111 Ia 214
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Urteilskopf
111 Ia 214
38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 11 octobre 1985 dans la cause Schibler c. Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste
Art. 45 BV; Wohnsitzpflicht der Beamten.
Die Pflicht Genfer Beamter im Kanton zu wohnen, ist mit der Niederlassungsfreiheit vereinbar; doch verlangt der Grundsatz der Verhältnismässigkeit, dass das kantonale Recht Ausnahmen zulässt. Im konkreten Fall überwiegt das private Interesse eines Universitätsprofessors, seinen bisherigen Wohnsitz in der Nähe von Nyon behalten zu können, das öffentliche Interesse an der Durchsetzung der Wohnsitzpflicht im Kanton Genf.
Ulrich Schibler est marié et père de deux enfants. Le 29 août 1983, il a présenté sa candidature pour un poste de professeur ordinaire à la Faculté des sciences de l'Université de Genève. Constatant que sa nomination pouvait aboutir, Ulrich Schibler a entrepris des démarches pour trouver un logement dans la région genevoise et vendre le terrain qu'il avait acheté à Belmont s/Lausanne au cours de l'été 1983. Par une décision prise assez rapidement, il s'est porté acquéreur d'un immeuble à Borex s/Nyon.
Le 3 juillet 1984, Ulrich Schibler a présenté à l'Office du personnel de l'Etat de Genève une requête afin d'obtenir une
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dérogation à l'obligation de résidence et de domicile sur territoire genevois, dans l'hypothèse où sa nomination serait acceptée définitivement.Par arrêté du 25 juillet 1984, le Conseil d'Etat genevois a nommé Ulrich Schibler au poste de professeur ordinaire à plein temps auprès de la Faculté des sciences de l'Université, pour la période du 1er octobre 1984 au 30 septembre 1988.
A la suite d'une absence de coordination administrative, la demande de dérogation de domicile formulée par Ulrich Schibler n'a pas été soumise au Conseil d'Etat lors de l'examen de sa nomination au poste de professeur ordinaire et, dans sa séance du 5 septembre 1984, cette autorité a refusé d'accorder à Ulrich Schibler la dérogation demandée, nonobstant le préavis favorable exprimé par le Rectorat de l'Université.
Le 5 septembre 1984, Ulrich Schibler a signé le contrat relatif à la construction d'une villa sur le terrain qu'il avait acquis à Borex. Le 11 du même mois, il a notamment écrit au recteur de l'Université de Genève qu'il était heureux d'accepter le poste de professeur ordinaire, pour autant qu'il obtienne l'autorisation de résider en territoire vaudois.
Le conseiller d'Etat chargé du Département de l'instruction publique ayant à nouveau saisi ses collègues du cas d'Ulrich Schibler, le Conseil d'Etat a rejeté la demande de dérogation à l'obligation de domicile et de résidence, par décision sommairement motivée du 24 octobre 1984. Il a retenu que l'intéressé avait été informé de l'obligation d'être domicilié dans le canton de Genève, en recevant le cahier des charges de l'enseignement qui lui était proposé. L'échange entre les parcelles de Belmont et Borex avait donc eu lieu ultérieurement à la prise de connaissance du cahier des charges. Compte tenu des circonstances, le Conseil d'Etat a fixé à Ulrich Schibler un délai de dix-huit mois pour trouver un domicile dans le canton de Genève.
Le recourant a formé un recours de droit public contre cette décision pour violation des art. 4 et 45 Cst.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision du Conseil d'Etat genevois pour les
motifs suivants:
2. Invoquant l'art. 45 Cst., le recourant se plaint en premier lieu d'une violation de la liberté d'établissement.
a) En vertu de l'art. 45 Cst., tout citoyen suisse peut s'établir en un lieu quelconque du pays. Toutefois, à l'exemple des autres droits fondamentaux, la liberté d'établissement peut être limitée par des restrictions fondées sur une base légale suffisante, si elles répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité. Ces exigences s'appliquent aussi aux rapports de dépendance spéciale, notamment en matière de statut des fonctionnaires (ATF 108 Ia 249 consid. 1, 106 Ia 29 consid. 2 et 103 Ia 456 consid. 4a).
b) Aux termes de l'art. 121 de la loi genevoise sur l'instruction publique du 6 novembre 1940, les fonctionnaires ont l'obligation d'avoir leur domicile et de résider effectivement dans le canton de Genève. Le Conseil d'Etat peut en dispenser exceptionnellement les professeurs d'université qui, lors de leur engagement, donnent déjà un enseignement dans une autre université.
La loi cantonale sur l'université du 26 mai 1973 ne prescrit pas aux professeurs ordinaires d'élire domicile dans le canton, mais ne contient pas non plus de règle qui permettrait de déroger à l'art. 121 de la loi sur l'instruction publique. Cette disposition est donc applicable aux professeurs de l'Université et constitue manifestement une base légale suffisante pour les obliger à habiter le canton, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le recourant. Reste à examiner si les autres conditions permettant de porter atteinte à la liberté d'établissement sont réunies, en particulier l'exigence d'un intérêt public suffisant et la proportionnalité de l'atteinte.
3. a) Le recourant fait valoir que, face à l'exiguïté du territoire genevois et à la crise du logement qui sévit actuellement dans le canton, l'obligation de résidence imposée aux fonctionnaires ne peut être justifiée par l'intérêt public. Dans son cas, cette obligation paraît en outre disproportionnée et contraire aux principes de l'égalité de traitement et de la bonne foi.
De son côté, le Conseil d'Etat souligne que si le canton de Genève représente un pôle d'attraction économique et sociale extrêmement fort que les structures à disposition ont quelque peine à absorber, il reste indispensable "de préserver un tissu social stable, dont le corps des fonctionnaires doit continuer à constituer une trame solide". En ce qui concerne le recourant, les grands mérites professionnels qui ont justifié sa nomination démontrent l'intérêt de l'Université et du canton tout entier à voir son nom associé à la collectivité genevoise.
b) La jurisprudence admet que l'intérêt public à l'obligation de résidence d'un fonctionnaire n'existe pas uniquement lorsque la nature du service l'exige (ATF 103 Ia 457) et qu'il y a lieu de tenir compte de la conception qui prévaut généralement en Suisse au sujet du fonctionnaire proche du citoyen; il faut ainsi s'efforcer de créer certains liens entre le fonctionnaire et la population, liens qui sont mieux garantis lorsque l'intéressé habite au sein de la collectivité de l'employeur de droit public (ATF 106 Ia 31). En exerçant son activité officielle, le fonctionnaire ne doit donc pas apparaître comme le "seigneur étranger" qui n'est pas familiarisé avec la façon de penser de la population et qui se soustrait aux responsabilités politiques (ATF 108 Ia 250 consid. 3a).
Ces principes posés par la jurisprudence demeurent toujours valables et s'appliquent dans le cas du canton de Genève pour reconnaître que l'Etat possède, d'une manière générale, un intérêt public à ce que ses fonctionnaires soient effectivement domiciliés sur son territoire. Toutefois, en l'espèce, l'intérêt public à ce que le recourant habite le canton de Genève n'apparaît pas aussi important que le prétend le Conseil d'Etat.
c) La situation du recourant ne peut tout d'abord être comparée à celle d'un maître secondaire, au sujet duquel le Tribunal fédéral a estimé qu'il existait un intérêt public évident à ce qu'il se familiarise avec la manière de voir de la population et s'efforce de participer à la vie politique de la communauté dès lors que, par son activité pédagogique, il influence de façon importante la compréhension de ses élèves (ATF 108 Ia 251). Ces considérations ne peuvent être reprises pour un enseignant qui s'adresse à des étudiants provenant de milieux culturels les plus divers et dont l'activité sera essentiellement consacrée à la recherche.
La comparaison avec la situation du professeur de la Haute école commerciale de Saint-Gall (ATF 106 Ia 28 ss) ne résiste pas non plus à l'examen. Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a mis l'accent sur le fait que le canton de Saint-Gall offrait une grande liberté dans le choix de la résidence du professeur, ce qui n'est précisément pas le cas du canton de Genève, où l'on ne saurait nier que la situation du marché du logement est tendue. De plus, le professeur de Saint-Gall n'avait pas l'intention, comme le recourant, d'habiter dans un lieu situé à la périphérie du canton, proche de la Haute école, mais à Uitikon (Zurich).
Enfin, le Conseil d'Etat ne saurait tirer parti de l'argumentation développée dans l'affaire du fonctionnaire de la ville de Zurich, où le Tribunal fédéral a notamment relevé qu'il fallait tenir compte des avantages et des inconvénients avant d'accepter une fonction publique (ATF 103 Ia 459 consid. 6a). Le problème se pose en effet différemment pour le recourant, dans la mesure où l'Université de Genève tenait beaucoup à ce qu'il occupe le poste de professeur vacant à la Faculté des sciences. Cela ressort particulièrement de la lettre du Doyen du 3 octobre 1984, dans laquelle celui-ci déclarait: "Pour une fois que notre Faculté a l'occasion de faire appel à un jeune savant suisse, de réputation internationale, il serait tout de même stupide que cette nomination soit remise en cause pour des questions administratives." Le Rectorat a donc préavisé favorablement la demande de dérogation, en relevant qu'une domiciliation à Borex s/Nyon se situe à une distance raisonnable et ne créera pas de contraintes telles que le requérant puisse être gêné dans l'accomplissement de ses fonctions à l'Université.
En ce qui concerne l'intérêt public, il importe encore de souligner que, selon la liste des professeurs ordinaires figurant dans le programme des cours de l'Université de Genève pour l'année académique 1985-1986, trente-neuf professeurs ordinaires sont domiciliés hors du canton, la plupart dans la région vaudoise de La Côte ou en France voisine. Une telle situation ne peut pas s'expliquer uniquement par le fait que le Conseil d'Etat n'avait plus exigé, de 1964 à 1976, que les membres du corps enseignant se soumettent à l'obligation de domicile et de résidence. Elle doit aussi être considérée comme une particularité du canton de Genève qui offre un nombre de places de travail très élevés par rapport aux possibilités d'accueil sur son territoire. Au vu du nombre de professeurs ordinaires habitant au-delà des frontières cantonales, il paraît à tout le moins difficile de prétendre, comme dans l'arrêt Nievergelt (ATF 106 Ia 32 consid. 2b), que l'intérêt d'un professeur pour l'administration de l'Université est moins grand lorsque le centre de ses intérêts vitaux se trouve ailleurs.
d) Le Conseil d'Etat se réfère aussi au texte de l'art. 121 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 qui, à son avis, aurait permis, à lui seul, de refuser la dérogation sollicitée par le recourant. Cette interprétation ne peut être suivie dans la mesure où le principe de la proportionnalité commande que le droit cantonal autorise des exceptions à l'obligation générale de résidence
BGE 111 Ia 214 S. 219
(ATF 106 Ia 32 consid. 2c). Il appartient donc à l'autorité cantonale d'examiner non seulement si la loi permet d'accorder la dérogation, mais encore si, au vu du cas particulier qui lui est soumis, elle peut ou non s'écarter de la règle générale. Dans ces conditions, il n'est pas admissible que le Conseil d'Etat justifie son refus d'accorder une dérogation au professeur Schibler simplement par le fait qu'il a décidé de changer de pratique en adoptant un point de vue restrictif, plus conforme à la loi.En l'espèce, le recourant n'aurait, selon toute vraisemblance, pas pu trouver dans le canton de Genève une maison pour loger sa famille aux conditions qu'il a obtenues à Borex. Son intérêt privé à pouvoir conserver son domicile dans le canton de Vaud l'emporte donc manifestement sur l'intérêt public à l'obligation de résidence qui, comme on l'a vu, est très restreint dans le cas d'un professeur à l'Université domicilié à 25 km seulement de son lieu de travail. Il en résulte que la décision attaquée viole le principe de la proportionnalité, dans la mesure où elle impose au recourant l'obligation prévue par l'art. 121 de la loi genevoise sur l'instruction publique sans avoir examiné si, au vu du cas particulier, la pesée des intérêts en présence justifiait une exception à la règle générale.