissent pas non plus la hauteur utile au sens de l'art. 667 al. 1 CC (ATF 104 II 86 consid. 3b, ATF 103 II 96 consid. 2). On peut néanmoins considérer que ces hauteurs minimales ont en principe été fixées de façon à éviter l'ingérence des aéronefs dans le volume aérien des fonds privés (cf. ARTHUR MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, 3e éd. Berne 1964, n. 18 ad art. 667 CC).
cc) Les avions atterrissant sur la piste 05 de l'aéroport de Genève (mouvements en direction du nord-est) survolent la parcelle no 1877 à une altitude de 108 m environ au-dessus du niveau du sol (approche ILS 05, vol aux instruments). En revanche, au décollage - lorsque l'utilisation de la piste 23 est prescrite (mouvements en direction du sud-ouest) -, la parcelle no 1877 est survolée à plus de 108 m. Au demeurant, l'approche 05 est utilisée de façon fréquente, même si la plupart des mouvements s'effectuent sur la piste 23. Il suffit donc, en l'occurrence, d'examiner si les expropriés ont un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 667
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al. 1 CC
, à ce qu'aucun aéronef ne traverse l'espace aérien de leur fonds à l'altitude de 108 m. Comme cela a déjà été exposé (cf. supra, consid. 4a/aa), les circonstances concrètes doivent être prises en considération à cet égard, à savoir les caractéristiques du fonds (dimensions, destination selon le plan d'affectation, etc.) et celles des avions qui le survolent (type, fréquence, etc.; cf. ATF 104 II 86 consid. 2 p. 90; cf. MEIER-HAYOZ, op.cit., n. 7 ad art. 667 CC).
La parcelle no 1877 a une longueur d'environ 140m pour une largeur d'environ 30 m; trois villas pourraient vraisemblablement y être édifiées. Or les avions atterrissant à Genève (trafic des passagers) ont une envergure qui peut atteindre 60 m (Boeing 747) et qui est souvent supérieure à 40 m (par exemple, 44 m pour un Airbus A310). Le passage régulier, à une centaine de mètres au-dessus d'une maison familiale, d'un engin dont les dimensions sont nettement plus importantes que celles du bâtiment survolé, est manifestement de nature à déranger ou perturber de façon sensible les habitants de cette maison. Il faut donc considérer que le propriétaire d'un tel bien-fonds a un intérêt digne de protection à empêcher ce genre d'ingérences (la doctrine parle à ce propos de "l'intérêt négatif" à s'opposer aux agissements incommodants de tiers, à distinguer de "l'intérêt positif" à vouloir utiliser le fonds; cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, t. II 2e éd. Berne 1994, n. 1616a et 1619a) et qu'il peut en principe se prévaloir de son droit de propriété dans cette mesure.
b) Aux termes de l'art. 679 CC, celui qui est atteint ou menacé d'un dommage parce qu'un propriétaire (voisin) excède son droit, peut actionner ce propriétaire pour qu'il remette les choses en état ou prenne des mesures en vue d'écarter le danger, sans préjudice de tous dommages-intérêts. Le propriétaire voisin d'un champ d'aviation privé dispose en principe des actions de l'art. 679 CC lorsqu'à l'atterrissage ou au décollage, les aéronefs suivent une route traversant le volume aérien de son fonds (cf. ATF 104 II 86 consid. 1 et les arrêts cités). Il n'en va pas de même du voisin d'un aérodrome public - ou aéroport - au bénéfice d'une concession (cf. art. 37a LA) et pour l'exploitation duquel le droit d'expropriation peut être conféré conformément à l'art. 50 LA. En effet, ce voisin ne peut pas exercer les actions du droit privé pour faire cesser les atteintes; la prétention au versement d'une indemnité d'expropriation se substitue à ces actions - à l'instar de ce qui est prévu en cas d'immissions de bruit excessives au regard de l'art. 684 CC - et il appartient non plus au juge
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civil, mais au juge de l'expropriation de statuer sur l'existence du droit à l'indemnité et sur le montant de celle-ci (ATF 121 II 317 consid. 4d p. 327/328 et les arrêts cités; BERNHARD STAEHELIN, Die Rechtsstellung des Flugplatznachbarn, in Bulletin de l'Association suisse de droit aérien et spatial 96/1985, p. 7). La propriété se trouve ainsi grevée, en quelque sorte, d'une servitude de passage au bénéfice de l'exploitant de l'aéroport (cf. par analogie ATF 71 II 83, servitude de passage pour l'établissement d'un téléférique), ce qui a pour conséquence d'en diminuer la valeur.
L'art. 679 CC, qui institue une responsabilité du propriétaire foncier, est souvent appliqué en relation avec l'art. 684 CC (cf. LIVER, op.cit., p. 223). C'est précisément à propos d'immissions de bruit excessives au sens de cette dernière disposition (immissions du trafic routier et ferroviaire, à l'origine) que le Tribunal fédéral a développé la jurisprudence subordonnant l'octroi d'une indemnité d'expropriation aux conditions de l'imprévisibilité, de la spécialité et de la gravité (cf. ATF 121 II 317 consid. 4d p. 328). Or l'art. 684 CC ne vise que les conséquences indirectes que l'exercice de la propriété sur un fonds peut avoir sur les fonds voisins, et non pas les "empiétements" directs d'un propriétaire, tels que par exemple le survol en avion (cf. STEINAUER, op.cit., n. 1807). Dès lors, appelé à se prononcer non pas sur les atteintes provoquées par le bruit du trafic, mais sur les conséquences d'une intrusion dans l'espace aérien d'un fonds, le juge de l'expropriation n'a en principe pas à appliquer ces trois conditions - en particulier celle de l'imprévisibilité, qui déroge aux principes de l'art. 684 CC (cf. ATF 121 II 317 consid. 5a p. 331, et les arrêts cités) -, mais il doit s'en tenir aux règles (matérielles) du droit civil. Cela étant, il est évident que si le survol du fonds était considéré comme une atteinte usuelle et tolérable ne provoquant qu'un tort bénin, on devrait admettre que l'intérêt digne de protection du propriétaire à jouir de l'espace aérien fait défaut et que, partant, il n'y a pas d'ingérence (cf. supra, consid. 4a/aa). En l'espèce toutefois, il existe bel et bien une intrusion dans l'espace aérien de la parcelle no 1877 - qui en diminue la valeur, aussi bien en raison des perturbations provoquées par le passage des avions que des risques accrus de subir un dommage par l'effet des turbulences ou par la chute d'objets se détachant des fuselages - et le droit de ses propriétaires à une indemnité en raison du survol doit être reconnu dans son principe.
Il n'y a pas lieu de calculer le montant de cette indemnité indépendamment de celle qui est due en raison des immissions de bruit (cf. infra, consid.
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4c); un montant global doit être alloué pour l'ensemble des atteintes.
c) La parcelle no 1877 est exposée aux immissions de bruit. Le Tribunal fédéral a déjà admis, dans le jugement rendu le 12 juillet 1995, que le dommage n'était pas prévisible (cf. ATF 121 II 317 consid. 6c/aa p. 337). Il convient dès lors d'examiner, également pour cette parcelle, si les conditions de la spécialité et de la gravité sont remplies (cf. arrêt précité, ATF 121 II 317 consid. 7 et 8 c/cc, p. 338 et 342).
aa) Dans le jugement précité, le Tribunal fédéral a déjà constaté que, sur la parcelle no 1877 - comme sur la parcelle no 1735 (cf. supra, consid. 3) - le niveau moyen des immissions était supérieur à 65 dB(A) durant la journée (arrêt du 12 juillet 1995, ATF 121 II 317 consid. 8c/cc p. 341). La parcelle no 1877 est classée dans une zone résidentielle destinée aux villas, comme les fonds environnants, et elle fait partie d'un secteur déjà largement bâti; de ce point de vue, elle peut être comparée à la parcelle no 1735. Pour les motifs déjà exposés (supra, consid. 3), on doit admettre que la condition de la spécialité est remplie.
bb) Les immissions de bruit liées à l'exploitation de l'aéroport de Genève entraînent une diminution notable de la valeur de la parcelle no 1877, compte tenu de sa surface et de sa situation (pour l'estimation de cette dévaluation, cf. infra, consid. 4d; cf. aussi arrêt du 12 juillet 1995, consid. 7 rés. in ATF 121 II 317 p. 338); l'importance de ce préjudice démontre que la condition de la gravité est aussi remplie dans le cas particulier. Cela étant, les représentants du Département des travaux publics ont indiqué qu'aucun changement d'affectation propre à permettre la construction de locaux moins sensibles au bruit (bureaux, industrie, etc.) n'était actuellement envisagé par les autorités cantonales dans ce secteur.
cc) Le droit de Jean Tranchet et consorts d'obtenir une indemnité, à payer par l'Etat de Genève, pour l'expropriation formelle des droits de voisinage (immissions), est ainsi reconnu dans son principe en ce qui concerne la parcelle no 1877. Cette indemnité doit être payée en argent, conformément à la règle de l'art. 17 LEx.
dd) Comme cela a été exposé plus haut (consid. 3), le prix du terrain destiné à la construction de villas sur le territoire de la commune de Vernier était, à la date déterminante, d'environ 200 fr./m2. Dans le cas particulier, il faut aussi tenir compte du fait que les nuisances excessives résultant de l'exploitation de l'aéroport existaient déjà en automne 1985, mais l'influence, à la baisse, de ce facteur sur le prix du
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terrain doit être compensée par le fait que la parcelle no 1877, à la périphérie des zones résidentielles, se trouve dans une situation nettement moins favorable que la parcelle no 1735 et qu'en raison de son emplacement et de sa forme, des travaux d'équipement plus importants devraient être réalisés pour y édifier des villas. C'est pourquoi les experts ont estimé le prix de cette parcelle (sans les immissions) à 200 fr./m2, soit, pour 3948m2, 789'600 fr. (en automne 1985).
Ni les expropriés, ni l'Etat de Genève n'ont présenté d'éléments propres à remettre en cause cette estimation. Le Tribunal fédéral n'a aucun motif de s'en écarter.
d) Il y a lieu dès lors de calculer, dans le cas concret, la dévaluation liée d'une part aux immissions de bruit auxquelles la parcelle no 1877 est exposée en raison de l'exploitation de l'aéroport, et d'autre part à son survol. La délégation du Tribunal fédéral et les experts l'ont estimée, globalement, à 30% de la valeur du fonds, soit un montant de 236'880 fr.
Il n'y a aucun motif de s'écarter de cette estimation. Le paiement aux expropriés du montant précité, avec intérêts dès le 1er janvier 1985 aux taux usuels, doit donc être mis à la charge de l'Etat de Genève.

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