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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_453/2017, 9C_454/2017  
 
 
Arrêt du 6 mars 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
9C_453/2017 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Jacques-André Schneider et 
Me Alexia Raetzo, avocats, 
intimée, 
 
et 
 
9C_454/2017 
A.________, 
représentée par Me Jacques-André Schneider et 
Me Alexia Raetzo, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
intimé. 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 15 mai 2017 (A3312/2014 ATAS/378/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1969, travaillait en qualité d'aide-soignante. Elle a chuté et heurté un banc avec son épaule et son bras gauche le 17 juillet 2013. Son assureur-accidents, la Mobilière Suisse, société d'assurances SA (ci-après: la Mobilière), a pris en charge le cas. Le 7 août 2013, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité.  
Dans le cadre de l'examen de sa demande, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli l'avis des médecins traitants, puis fait verser au dossier celui de la Mobilière qui contenait notamment une expertise orthopédique (rapport du docteur B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, du 20 janvier 2014). Il a ensuite soumis l'intéressée à une expertise psychiatrique (rapport du docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 24 mars 2014). Le 29 septembre 2014, l'office AI a nié le droit de l'assurée à des prestations de l'assurance-invalidité, au motif que son activité habituelle d'aide-soignante demeurait exigible, sans baisse de rendement. 
 
A.b. Parallèlement, la Mobilière a mis un terme au versement des indemnités journalières de l'assurance-accidents avec effet au 30 septembre 2013 (décision sur opposition du 5 juin 2014), ce que l'intéressée a contesté.  
 
B.   
A.________ a déféré la décision de l'office AI du 29 septembre 2014 à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, qui a fait verser à la procédure l'expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumatologique et orthopédique) ordonnée dans le cadre de la procédure de recours ouverte par A.________ contre la décision de la Mobilière du 5 juin 2014. Dans un rapport du 4 janvier 2016, le docteur D.________, spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie, a indiqué que la capacité de travail de l'assurée était entière dans son activité habituelle d'aide-soignante dès le 18 juillet 2014. Pour sa part, le docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a diagnostiqué - avec répercussion sur la capacité de travail - un status post contusion face interne du 1 /3 moyen du bras gauche et un conflit sous-acromial externe avec bursite chronique (sans lésions tendineuses), avec possible influence par discopathie du rachis (protrusion discale C3-C4, avec suspicion d'un syndrome irritatif de la racine C4 gauche). Il a indiqué que la capacité de travail de l'assurée était nulle dans son activité habituelle d'aide-soignante depuis le 17 juillet 2013, mais que celle-ci pouvait exercer une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites à plein temps dès septembre 2013 (rapport du 6 mars et complément du 9 avril 2016). Le 17 octobre 2016, le docteur D.________ a indiqué qu'il se ralliait au statu quo ante défini par le docteur E.________ au 1er février 2014, après un consilium qui s'est tenu le 14 octobre 2016. La Cour de justice a interpellé à nouveau les docteurs D.________ et E.________, car il persistait une divergence entre leurs conclusions s'agissant de la capacité de travail de l'assurée dans son activité habituelle. Le 7 février 2017, le docteur D.________ a répondu qu'il ne comprenait pas la demande, vu la teneur de son précédent courrier, tandis que le docteur E.________ a confirmé la synthèse réalisée par le docteur D.________ le 17 octobre 2016 (correspondance du 2 mars 2017). Statuant le 15 mai 2017, la Cour de justice a partiellement admis le recours, annulé la décision du 29 septembre 2014, en tant qu'elle refuse des mesures de réadaptation, et renvoyé la cause à l'administration pour nouvelle décision au sens des considérants. Pour le surplus, elle a confirmé la décision du 29 septembre 2014. 
 
C.   
A.________ et l'office AI interjettent tous deux un recours en matière de droit public contre ce jugement. Dans son recours (9C_453/2017), l'office AI conclut principalement à la confirmation de la décision du 29 septembre 2014. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision. A.________ conclut au rejet du recours. 
Dans son recours (cause 9C_454/2017), l'assurée conclut à l'octroi d'un quart de rente d'invalidité dès le 1 er juillet 2014. L'office AI conclut en substance au rejet du recours.  
L'Office fédéral des assurances sociales conclut à l'admission du recours formé par l'office AI. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les deux recours sont dirigés contre le même jugement, opposent les mêmes parties et portent l'un et l'autre sur un état de faits identique. Il y a dès lors lieu de joindre les causes et de statuer par un seul arrêt (cf. art. 24 al. 2 PCF, en corrélation avec l'art. 71 LTF). 
 
2.   
Le jugement entrepris statue sur deux points. D'une part, la juridiction cantonale a rejeté la demande de rente d'invalidité. D'autre part, elle a renvoyé la cause à l'administration pour qu'elle instruise et statue sur le droit de l'assurée à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel. 
 
2.1. En ce qui concerne le droit à la rente d'invalidité, la juridiction cantonale a statué définitivement sur les points contestés. Le recours de A.________ est dès lors recevable puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF).  
 
2.2. En ce qui concerne le droit à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel, le jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente qui ne peut être attaquée qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 140 V 321 consid. 3.1 p. 325; 133 V 477 consid. 4.2 p. 482). Selon les considérations de la juridiction cantonale auxquelles le dispositif renvoie, l'assurée présente un taux d'invalidité supérieur à 20 % qui est susceptible de lui ouvrir le droit à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel de l'assurance-invalidité. Sur ce point, le jugement attaqué contient une instruction impérative destinée à l'autorité inférieure qui ne lui laisse plus aucune latitude de jugement pour la suite de la procédure. En cela, l'office recourant subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours.  
 
3.   
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
4.  
 
4.1. Est litigieux en l'espèce le droit de l'assurée à des prestations d'invalidité, en particulier à un quart de rente d'invalidité et à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel. Le jugement entrepris expose de manière complète les règles légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d'invalidité (art. 8 LPGA et art. 4 LAI), à son évaluation (art. 16 LPGA) et aux mesures de réadaptation (art. 8 LPGA et art. 17 LAI). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.2. On rappellera que, selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit la provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126; 125 V 351 consid. 3a p. 352 et les références).  
 
5.   
La juridiction cantonale a constaté tout d'abord que les docteurs D.________ et E.________ n'avaient pas les mêmes conclusions s'agissant de la capacité de travail de l'assurée. En dépit d'une demande répétée de la cour, les médecins ne s'étaient par ailleurs pas mis d'accord sur ce point. Dans la mesure où le docteur D.________ s'était cependant rallié aux conclusions de son confrère s'agissant de la date du statu quo ante, il en résultait selon les premiers juges une force probante accrue de l'expertise du docteur E.________, ce d'autant plus qu'elle était plus détaillée. Conformément aux conclusions du docteur E.________, la juridiction cantonale a considéré que l'assurée ne pouvait ainsi plus exercer son activité habituelle d'aide-soignante, mais qu'elle disposait d'une capacité de travail entière dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles. 
La juridiction cantonale a constaté ensuite que l'assurée aurait perçu un revenu sans invalidité de 78'384 fr. 17 comme aide-soignante en 2014. S'agissant du revenu avec invalidité, elle s'est pour l'essentiel référée à l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS 2012) pour retenir que A.________ aurait réalisé un revenu de 48'347 fr. 02 dans une activité simple et répétitive en 2014, après indexation et prise en compte d'un taux d'abattement de 10 % sur la valeur statistique. La comparaison des deux revenus aboutissait à un degré d'invalidité de 38 %, soit un taux insuffisant pour donner droit à une rente d'invalidité. Les premiers juges ont considéré qu'une mesure de reclassement au sens de l'art. 17 LAI était en revanche envisageable, si bien qu'ils ont renvoyé la cause à l'administration pour qu'elle détermine si l'assurée était en mesure, en particulier d'un point de vue subjectif, de mettre à profit la capacité résiduelle de travail qui lui a été reconnue sur un plan médico-théorique. 
 
6.  
 
6.1. Se plaignant d'une constatation manifestement inexacte des faits pertinents et d'une violation du principe de la libre appréciation des preuves, l'office AI reproche à la juridiction cantonale de s'être ralliée aux conclusions du docteur E.________. Il soutient que l'assurée a une capacité de travail complète dans son activité habituelle d'aide-soignante, comme l'ont relevé tous les autres experts, si bien que des mesures de réadaptation n'ont pas lieu d'être mises en oeuvre.  
Pour sa part, A.________ considère que l'autorité précédente a effectué une appréciation des preuves complète et rigoureuse et pris en compte tous les documents établis pour retenir, à raison, qu'elle ne pouvait plus exercer son activité habituelle d'aide-soignante. 
 
6.2. En l'occurrence, les docteurs D.________ et E.________ sont parvenus à une appréciation consensuelle le 14 octobre 2016 s'agissant de la date à laquelle l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident du 17 juillet 2013 (statu quo ante). Si les deux experts indiquent, certes, approuver la synthèse de l'autre ou se rallier à l'avis du confrère, on ne comprend pas si leur accord porte sur la capacité de l'assurée de reprendre son activité habituelle d'aide-soignante ou sur celle relative à une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Sur ce point, les conclusions du volet orthopédique et rhumatologique de l'expertise bidisciplinaire divergent par ailleurs fondamentalement, le docteur D.________ considérant que l'assurée peut exercer son activité habituelle, tandis que le docteur E.________ retient l'impossibilité d'exercer cette activité.  
Aussi, confrontée à cette divergence d'opinion, l'autorité précédente ne pouvait faire l'économie d'une mesure d'instruction complémentaire avant de statuer, en invitant par exemple derechef oralement ou par écrit les docteurs D.________ et E.________ à s'exprimer conjointement sur les effets de l'atteinte à la santé de l'assurée sur sa capacité de travail dans son activité habituelle d'aide-soignante. Compte tenu des spécialités en présence, une réponse claire et cohérente des experts aux questions posées par la juridiction cantonale était en effet nécessaire (à ce sujet, cf. ATF 143 V 124 consid. 2.2.4 p. 128; 137 V 210 consid. 1.2.4 p. 224 et les références), laquelle fait défaut en l'espèce. 
On ne saurait par ailleurs suivre la juridiction cantonale lorsqu'elle retient, implicitement, qu'on pouvait se passer d'une telle mesure d'instruction en raison de la "force probante accrue" des conclusions du docteur E.________. Les premiers juges n'établissent en effet nullement cet élément, la valeur probante d'un rapport médical ne résultant en particulier pas de sa longueur (consid. 4.2 supra). Ils ne pouvaient par ailleurs se contenter d'écarter le point de vue défendu par le docteur D.________ pour le seul motif que le médecin s'était rallié, sur un point non essentiel de l'expertise (les effets d'une contusion sur la capacité de travail de l'assurée), à l'appréciation de son confrère le 14 octobre 2016, alors que la question déterminante - au regard de l'art. 16 LPGA - de la capacité de travail de A.________ dans son activité habituelle d'aide-soignante restait sans réponse. 
 
6.3. Partant, il y a lieu de constater que la juridiction cantonale s'est fondée dans le présent litige sur les conclusions d'une expertise bidisciplinaire incomplète. En conséquence, la cause doit être renvoyée à l'autorité précédente pour que celle-ci mette en oeuvre les mesures d'instruction qui s'imposent sur le plan médical, afin de déterminer le degré d'invalidité de l'assurée. Dès lors qu'elle devra fixer à nouveau la perte de gain de A.________ et que celle-là a une influence tant sur le droit à la rente - objet du recours de l'assurée (cause 9C_454/2017) - que sur le droit aux mesures de réadaptation d'ordre professionnel (cause 9C_453/2017), elle devra statuer à nouveau sur ces deux rapports juridiques. Les deux recours seront dès lors admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau en procédant conformément aux considérants.  
 
7.   
Par économie de procédure, on ajoutera que A.________ soutient à raison dans son recours que la juridiction cantonale s'est manifestement trompée en fixant son revenu d'invalide. En effet, les premiers juges ont indiqué déterminer celui-ci en fonction du salaire auquel peuvent prétendre les femmes exerçant une activité simple et répétitive dans le secteur privé résultant de l'ESS 2012 (tableau TA 1, niveau de qualification 1, valeur médiane ou centrale), mais ils ont utilisé en réalité le montant correspondant résultant de l'ESS 2010. 
 
8.   
Le présent arrêt rend sans objet la requête d'attribution d'effet suspensif formulée par l'office AI. 
 
9.   
Il se justifie de répartir les frais judiciaires par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). L'assurée a droit à des dépens à la charge de l'office AI, qui ne peut, lui, y prétendre (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les causes 9C_453/2017 et 9C_454/2017 sont jointes. 
 
2.   
Les recours de l'office AI et de l'assurée sont partiellement admis. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 15 mai 2017 est annulée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les recours sont rejetés pour le surplus. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge de l'office recourant et pour 400 fr. à la charge de A.________. 
 
4.   
L'office recourant versera à A.________ la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 6 mars 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Bleicker