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Urteilskopf

131 III 268


36. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. (recours en réforme)
4C.367/2004 du 22 mars 2005

Regeste

Durch Unterschrift bekräftigte Schuldanerkennung; Qualifikation des Grundvertrags.
Verteidigungsmittel des Schuldners, der die anerkannte Schuld bestreitet (E. 3).
Essentialia des Darlehensvertrags (E. 4).
Abgrenzung des Mäklervertrages vom eigentlichen Auftrag (E. 5.1).
Ersatz für Aufwendungen des Mäklers (E. 5.2).
Umwandlung eines Rechtsmittels (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 269

BGE 131 III 268 S. 269

A.

A.a Pendant de nombreuses années, l'armateur Y. (le demandeur) a dirigé la compagnie maritime A. Cette société a rencontré, dès 1994, d'importantes difficultés financières, qui ont abouti à sa mise en faillite, prononcée en mai 1996. Les vaisseaux dont A. était propriétaire ont été acquis aux enchères principalement par des créanciers gagistes, au nombre desquels figurait la société américaine B. Inc. (ci-après: B.).
Décidé à reconstituer une flotte de vaisseaux, Y. s'est mis à la recherche de capitaux pour racheter notamment à B. d'anciens navires de A.
C'est ainsi que le demandeur est entré en relation avec X. (le défendeur), spécialiste en matière de crédit maritime, lequel en juin 1996 dirigeait C. SA (ci-après: C.), société de courtage financier dont il était l'actionnaire principal et le propriétaire économique. Comme X. entretenait des relations privilégiées avec les dirigeants de B. et qu'il pouvait donc servir d'intermédiaire en vue du rachat des anciens navires de A. détenus par cette société, les parties sont convenues que le prénommé s'efforcerait de trouver un financement pour le rachat des bateaux et qu'il prendrait contact avec B. L'opération devait permettre la création d'une nouvelle compagnie propriétaire des vaisseaux.
X., conscient que le rachat des navires en question était une excellente affaire, a commencé en janvier 1996 à effectuer des démarches auprès de B., sous son nom ou par l'entremise de la société C. Il a notamment tenté d'obtenir de B. qu'elle octroie un prêt de 15 millions de dollars à Y. pour l'achat de cinq bateaux de l'ex-A.
Dans le même temps, X. a également approché la Banque D. en vue de rechercher un financement.
En avril 1996, à la demande de B., quatre navires de la flotte précitée ont été inspectés.
Dans une offre présentée à B. le 8 juillet 1996 concernant le rachat de onze navires de l'ex-A., X. a inclus, en faveur de C., une commission de 280'000 US$, représentant le 1 % du prix de vente fixé.
BGE 131 III 268 S. 270
En juillet 1996, B. a adressé à C., à l'intention de X., deux projets de financement portant sur le rachat de navires de l'ex-A.
Le 18 juillet 1996, X. s'est encore enquis auprès de E. du prix que consentirait cette société pour la vente en bloc des navires de l'ex-A. qu'elle détenait.
Le 6 août 1996, X. a établi une facture de 300'000 US$ à l'intention de l'armateur Y.; il y était fait mention en particulier du "travail effectué pour le compte de Monsieur Y. sur les dossiers Banque D./B. et E.". Il n'a pas été établi que Y. ait reçu cette facture.

A.b Le 7 août 1996, l'armateur Y. a signé la reconnaissance de dette suivante (traduction de l'anglais):
"Moi, Y., résident en Suisse (...) reconnaît devoir payer à X., citoyen suisse, le montant de US$ 300'000.- (trois cent mille US$). Ce montant m'a été prêté à titre personnel et je m'engage à le rembourser au plus tard le 31 décembre 1997. Au cas où le prêteur aurait la preuve que je touche des revenus avant cette date, je m'engage à rembourser cette somme immédiatement."
Il a été retenu qu'en fin de compte le projet de rachat des navires auprès de B. a échoué, aucun financement n'ayant pu être trouvé.

A.c Après le 7 août 1996, X. a traité des affaires impliquant la société F. Limited, dont il avait pris le contrôle, cela dans le contexte de relations nouées avec une compagnie d'armement. Il n'a pas été prouvé que Y. ait confié ces dossiers à X.

B.

B.a Invoquant la reconnaissance de dette de 300'000 US$ signée le 7 août 1996 par Y., X. lui a fait notifier le 23 mai 1997 un commandement de payer la somme de 441'000 fr. en capital, auquel le poursuivi a fait opposition.
Dans le cadre de la procédure de mainlevée de l'opposition, le conseil de X. a écrit le 15 avril 1998 au Président du Tribunal de district notamment ce qui suit:
"Par cette reconnaissance de dette, on a fait comme si Monsieur Y. avait effectivement remboursé à hauteur de US$ 300'000.- les avantages ... reçus et immédiatement emprunté cette somme afin de continuer sa propre 'relance' économique. Ce système permettait au moins de savoir où on en était."
Par arrêt du 29 octobre 1998, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a accordé au poursuivant la mainlevée provisoire de l'opposition.
BGE 131 III 268 S. 271

B.b Le 18 novembre 1998, Y. a ouvert action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) devant la Cour civile dudit Tribunal cantonal et conclu à ce qu'il n'est pas le débiteur de X. du montant de 441'000 fr. (équivalent de 300'000 US$) avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 1998, l'opposition formée à la poursuite qui lui a été notifiée étant définitivement maintenue.
Le défendeur a conclu au rejet des conclusions libératoires du demandeur, en ce sens que celui-ci reste débiteur de la somme de 441'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 1998, la mainlevée définitive de l'opposition étant prononcée. Reconventionnellement, le défendeur a requis du demandeur le paiement de 225'000 fr.

B.c En cours d'instance, une expertise technique a été confiée à W., spécialiste en commerce maritime. Il résulte de son rapport déposé le 20 septembre 2000 que l'activité de financement et de conseil maritime se pratique couramment dans le monde et qu'il est d'usage qu'elle soit rémunérée.
Le juge instructeur a chargé d'une seconde expertise U., expert-comptable et fiscal, qui a déposé son rapport principal le 30 août 2002 et son rapport complémentaire le 21 mars 2003. Cet expert s'est adjoint les services d'un spécialiste du domaine maritime, le capitaine V., qui a rendu ses conclusions le 6 août 2002. Il résulte de leurs constatations que dans le domaine maritime, lorsqu'un financement doit être recherché pour acheter ou vendre des navires, le principe "no-cure-no-pay" est applicable, ce qui signifie qu'une rémunération n'est due que si l'affaire a abouti.

B.d Par jugement du 23 décembre 2003, la Cour civile a admis l'action en libération de dette ouverte par le demandeur contre le défendeur et rejeté les conclusions reconventionnelles de ce dernier, dit que le demandeur n'est pas le débiteur de son adverse partie du montant de 441'000 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 1998 et maintenu définitivement l'opposition formée par le demandeur à la poursuite qui lui a été notifiée.

C.

C.a X. exerce un recours en réforme contre le jugement précité. Il requiert que l'action en libération de dette du demandeur soit rejetée et que soient admises les conclusions reconventionnelles qu'il a formées dans sa réponse.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il est recevable.
BGE 131 III 268 S. 272

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Avant d'examiner les griefs formés par le recourant, il convient préalablement de circonscrire la querelle.

3.1 Il résulte des faits de procédure constatés dans le jugement déféré que le défendeur, dans la poursuite en paiement de la somme de 441'000 fr. qu'il a notifiée au demandeur le 23 mai 1997, s'est fondé, comme titre de mainlevée, sur la reconnaissance de dette sous seing privé signée par ce dernier le 7 août 1996. Le prononcé de mainlevée provisoire résulte de l'arrêt rendu le 29 octobre 1998 par la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois. L'intimé a ouvert action en libération de dette par la demande déposée le 18 novembre 1998, soit dans le délai de vingt jours prescrit par l'art. 83 al. 2 LP.
L'action en libération de dette prévue par cette norme est une action négatoire de droit matériel, qui tend à la constatation de l'inexistence ou de l'inexigibilité de la créance invoquée par le poursuivant (ATF 130 III 285 consid. 5.3.1 et les arrêts cités). L'action en libération de dette se caractérise par la transposition du rôle des parties. Autrement dit, le créancier est défendeur au lieu d'être demandeur. La répartition du fardeau de la preuve est en revanche inchangée. Il incombe donc au défendeur (i.e. le poursuivant) d'établir que la créance litigieuse a pris naissance, par exemple en produisant une reconnaissance de dette. Il est loisible au défendeur de former une demande reconventionnelle, à condition qu'elle soit connexe aux conclusions principales (ATF 124 III 207 consid. 3b/bb; 58 I 165 consid. 3). Quant au demandeur (i.e. le poursuivi), il devra établir la non-existence ou le défaut d'exigibilité de la dette constatée par le titre (cf. ATF 130 III 285 ibidem; CARL JAEGER/HANS ULRICH WALDER/THOMAS M. KULL/MARTIN KOTTMANN, Bundesgesetz über Schulbetreibung und Konkurs, 4e éd., n. 13 ad art. 83 LP).

3.2 Il n'est à bon droit pas contesté que l'engagement écrit pris par le demandeur le 7 août 1996 en faveur du défendeur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 17 CO, laquelle indique la cause de la dette, soit un contrat de prêt en vertu duquel le premier a emprunté au second le montant de 300'000 US$. Comme cette reconnaissance de dette constate une volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, elle a valu titre de mainlevée provisoire tel que l'entend l'art. 82 LP (ATF 122 III 125 consid. 2 et les références).
BGE 131 III 268 S. 273
L'art. 17 CO n'a pas d'incidence sur l'existence matérielle de l'obligation du débiteur. L'effet d'une reconnaissance de dette est celui de renverser le fardeau de la preuve. Le créancier n'a pas à prouver la cause de sa créance, ni la réalisation d'autres conditions que celles qui sont indiquées dans l'acte. Il appartient au débiteur qui conteste la dette d'établir quelle est la cause de l'obligation et de démontrer que cette cause n'est pas valable, par exemple parce que le rapport juridique à la base de la reconnaissance est inexistant, nul (art. 19 et 20 CO) invalidé ou simulé (art. 18 al. 1 CO; ATF 96 II 383 consid. 3a). Le débiteur peut de manière générale se prévaloir de toutes les objections et exceptions (exécution, remise de dette, exception de l'inexécution, prescription, etc.) qui sont dirigées contre la dette reconnue (ATF 127 III 559 consid. 4a; ATF 105 II 183 consid. 4a; parmi la doctrine moderne cf. INGEBORG Schwenzer, Commentaire bâlois, n. 8 ad art. 17 CO; SILVIA TEVINI DU PASQUIER, Commentaire romand, n. 7 ad art. 17 CO; PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 157).
L'affaire qui est soumise au Tribunal fédéral a trait à la cause de l'obligation sur laquelle repose la reconnaissance de dette du 7 août 1996.

4.

4.1 A l'appui de son premier moyen, le recourant se plaint d'une violation des art. 17 et 312 CO. Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir retenu que la reconnaissance de dette litigieuse se réfère à un contrat de prêt inexistant. Il soutient que la Cour civile n'a pas saisi que le prêt ne nécessite qu'un transfert de la propriété des fonds, et non pas le transfert de la somme d'argent. Soulignant la coïncidence de dates et des montants qui figurent sur la facture dressée par le défendeur le 6 août 1996 et sur la reconnaissance de dette, le recourant concède que des juristes avertis, au lieu de mentionner un prêt, auraient sans doute parlé "du coût des services à ce jour (du recourant) en faveur de (l'intimé)". Puis il explique que les plaideurs ont mis en place un mécanisme, qui voyait le demandeur régler la facture de 300'000 US$ au défendeur, lequel, simultanément, prêtait cette somme au premier, à telle enseigne que, par un changement de statut, l'argent correspondant à une facture due et exigible devenait de l'argent prêté. Le recourant insiste enfin sur le décalage qu'il y aurait, à propos du vocable "prêt", entre le langage courant et le langage juridique.
BGE 131 III 268 S. 274

4.2 Le prêt de consommation, réglé par les art. 312 ss CO, exige qu'une des parties contractantes se soit engagée à transférer la propriété d'une chose fongible (le plus souvent de l'argent) à l'autre partie pour une certaine durée, à charge pour celle-ci de la restituer (PETER HIGI, Commentaire zurichois, n. 20-22 ad art. 312 CO; HEINZ SCHÄRER/BENEDIKT MAURENBRECHER, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 312 CO; CHRISTIAN BOVET, Commentaire romand, n. 2-4 ad art. 312 CO).
En l'espèce, il ne résulte aucunement des faits déterminants (art. 63 al. 2 OJ) que le défendeur a transféré au demandeur la somme susmentionnée et qu'il s'est obligé à ne pas en demander le remboursement avant la fin du contrat. On ne trouve même pas un indice pour appuyer la thèse du recourant.
Au contraire, le défendeur, dans le mémoire de droit qu'il a déposé en instance cantonale (cf. art. 317a CPC/VD), a reconnu que la somme dont il réclame le paiement à sa partie adverse n'a pas pour origine un contrat de prêt, mais un contrat de courtage ou de mandat.
Sur la base de ces circonstances, l'autorité cantonale pouvait juger que le demandeur a établi que le texte de la reconnaissance de dette ne reflétait pas l'accord intervenu, étant donné que le rapport d'obligations qui y était mentionné avait été simulé (art. 18 al. 1 CO), de sorte qu'il était sans effet entre les parties.
Et il n'y a aucun décalage entre le langage juridique et le langage courant au sujet du verbe "prêter". De fait, depuis le Moyen âge, cet infinitif a la signification de fournir une chose à la condition qu'elle (ou une chose équivalente) soit rendue (cf. Grand Robert de la langue française ad "prêter", ch. 2). Or, la définition du prêt de consommation consacrée par l'art. 312 CO ne dit pas autre chose.
La critique est dénuée de tout fondement.

5. Dans son second moyen, qui se scinde en plusieurs branches, le recourant invoque la violation des art. 394 al. 3 et 412 ss CO.

5.1

5.1.1 A suivre le recourant, la Cour civile aurait qualifié faussement le contrat à la base de la reconnaissance de dette, à savoir l'acte dissimulé, de courtage au sens des art. 412 ss CO, et non de mandat proprement dit, dans lequel une rémunération - qualifiée
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au demeurant de non abusive par l'expert W. - a été convenue pour les services procurés par le défendeur au demandeur. De toute façon, le recourant affirme que, sur certains points au moins, les tractations qu'il a menées ont abouti: la Banque D. aurait accordé un financement de principe de 7 millions US$; B. aurait adressé à C. le 2 juillet 1996 un nouveau projet de financement relatif à 13 vaisseaux de l'ex-A. et fait parvenir au défendeur le 15 juillet 1996 une proposition afférente à un prêt de 28 millions US$.

5.1.2 Le courtage est un contrat par lequel le courtier est chargé, moyennant un salaire, soit d'indiquer à l'autre partie l'occasion de conclure une convention (courtage d'indication) soit de lui servir d'intermédiaire pour la négociation d'un contrat (courtage de négociation) (art. 412 al. 1 CO). Selon l'art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l'indication qu'il a donnée ou la négociation qu'il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. La passation du contrat de courtage n'est soumise à aucune exigence de forme (cf. not. CATERINA AMMANN, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 412 CO; FRANÇOIS RAYROUX, op. cit., n. 16 ad art. 412 CO); partant, elle peut résulter d'actes concluants (arrêt 4C.54/2001 du 9 avril 2002, consid. 2a, SJ 2002 I p. 557).
Le courtage doit présenter les deux éléments essentiels suivants: il doit être conclu à titre onéreux et les services procurés par le courtier, qu'il soit indicateur ou négociateur, doivent tendre à la conclusion d'un contrat, quelle qu'en soit la nature (ATF 124 III 481 consid. 3a p. 482/483 et les références doctrinales). Le courtier est en principe appelé à développer une activité factuelle, consistant à trouver un amateur qui se portera contractant du mandant et/ou à négocier l'affaire pour le compte de celui-ci (RAYROUX, op. cit., n. 13 ad art. 412 CO; PIERRE TERCIER, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 5046 p. 730/731). Pour prétendre à un salaire, le courtier doit prouver, d'une part, qu'il a agi et, d'autre part, que son intervention a été couronnée de succès (art. 413 al. 1 CO; ATF 124 III 481 ibidem; JOSEF HOFSTETTER, Le mandat et la gestion d'affaires, Traité de droit privé suisse, vol. VII, tome II, 1, p. 160; TERCIER, op. cit., n. 5064 p. 733). L'art. 413 al. 1 CO est de droit dispositif; les parties peuvent notamment convenir d'une garantie de provision assurant au mandataire des honoraires, même si l'affaire n'a pas abouti (arrêt 4C.278/2004 du 29 décembre 2004 consid. 2.3; TERCIER, op. cit., n. 5074 p. 735).
BGE 131 III 268 S. 276
Le contrat qui ne subordonne pas la rémunération du courtier au succès de son intervention, mais la fixe, par exemple, selon le temps qu'il a consacré à l'affaire et les efforts qu'il a déployés, de sorte que des honoraires sont dus même si le résultat recherché n'a pas été atteint, ne saurait être qualifié de contrat de courtage, mais bien de mandat ordinaire (WALTER FELLMANN, Commentaire bernois, n. 337 ad art. 394 CO; RAYROUX, op. cit., n. 1 et n. 10 ad art. 412 CO).
Le mandat proprement dit se distingue du courtage en ce sens que le courtier est beaucoup plus libre dans son activité que ne l'est le mandataire, qui est soumis aux instructions de son mandant et qui ne peut s'en écarter qu'aux conditions strictes de l'art. 397 al. 1 CO (ATF 84 II 521 consid. 2d; CHRISTIAN MARQUIS, Le contrat de courtage immobilier et le salaire du courtier, thèse Lausanne 1993, p. 56).

5.1.3 La cour cantonale n'a pas constaté chez les plaideurs, qui n'ont passé aucun contrat écrit, de volonté commune. Afin de déterminer si le demandeur a confié par actes concluants une mission de courtage au défendeur, il sied d'interpréter leurs déclarations et leurs comportements selon le principe de la confiance.
La théorie de la confiance commande de rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2; ATF 129 III 118 consid. 2.5, ATF 129 III 702 consid. 2.4 p. 707). L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 130 III 417 consid. 3.2; ATF 129 III 118 consid. 2.5, ATF 129 III 702 consid. 2.4 p. 707). Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent en revanche du fait (ATF 130 III 417 consid. 3.2; ATF 129 III 118 consid. 2.5; ATF 128 III 419 consid. 2.2).
En l'occurrence, le demandeur dirigeait la compagnie maritime A., laquelle a été mise en faillite en mai 1996. Les navires de la société ont alors été acquis aux enchères principalement par les créanciers gagistes, tels que la société américaine B. L'intimé a tenté de reconstituer une flotte en rachetant les anciens navires de A. en particulier à la société B. Comme le défendeur entretenait des relations privilégiées avec les dirigeants de B., le demandeur est tout
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naturellement entré en relation avec celui-là afin qu'il serve d'intermédiaire - le cas échéant par l'entremise de la société de courtage financier dont il avait le contrôle (i.e. C.) - dans l'opération devant mener au rachat des vaisseaux et qu'il trouve un financement pour concrétiser l'affaire.
Les parties n'ont pas d'emblée abordé la question de la rémunération du défendeur, qui savait que le rachat des bateaux constituait une affaire très profitable. Le 8 juillet 1996, le recourant a toutefois inclus en faveur de C., dans une offre présentée à B., une commission de 280'000 US$ correspondant à 1 % du prix de vente pris en compte. L'intimé, en reconnaissant devoir 300'000 US$ au recourant dans l'acte litigieux du 7 août 1996, a clairement manifesté la volonté de rémunérer ce dernier pour les services liés au rachat des navires.
Il suit de là que le demandeur a adopté une attitude dont on doit inférer, d'après le principe de la confiance, qu'il confiait, contre rémunération, une mission de courtage au défendeur, lequel avait la charge de négocier le rachat des navires détenus en particulier par B. Le recourant ne s'est pas engagé, comme un mandataire, à accomplir certains actes déterminés d'avance, mais à exercer une activité devant mener à un but précis: négocier avec B. en qualité d'intermédiaire le rachat des navires par l'intimé.
Le défendeur n'a reçu aucune instruction du demandeur. Il était libre d'organiser son activité comme il l'entendait et d'user des moyens qui lui paraissaient appropriés pour atteindre le résultat escompté. Cela plaide en faveur du contrat de courtage.
Enfin, comme on l'a vu, l'intimé s'est engagé à verser une indemnité unique pour la négociation de la vente des vaisseaux. Un tel système de rémunération n'est guère compatible avec la passation d'un contrat de mandat (cf. ATF 124 III 481 consid. 3b in fine).
C'est donc sans violer le droit fédéral que l'autorité cantonale a admis que les parties avaient conclu un contrat de courtage de négociation au sens de l'art. 412 al. 1 CO.

5.1.4 L'art. 413 al. 1 CO prévoit que le courtier a droit à son salaire dès que la négociation qu'il a conduite aboutit à la conclusion du contrat.
Il résulte de l'état de fait du jugement déféré que le projet de rachat des navires auprès de B. a totalement échoué, car aucun financement n'a pu être trouvé.
BGE 131 III 268 S. 278
Le recourant est inapte à prétendre le contraire. Les opérations dont il fait état à l'appui de son moyen ne sont que des initiatives et/ou projets qui sont restés sans lendemain.
Il est exclu d'inférer des circonstances que le courtier avait droit à sa rémunération, indépendamment du succès du rachat des navires.
Pourtant, rien n'aurait empêché les parties de prévoir expressément une garantie de provision (ATF 100 II 361 consid. 3d).
En conséquence, du moment que les plaideurs n'ont pas dérogé à l'art. 413 al. 1 CO, l'échec définitif des négociations menées avec B. prive le courtier de son droit au salaire.

5.2

5.2.1 Le recourant soutient qu'il a droit au remboursement des frais qu'il a exposés pour les inspections des bateaux, estimés par expertise à 38'000 fr.

5.2.2 L'art. 413 al. 3 CO subordonne le droit du courtier d'exiger le remboursement de ses dépenses, si l'affaire n'aboutit pas, à la conclusion d'un accord entre les parties (AMMANN, op. cit., n. 15 ad art. 413 CO; RAYROUX, op. cit., n. 2 ad art. 413 CO).
Les juges cantonaux n'ont pas constaté que le demandeur ait manifesté une quelconque volonté juridique expresse d'assumer les frais que le défendeur a engagés pour inspecter les navires. Partant, un rapport d'obligations n'aurait pu naître entre parties que si l'intimé avait eu un comportement dont le recourant aurait pu déduire, de bonne foi, l'existence d'une volonté juridique déclarée de s'engager à prendre en charge lesdits frais. Il s'agit certes là d'une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement. Mais, selon la jurisprudence, il appartient toutefois à celui qui se prévaut d'un lien contractuel d'établir les circonstances qui l'amènent à conclure, au regard du principe de la confiance, à la volonté juridique de l'autre partie (art. 8 CC; ATF 116 II 695 consid. 2b/bb p. 698).
Au sujet desdits frais, les experts U. et V., à l'opinion desquels l'autorité cantonale s'est ralliée, ont constaté qu'il n'avait pas été prouvé que le demandeur ait chargé le défendeur de procéder aux inspections des bateaux pour son compte.
Cette constatation clôt le débat.
Le moyen n'a aucun fondement.
BGE 131 III 268 S. 279

5.3 Le recourant s'en prend enfin au rejet de sa reconvention. Il prétend qu'il s'est bel et bien vu confier par le demandeur de nouvelles opérations après le 7 août 1996.
La cour cantonale a retenu souverainement que, postérieurement au 7 août 1996, il n'a pas été possible d'établir que l'intimé ait chargé le recourant d'exécuter d'autres missions. Il s'agit d'une constatation de fait, qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme. Les prétentions que le défendeur élève à ce titre n'ont ainsi aucun fondement juridique.
Le moyen est sans consistance.

6. A la fin de son mémoire, le recourant requiert, à titre subsidiaire, que son recours en réforme, s'il devait être rejeté, soit converti en un recours de droit public. Il reprend la motivation présentée à l'appui de son recours en réforme, tout en invoquant la prohibition de l'arbitraire.
La jurisprudence admet qu'un recours en réforme irrecevable puisse être traité comme un recours de droit public s'il en remplit les conditions (cf. ATF 120 II 270 consid. 2). Mais la conversion, qui ne peut concerner que le moyen de droit dans son ensemble, ne saurait conduire à ce que celui-ci soit traité dans deux procédures distinctes (GEORG MESSMER/HERMANN IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 30 no 24).
Or c'est précisément le résultat qui se produirait si la conversion requise était accordée. En effet, le recours en réforme n'a pas été déclaré irrecevable dans son ensemble. Le Tribunal fédéral est entré en matière sur les griefs invoqués, qu'il a rejetés, non sans juger qu'une partie de l'argumentation présentée à leur appui était irrecevable.
Dans un tel contexte, la conversion du recours en réforme en un recours de droit public est exclue (cf. arrêt 4C.262/2003 du 4 novembre 2003, consid. 4).

7. En définitive, il appert que le contrat à la base de la reconnaissance de dette litigieuse, que les parties ont dissimulé, était un contrat de courtage de négociation. Le courtier ayant échoué dans sa mission, il n'a pas droit à son salaire.
L'intimé a ainsi établi à satisfaction de droit que la cause véritable de sa promesse de payer n'était pas valable.
BGE 131 III 268 S. 280
Il suit de là que c'est en parfait accord avec le droit fédéral que la Cour civile a admis l'action en libération de dette ouverte par le demandeur, rejeté la reconvention et prononcé que celui-ci n'est pas le débiteur du défendeur de la somme de 441'000 fr. en capital, l'opposition à la poursuite étant définitivement maintenue.

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