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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_12/2019  
 
 
Arrêt du 17 avril 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Christian Lüscher, 
recourante, 
 
contre  
 
Z.________ Ltd, 
représentée par Me Rocco Rondi, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours contre la sentence finale rendue le 
23 novembre 2018 par un Tribunal arbitral sis 
à Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société de droit anglais Z.________ Ltd (ci-après: Z.________), sise à Londres, fait partie d'un groupe qui est l'un des principaux exploitants d'échoppes de nourriture et de boissons dans des lieux de transports, présent dans quelque 130 aéroports et 300 gares à travers le monde.  
A.________ SA (ci-après: A.________) est une société anonyme de droit suisse située à... (GE), dont M.________ est l'administrateur-président. Titulaire de la marque A.________, elle a élaboré le concept des  bars B.________.  
 
A.b. Par contrat de licence du 6 juin 2007 (  License Agreement), A.________ a concédé à Z.________ le droit exclusif de promouvoir, établir et exploiter des  bars B.________ dans des aéroports et gares du monde entier, ainsi que le droit d'utiliser son concept, son signe et ses marques en lien avec les activités précitées.  
A.________ a en outre habilité Z.________ à accorder des sous-licences à ses filiales, permettant à celles-ci d'établir et d'exploiter des  bars B.________ dans les lieux autorisés et d'utiliser le concept, le signe et les marques de A.________.  
A.________ s'engageait à coopérer de bonne foi avec Z.________ et/ou ses filiales dans toute procédure de soumission concernant un  bar B.________entrant dans le champ du contrat.  
Ce contrat était soumis au droit suisse et contenait la clause d'arbitrage suivante: 
 
"Any dispute, controversy or claim arising out of or in relation to this Agreement, including the validity, invalidity, breach or termination thereof, shall be resolved by arbitration in accordance with the Swiss rules of international arbitration of the Swiss Chamber of Commerce (hereafter: the Rules) in force on the date when the notice of arbitration is submitted in accordance with these Rules. (...) 
The arbitration award shall be final and binding upon the Parties, the Parties renouncing to appeal against the arbitration award by any ordinary or extraordinary means, whatever the subject of the arbitration award is. (...) " 
 
A.c. En conformité avec cet accord, Z.________ a attribué une sous-licence à sa filiale suisse Z.________ AG (ci-après: Z.________ Switzerland). A.________ n'était pas partie à ce sous-contrat.  
 
A.d. Le 3 mars 2009, Z.________ Switzerland a obtenu de l'Aéroport xxx (ci-après: l'aéroport) une concession lui permettant d'exploiter un  bar B.________ dans une zone spécifique dudit aéroport.  
Le 14 février 2012, cette concession a été renouvelée jusqu'au 31 août 2015. 
Z.________ disposait aussi d'une licence lui permettant d'exploiter un  café C.________ au sein du même aéroport. La société lui ayant conféré ce droit (... SA) était également administrée par M.________.  
 
A.e. Le 25 juin 2013, A.________ et Z.________ ont convenu d'un amendement à leur contrat de licence, également régi par le droit suisse et contenant la même clause d'arbitrage.  
L'art. 3 confirmait le caractère exclusif de la licence tout en réservant certains droits à A.________ dans diverses hypothèses, soit notamment si Z.________ échouait dans une procédure de soumission, décidait de cesser l'exploitation d'un  bar B.________en cours de bail (  lease), ou voyait son bail prendre fin, pour quelque raison que ce fût.  
 
A.f. Au cours de l'été 2014, l'aéroport a lancé une nouvelle procédure de soumission pour les surfaces commerciales réservées à la restauration, couvrant la période 2015-2020. Les emplacements abritant le  bar B.________et le  café C.________exploités par Z.________ (respectivement sa filiale) n'étaient pas mis en soumission. L'aéroport avait décidé de maintenir la présence de ces deux marques dans tous les cas et souhaitait négocier directement avec les propriétaires des marques.  
Z.________ s'est plainte de ce procédé à M.________ dans un courriel du 9 octobre 2014. Elle y relevait que l'aéroport ne semblait pas avoir conscience de ses droits exclusifs. 
Z.________ Switzerland a pour sa part signifié le 17 octobre 2014 au directeur commercial de l'aéroport (N.________) que Z.________ avait l'exclusivité des marques A.________ et café C.________, de sorte qu'elle serait seule habilitée à exploiter un commerce sous cette marque pour la période visée par la procédure de soumission. 
Le 24 octobre 2014, Z.________ a indiqué à M.________ qu'elle l'autorisait à discuter pour son compte avec l'aéroport, pour autant qu'il y ait une complète transparence. Le prénommé a répondu qu'il ne pouvait accepter de discuter pour le compte de Z.________ alors qu'il entretenait avec l'aéroport une relation de 42 ans. 
Le 29 octobre 2014, Z.________ a prévenu sa cocontractante que si elle ne pouvait pas exploiter les marques dans des conditions acceptables après l'expiration des concessions actuelles, ni A.________ ni aucun tiers ne pourrait exploiter un  bar B.________ dans l'aéroport (cf. au surplus consid. 5.4.1  infra).  
Z.________ a effectué des offres de soumission pour deux lots, qui ont été rejetées. Le 13 mars 2015, l'aéroport l'a informée qu'après avoir mené les discussions directement avec les propriétaires des marques, il avait choisi de leur confier l'exploitation du  bar B.________et du  café C.________.  
Au cours de deux séances tenues en avril 2015, Z.________ a exprimé la volonté de continuer à exploiter le  bar B.________ sur un mode autonome (  on a standalone basis), quand bien même elle avait perdu d'autres surfaces commerciales dans l'aéroport.  
L'aéroport a fait observer à Z.________ que dès le mois de juillet 2014, il avait clairement indiqué qu'il négocierait directement avec les propriétaires des marques. Z.________ ne s'était jamais formellement opposée à ce mode de faire et n'avait pas fourni le moindre document attestant de ses droits exclusifs. Le potentiel conflit l'opposant à A.________ ne concernait pas l'aéroport. 
 
A.g. Par courrier daté du 30 mars 2018, alors que la procédure d'arbitrage décrite ci-dessous était en cours, A.________ a résilié le contrat de licence pour le 31 décembre 2019 en invoquant son droit de résiliation anticipée.  
 
B.  
 
B.a. Le 11 mars 2016, Z.________ a déposé une requête d'arbitrage contre A.________ auprès de la  Swiss Chambers' Arbitration Institution (SCAI), via la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève.  
Un Tribunal arbitral composé de trois membres s'est constitué et son siège a été fixé à Genève. Ce même tribunal a été appointé pour le litige divisant Z.________ d'avec la société... SA à propos du  café C.________. Les procédures ont été jointes, étant entendu que des sentences distinctes seraient rendues.  
Le Règlement suisse d'arbitrage international dans sa teneur de 2012 (  Swiss Rules 2012) a été déclaré applicable.  
Selon les dernières conclusions prises par Z.________ le 30 juin 2017, A.________ devait être condamnée à payer les montants de 252'735 fr. et de 133'895 fr. à Z.________, plus la somme de 2'868'335 fr. à Z.________ Switzerland (subsidiairement à Z.________ elle-même). 
La défenderesse A.________ a d'emblée contesté que la juridiction arbitrale fût compétente pour connaître des conclusions de Z.________ concernant le dommage prétendument subi par sa filiale Z.________ Switzerland. Au surplus, elle a conclu au rejet des conclusions dans la mesure où elles relevaient de la juridiction arbitrale. A.________ a refusé de payer la part d'avance de frais qui lui était normalement dévolue, invoquant notamment le fait que la majeure partie des conclusions échappaient à la compétence du Tribunal arbitral. 
 
B.b. Statuant par sentence finale du 23 novembre 2018, le Tribunal arbitral a condamné A.________ à payer à Z.________ les montants de 252'735 fr., 133'895 fr. et 1'604'042 fr., intérêts en sus.  
Le Tribunal arbitral a tout d'abord déterminé s'il était compétent pour connaître de la conclusion tendant au paiement de 2'868'335 fr. en mains de Z.________ Switzerland, subsidiairement en mains de Z.________. Celle-ci avait plaidé la stipulation pour autrui, figure juridique qui s'appliquait effectivement au cas concret. Aussi avait-elle le droit direct d'exiger de A.________ qu'elle compense le dommage prétendument occasionné à sa filiale Z.________ Switzerland pour avoir violé les droits exclusifs concédés dans le contrat de licence. Le Tribunal arbitral était compétent y compris pour ce chef de conclusion. 
Le Tribunal s'est ensuite penché sur la violation alléguée du contrat de licence. La défenderesse ne contestait pas en tant que tels les droits exclusifs conférés à Z.________, mais elle soutenait que l'exclusivité avait pris fin dans les conditions prévues par l'art. 3 de l'amendement signé en 2013, respectivement que Z.________ avait rompu le lien de causalité entre la prétendue violation contractuelle et le dommage revendiqué. 
Le Tribunal a rejeté l'un et l'autre argument. Dans ce cadre, il a notamment constaté que le litige était consécutif à une soumission générale lancée par l'aéroport pour les concessions relatives à la restauration, et non à une décision qu'aurait prise Z.________ de cesser l'exploitation du bar. A.________ objectait vainement que Z.________ aurait renoncé au renouvellement de la concession comme elle ne souhaitait pas exploiter le bar sur un mode autonome (  on a standalone basis), après avoir perdu d'autres surfaces commerciales dans l'aéroport. La décision de l'aéroport d'exclure Z.________ de l'exploitation était intervenue à la mi-juin 2015; à cette date, A.________, de son propre aveu, avait déjà débuté les négociations pour la concession.  
Le fait que A.________ avait négocié directement avec l'aéroport ne constituait pas une violation des droits exclusifs conférés à Z.________. La violation résidait dans le fait que la première avait présenté faussement la situation concernant les droits exclusifs de Z.________, et cet élément avait provoqué la décision prise le 15 juin 2015 par l'aéroport. Si A.________ avait présenté clairement les droits exclusifs, l'aéroport n'aurait pas exclu Z.________ de l'exploitation du bar. Le directeur commercial de l'aéroport avait admis qu'il suivait en principe les recommandations du titulaire de la marque lorsque celui-ci proposait un certain opérateur. De surcroît, l'aéroport n'avait jamais exprimé le moindre mécontentement quant à la manière dont Z.________ exploitait le bar. 
Le Tribunal a par ailleurs exclu que Z.________ ait commis un abus de droit en se prévalant de ses droits exclusifs. 
En définitive, Z.________ avait droit à la réparation du dommage causé par la violation de ses droits exclusifs. Celui-ci comprenait 252'735 fr. correspondant aux redevances et  royalties que la sous-licence aurait rapportés à Z.________ si le  bar B.________ avait pu être exploité entre le 1 er septembre 2015 et le 31 août 2020. S'y ajoutaient 133'895 fr. pour les frais de défense engagés entre octobre 2014 et novembre 2015. Enfin, la perte de gain de Z.________ Switzerland, qui constituait une prétention directe de Z.________, s'élevait à 1'604'042 fr.  
L'un des trois arbitres a rédigé une opinion dissidente. 
 
C.   
A.________ a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile concluant à l'annulation de la sentence arbitrale et au renvoi de la cause à l'instance arbitrale. 
A l'appui de son recours, la prénommée a formulé une requête d'effet suspensif qui a été rejetée par ordonnance présidentielle du 4 mars 2019. 
L'intimée Z.________ a conclu au rejet du recours. 
Le Tribunal arbitral a déposé de "brèves observations" reflétant son opinion majoritaire relative au grief de violation du droit d'être entendu, tout en précisant que le troisième arbitre maintenait son opinion dissidente. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La sentence attaquée est rédigée en anglais, langue de la procédure arbitrale. N'étant pas une langue officielle au sens de l'art. 54 al. 1 LTF, elle ne saurait servir de critère pour la présente procédure. Les parties ont fait usage du français dans les mémoires adressés au Tribunal fédéral, en particulier dans le recours. Aussi le présent arrêt est-il rédigé dans cette langue (ATF 142 III 521 consid. 1; arrêt 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 1). 
 
2.   
D'après l'art. 77 al. 1 let. a LTF, le recours en matière civile est recevable contre les sentences d'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP. 
La décision attaquée est une sentence finale (ATF 143 III 462 consid. 2.1). Qu'il s'agisse de l'objet du recours (art. 77 al. 1 let. a LTF), du délai de recours (art. 100 al. 1 LTF en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) ou encore des moyens soulevés par la recourante (art. 190 al. 2 let. b, d et e LDIP), aucune des conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. On relèvera au passage que l'intimée, confrontée à une partie sise en Suisse, ne s'est pas prévalue de la renonciation à recourir contenue dans la clause d'arbitrage du contrat de licence et de son amendement (cf. art. 192 al. 1 LDIP). 
Rien ne s'oppose dès lors à l'examen des trois branches de griefs qui ont trait à la compétence du tribunal arbitral, au droit d'être entendu et à l'ordre public. 
 
3.  
 
3.1. La recourante reproche tout d'abord au Tribunal arbitral de s'être arrogé une compétence qu'il n'avait pas (art. 190 al. 2 let. b LDIP). La majeure partie de la prétention en dommages-intérêts retenue par le Tribunal (1'604'042 fr.) relèverait du dommage d'un tiers (Z.________ Switzerland) non partie à la convention d'arbitrage qui fonde la compétence du Tribunal.  
 
3.2. Lorsqu'il examine s'il est compétent pour trancher le différend qui lui est soumis, le tribunal arbitral doit notamment se prononcer sur la portée objective (  ratione materiae) et subjective (  ratione personae) de la convention d'arbitrage: il doit déterminer quels sont les litiges visés par cette convention et quelles sont les parties liées par celle-ci. Le recours pour le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP est ouvert lorsque le tribunal arbitral a statué sur des prétentions qu'il n'avait pas la compétence d'examiner, soit qu'il n'existât point de convention d'arbitrage, soit que celle-ci fût restreinte à certaines questions ne comprenant pas les prétentions en cause ( extra potestatem) (ATF 134 III 260 consid. 3.2.4; 134 III 565 consid. 3.2 p. 567; arrêt 4A_232/2013 du 30 septembre 2013 consid. 3.2).  
Savoir si le demandeur ou le défendeur est partie à la convention d'arbitrage est une question de recevabilité qui détermine la compétence du tribunal arbitral. Elle ne se confond théoriquement pas avec la légitimation active ou passive, qualité qui appartient au sujet actif ou passif du droit invoqué en justice et relève du fondement matériel de l'action (ATF 128 III 50 consid. 2b/bb p. 55). En matière d'arbitrage toutefois, ces deux aspects peuvent se chevaucher. Cela tient au fait que les arbitres, au contraire des juges, tirent leur compétence de la seule convention des parties; dans la mesure où cet accord procédural est intégré dans un contrat, il peut être amené à en partager le sort. Ainsi, la cession valable d'une créance (ou d'une relation contractuelle) assortie d'une clause compromissoire sortit deux effets: elleentraîne non seulement le transfert matériel du droit cédé, mais aussi celui de la convention d'arbitrage. Un tel acte détermine à la fois la légitimation active ou passive du cessionnaire et sa capacité de participer à une procédure arbitrale mise en oeuvre en exécution de la clause compromissoire; il revêt une double pertinence (ATF 128 III 50 consid. 2b/bb p. 55 s.; cf. aussi arrêt précité 4A_232/2013 consid. 3.3.2). 
Déterminer si l'on peut déduire d'un contrat l'existence d'une obligation stipulée au profit d'un tiers et s'il est possible de prendre des conclusions en faveur d'un tiers, sur la base d'une stipulation pour autrui voire d'une autre cause, est une question de fond. Les arbitres sont compétents pour en connaître, du moment que les parties à l'arbitrage sont précisément les signataires du contrat en question et que celui-ci inclut une clause soumettant à l'arbitrage toute controverse relative au contrat, respectivement toute réclamation relative au contrat ou à sa violation (arrêt 4P.141/1989 du 20 novembre 1989 consid. 2b/cc; cf. aussi arrêt 4A_44/2011 du 19 avril 2011 consid. 2.3). De même, lorsqu'une clause d'arbitrage couvre les litiges relatifs aux dommages-intérêts consécutifs à une violation contractuelle, il importe peu que le créancier fasse valoir son propre dommage ou celui d'un tiers: dans l'un et l'autre cas, ses conclusions entrent dans le champ d'une telle clause compromissoire (LEONORA MARTI-SCHREIER, Vertragliche Drittschadensliquidation, 2015, n° 345). 
 
3.3. C'est le lieu de passer à l'examen du cas concret, étant précisé que les parties ne contestent pas l'applicabilité du droit suisse.  
 
3.4.  
 
3.4.1. En substance, la sentence attaquée présente le litige de la façon suivante:  
 
- Z.________ a attrait A.________ devant la juridiction arbitrale en se fondant sur le contrat de licence et l'amendement qu'elles avaient conclus, respectivement sur la clause d'arbitrage insérée dans ces conventions. Elle s'est plainte de ce que la défenderesse avait violé les droits exclusifs conférés par le contrat de licence, ce qui avait conduit au non-renouvellement de la concession pour le  bar B.________exploité par Z.________ Switzerland. Elle a conclu au paiement de divers montants, dont 2'868'335 fr. à verser en mains de Z.________ Switzerland, subsidiairement en ses propres mains, pour la perte de gain prétendument subie par cette filiale.  
- A.________ a objecté que ce poste de dommage se rapportait au contrat de sous-licence liant Z.________ à sa filiale, auquel elle-même n'était pas partie. 
- Z.________ a répliqué que le contrat de licence conclu avec A.________ lui conférait une prétention directe en réparation du dommage subi par sa filiale. Elle a notamment plaidé la stipulation pour autrui (art. 112 CO). 
- A.________ a réfuté les arguments servis en soutenant notamment que le contrat de licence ne contenait aucune clause en faveur d'un tiers. 
- Le Tribunal arbitral a synthétisé le litige ainsi: 
Z.________ peut-elle invoquer elle-même, en vertu du contrat de licence, des droits et obligations de Z.________ Switzerland selon le contrat de sous-licence? 
The question [...] is whether Z.________ can avail itself under the License Agreement of Z.________ Switzerland's rights and obligations under the Sublicense Agreement. "  
Il a donné raison à Z.________ en considérant qu'elle avait bel et bien convenu avec A.________ d'une stipulation pour autrui (art. 112 CO). Z.________ avait le droit direct d'exiger de A.________ qu'elle compense le dommage prétendument occasionné à Z.________ Switzerland pour avoir violé les droits exclusifs concédés dans le contrat de licence. Le Tribunal arbitral a renoncé à se prononcer sur les arguments alternatifs à celui de la stipulation pour autrui. Il a conclu qu'il était compétent pour connaître du litige. 
 
3.4.2. La recourante ne critique pas en soi la manière dont la sentence présente le différend et résume la question litigieuse, à savoir qu'il s'agit de déterminer si l'intimée (Z.________) a, en vertu du contrat de licence la liant à la recourante, le droit d'exiger réparation pour la perte de gain subie par sa filiale (Z.________ Switzerland); c'est bien plutôt la réponse donnée par les arbitres qui est la cible de ses griefs. Sous l'angle de la compétence, il s'agit d'examiner si le litige ainsi présenté entre dans le champ de la clause d'arbitrage insérée dans le contrat de licence (let. A.b  supra) et dans l'amendement. Celle-ci couvre tout litige, controverse ou réclamation découlant dudit contrat ou se rapportant à celui-ci, y compris quant à sa validité, son invalidité, quant à la violation de celui-ci ou sa résiliation. A la lumière des principes et de la jurisprudence convoqués ci-dessus (consid. 3.2), il est patent qu'une telle formulation permet aux arbitres de connaître du différend qui leur a été soumis, et notamment de la question du dommage subi par un tiers non partie au contrat de licence contenant la clause d'arbitrage.  
Les réponses à ces questions relèvent du fond. Le fait que le collège d'arbitres les ait résolues pour partie dans le chapitre consacré à leur compétence, où ils ont précisé retenir la stipulation pour autrui, n'y change rien. La recourante ne saurait conduire le Tribunal fédéral à contrôler le bien-fondé de cette analyse juridique par le biais d'un grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, incriminant la prétendue incompétence du tribunal arbitral. 
 
3.4.3. La recourante pointe un passage de la sentence arbitrale dont il ressort que Z.________, par contrat de sous-licence conclu le 15 juin 2011 avec sa filiale Z.________ Switzerland, a transféré à celle-ci tous les droits et obligations selon le contrat de licence, comme prévu à l'art. 4 dudit contrat (  "the former transferred to the latter all rights and obligations under the Licen[s]e Agreement as provided for in Article 4 of the License Agreement"; sentence, p. 15 n. 24). A compter du moment où l'on retient un transfert complet des droits de Z.________ à Z.________ Switzerland, il faudrait, selon la recourante, rejeter toutes les conclusions de la cédante.  
Certes, une éventuelle cession des droits et obligations de Z.________ à Z.________ Switzerland, respectivement une reprise de la relation contractuelle par cette dernière, entraînerait la perte de la légitimation active de Z.________ tout comme celle de sa capacité de participer à la procédure arbitraleen vertu de la clause compromissoire qu'elle avait originairement signée. 
Toutefois, la lecture globale de la sentence ne conduit pas à retenir l'existence d'un tel transfert de la relation contractuelle - que la recourante elle-même conteste. La sentence ne fournit que des informations ténues quant au contrat de sous-licence. Tout au plus sait-on qu'il a été conclu conformément aux exigences du contrat de licence principal (c'est-à-dire conformément à l'art. 4 dudit contrat consacré aux sous-licences, ce qui est le sens de la constatation faite dans le passage cité ci-dessus), que A.________ n'y était pas partie et qu'il contenait une clause d'arbitrage (sentence, p. 7, p. 15 n. 24 s. et p. 39 s. n. 133). Or, comme le soulignent les arbitres, le contrat de licence octroie à Z.________ d'une part le droit d'exploiter elle-même des  bars B.________ dans les aéroports et gares (art. 2.1.1), d'autre part  le droit d'accorder à toute filiale Z.________ un tel droit d'exploitation (art. 2.1.3). A cela s'ajoute que d'après l'art. 4.2, toute violation par une filiale Z.________ des obligations découlant du contrat de sous-licence sera réputée être une violation par Z.________ de ses propres obligations découlant du contrat de licence, Z.________ étant responsable de tout dommage causé par ses filiales en violation des contrats de sous-licence. Selon l'art. 16.2, A.________ s'est engagée, dans des circonstances bien définies, à indemniser Z.________ pour tout dommage subi par elle ou ses filiales en raison d'action, réclamation ou procédure intentée par un tiers en lien avec des actions ou omissions de A.________. Tous ces éléments ne conduisent manifestement pas à la conclusion qu'il y aurait eu un transfert total des droits et obligations de Z.________ vers Z.________ Switzerland, incluant la clause d'arbitrage.  
 
3.5. Il s'ensuit le rejet du premier grief tiré du défaut de compétence.  
 
4.  
 
4.1. La recourante dénonce ensuite une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP). Le Tribunal arbitral aurait ignoré purement et simplement certains arguments et moyens de preuves concernant trois points pertinents pour l'issue du litige.  
 
4.2. Tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, le droit d'être entendu en procédure contradictoire n'exige pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2 p. 361). Toutefois, la jurisprudence en a déduit un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. La partie concernée est alors lésée dans son droit de faire valoir son point de vue auprès des arbitres: elle se trouve en effet dans la même situation que si elle n'avait pas eu la possibilité de leur présenter ses arguments (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248; 127 III 576 consid. 2e in fine p. 580).  
Pratiquement, il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer dans son recours en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. Elle devra établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige. Cette démonstration se fera sur le vu des motifs énoncés dans la sentence attaquée (ATF 142 III 360 consid. 4.1.3). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, il reviendra aux arbitres ou à la partie intimée de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Ils pourront le faire en démontrant que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret, ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral (ATF 133 III 235 consid. 5.2). 
Cela étant, le droit d'être entendu ne garantit pas d'obtenir une décision matériellement exacte (ATF 127 III 576 consid. 2b et 2f; arrêts 4A_80/2017 du 25 juillet 2017 consid. 4; 4A_612/2009 du 10 février 2010 consid. 6.3.1). 
 
4.3.  
 
4.3.1. Le premier pan du grief vise le constat de ce que A.________ a présenté faussement les droits exclusifs de Z.________ dans le cadre de ses négociations avec l'aéroport. Le Tribunal arbitral aurait tout d'abord ignoré le témoignage d'un administrateur de Z.________ Switzerland (P.________), lequel avait admis n'avoir jamais présenté le contrat de licence à l'aéroport, tout en précisant qu'il en aurait même refusé la production s'il en avait été requis. En outre, les arbitres auraient négligé le courrier dans lequel l'aéroport reprochait à Z.________ de n'avoir jamais fourni le moindre document établissant ses droits. Selon N.________, responsable commercial de l'aéroport, Z.________ avait admis bénéficier d'une exclusivité assortie de conditions, lesquelles ne constituaient toutefois pas un problème puisqu'elle affirmait pouvoir en discuter avec A.________. Enfin, l'administrateur-président de cette société, soit M.________, avait clairement déclaré n'avoir aucune objection à ce que Z.________ exploitât le  bar B.________.  
 
4.3.2. Ces éléments ont partiellement au moins été mis en exergue dans l'opinion dissidente émise par le troisième arbitre, à laquelle la recourante se réfère. La sentence datée du 23 novembre 2018 est signée par les trois arbitres, avec une réserve de l'un d'eux qui renvoie à son opinion dissidente (  "Subject to the dissent annexed to the present award") elle-même datée du 8 novembre 2018. On peut déjà inférer que les éléments soulevés dans cette opinion ont été disputés, et partant pris en compte par les deux autres arbitres (cf. arrêt 4P.74/2006 du 19 juin 2006 consid. 5.3  in fine). Par ailleurs, et comme l'admet la recourante, la sentence mentionne le courrier du 16 avril 2015, dans lequel l'aéroport reproche à Z.________ de n'avoir jamais fourni le moindre document attestant de son droit d'exclusivité (sentence, p. 34 n. 110), tout comme l'allusion au fait que ni A.________, ni l'aéroport ne s'opposaient à ce que Z.________ continuât d'exploiter le  bar B.________ (sentence, p. 44 s. n. 159). Le Tribunal arbitral s'est référé à maintes reprises aux déclarations de M.________. Dans le cadre de la présente procédure, il a confirmé que les éléments pointés par la recourante avaient tous été pris en compte, expliquant avoir considéré, à la majorité, que ces éléments n'étaient pas de nature à obliger Z.________ à prouver aux autorités aéroportuaires l'exclusivité de ses droits, respectivement à influer sur son analyse.  
Ces éléments conduisent à la conclusion que le droit d'être entendu n'est pas en cause. Certes, selon les circonstances, un Tribunal arbitral pourra être amené à détailler les motifs l'ayant conduit à réfuter implicitement des éléments mis en exergue par la partie recourante, s'il entend dissiper tout doute quant au grief de violation du droit d'être entendu. Cela étant, on ne se situe pas ici dans un tel cas de figure. Il s'avère que le Tribunal arbitral était divisé sur les questions mises en évidence par la recourante et sur le rôle respectif des parties dans la procédure de soumission; encore une fois, on peut en inférer que les points litigieux ont été débattus entre arbitres. Qui plus est, le Tribunal a résumé, à chaque étape de sa décision, le point de vue respectif des parties avant de se prononcer. Il a également présenté de façon circonstanciée le contexte dans lequel la mise à l'écart de Z.________ était intervenue, en se référant à réitérées reprises aux témoignages des personnes mentionnées par la recourante et en renvoyant aux écritures des parties. Tous ces éléments, pris dans leur ensemble, conduisent à la conclusion que la recourante n'a pas été lésée dans son droit d'exprimer son point de vue, de faire valoir ses arguments et moyens de preuves, de participer au procès et d'influer sur celui-ci; en bref, elle a effectivement été entendue. Le Tribunal arbitral a majoritairement décidé que les faits, moyens de preuves et arguments mis en exergue par la recourante n'avaient pas la portée et l'importance qu'elle leur prêtait. Il en a inféré que la recourante avait présenté les droits exclusifs de l'intimée de façon fallacieuse, alors qu'elle eût dû clarifier ce point auprès de l'aéroport; ce faisant, elle avait violé ses obligations découlant du contrat de licence. Il échappe au pouvoir de la cour de céans de revoir les constatations de fait et l'analyse juridique des arbitres, étant évident qu'un tel examen, s'il avait été possible, eût impliqué de tenir compte de l'ensemble des circonstances, et non pas seulement des éléments pointés par la recourante.  
 
4.4. Les mêmes réflexions s'appliquent au deuxième pan du grief, qui vise la cause de la mise à l'écart de Z.________ par l'aéroport. La recourante reproche derechef au Tribunal arbitral d'avoir ignoré divers éléments censés démontrer que la question de l'exclusivité n'aurait joué aucun rôle dans la décision de l'aéroport; le désaccord entre les parties serait issu du fait que Z.________ a vu ses offres de soumissions rejetées, a ainsi perdu toute surface commerciale dans l'aéroport et a alors exigé un soutien logistique pour l'exploitation du  bar B.________, que la recourante n'était pas tenue de lui fournir.  
En réalité, la sentence et/ou l'opinion dissidente abordent les éléments prétendument ignorés, à tout le moins dans leur aspect essentiel. Conformément à la méthode évoquée ci-dessus, la sentence résume la position adoptée par chaque partie sur la question de la causalité, avant de présenter sa solution. Comme le relève l'intimée, la problématique de l'exploitation du bar sur un mode autonome (  on a  standalone basis) après la perte des autres surfaces commerciales et la viabilité économique d'un tel modèle sont abordés à plusieurs endroits (sentence, p. 34 n. 108, p. 49 n. 177 et p. 50 n. 183), et la thèse de la recourante y est même résumée, avec un renvoi à ses écritures et aux déclarations et témoignages dont elle se prévaut, soit ceux de M.________, N.________ et O.________ (sentence, p. 46 s. n. 164 ss). Encore une fois, il est précisé que ni l'aéroport, ni la recourante n'étaient à l'origine opposés à ce que Z.________ exploite le  bar B.________ (sentence, p. 44 s. n. 159), élément également abordé dans l'opinion dissidente. Quant au comportement de Z.________, qui serait censé avoir provoqué sa mise à l'écart, il fait l'objet de divers considérants. Le Tribunal mentionne brièvement cette thèse de la recourante, en renvoyant à son écriture et à d'autres éléments du dossier (sentence, p. 56 n. 221). Il constate que Z.________ a fini par exaspérer l'aéroport qui ne voulait plus avoir affaire à cette société (sentence, p. 45 n. 160 ss) - aspect aussi mis en exergue dans l'opinion dissidente, laquelle mentionne en outre le témoignage de Q.________ dont la recourante se prévaut. Cela étant, le Tribunal arbitral réfute expressément l'argument selon lequel l'attitude de Z.________ serait la cause de sa mise à l'écart (sentence, p. 59 n. 233). On relèvera enfin que la sentence cite un extrait du courrier du 6 mai 2015 dont la recourante soutient qu'il aurait été ignoré (sentence, p. 35 n. 111).  
Il s'ensuit que sur ce point également, la recourante reproche en réalité au Tribunal arbitral - ou du moins à sa majorité - de ne pas avoir apprécié son argumentation et ses moyens de preuves à leur juste mesure. Or, une fois encore, un tel grief échappe à la cognition de la cour de céans. 
 
4.5. Le troisième et dernier pan du grief a trait au calcul de la perte de profit subie par Z.________ Switzerland suite au non-renouvellement de la concession. Plus précisément, le moyen vise la prise en compte des frais généraux (  overheads) déductibles du chiffre d'affaires, frais dont les parties avaient admis qu'ils comprenaient le support administratif (salaires compris), l'approvisionnement et le "support IT".  
A cet égard, le Tribunal arbitral a indiqué que selon l'expert de Z.________ R.________ (chef de la comptabilité pour le groupe Z.________), ces services étaient fournis par Z.________ Switzerland ou une autre entité du groupe. A.________ a objecté que ces coûts étaient - ou auraient dû être - facturés aux unités. Le Tribunal arbitral n'a pas retenu cet argument, reprochant à A.________ de n'avoir pas prouvé le fait allégué (sentence, p. 72 n. 294.6). 
La recourante s'inscrit en faux contre ce dernier constat, soulignant que le Tribunal arbitral aurait tout bonnement ignoré trois moyens de preuve qu'elle avait présentés, à savoir les déclarations de son administrateur-président M.________ et de son propre expert S.________, ainsi que la pièce C-39, censée démontrer que dans sa soumission, Z.________ avait bel et bien inclus des frais généraux de l'ordre de 7,1%. 
Dans ses déterminations sur recours, le Tribunal arbitral a expliqué que les déclarations des deux prénommés constituaient des opinions et non des preuves; quant à la pièce C-39, elle était citée dans la sentence mais ne prouvait pas que les "  labor costs " auraient été facturés aux unités ou qu'ils auraient dû l'être. Il découle de ces explications précises que le Tribunal n'a pas ignoré les moyens de la recourante. A cela s'ajoute que, selon l'intéressée elle-même, la pièce C-39 a été discutée aux audiences du 8 novembre 2017 et du 22 mai 2018; elle pointe en particulier un passage des retranscriptions où il est précisément reproché à l'expert R.________ de n'admettre aucuns frais généraux et de sous-estimer les coûts de travail (  "labour costs"), ce qui conduit à exagérer l'EBITDA, attitude qui contrasterait avec les chiffres présentés lors des soumissions (sténogramme du 22 mai 2018, p. 112 lignes 6 ss).  
 
4.6. En bref, le grief de violation du droit d'être entendu se révèle dépourvu de fondement. Le troisième arbitre a certes reproché à ses collègues de n'avoir pas pris en considération (  did not consider) divers éléments du dossier. Pour les motifs exposés ci-dessus, il apparaît toutefois que le débat se situe au niveau de l'appréciation des preuves voire de l'analyse juridique, terrains sur lesquels la cour de céans n'est pas habilitée à s'aventurer.  
 
5.  
 
5.1. La recourante se plaint enfin de ce que la décision finale violerait l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP).  
 
5.2. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent notamment la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables.  
Divers éléments peuvent clairement être exclus de la notion d'ordre public matériel. Il en est ainsi de l'ensemble du processus d'interprétation d'un contrat et les conséquences qui en sont logiquement tirées en droit. De même, pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, notion plus restrictive que celle d'arbitraire, ne suffit-il pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 138 III 322 consid. 4.1). Par ailleurs, c'est bel et bien le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 138 III 322 consid. 4.1 in fine). 
 
5.3. Du point de vue de la recourante, Z.________ aurait commis un abus de droit flagrant en revendiquant l'exclusivité de ses droits aux seules fins d'empêcher un tiers d'exploiter le  bar B.________, alors qu'elle-même avait décidé de ne pas faire usage de cette exclusivité, respectivement s'était placée dans une situation l'empêchant d'en faire usage. Z.________ n'aurait eu aucune intention d'exploiter le bar en mode "  standalone " et la recourante n'aurait eu aucune obligation de lui fournir de l'aide. La recourante voit en particulier la preuve d'un abus de droit dans une missive du 25 [recte: 29s] octobre 2014 et s'appuie également sur l'opinion dissidente du troisième arbitre.  
 
5.4.  
 
5.4.1. Il sied au préalable de rappeler les éléments suivants:  
 
- Le 29 octobre 2014, constatant que A.________ et l'aéroport entretenaient des discussions directes au sujet de l'exploitation du  bar B.________, Z.________ s'est notamment adressée en ces termes à sa partenaire contractuelle:  
(...)  if the negotiations with the Airport fail so that Z.________ cannot operate both brands on acceptable terms following the end of the present concessions, neither you nor your companies nor any other third parties can operate a [...] bar B.________at Airport following the end of the concessions. In other words you won't be able in such circumstances to be able to rely on the terms of the Amendment to our Agreement dated 2013. " (sentence, p. 31 s. n. 100 s.)  
- Le 15 avril 2015, elle a notamment fait les remarques suivantes à l'adresse de l'aéroport: 
 
Z.________ holds exclusive rights in relation to these two brands for Airport. (...).  
(...) if anyone other than Z.________ were to open and operate a unit at the Airport under either of the... or A.________ [...] brands, this too would amount to a material breach of the exclusive rights granted to Z.________ by the respective brands owners. " (sentence p. 34 n. 109). 
 
5.4.2. Dans son opinion dissidente, le troisième arbitre a cité une partie de cet extrait de la lettre du 29 octobre 2014 en soulignant que Z.________ démontrait ainsi n'avoir aucun intérêt légitime à actionner A.________ sur la base du contrat de licence, le droit suisse tenant pour abusif le fait d'exercer un droit en le détournant de son but. En l'occurrence, Z.________ avait obtenu une exclusivité fondée sur la prémisse que l'aéroport mettrait à sa disposition un espace pour permettre à sa filiale suisse d'exploiter un  bar B.________, comme le montrait le contenu de la concession produite. Vu le non-renouvellement de celle-ci à l'échéance, le droit exclusif concédé était privé de tout objet, sauf à considérer qu'un tel droit puisse être exercé dans le vide.  
 
5.5. Emboîtant le pas de l'arbitre dissident, la recourante fait grief à son adverse partie d'avoir brandi ses droits exclusifs sans autre dessein que d'empêcher l'exploitation du  bar B.________, après qu'elle se fut elle-même placée dans l'impossibilité de le faire. Le Tribunal arbitral a rejeté ce moyen de défense en soulignant au passage qu'il avait été formulé sur le tard, suggérant qu'il était peu convainquant même pour son auteur. Force est de constater que la thèse de l'abus de droit (sur cette notion, cf. par exemple ATF 143 III 279 consid. 3.1 p. 281) se heurte aux constatations et à l'analyse juridique opérées par les arbitres, opérations qui lient la cour de céans et dont il ressort notamment que la recourante n'a pas présenté correctement les droits exclusifs de l'intimée, ce qui constitue la cause de sa mise à l'écart par l'aéroport. Or, ces éléments ne peuvent qu'entraîner l'effondrement de la thèse ici soutenue.  
Quant à l'opinion divergente émise par le troisième arbitre, on rappellera que celui-ci s'est inscrit en faux contre l'appréciation des preuves opérée par ses deux co-arbitres, leur reprochant d'avoir ignoré - c'est-à-dire de ne pas avoir appréhendé correctement (cf. consid. 4.6  supra) - la portée des éléments plaidant en faveur de la recourante. Qui plus est, l'arbitre fonde partiellement son opinion sur une interprétation du contrat de licence en cause, évoquant le but poursuivi dans le cas d'espèce; or, il vient d'être rappelé que cet élément échappe à la notion d'ordre public matériel.  
En bref, le grief tiré de l'ordre public matériel est clairement privé d'assise. 
 
6.   
En définitive, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure et versera à l'intimée une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Un émolument judiciaire de 20'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 22'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal arbitral sis à Genève. 
 
 
Lausanne, le 17 avril 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
La greffière : Monti