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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_650/2019  
 
 
Arrêt du 20 août 2019  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Oberholzer et Jametti. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public central du canton de Vaud, 
recourant, 
 
contre  
 
X.________, 
représenté par Me Alain Dubuis, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Sort des frais de procédure en cas de classement, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 12 avril 2019 (n° 298 PE16.004190-YGL). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Actif au sein de la société A.________ SA en tant que gérant de fortune, X.________ a été approché - probablement dans le courant de l'année 2005 - par B.________, lequel souhaitait fonctionner comme apporteur d'affaires rémunéré à la commission. Dans ce cadre, ce dernier a introduit plusieurs membres de sa famille auprès d'A.________ SA, notamment C.________ et D.________. 
 
Le 31 décembre 2015, huit membres de la famille de B.________, dont C.________ et D.________, ont déposé plainte concernant la gestion de leurs avoirs opérée par X.________ au sein d'A.________ SA. 
 
B.   
Par ordonnance du 11 octobre 2018, le Ministère public central vaudois, division criminalité économique, a classé la procédure ouverte contre X.________ pour gestion déloyale et faux dans les titres, a mis une partie des frais de procédure à sa charge et lui a alloué une indemnité de 20'399 fr. 75 pour ses dépens. 
 
C.   
Par arrêt du 12 avril 2019, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par C.________ et D.________ contre cette ordonnance mais a admis celui de X.________. Elle a réformé cette décision en ce sens que les frais de procédure sont laissés à la charge de l'Etat et qu'une indemnité de 28'507 fr. 10 est allouée à ce dernier pour ses dépens. 
 
D.   
Le Ministère public central du canton de Vaud forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 avril 2019, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'ordonnance de classement du 11 octobre 2018 est confirmée, que les frais de la procédure de recours sont mis à la charge de X.________ et qu'aucune indemnité n'est allouée à ce dernier pour ladite procédure. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours, formé par un adjoint du Procureur général du canton de Vaud, est recevable (cf. ATF 144 IV 377 consid. 1 p. 379; art. 27 al. 2 de la loi vaudoise sur le Ministère public [LMPu/VD; RS/VD 173.21]). 
 
2.   
Le recourant indique qu'il "lui paraît pour le moins curieux que ses déterminations", adressées à la cour cantonale et reçues le 12 avril 2019 par celle-ci, n'eussent "trouvé strictement aucun écho" dans l'arrêt attaqué, ajoutant qu'il "doute" avoir été "véritablement entendu" par l'autorité précédente. 
 
Ce faisant, le recourant ne formule aucun grief répondant aux exigences de motivation découlant des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF en matière de déni de justice ou de violation du droit d'être entendu, puisqu'on ignore notamment quel grief ou argument aurait pu être ignoré à tort par la cour cantonale. 
 
3.   
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 426 al. 2 CPP en laissant intégralement les frais de procédure à la charge de l'Etat. 
 
3.1. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.  
 
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 204 s. et les références citées). 
 
Selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral prévues par l'art. 429 CPP, lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de l'indemnisation (art. 429 à 434 CPP) doit être traitée après celle des frais (arrêts 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). 
 
3.2. Dans son ordonnance de classement du 11 octobre 2018, le recourant avait indiqué, s'agissant de D.________, qu'il était ressorti de l'instruction qu'A.________ SA - et en son sein l'intimé - avait été autorisée à investir les avoirs confiés dans des actions à hauteur de 45%. Cette proportion n'avait été dépassée qu'à une occasion, en 2007, au moment où D.________ avait effectué un nouvel apport de fonds, lequel avait été investi en majeure partie dans des produits structurés. Dès l'année 2008, la part des actions avait été drastiquement réduite. Le recourant en avait déduit que l'intimé avait commis une violation objective du devoir de gestion à cet égard et que la condition de l'intention avait été réalisée, à tout le moins sous la forme du dol éventuel. Ainsi, l'intimé s'était rendu coupable de gestion déloyale lors de l'achat de produits structurés pour le compte de D.________ en 2007.  
 
Concernant C.________, le recourant avait considéré qu'au regard des instructions données par le prénommé par le biais de son profil de placement, l'intimé avait également commis une violation du devoir de gestion. Plus précisément, au 31 décembre 2007, la part des actions et placements similaires avait atteint 75% de la valeur en portefeuille alors que celle-ci n'aurait pas dû excéder les 45% prévus dans le profil d'investisseur. Cependant, l'existence d'un dommage en lien de causalité avec la violation précitée n'avait pu être établie. 
 
Le recourant a cependant ordonné un classement de la procédure dès lors que la prescription de l'action pénale, s'agissant d'éventuelles infractions de gestion déloyale simple, avait été atteinte. 
 
3.3. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale n'a pas établi les faits relatifs à la gestion des avoirs des clients concernés par l'intimé ou aux éventuels manquements de ce dernier à ses devoirs, dès lors qu'elle a considéré que l'intéressé n'avait pas été mu par un dessein d'enrichissement illégitime, qu'une infraction de gestion déloyale aggravée était partant exclue et qu'une éventuelle infraction à titre de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP serait de toute manière prescrite.  
 
S'agissant de la question des frais de procédure, l'autorité précédente a exposé que les fautes que le recourant imputait à l'intimé - lequel contestait celles-ci - consistaient dans le non-respect de certaines instructions que les clients d'A.________ SA auraient données pour la gestion de leurs avoirs. Il s'agissait exclusivement de fautes contractuelles, de sorte que le recourant n'aurait pas dû mettre une partie des frais de procédure à la charge de l'intimé ni réduire son indemnité fondée sur l'art. 429 CPP
 
3.4. Le recourant discute tout d'abord la portée d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (  Giosakis c. Grèce du 3 mai 2011 [requête no 5689/08]), que la cour cantonale a certes mentionné dans son considérant consacré aux principes juridiques applicables - en relevant que l'art. 6 par. 2 CEDH était violé lorsqu'une décision donnait le sentiment que le prévenu n'avait échappé à une condamnation qu'en raison de la seule prescription -, mais dont elle n'a tiré aucune conclusion particulière. Le recourant ne prétend pas, pour sa part, que l'un ou l'autre des principes déduits de cette jurisprudence ferait apparaître l'arrêt attaqué comme contraire à la disposition de la CEDH précitée, de sorte que son argumentation est dénuée de pertinence sur ce point.  
 
Pour le reste, la jurisprudence admet certes que la violation des devoirs du mandataire envers le mandant puisse justifier que les frais soient mis à la charge du premier à l'issue d'une procédure pénale ouverte contre lui notamment pour gestion déloyale (cf. arrêts 6B_795/2017 du 30 mai 2018 consid. 1.2; 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.1; 6B_893/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.3). C'est toutefois en vain que l'on cherche, dans le recours du recourant, la démonstration qu'un comportement fautif et contraire à une règle juridique civile de l'intimé se serait trouvé en relation de causalité avec les frais de procédure imputés. Le recourant ne formule aucun développement pour établir que le comportement supposément civilement illicite de l'intimé serait en lien direct avec l'ouverture de la procédure. L'argumentation présentée est insuffisante sous l'angle de l'art. 42 al. 2 LTF. Le recourant se borne à affirmer que l'intimé aurait commis des actes de gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP et que ces agissements délictueux se confondraient avec les actes illicites permettant de fonder la condamnation aux frais à titre de l'art. 426 al. 2 CPP. Or, contrairement à ce que suggère le recourant, il est exclu, à peine de violer la présomption d'innocence dont bénéficie l'intimé (cf. consid. 3.1 supra), de justifier une mise à sa charge des frais de procédure en motivant celle-ci par la commission d'une infraction dont seule l'acquisition de la prescription aurait évité qu'elle fût sanctionnée par une condamnation. 
En définitive, le recourant ne démontre aucunement que la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en refusant de mettre des frais de procédure à la charge de l'intimé et, en conséquence, en allouant à ce dernier une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP
 
4.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 août 2019 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa