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Urteilskopf

116 Ib 284


38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 28 septembre 1990 dans la cause Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie et Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse contre Département de l'économie publique (recours de droit administratif)

Regeste

Ausnahmen vom Sonntagsarbeitsverbot.
1. Legitimation der Arbeitnehmerverbände (E. 1b).
2. Ratio legis des Nacht- und Sonntagsarbeitsverbots; Ausnahmen vom Nacht- und Sonntagsarbeitsverbot; Begriff der wirtschaftlichen Unentbehrlichkeit von Nacht- und Sonntagsarbeit; Verhältnis zwischen Nachtarbeitsverbot und Sonntagsarbeitsverbot (E. 4, 5).
3. Kriterium der Berufsüblichkeit für die Bewilligung von Frauensonntagsarbeit; Sonderschutz weiblicher Arbeitnehmer und Gleichstellung von Frau und Mann (E. 6 bis 8).

Sachverhalt ab Seite 285

BGE 116 Ib 284 S. 285
Le 3 octobre 1988, l'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers a accordé à EM Microelectronic Marin SA, qui fait partie du groupe horloger SMH et qui produit des "microchips", une autorisation d'occuper jusqu'à 80 hommes, 160 femmes et 16 jeunes gens en régime de travail de jour à deux équipes, jusqu'à 80 hommes en régime de travail de nuit, jusqu'à 15 femmes en régime de travail du dimanche et jusqu'à 55 hommes en régime de travail continu.
Le 28 novembre 1989, le Département fédéral de l'économie publique a rejeté, par décisions séparées, des recours formés par la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH) et la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse (FCOM) contre ces décisions.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral de l'économie publique du 28 novembre 1989, ainsi que les quatre décisions de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers. En particulier, elle demande d'annuler les décisions de l'Office fédéral en tant qu'elles portent sur un nombre
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maximum de personnes concernées, sur une durée de trois ans, sur l'autorisation de travailler le dimanche et sur l'autorisation de travail dominical des femmes. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers pour qu'il statue à nouveau et, plus subsidiairement encore, de l'acheminer à prouver par toutes voies de droit les faits qu'elle allègue.
Dans son recours de droit administratif, la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral de l'économie publique du 28 novembre 1989, ainsi que les quatre décisions de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers, et de renvoyer la cause pour nouvel examen et décision au Département. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'autorisation de travail dominical des femmes.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et conformément aux art. 103 lit. c OJ et 58 al. 1 LTr, les associations de travailleurs de la branche en question ont la qualité pour former un recours de droit administratif contre des décisions prises en application de la loi sur le travail. Il n'est pas nécessaire d'examiner si les travailleurs concernés sont ou non membres de l'Association (ATF 98 Ib 346 consid. 1; arrêt du 11 juillet 1986, consid. 1, in JAR 1987 p. 309 ss). Il n'y a aucune raison de revenir sur cette jurisprudence.
Dans le cas d'espèce, l'autorisation de travail attaquée concerne une entreprise qui produit des "microchips" et qui appartient au groupe horloger SMH. La Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie et la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse sont des syndicats de la branche, dont la qualité pour recourir n'est pas mise en question. Leurs recours de droit administratif, déposés à temps et selon les formes prescrites, sont ainsi recevables.

2. a) Le travail à trois équipes ou davantage, régulier ou périodique, qui comprend au moins une équipe de nuit, ainsi que le travail ininterrompu, qui englobe à la fois le travail de nuit et le travail du dimanche (REHBINDER, Kommentar zum Arbeitsgesetz, 4e édition, 1987, N. 1 ad art. 24 et N. 1 ad art. 25), peuvent être autorisés, lorsque des raisons techniques ou économiques les
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rendent indispensables (art. 17 al. 2, art. 24 al. 2 et art. 25 al. 1 LTr). Quant au travail nocturne et dominical des femmes, il ne peut être autorisé qu'aux conditions qui seront définies par ordonnance (art. 34 al. 3 LTr).
b) L'art. 45 de l'Ordonnance 1 du Conseil fédéral concernant la loi sur le travail du 14 janvier 1966 (OLTr 1; RS 822.111) dispose sous le titre marginal "travail de nuit ou travail du dimanche indispensables":
"Le travail régulier et périodique de nuit ou du dimanche est réputé indispensable, pour des raisons techniques ou économiques, s'il s'agit d'effectuer des opérations mentionnées à l'appendice, dans la mesure qu'il indique.
Le Département fédéral de l'économie publique est autorisé à modifier ou à compléter l'appendice, selon l'évolution technique et économique, après avoir pris l'avis de la commission du travail."
L'appendice à l'art. 45 OLTr énonce sous chiffre II les activités pour lesquelles le caractère indispensable est considéré comme prouvé; sous chiffre I figurent les directives générales servant à déterminer le caractère indispensable du travail nocturne ou dominical. Elles ont la teneur suivante:
1. ...
2. le travail régulier ou périodique de nuit ou du dimanche est indispensable, pour des raisons économiques, notamment lorsque:
a) l'interruption d'un procédé de travail ou sa remise en train est très coûteuse;
b) un procédé de travail nécessite de grands frais d'investissement et d'amortissement; c) la capacité de concurrence à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la durée du travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions de travail y sont différentes.
3. ...
Pour le travail des femmes, l'Ordonnance du Conseil fédéral dispose que le travail du dimanche - en l'espèce, le travail de nuit n'est pas litigieux - peut être autorisé à la condition que ce travail soit conforme à l'usage de la profession (art. 71 lit. b OLTr 1).
c) Les autorités inférieures considèrent que les activités d'EM Microelectronic Marin SA ne font pas partie des activités pour lesquelles le caractère indispensable est considéré comme prouvé aux termes du chiffre II de l'appendice; elles fondent leur décision d'octroi de l'autorisation sur le chiffre I/2 lit. a, b et c des directives générales, ainsi que sur l'art. 71 lit. b OLTr 1 en ce qui concerne le travail dominical des femmes.
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4. a) La loi sur le travail interdit en principe d'occuper des travailleurs la nuit (art. 16 LTr) et le dimanche (art. 18 LTr). L'interdiction tient compte des effets négatifs du travail nocturne et dominical sur la santé, ainsi que sur la vie familiale et sociale.
Pendant le travail de nuit, l'être humain vit contre son rythme biologique, lequel est programmé pour une activité durant le jour et pour un repos pendant la nuit. Une activité contraire à ce rythme entraîne à long terme des problèmes de santé. Le cercle familial en subit également les conséquences. Il doit en effet respecter durant la journée les besoins de repos du membre de la famille qui travaille la nuit; la famille n'a ainsi plus de rythme de vie commun, ce qui occasionne non seulement du travail supplémentaire pour organiser la vie familiale, mais avant tout a une influence négative sur les rapports humains au sein de la famille. Le travail de nuit rend en outre difficile la participation à la vie publique et provoque parfois l'isolement social (voir à ce sujet l'expertise de la Faculté des sciences sociales et politiques de l'Université de Lausanne: BEAUD, BRULHARDT, GOTTRAUX, LEVY, MESSANT-LAURENT, Travail de nuit et autres formes d'horaires atypiques, Lausanne 1990).
Le travail du dimanche, au contraire du travail de nuit, n'a pas d'effet direct sur la santé, mais son incidence sur le plan social et culturel est encore plus importante. Non seulement le dimanche est un jour sacré selon la tradition chrétienne et garde encore cette signification pour une partie de la population, mais surtout l'institution d'un même jour libre pour tous permet aux personnes sous pression dans leur travail de bénéficier de repos et de loisirs en dehors de la vie de tous les jours. Il permet le calme intérieur, lequel ne serait pas pensable sans calme extérieur. Un temps libre commun permet dans une grande mesure la communication et les contacts au sein de la famille et en dehors, ce qui ne peut être atteint par du temps libre individuel durant la semaine (voir l'étude sociologique de JÜRGEN P. RINDERSPACHER, Am Ende der Woche - Die soziale und kulturelle Bedeutung des Wochenendes, Bonn 1987).
b) La loi sur le travail prévoit une exception à l'interdiction du travail nocturne et dominical lorsque cela est indispensable sur le plan technique ou économique (art. 17 al. 2, art. 19 al. 2 LTr). Le caractère restrictif de l'énoncé montre la grande importance que le législateur accorde à ce repos. La rationalité économique, à elle seule, ne justifie pas une exception. Les dispositions visant à
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protéger le travailleur doivent justement intervenir lorsque les lois du marché parlent en faveur de l'introduction du travail nocturne et dominical. Le droit de protection des travailleurs doit par conséquent fixer en faveur des travailleurs des limites à la recherche de la rationalité économique. Il détermine les conditions-cadres que l'entrepreneur doit respecter lorsqu'il prend des décisions d'ordre économique.
c) Le fait qu'une entreprise ne survivrait pas n'est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour autoriser le travail nocturne ou dominical. D'une part, le but d'une telle exception n'est pas de prolonger la vie d'entreprises non viables; le fait que certaines entreprises, sous la pression de la concurrence, ne peuvent pas continuer d'exister tient au système de l'économie de marché et ne doit pas être contourné par des exceptions à la protection des travailleurs. D'autre part, cela n'aurait aucun sens de n'autoriser le travail nocturne ou dominical que lorsque l'entreprise a déjà perdu sa capacité concurrentielle.
Le point de départ de l'examen du caractère indispensable sur le plan économique n'est ainsi pas la situation économique de l'entreprise prise individuellement, mais le procédé de travail. Lorsque celui-ci ne peut pas être mis en oeuvre sans le travail nocturne ou dominical (pour des raisons techniques ou économiques), le maintien de l'interdiction ne se justifie pas. Une telle solution permet d'avoir une pratique neutre pour la concurrence lorsqu'il s'agit d'accorder les autorisations d'exceptions. Les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical doivent, en outre, se conformer au principe de l'égalité de traitement, issu de la liberté du commerce et de l'industrie, et ne doivent pas avoir un effet de distorsion de la concurrence.
d) Les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical, selon les termes même de la loi, sont admissibles aux mêmes conditions, c'est-à-dire lorsqu'elles sont indispensables sur le plan technique ou économique. Cela ne signifie cependant pas que le travail dominical doit être obligatoirement autorisé lorsque le travail nocturne est lui-même autorisé.
La disposition qui traite des exceptions à l'interdiction du travail de nuit se trouve à l'art. 17 al. 2 LTr, alors que celle relative aux exceptions à l'interdiction du travail dominical se trouve à l'art. 19 al. 2 LTr. Le travail à trois équipes ou davantage (avec au moins une équipe de nuit) est réglé par l'art. 24 al. 2 LTr, alors que le travail continu (comprenant le travail nocturne et dominical) est
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prévu à l'art. 25 al. 1 LTr. Le fait que la réglementation se trouve dans différentes dispositions légales montre que les exceptions à l'interdiction du travail nocturne ou dominical doivent être traitées séparément. Il ressort du message du Conseil fédéral du 30 septembre 1960 concernant le projet de la loi sur le travail (FO 1960 II 977) que le législateur voulait limiter plus encore le travail dominical que le travail de nuit, raison pour laquelle il a prévu, en ce qui concerne le travail dominical temporaire, des suppléments de salaire plus importants qu'en cas de travail nocturne (art. 17 al. 1, art. 19 al. 1 LTr). Même si cette réglementation des salaires ne vaut pas pour le travail nocturne et dominical durable, l'estimation formulée par le législateur est significative et doit conduire à autoriser le travail dominical de manière encore plus restrictive que le travail de nuit (arrêt du 11 juillet 1986, consid. 4, in JAR 1987 p. 316).
En tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit de protection des travailleurs, les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical ne doivent être accordées, selon le principe de la proportionnalité, que là où le caractère indispensable est établi. Dans la mesure où le travail nocturne peut suffire, il faut en rester là et ne pas accorder en plus l'autorisation de travailler le dimanche.

5. a) Selon le chiffre I/2 de l'appendice de l'Ordonnance générale (OLTr 1), le travail nocturne et du dimanche n'est économiquement indispensable que lorsque l'interruption d'un procédé de travail ou sa remise en train est très coûteuse (lit. a), qu'un procédé de travail nécessite de grands frais d'investissement et d'amortissement (lit. b) ou que la capacité de concurrence à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la durée de travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions de travail y sont différentes (lit. c). Selon l'intention du législateur, l'interprétation de ces dispositions doit restreindre le plus possible le travail nocturne et dominical.
b) L'autorisation accordée à EM Microelectronic Marin SA se fonde tout d'abord sur le chiffre I/2 lit. a de l'appendice, selon lequel le travail nocturne ou dominical est indispensable sur le plan économique lorsque l'interruption d'un procédé de travail ou sa remise en train est très coûteuse.
A cet égard, les pertes qui résultent de la seule diminution du temps de travail productif n'entrent pas en considération. Elles concernent en effet chaque entreprise qui est soumise à la loi sur
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le travail. En principe, le législateur oblige les entrepreneurs à limiter un temps d'utilisation théorique de sept fois 24 heures en faveur du repos nocturne et dominical. L'arrêt du procédé de travail n'est dès lors considéré comme déraisonnable que s'il affecte considérablement la production dans le cadre des heures de travail ordinaire.
Le problème particulier de la production des "microchips" réside en ceci que les particules de poussière et l'oxydation à l'air les endommagent. La proportion de déchets est dès lors dépendante du temps de production. EM Microelectronic Marin SA fait valoir qu'un travail continu, également le dimanche (le travail nocturne n'est pas fondamentalement contesté par les syndicats), permet d'augmenter de 15% le rendement par unité de surface, ou inversement que la proportion de déchets supplémentaires, dans le cas de l'interdiction du travail du dimanche, s'élève à 15% de la production hebdomadaire totale, ce qui représente une perte de 6,3 millions de francs. En République fédérale d'Allemagne, le travail dominical pour les producteurs de "microchips" a été autorisé pour la raison qui vient d'être exposée. La proportion de déchets chez IBM Böblingen, dans la phase d'essai, confirme les chiffres avancés par EM Microelectronic Marin SA (GERD ALBRACHT, Sonntagsarbeit - Auswirkungen und rechtliche Probleme, in: Arbeit und Recht 37/1989 p. 111, 117). Les pertes ne résultent donc pas uniquement de la différence de durée du travail, comme le prétend à tort la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie dans son recours.
c) L'autorisation accordée à EM Microelectronic Marin SA se fonde en outre sur le fait que le procédé de travail appliqué exige des investissements et des frais d'amortissement élevés (chiffre I/2 lit. b de l'appendice). Les autorités inférieures ont considéré cette condition comme remplie, en indiquant que le temps d'amortissement de 5 à 7 ans était usuel et que les investissements de 50 millions de francs pour les années 1986 à 1988, ainsi que de 64 millions (budgetés) pour les années 1989 à 1992, étaient particulièrement élevés.
Le montant des investissements effectués ou prévus n'est pas déterminant à lui seul. Si l'on reconnaissait sans autre que le travail nocturne et dominical était indispensable sur le plan économique lorsque des investissements élevés ont été effectués, cela signifierait que l'on mène, par le biais du droit du travail, une politique en faveur des entreprises axées sur le capital et au
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détriment de celles axées sur le travail. Il en résulterait que le travail nocturne et dominical, au vu des progrès de la rationalisation, deviendrait la règle. Une telle interprétation ne serait pas compatible avec le but de la loi. Elle laisserait de côté l'exigence que le procédé de travail "nécessite" de grands frais d'investissement et d'amortissement. Selon le texte clair de cette disposition, la condition du caractère indispensable sur le plan économique n'est remplie que si le procédé de travail exige de grands frais d'investissement et d'amortissement. D'après la ratio legis, cette condition n'est réalisée que si le procédé de travail occasionnant des frais élevés est nécessaire en tant que tel. Toute autre interprétation aurait pour conséquence que l'entrepreneur serait libre de choisir le procédé de travail conduisant au travail nocturne et dominical. Le critère décisif pour admettre la nécessité d'un investissement élevé est que le produit ne puisse pas être fabriqué ou en tout cas pas avec une qualité suffisante. Le travail dominical et nocturne n'est pas justifié lorsque le remplacement des machines n'intervient que parce que d'autres, plus productives, sont à disposition. L'entrepreneur a bien sûr la possibilité de choisir les méthodes de fabrication les plus productives; son calcul de la rentabilité ne doit cependant pas se baser sur des dérogations à l'interdiction du travail de nuit et du dimanche. Selon le Conseiller national Schürmann, qui a expressément précisé, sans être contredit, l'interprétation qu'il fallait faire de la loi, ainsi que le contenu de l'ordonnance que le Conseil fédéral devait établir sur ce point, de simples exigences de rationalisation ne doivent pas suffire pour obtenir une autorisation (Bull.stén. 1962 CN 214). On ne peut pas parler dans un tel cas de caractère indispensable; le fait que des temps de fonctionnement de machines plus longs permettent une production plus élevée vaut pour toute entreprise. Cela ne peut cependant justifier une exception à l'interdiction de base.
Au cas où des investissements élevés sont absolument nécessaires, il se pose ensuite la question de savoir si leur amortissement n'est pas possible dans le cadre du temps d'utilisation usuelle ou en tous les cas dans le cadre du travail nocturne, à l'exclusion du travail dominical. Ce n'est que dans les cas où non seulement les investissements élevés sont indispensables, mais également où l'amortissement n'est pas possible sans un travail nocturne ou à la rigueur un travail dominical, qu'une telle autorisation peut être accordée.
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En ce qui concerne la production de "microchips", il faut admettre que celle-ci n'est possible que sur la base d'un procédé technique et financier extrêmement coûteux. Des procédés de production plus avantageux ne sont pas à disposition. La marge de manoeuvre de l'entreprise n'existe dès lors pas. Il demeure cependant des incertitudes quant à savoir si les frais élevés ne peuvent être amortis sans travail dominical.
d) Enfin, les autorités inférieures se fondent sur le chiffre I/2 lit. c de l'appendice, selon lequel le travail nocturne et dominical est indispensable sur le plan économique lorsque la capacité de concurrence à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la durée de travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions de travail y sont différentes. Cette disposition trouve son fondement dans l'imbrication de l'économie mondiale. Des différences dans les dispositions légales sur le travail, liées au démantèlement des barrières douanières, peuvent porter préjudice à la capacité concurrentielle des entreprises suisses, lorsqu'il existe des prescriptions moins sévères dans les pays concurrents. Il y a cependant de nombreux autres avantages et désavantages selon les pays concernés pour la production d'un bien déterminé. La libéralisation du commerce mondial entraîne la production des biens aux endroits où ils coûtent le moins cher. Ce processus inhérent au système mondial de l'économie de marché ne peut et ne doit pas être empêché au moyen du chiffre I/2 lit. c de l'appendice de l'OLTr 1. En d'autres termes, les avantages de lieu de certains pays étrangers, dus par exemple à des niveaux de salaire inférieurs, ne doivent pas être compensés par des exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical. Il ne faut prendre en considération une diminution de capacité concurrentielle que lorsque celle-ci est causée par des prescriptions de protection des travailleurs moins sévères à l'étranger. Seules celles-ci sont susceptibles de rendre indispensables sur le plan économique également en Suisse le travail de nuit et le travail du dimanche.
Une comparaison avec les conditions de travail dans les pays concurrents ne doit cependant pas faire perdre de vue la volonté du législateur de limiter autant que possible le travail de nuit et le travail dominical. En effet, si la portée de la protection des travailleurs était uniquement déterminée par celle prévalant au niveau le plus bas à l'étranger, l'interdiction du travail de nuit et du dimanche serait aisément contournée. Cela ne s'accorderait pas avec le but de la loi. Une comparaison avec des pays qui n'accordent
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aux travailleurs aucune protection valable n'est dès lors pas possible. Par contre, lorsque des pays ayant une réglementation sociale en principe équivalente connaissent des prescriptions moins sévères dans des branches déterminées, la protection du travailleur vient au second plan, à la condition toutefois qu'il existe une situation concurrentielle avec ces Etats et que des effets considérables sur la capacité concurrentielle des entreprises suisses soient démontrés. Dans de telles conditions, une réglementation plus sévère ne peut pas être maintenue dans un seul pays.
En ce qui concerne la fabrication de "microchips", la production continue existe partout dans le monde, en particulier en République fédérale allemande. Ces faits, qui résultent du dossier, ne sont d'ailleurs pas contestés par les syndicats. En revanche, il est difficile de déterminer si et avec qui EM Microelectronic Marin SA se trouve en situation de concurrence, étant donné que cette société produit dans une grande mesure pour l'industrie horlogère du groupe SMH, auquel elle appartient. L'industrie horlogère ne pourra cependant pas se permettre de se fournir en "microchips" pour un prix nettement plus élevé que le prix mondial du marché. Cela signifie que, malgré son appartenance au groupe SMH, EM Microelectronic Marin SA subit un désavantage concurrentiel vis-à-vis des autres producteurs de "microchips" qui produisent en continu.
e) Sur la base des principes énoncés, il est possible de dégager les constatations suivantes relatives au caractère indispensable dans le cas concret.
Bien qu'il ne soit pas établi que les hauts coûts d'investissement, qui sont techniquement inévitables, ne peuvent pas être amortis dans des délais raisonnables, il est cependant constant qu'une production de pièces défectueuses, correspondant à environ 15% de la production totale, peut être évitée au moyen d'une autorisation du travail du dimanche. De même, sans travail dominical, des désavantages concurrentiels existent vis-à-vis de tous les autres producteurs de "microchips". La question peut rester indécise de savoir si les deux derniers points mentionnés peuvent justifier chacun à lui seul une exception à l'interdiction du travail dominical. En effet, les autorités inférieures n'ont pas suffisamment vérifié si, d'une part, la perte de production consécutive à un arrêt du procédé de travail atteignait une telle ampleur et si, d'autre part, le temps d'utilisation de l'exploitation sans le travail dominical (mais avec le travail nocturne) était
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inacceptable par rapport à celle des pays concurrents qui connaissent une production continue. Pris ensemble, les frais d'interruption et de désavantage concurrentiel vis-à-vis de l'étranger font apparaître le travail du dimanche de toute manière comme indispensable sur le plan économique. Un pareil double inconvénient ne peut pas être imposé à EM Microelectronic Marin SA. Le travail du dimanche doit aussi être en principe autorisé.

6. a) Les syndicats considèrent qu'il est inadmissible de soumettre les femmes au travail du dimanche. Selon l'art. 34 al. 3 LTr, le travail nocturne et dominical pour les travailleurs féminins ne peut être autorisé qu'à des conditions particulières, qui sont déterminées par l'ordonnance. C'est le cas en partie, d'une manière générale et abstraite, dans l'Ordonnance 2 concernant l'exécution de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 14 janvier 1966 (OLTr 2; RS 822.112). Ces dispositions, fondées sur l'art. 27 LTr, ont été édictées pour des groupes particuliers d'exploitation ou de travailleurs. Elles comprennent également le travail nocturne et dominical des femmes. Pour autant que des exceptions à la réglementation sur le temps de travail soient autorisées en dehors de ces groupes par des décisions individuelles de l'autorité, les art. 70 et 71 de l'OLTRr 1 contiennent des dispositions pour la protection particulière des travailleurs féminins en ce qui concerne le travail nocturne et dominical. Le travail nocturne n'est pas en discussion ici (il ne serait de toute manière pas autorisé vu l'art. 70 OLTr 1 et vu la Convention No 89 de l'OIT du 9 juillet 1948 sur le travail de nuit des femmes dans les usines). Quant au travail dominical des femmes, il ne peut être autorisé au sens de l'art. 71 lit. b OLTRr 1 que pour autant qu'il soit usuel dans la profession considérée. Telle est la question qui se pose dans le cas d'espèce.
b) Le Département fédéral de l'économie publique considère que l'exigence du caractère usuel dans la profession est remplie lorsque, dans une profession déterminée, le travail dominical est assez répandu et qu'il est devenu une nécessité en raison d'un nouveau procédé de travail. L'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers va encore plus loin et considère qu'il y a déjà usage dans la profession lorsque le travail du dimanche en tant que tel est indispensable. Selon lui, il est déraisonnable d'accorder dans
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un premier temps l'autorisation de travailler le dimanche limitée aux hommes et de l'étendre ensuite aux femmes avec un simple report dans le temps.
Si l'on suivait l'interprétation de l'Office fédéral, le critère du caractère usuel dans la profession serait obsolète. Le travail dominical des femmes pourrait toujours être autorisé lorsque le travail dominical est, en tant que tel, indispensable sur le plan technique et économique. Les femmes ne seraient ainsi pas plus protégées que ne le sont les hommes. Or, une telle interprétation contredit clairement l'intention du législateur, qui a voulu soumettre le travail dominical des femmes à des conditions particulières et supplémentaires (art. 34 al. 3 LTr). Il serait cependant tout aussi peu convaincant d'adopter la solution consistant à admettre le travail dominical des femmes après une phase préalable de travail dominical des hommes. Une telle manière de faire n'offrirait que peu de protection supplémentaire et, de plus, aboutirait au résultat que le caractère usuel du travail dominical ne pourrait jamais se développer dans des professions exercées de manière prépondérante, voire exclusive, par des femmes. En d'autres termes, le travail du dimanche ne serait pas possible dans un tel cas, même s'il était indispensable techniquement ou économiquement.
c) En ce qui concerne l'interprétation des dispositions particulières dont dépend l'admissibilité du travail dominical des femmes, il faut rappeler que le législateur a voulu restreindre de manière générale le travail dominical (également pour les hommes) plus encore que le travail nocturne (consid. 4c), considérant la très grande importance du dimanche libre pour l'entretien des rapports familiaux et sociaux. Dans une répartition traditionnelle des rôles, qui continue d'exister dans la réalité sociale malgré l'égalité entre hommes et femmes dans le droit du mariage, une place particulière revient à la femme dans le cadre de la vie de famille. C'est la raison pour laquelle la loi et l'ordonnance veulent réserver en principe aux hommes la possibilité de travailler le dimanche, dans la mesure toutefois où un tel travail est techniquement ou économiquement indispensable. Il ne peut y avoir une exception à ce principe que dans l'hypothèse où un métier n'est en pratique pas exercé, ou presque pas, par les hommes. Dans de tels cas, la possibilité doit exister d'utiliser les services des femmes dans le cadre du travail du dimanche. Il y a ainsi lieu d'examiner si un travail est usuellement
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exécuté dans une profession par les femmes (et non par les hommes).
Des travaux de femmes typiques qui ont de tout temps été exécutés aussi bien la nuit que le dimanche sont énumérés dans l'ordonnance 2 de la loi sur le travail (OLTr 2). REHBINDER (op.cit., N. 3 ad art. 34) en conclut que l'état de fait prévu à l'art. 71 lit. b OLTr 1 est vraisemblablement superflu, étant donné que le travail dominical n'est usuel que dans des branches qui sont de toute façon mentionnées dans l'OLTr 2. On ne peut retenir une telle interprétation, car elle empêcherait de prendre en compte le caractère indispensable sur un plan technique ou économique dans le cas d'une nouvelle méthode de travail, lorsque le travail correspondant est en pratique exercé avant tout ou exclusivement par des femmes. L'art. 71 lit. b OLTr 1 doit ainsi être considéré comme un complément de l'OLTr 2.

7. a) La question se pose de savoir si, et dans quelle mesure, la protection particulière des travailleurs féminins est conforme à l'art. 4 al. 2 Cst. Selon cette disposition, l'homme et la femme sont égaux en droit (1re phrase); la loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail (2e phrase). La première phrase institue un droit constitutionnel qui, sous réserve de quelques exceptions, interdit la différenciation juridique selon le sexe et qui est directement applicable. La deuxième phrase contient une injonction au législateur de réaliser une égalité effective dans la réalité sociale (CHARLES-ALBERT MORAND, L'érosion jurisprudentielle du droit fondamental à l'égalité entre hommes et femmes, in: L'égalité entre hommes et femmes, Lausanne 1988, p. 77 et ss; GEORG MÜLLER, Quotenregelungen - Rechtssetzung im Spannungsfeld von Gleichheit und Verhältnismässigkeit, in: ZBl 91/1990, p. 308). L'interdiction de discrimination en tant qu'égalité formelle et l'injonction de créer une égalité de chances sur le plan matériel se trouvent cependant dans une certaine contradiction (MORAND, op.cit., p. 87 et ss) et doivent trouver un équilibre (GEORG MÜLLER, op.cit., p. 310).
b) S'agissant du travail dominical, ce ne sont pas les différences biologiques qui justifient une différence de traitement entre hommes et femmes. Cette différence repose bien plus sur la répartition traditionnelle des tâches dans la vie de famille. Il faut observer par ailleurs que le repos dominical a une plus grande importance encore pour la famille que pour la société
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en général. Le but de la législation sur la protection du travail, qui n'a rien à voir en tant que telle avec la discrimination des sexes, est d'empêcher l'aggravation des rapports sociaux, en particulier dans le cadre de la famille. La réglementation en vigueur sur le travail dominical des femmes constitue le moyen actuel d'atteindre ce but. Il serait cependant tout à fait pensable de trouver une solution législative qui viserait le même but, mais qui ne ferait pas de discrimination entre les hommes et les femmes.
c) En principe, le Tribunal fédéral peut refuser l'application d'une ordonnance qui est en contradiction avec l'art. 4 al. 2 Cst.; cela aurait comme conséquence que les femmes seraient traitées de la même manière que les hommes en ce qui concerne le travail du dimanche, tant qu'une nouvelle réglementation ne serait pas édictée. Mais, lorsque la loi donne au Conseil fédéral le pouvoir de s'écarter de la constitution, le Tribunal fédéral est lié par les ordonnances du Conseil fédéral qui en résultent, au même titre qu'il le serait par des lois (art. 113 al. 2 et art. 114bis al. 3 Cst.). Or, en l'espèce, l'art. 34 al. 3 LTr dispose que le travail nocturne et dominical ne peut être autorisé pour les femmes qu'à des conditions spéciales qui seront définies par ordonnance. En ce qui concerne le travail dominical dans le cas d'espèce, des règles particulières, qui seraient spécifiques aux femmes en fonction de leur sexe et qui seraient dès lors compatibles avec l'art. 4 al. 2 Cst., ne sont pas pensables. En effet, ce n'est pas la protection de la mère qui est visée (et qui peut être visée), mais seulement la vie de famille en général. Dans de telles circonstances, la norme de délégation de la loi implique que l'ordonnance soit contraire à la constitution. C'est la raison pour laquelle le Tribunal fédéral ne peut pas en interdire l'application.
d) Par ailleurs, la simple non-application de l'art. 71 lit. b OLTr 1 permettrait seulement d'obtenir une égalité formelle entre les sexes, et ceci au moyen d'une détérioration de la position de la femme, sans que celle d'un homme ayant des devoirs de famille soit améliorée. Les conditions ne sont ainsi pas encore réalisées pour que l'homme puisse contribuer à l'éducation des enfants et au ménage commun. Seul le législateur est en mesure de réaliser en même temps l'égalité formelle entre les sexes et l'égalité effective dans le cadre du travail et de la famille.

8. Lorsque, comme dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral doit appliquer la réglementation selon les critères développés dans
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le considérant 7, il lui faut déterminer si la production de "microchips" constitue usuellement un travail de femmes, soit un travail qui ne pourrait pas en pratique, ou seulement dans une mesure limitée, être exercé par des hommes.
Il n'existe à ce sujet aucun point de référence. Il résulte des autorisations sollicitées qu'un total de 215 hommes et 135 femmes serait employé. La forte proportion d'hommes n'est cependant pas due au fait que le travail de nuit des femmes est exclu de par la loi, étant donné que, dans le travail à deux équipes de jour également, les demandes d'autorisation concernent une proportion importante d'hommes, soit 80 hommes pour 120 femmes. Certes, EM Microelectronic Marin SA affirme que les femmes seraient plus habiles et fourniraient un travail de meilleure qualité. Une telle affirmation n'est cependant pas prouvée. En particulier, personne ne prétend que certains travaux ne pourraient être effectués que par des femmes, alors que d'autres pourraient l'être par des hommes. En l'espèce, il apparaît que les 15 femmes prévues pour effectuer un travail dominical pourraient être aisément remplacées par des hommes. Pour cette raison, une autorisation ne peut être accordée. En conséquence, la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle autorise le travail dominical des femmes.

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Referenzen

BGE: 98 IB 346

Artikel: art. 34 al. 3 LTr, art. 17 al. 2, art. 24 al. 2 et art. 25 al. 1 LTr, art. 4 al. 2 Cst., art. 16 LTr mehr...