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Chapeau

108 Ia 188


34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 10 février 1982 dans la cause Ville de Genève contre Genève, Conseil d'Etat, hoirs d'Henri Enach Edelstein et consorts (recours de droit public)

Regeste

Autonomie communale; droit d'être entendu (art. 4 Cst.).
1. Droit d'être entendu d'une commune dans le cadre d'une procédure de contrôle de ses décisions par l'autorité cantonale de surveillance (consid. 2).
2. Les communes genevoises disposent d'une certaine marge d'autonomie dans le cadre de l'art. 3 al. 2 de la loi générale du 4 décembre 1977 sur le logement et la protection des locataires (consid. 3). Le droit de préemption prévu par cette disposition n'est donné que pour réaliser des objectifs de construction de logements et non de conservation de bâtiments. En annulant une décision prise en violation de cette règle, le Conseil d'Etat genevois a agi dans le cadre de ses compétences d'autorité de surveillance et n'a donc pas porté atteinte à l'autonomie communale de la recourante (consid. 4).

Faits à partir de page 189

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Le Dr Henri Enach Edelstein, de dernier domicile à Genève où il est décédé en octobre 1979, était notamment propriétaire de la parcelle No 1346 du registre foncier de la commune de Genève, section des Eaux-Vives. Sur cette parcelle se trouve une villa de maître (la villa Edelstein), dont la construction remonte à la fin du siècle dernier. Le Dr Edelstein, qui ne l'habitait pas lui-même, avait, à la fin de sa vie, aménagé ce bâtiment en centre culturel. Les pièces de réception du rez-de-chaussée étaient affectées entre autres à des expositions artistiques, alors que les deux étages supérieurs servaient au logement de quelques étudiants du Conservatoire de musique.
Située actuellement dans le périmètre de développement de l'agglomération urbaine genevoise, au sens de l'art. 3 al. 2 de la loi générale du 4 décembre 1977 sur le logement et la protection des locataires (ci-après: code du logement), la parcelle No 1346 est incluse dans un plan d'aménagement prévoyant l'édification de grands bâtiments d'habitation collective.
Par acte du 26 mars 1981, les héritiers du Dr Edelstein ont vendu la parcelle No 1346 à des tiers. La vente a été passée à la condition résolutoire que ni l'Etat ni la Ville de Genève n'exercent le droit
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de préemption institué en leur faveur par l'art. 3 du code du logement.
A la suite de la renonciation de l'Etat, le Conseil municipal de la Ville de Genève a, par deux arrêtés du 5 mai 1981, enjoint au Conseil administratif d'exercer le droit de préemption légal sur la parcelle No 1346 et, subsidiairement, de recourir pour son acquisition à la procédure d'expropriation. Il s'agissait en effet pour l'autorité communale, d'une part, de maintenir la villa Edelstein et son affectation actuelle en logements, ateliers, lieu de réunions, salle d'expositions ou de concerts et, d'autre part, de construire sur le solde de la parcelle des immeubles de logements répondant à un besoin prépondérant d'intérêt général. Le Conseil municipal a en outre invité le Conseil administratif à demander au Conseil d'Etat le classement ou la mise à l'inventaire de la villa Edelstein ainsi que la revision du plan d'aménagement en vigueur.
Saisi d'un recours des parties à l'acte de vente du 26 mars 1981, le Conseil d'Etat genevois a annulé, le 15 juillet 1981, les deux délibérations précitées du Conseil municipal de la Ville de Genève. Statuant en sa qualité d'autorité de surveillance, il a notamment rappelé que l'art. 3 al. 2 du code du logement réservait le droit de préemption institué en faveur du canton et des communes aux seules fins de construire des logements répondant à un besoin prépondérant d'intérêt général. Le fait, selon lui, qu'une partie de la villa était destinée au logement d'étudiants ne suffisait pas à faire entrer son maintien dans le cadre assigné au droit de préemption, puisque le nombre de logements envisageables entre la villa et le bâtiment à construire était nettement inférieur à ce que prévoyait le plan d'aménagement en vigueur. La solution communale était ainsi en contradiction flagrante avec l'intérêt général en vue duquel avait été institué le droit de préemption en faveur de l'Etat et des communes.
La Ville de Genève a formé un recours de droit public pour violation de son autonomie et de l'art. 4 Cst., en demandant au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat genevois du 15 juillet 1981.

Considérants

Extrait des considérants:

2. La recourante soutient que l'autorité cantonale de surveillance a violé son droit d'être entendue, d'une part, en ne la consultant pas avant de prendre la décision attaquée et, d'autre part, en ne statuant pas dans une composition plénière.
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La portée du droit d'être entendu est déterminée en premier lieu par le droit cantonal, dont le Tribunal fédéral examine l'application sous l'angle restreint de l'arbitraire. Dans les cas où la protection que ce droit accorde aux administrés apparaît insuffisante, l'intéressé peut invoquer celle découlant directement de l'art. 4 Cst. qui constitue ainsi une garantie subsidiaire et minimale. Le Tribunal fédéral examine librement si les exigences posées par cette disposition constitutionnelle ont été respectées (ATF 103 Ia 138 consid. 2a et les références). La recourante ne cite aucune règle du droit cantonal qui eût contraint l'autorité intimée à l'entendre ou à ordonner un échange d'écritures. Quant à sa critique relative à la composition de l'autorité intimée lorsqu'elle a statué, elle se borne à invoquer l'art. 101 Cst. gen. qui fixe à 7 le nombre des membres du Conseil d'Etat. Elle cite aussi l'art. 17 du règlement du 15 octobre 1929 pour le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, mais simplement pour dire que cette disposition qui fixe à 4 membres le quorum du Conseil d'Etat pour prendre une décision n'était pas applicable à l'espèce. C'est donc à la seule lumière des principes dégagés de l'art. 4 Cst. qu'il convient d'examiner le mérite de son grief de violation du droit d'être entendu.
a) L'art. 4 Cst. ne donne nullement à celui qui est partie à une procédure administrative le droit d'être entendu oralement par l'autorité avant que sa décision ne soit rendue (ATF 103 Ib 195 /6; ATF 102 Ib 251 consid. 3; ATF 96 I 311 consid. 2 et arrêts cités). Il est indifférent à cet égard que le titulaire du droit à l'audition soit un administré ou une commune recourant pour violation de son autonomie. Le grief de violation du droit d'être entendu est ainsi manifestement mal fondé dans la mesure où la recourante se plaint de ce que l'autorité de surveillance n'a pas convoqué ses représentants à une entrevue. Il n'a pas davantage de consistance en tant qu'il a trait au fait que le Conseil d'Etat n'a pas invité la recourante à se déterminer par écrit. Il y a lieu, sur ce point, de remarquer préliminairement que le Conseil d'Etat a rendu la décision attaquée en sa qualité d'autorité de surveillance des communes en conformité de l'art. 63 Cst. gen. et des art. 40 ss de la loi cantonale du 3 juillet 1954 sur l'administration des communes (LAC). En vertu de ces dispositions, les délibérations du Conseil municipal sont transmises au département de l'intérieur et de l'agriculture (art. 40 et 43 al. 1 LAC) et le Conseil d'Etat doit les annuler d'office lorsqu'elles sont entachées d'une violation des
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lois et règlements en vigueur (art. 44 lettre c LAC). Dans la décision attaquée, l'autorité intimée n'est ainsi, formellement, pas entrée en matière sur les recours déposés auprès d'elle contre les arrêtés municipaux; elle les a traités comme de simples dénonciations et n'a pas reconnu à leurs auteurs la qualité de parties. Cela étant, il faut constater que la décision entreprise n'ajoute, fondamentalement, pas d'arguments nouveaux déterminants à ceux que l'autorité intimée avait exposés à titre préventif au Conseil administratif avant la réunion du Conseil municipal. Elle se borne en fait à réfuter le point de vue de la commune tel qu'il ressort des débats du Conseil municipal. Elle n'a nécessité l'aménagement d'aucune preuve et la recourante ne prétend pas que des éléments de fait nouveaux soient intervenus entre le moment où le Conseil municipal a adopté les arrêtés annulés et celui où l'autorité de surveillance a statué. Si le droit d'être entendu, tel qu'il découle de l'art. 4 Cst., implique celui de se déterminer sur le résultat de l'administration des preuves ainsi que sur des moyens de droit nouveaux, il ne saurait naturellement imposer à une autorité de surveillance l'obligation d'inviter l'autorité inférieure à préciser les motifs de la décision contrôlée, alors qu'ils sont évidents. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le Conseil d'Etat n'a dès lors pas violé le droit d'être entendu de la recourante en ne lui donnant pas la possibilité de s'exprimer par écrit avant que la décision attaquée ne soit rendue.
b) Le mode de délibération du Conseil d'Etat est déterminé par les art. 17 ss du règlement du 15 octobre 1929 pour le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève. L'art. 17 de ce règlement pose que le Conseil d'Etat ne peut délibérer valablement que lorsque 3 membres au moins, et le président ou son remplaçant, sont présents à la séance. Il fixe ainsi le quorum de délibération à 4. Ce quorum est le même que celui institué pour les délibérations du Conseil fédéral (art. 100 Cst. et 14 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation de l'administration, LOA). L'art. 15 al. 2 LOA ajoute que les membres absents ne peuvent pas voter. La constitutionnalité de l'art. 17 du règlement cantonal précité n'est au demeurant pas mise en cause par la recourante. Celle-ci ne conteste pas davantage que la décision entreprise ait été rendue en conformité de cette disposition, soit avec la participation de 4 membres du Conseil d'Etat. Elle soutient simplement que des décisions particulièrement importantes, voire tout à fait exceptionnelles, telle la décision attaquée, doivent être prises en
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séance plénière avec la participation de tous les membres du Conseil d'Etat. Elle ne développe toutefois aucun argument pertinent à l'appui de cette affirmation. Le parallèle tiré avec les règles applicables à la composition des autorités judiciaires n'est guère significatif. Un collège est en effet constitué irrégulièrement lorsqu'il l'est en violation du droit positif et, comme on l'a vu, la composition de l'autorité intimée répondait aux exigences posées par une règle dont la constitutionnalité n'est pas contestée (cf. ATF 85 I 274). La référence à l'art. 101 Cst. gen. n'est pas davantage pertinente. Cette disposition, qui fixe à 7 le nombre des membres du Conseil d'Etat, n'est qu'une pure disposition organique qui, comme le souligne justement l'autorité intimée, ne concerne pas le mode de délibération du gouvernement cantonal. On doit ainsi constater que le point de vue de la recourante n'est étayé par aucune disposition du droit cantonal, pas davantage qu'il ne trouve appui auprès des principes généraux dégagés par la jurisprudence de l'art. 4 Cst.
Il en résulte que le grief de déni de justice formel est en tous points mal fondé.

3. Selon la jurisprudence actuelle, une commune bénéficie de la protection de son autonomie, assurée par la voie du recours de droit public, dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive mais laisse en tout ou partie dans la sphère communale, en conférant aux autorités municipales une appréciable liberté de décision. Lorsque ces conditions sont remplies, la commune peut utiliser la voie du recours de droit public pour exiger que les autorités cantonales, qu'elles agissent en tant qu'autorités de recours ou en tant qu'autorités de surveillance, restent formellement dans les limites du pouvoir de contrôle qui leur est reconnu par le droit cantonal et que, matériellement, elles appliquent correctement le droit déterminant. Il importe peu à cet égard que les dispositions qui règlent la matière dans laquelle la commune se prétend autonome ressortissent au droit communal, cantonal ou fédéral. Il faut toutefois souligner que l'autorité cantonale appelée à examiner l'application par une commune de dispositions du droit cantonal ou du droit fédéral jouit toujours d'un libre pouvoir de contrôle, alors que, lorsqu'elle est appelée à examiner l'application de règles du droit communal, son pouvoir de contrôle est déterminé par les normes du droit cantonal qui définissent la compétence respective des autorités (ATF 103 Ia 479 consid. 5).
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Ce sont la constitution et la législation cantonales qui disent si et dans quelle mesure une commune jouit de l'autonomie dans un domaine concret. De son côté, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, examine la décision de l'autorité cantonale d'approbation ou de recours librement ou sous l'angle de l'arbitraire, selon que les dispositions qui délimitent le champ de l'autonomie communale sont de niveau constitutionnel ou de niveau légal (ATF 106 Ia 208 consid. 3a; 104 Ia 45 consid. 1 in fine et arrêts cités).
En l'espèce, la recourante fonde son grief de violation de l'autonomie communale sur les art. 40 ss LAC en relation, en particulier, avec l'art. 3 du code du logement. Cette dernière disposition, comme le note le Conseil d'Etat dans ses observations, se borne à autoriser la commune à faire usage de son droit de préemption sans lui en imposer une obligation. Ayant ainsi le choix d'user ou de ne pas user de son droit de préemption, la commune dispose donc d'une marge d'autonomie qu'elle peut utiliser, en fonction de l'opportunité, dans l'intérêt public. Elle reste cependant tenue d'exercer son choix dans les limites établies par la loi.
La recourante reproche à cet égard au Conseil d'Etat d'avoir abusé de son pouvoir de surveillance en annulant une décision légale pour de purs motifs d'opportunité. Elle ne nie cependant pas que si les délibérations du Conseil municipal avaient été entachées d'illégalité, le gouvernement cantonal eût dû les annuler en conformité des art. 63 Cst. gen. et 44 lettre c LAC. La question primordiale à résoudre est donc celle de savoir si, comme l'affirme la décision attaquée, ces délibérations étaient illégales, en ce sens que les conditions d'exercice du droit de préemption institué par la loi n'étaient pas remplies.

4. L'art. 3 du code du logement a la teneur suivante:
"1 Toute modification des limites de zones prévues par la législation sur la construction, ainsi que toute extension du périmètre de développement de l'agglomération urbaine genevoise, ouvre à l'Etat et, à défaut, aux communes intéressées, un droit de préemption sur les terrains déclassés. Ce droit est annoté au registre foncier.
2 L'Etat et les communes disposent également d'un droit de préemption à l'intérieur du périmètre de développement de l'agglomération urbaine genevoise sur les terrains déclassés aux fins de construction de logements répondant à un besoin prépondérant d'intérêt général.
3 Dans les communes de moins de 3000 habitants, le droit de préemption communal est prioritaire sur celui de l'Etat.
4 Le droit de préemption en faveur de l'Etat et des communes est subsidiaire au droit de préemption légal de l'art. 682 du code civil."
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a) Il est constant que la parcelle No 1346, sur laquelle s'élève la villa Edelstein, est classée en zone de développement urbain, qu'elle s'inscrit dans le plan d'aménagement adopté par le Conseil d'Etat le 28 octobre 1964 (modifié le 24 janvier 1967) et que ce plan d'aménagement y autorise l'application des normes de la 3e zone (art. 11 al. 4 et 11 LCI gen. en relation avec la loi générale du 29 juin 1957 sur les zones de développement). Nul ne conteste donc que la parcelle litigieuse entre dans la catégorie des "terrains déclassés aux fins de construction de logements répondant à un besoin prépondérant d'intérêt général" et que, par conséquent, elle soit soumise au droit de préemption légal institué en faveur de l'Etat et des communes par l'art. 3 al. 2 du code du logement.
L'autorité intimée a simplement nié que ce droit de préemption puisse être exercé en vue d'atteindre les buts recherchés par la recourante. Elle a considéré qu'il n'était donné que pour réaliser des objectifs de construction de logements. Or, ce n'est pas à cette fin que la commune entend en l'espèce exercer prioritairement son droit de préemption, puisque le but fondamental qu'elle poursuit est la conservation de la villa Edelstein, la construction d'un bâtiment d'habitation collective sur la surface non bâtie du terrain n'étant qu'un élément secondaire ou accessoire de l'opération.
La recourante conteste cette manière de voir. Elle souligne que le code du logement a aussi pour but de favoriser la rénovation de logements anciens. Or, selon elle, l'affectation actuelle de la villa, qui serait maintenue après sa rénovation, réside pour une large part dans le logement d'artistes. En prenant en considération cet élément pour le joindre à la construction d'un bâtiment locatif sur le solde de la parcelle, on arriverait à la conclusion que le but recherché par la loi est mieux réalisé par son projet que par celui des acquéreurs, d'autant plus que les loyers qu'elle entend appliquer seraient inférieurs aux leurs.
b) Pour qu'une décision soit arbitraire, il faut qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle contredise d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution adoptée par l'autorité cantonale que si elle apparaît comme insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne recherche pas quelle est l'interprétation correcte des dispositions légales appliquées, mais uniquement si l'interprétation qui en a été donnée
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par l'autorité cantonale peut être objectivement soutenue; il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution pourrait aussi se défendre et sembler même plus correcte (ATF 106 Ia 9; ATF 105 Ia 322 consid. 3b, 300; 104 II 223 consid. 2; ATF 102 Ia 3 consid. 2a). Selon la jurisprudence, l'autorité qui applique le droit ne peut s'écarter d'un texte clair de la loi que s'il existe des motifs sérieux de penser que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en question ainsi que de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 104 Ia 7 consid. 1 et arrêts cités).
Il est hors de doute que l'interprétation donnée par l'autorité de surveillance à l'art. 3 al. 2 du code du logement est conforme à la lettre de ce texte. Au contraire, l'interprétation suggérée par la recourante étend sensiblement la portée de cette disposition.
Les débats du Conseil municipal, que ce soit la discussion du 10 mars 1981 sur la motion invitant le Conseil administratif à étudier la possibilité de conserver la villa Edelstein ou celle du 5 mai 1981 qui a précédé l'adoption des deux arrêtés litigieux et de la résolution invitant le Conseil administratif à demander au Conseil d'Etat le classement de la villa Edelstein ou du moins sa mise à l'inventaire, démontrent sans équivoque possible que l'objet prioritaire de l'exercice du droit de préemption était la conservation de ce bâtiment. Certes, la recourante ne prétend pas dans son recours de droit public que le droit de préemption institué par le code du logement puisse servir à la sauvegarde du patrimoine architectural et ne tente pas de réfuter l'argumentation, au demeurant pertinente, développée à cet égard dans la décision attaquée. Il n'en demeure pas moins que sa thèse, même réduite de la sorte, équivaut à permettre aux corporations de droit public intéressées d'user de leur droit de préemption légal pour maintenir un état constructif actuel au détriment d'une utilisation potentielle quantitativement optimale d'un terrain aux fins de construction de logements. La comparaison entre les possibilités offertes aux promoteurs acquéreurs par le plan d'aménagement No 25'532/275 et celle offertes à la recourante par son projet comportant le maintien de la villa est éloquente de ce point de vue. On peut en effet constater que le projet de la recourante ne permet de loin pas, même si l'on tient compte de l'affectation locative de la villa, la mise à la disposition du marché d'un nombre de logements équivalant à celui du projet des acquéreurs. Il n'est pour le moins
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pas insoutenable de considérer, à l'instar de la décision attaquée, que ce résultat est en contradiction avec les buts poursuivis par le code du logement, tels qu'ils ressortent en particulier de ses art. 1er et 2, qui définissent respectivement le rôle des corporations de droit public en la matière et la politique d'acquisition de terrains qu'elles doivent élaborer.
Le Conseil d'Etat n'est donc pas tombé dans l'arbitraire en retenant que les deux arrêtés par lesquels le Conseil municipal a invité le Conseil administratif à faire usage de son droit de préemption pour acquérir la parcelle litigieuse violaient l'art. 3 al. 2 du code du logement. Partant, il n'a pas porté atteinte à l'autonomie de la commune de Genève puisqu'il n'a pas outrepassé les compétences qui lui sont dévolues, en qualité d'autorité de surveillance, par l'art. 44 lettre c LAC, qui trouve lui-même sa base dans l'art. 63 Cst. gen. Le recours de droit public doit en conséquence être rejeté et la recourante condamnée à verser des dépens aux intimés.

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Etat de fait

Considérants 2 3 4

références

ATF: 103 IA 138, 103 IB 195, 102 IB 251, 96 I 311 suite...

Article: art. 4 Cst., art. 63 Cst., art. 101 Cst., art. 40 et 43 al. 1 LAC suite...