96 I 204
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Urteilskopf
96 I 204
37. Extrait de l'arrêt du 8 juillet 1970 dans la cause X. contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg.
Regeste
Bei der Verstaatlichung des Kaminfegergewerbes im Kanton Freiburg handelt es sich um ein zulässiges Polizeimonopol (Erw. 1 und 2).
Voraussetzungen des Patententzugs (Erw. 3).
A.- La loi fribourgeoise du 12 novembre 1964 sur la police du feu et la protection contre les éléments naturels (LPF) traite,
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en son chapitre IV (art. 27-32), du ramonage. L'art. 27 prescrit le ramonage périodique des foyers, cheminées et autres installations semblables. L'art. 28 est ainsi conçu:"Patente de ramoneur Seuls les ramoneurs patentés peuvent accomplir des travaux de ramonage dans le canton, ou les faire accomplir, sous leur responsabilité, par des ouvriers titulaires du certificat de capacité professionnelle.
Pour obtenir une patente de ramoneur, le requérant doit:
a) avoir l'exercice des droits civils;
b) être titulaire du diplôme de maîtrise fédérale;
c) justifier de sa moralité en produisant un extrait du casier judiciaire et un certificat de bonnes moeurs délivré par la commune de domicile;
d) avoir fait preuve de la connaissance des lois et règlements cantonaux en matière de construction et de police du feu.
La patente est délivrée par le Conseil d'Etat."
L'art. 29 précise que le territoire du canton est réparti pour le service de ramonage, en cantonnements dont le nombre et l'étendue sont fixés par l'Etablissement cantonal d'assurance des bâtiments, les ramoneurs patentés étant cantonnés par ce dernier sur préavis du préfet.
L'art. 30 concerne les devoirs du ramoneur et dispose notamment qu'"en cas de faute ou de négligence grave dans l'accomplissement de ses obligations professionnelles et administratives, le ramoneur peut être privé de son cantonnement par l'Etablissement et de sa patente par le Conseil d'Etat, sans préjudice des sanctions pénales prévues à l'art. 50 et de la responsabilité civile qu'il peut encourir".
Enfin, l'art. 32 dispose que le Conseil d'Etat fixe le tarif de ramonage.
B.- L'Etablissement cantonal d'assurance des bâtiments invita, par lettre du 27 septembre 1968, les maîtres-ramoneurs du canton à produire les documents prévus à l'art. 28 LPF, en vue d'un contrôle général. X., porteur d'une patente de maître-ramoneur depuis 1961 et titulaire d'un cantonnement, fournit, après nouvelle sommation, les documents requis. L'extrait de son casier judiciaire indiquait les condamnations suivantes:
1951: Tribunal de police de Vevey, abus de confiance, 10 jours d'emprisonnement, sursis deux ans.
1951: Préfet d'Oron, infractions à la LA, 150 fr. d'amende.
1952: Tribunal correctionnel de Lausanne, vols, escroqueries, abus de confiance et obtention frauduleuse d'une prestation, 6 mois d'emprisonnement.
1963: Président du Tribunal de la Sarine, conducteur pris de boisson, 200 fr. d'amende.
1967: Tribunal de police de Morges, ivresse au volant, 15 jours d'emprisonnement.
1968: Tribunal correctionnel de la Sarine, ivresse au volant, vitesse excessive et perte de maîtrise, 3 semaines d'emprisonnement, 600 fr. d'amende, publication de la condamnation dans la feuille officielle cantonale.
Par lettre du 2 avril 1969, l'Etablissement cantonal d'assurance fit savoir à X. que, vu les condamnations prononcées contre lui, il ne répondait plus aux conditions requises pour le maintien de la patente de maître-ramoneur et l'invita à remettre sa démission dans les dix jours, faute de quoi le retrait de sa patente devrait être envisagé. X. demanda à l'office de reconsidérer sa décision, mais sa requête fut écartée. Par arrêté du 12 septembre 1969, devant entrer en vigueur le 30 du même mois, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg, sur proposition du conseil d'administration de l'Etablissement cantonal d'assurance, retira à X. sa patente de ramoneur et son cantonnement de ramonage. Cette décision est motivée comme il suit.
X. ne remplit plus les conditions d'octroi de la patente de maître-ramoneur, telles qu'elles sont posées par l'art. 28 LPF. En effet, titulaire de plusieurs condamnations dont deux récentes ayant entraîné des peines privatives de liberté, il n'est plus en mesure de justifier de sa moralité, selon la lettre c de la disposition précitée. De plus, il s'est rendu coupable de négligences graves dans l'accomplissement de ses obligations professionnelles par l'abandon momentané de son cantonnement pendant plusieurs jours durant lesquels il a mis tout son personnel en congé.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, X. requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat du 12 septembre 1969. Il soutient que le motif pris des condamnations pénales qu'il a subies constitue une violation de l'art. 31 Cst., que la sanction prononcée est hors de proportion avec la faute commise et qu'un retrait de la patente aurait pour lui des conséquences désastreuses. Il prétend en outre que la constatation selon laquelle il aurait abandonné son cantonnement durant quelques jours est arbitraire et viole l'art. 4 C st.
D.- Au nom du Conseil d'Etat, le Procureur général de l'Etat de Fribourg propose le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Considérant en droit:
1. L'exercice du métier de ramoneur peut en principe constituer une activité lucrative libre, placée sous la protection de l'art. 31 Cst., soumise au régime de la libre concurrence et restreinte seulement par les mesures de police nécessaires pour la protection de la sécurité, la tranquillité, la moralité et la santé publiques ou de la bonne foi dans les affaires.
Les cantons peuvent toutefois ériger une branche de l'activité économique en un service public. La création d'un tel service est compatible avec le principe constitutionnel de la liberté du commerce et de l'industrie à certaines conditions. Elle doit servir l'intérêt public, sans pouvoir viser des fins purement fiscales. Elle doit aussi respecter le principe de la proportionnalité et ne se justifie que si elle est nécessaire pour atteindre le but visé (RO 91 I 186 in fine et les auteurs cités; en outre AUBERT, Droit constitutionnel suisse, no 1949 ss.).
2. En vertu de la loi fribourgeoise sur la police du feu, le territoire du canton est réparti en cantonnements, attribués chacun à un ramoneur patenté (art. 29 LPF). Si la patente doit être délivrée à tout candidat remplissant les conditions légales (art. 28 LPF), seul le maître-ramoneur cantonné peut exercer son activité. Il a alors le devoir d'effectuer dans tout son cantonnement - en dehors duquel il n'a pas d'attribution officielle - les travaux de ramonage et les contrôles prescrits par la loi et les dispositions d'exécution (art. 27 et 30 al. 1 et 2 LPF; art. 434 ss. du règlement du 28 décembre 1965 sur le même objet). Il est de plus tenu de se mettre à la disposition de l'Etablissement cantonal d'assurance des bâtiments et des commissions locales du feu dans certaines circonstances. Il peut être privé de son cantonnement en cas de fautes professionnelles (art. 30 al. 3 LPF). Il résulte de ces dispositions que le maîtreramoneur fribourgeois est principalement un organe chargé de tâches de police du feu et que, sans avoir le statut de fonctionnaire, il remplit une fonction publique (cf. RO 73 I 372). Le fait qu'il est payé par les particuliers dont il ramone les installations - selon un tarif officiel - ne modifie pas le caractère public prépondérant de son activité (cf. RO 59 I 185). Beaucoup de
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fonctionnaires cantonaux et communaux sont eux-mêmes encore rétribués par le produit des taxes qu'ils perçoivent.Le monopole étatique du ramonage a été jugé constitutionnel (RO 38 I 52 ss.; SALIS, II, no 875). En l'espèce, il ne vise pas à des fins fiscales, l'Etat ne percevant pas lui-même de taxes. Il trouve sa justification dans des motifs de police du feu, qui sont d'intérêt public. On peut se demander toutefois s'il respecte, aujourd'hui encore, le principe de la proportionnalité. Certains auteurs le contestent (AUBERT, op.cit., no 1953; SPAHR, Die kantonalen Regalrechte, thèse Zurich 1956, p. 98 et 118; BIETENHOLZ, Gewerbeschutz im Verhältnis zur Handels- und Gewerbefreiheit, thèse Zurich 1945, p. 49 ss.; RENGGLI, dans Festgabe für Edmund Schulthess, Zurich 1938, p. 81). L'étatisation apparaîtrait certes disproportionnée si elle visait seulement à garantir la bonne exécution des travaux de ramonage dans l'intérêt des propriétaires d'installations à feu. Des mesures de police moins graves y suffiraient. Mais le système institué par le législateur fribourgeois vise au premier chef un autre but. Il tend surtout à protéger le public en général contre les incendies résultant du défaut d'entretien des installations. Il comporte à cette fin l'obligation générale de faire ramoner périodiquement ces installations, de même que l'obligation du ramoneur de signaler les dangers qu'elles présentent au propriétaire et à l'autorité (art. 27 et 30 al. 2 LPF; 437 à 442, 444 du règlement d'exécution). Sans doute pourrait-on concevoir un système imposant les mêmes obligations aux propriétaires et aux locataires d'une part, aux ramoneurs d'autre part, tout en laissant au public le choix entre des ramoneurs travaillant dans un régime de libre concurrence. Mais, outre qu'il impliquerait des mesures de contrôle compliquées et coûteuses, ce système ne permettrait vraisemblablement plus d'assurer un ramonage et un contrôle réguliers des installations, à un tarif supportable, sur tout le territoire cantonal. L'efficacité des mesures préventives de police du feu en serait compromise. L'étatisation complète de l'activité du ramoneur n'apparaît donc pas comme un moyen disproportionné pour atteindre le but d'intérêt public que le législateur s'est fixé. Elle ne viole pas l'art. 31 Cst.
Erigée en service public, l'activité du maître-ramoneur fribourgeois ne bénéficie pas de la liberté du commerce et de l'industrie (cf. RO 81 I 260). Le recourant ne peut faire valoir que les droits découlant de l'art. 4 Cst.
3. X. a été condamné à plusieurs reprises par la justice pénale. Certes, les condamnations prononcées pour infractions contre le patrimoine sont anciennes et peuvent avoir perdu en partie leur effet dégradant. Mais le recourant a été jugé encore trois fois pour ivresse au volant en 1963, 1967 et 1968, et frappé les deux dernières fois de peines privatives de liberté. Bien qu'elles ne soient pas de même nature que les précédentes, les nouvelles infractions démontrent que le recourant continue à enfreindre la loi et qu'il manque toujours de fermeté morale. C'est en vain qu'il soutient qu'une condamnation pour ivresse au volant ne porte pas atteinte à la moralité du délinquant. Celui qui conduit un véhicule automobile en étant pris de boisson fait preuve de mépris pour la sécurité, voire pour la vie d'autrui (RO 90 IV 261; cf. RO 95 IV 51). Cette conclusion s'impose plus fortement encore lorsque, comme en l'espèce, le délinquant récidive deux fois et de surcroît viole gravement les règles de la circulation. Cela suffisait pour que le Conseil d'Etat puisse, sans tomber dans l'arbitraire, considérer que X. ne pouvait plus justifier de sa moralité au sens de l'art. 28 lit. c LPF.
On ne saurait dire que l'exigence posée par cette dernière disposition soit excessive, eu égard au but de la loi. Le ramoneur est en contact permanent avec le public; il est autorisé à pénétrer dans les bâtiments et les appartements de son secteur. L'Etat, qui l'investit d'une fonction d'intérêt public, est en droit d'exiger de lui un comportement correct et respectueux de la loi.
Dès lors que les conditions légales d'octroi de la patente n'étaient plus remplies, le Conseil d'Etat pouvait, sans violer l'art. 4 Cst., retirer ladite patente et priver le recourant de son cantonnement, alors même que la loi ne prévoit pas expressément cette sanction.
Au demeurant, X. a commis des négligences dans l'exercice de son activité. Il a abandonné son cantonnement, en février 1968, pendant quelquesjours, en mettant en congé son personnel et sans assurer de permanence. En outre, il a provoqué un début d'incendie dans un bâtiment dont il venait de ramoner les installations. Si elles ne suffisaient pas à motiver la décision attaquée - aussi bien l'autorité s'est-elle contentée de les faire suivre d'un avertissement - ces négligences jettent un jour défavorable sur la conscience professionnelle du recourant.
En définitive, et pour être sévère, la décision attaquée n'apparaît contraire ni à la lettre de la loi, ni à son sens et à son but. Elle ne viole pas l'art. 4 Cst. et le recours doit être rejeté.
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