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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_234/2021  
 
 
Arrêt du 21 mai 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Philippe Pont, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office régional du Ministère public du Bas-Valais, place Sainte-Marie 6, case postale 98, 1890 St-Maurice. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, 
du 21 avril 2021 (P3 21 72 - P3 21 89). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ (né en 1994) a été arrêté le 29 septembre 2020 alors qu'il circulait sans permis valable au volant de l'automobile de sa mère - sans l'autorisation de celle-ci - sous l'emprise de la cocaïne. Par décision du 1er octobre 2020, le Tribunal des mesures de contrainte du canton du Valais (Tmc) a ordonné sa mise en détention provisoire pour trois mois en raison du risque de récidive, considérant que le placement en établissement ou un suivi ambulatoire ne pourraient être ordonnés que sur la base d'une expertise psychiatrique et que le principe de la proportionnalité était respecté puisque la peine envisagée par le Ministère public était de trois mois de jours-amende fermes. Par décision du 22 décembre 2020, le Tmc a prolongé la détention jusqu'au 21 mars 2021: selon le rapport d'expertise du 11 décembre 2020, le prévenu souffrait notamment de schizophrénie indifférenciée et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de diverses substances; le risque de récidive était qualifié de modéré à fort, et seule une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP était à même de garantir les soins nécessaires. L'Office cantonal des sanctions et mesures d'accompagnement (OSAMA) devrait donner son feu vert à un tel placement. Cette décision a été confirmée sur recours par ordonnance du 26 janvier 2021 de la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan. 
Le 2 mars 2021, le Tmc a rejeté une demande de mise en liberté, décision contre laquelle le prévenu a recouru auprès de la Chambre pénale. Par décision du 17 mars 2021, le Tmc a encore prolongé la détention provisoire, jusqu'au 20 juin 2021. Cette décision a également fait l'objet d'un recours. 
 
B.   
Par ordonnance du 21 avril 2021, la Chambre pénale a rejeté les deux recours. En dépit des critiques formulées par deux médecins contre l'expertise, et sous réserve d'une éventuelle expertise pluridisciplinaire, les conclusions relatives au risque de récidive demeuraient valables: l'état de santé du prévenu était préoccupant et ses troubles du comportement assortis d'addictions multiples faisaient craindre un grave danger pour autrui au point que l'on pouvait faire abstraction de l'absence d'antécédents. La mesure thérapeutique institutionnelle préconisée à titre de mesure de substitution - mais refusée par le prévenu - ne pouvait être mise en oeuvre faute de place disponible trouvée par l'OSAMA, l'établissement Curabilis ayant refusé une prise en charge. Les mesures de substitution proposées par le prévenu (traitement médical institutionnel temporaire ou ambulatoire) n'apparaissaient pas suffisantes. 
 
C.   
Agissant le 7 mai 2021 par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 21 avril 2021, d'annuler l'exécution d'une mesure thérapeutique institutionnelle à titre de mesure de substitution et d'ordonner sa libération immédiate moyennant des mesures de substitution. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande l'assistance judiciaire. 
La Chambre pénale se réfère à son ordonnance. Le Ministère public conclut au rejet du recours, en se référant à certaines pièces du dossier. Dans ses dernières observations, le recourant critique le refus de procéder à une nouvelle expertise et persiste dans ses griefs. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative au maintien en détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu et détenu, a qualité pour recourir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant ne conteste pas les charges retenues contre lui, qui consistent dans le vol d'usage du véhicule de sa mère, la conduite sans permis valable et sous l'influence de produits stupéfiants (art. 90 al. 2 let. a et 95 al. 1 let. a LCR), l'entrave aux mesures de constatation d'incapacité de conduire (art. 91a LCR) et une violation de la LStup. Il conteste en revanche l'existence d'un risque de récidive en relevant que le seul antécédent est le vol d'usage d'un véhicule bridé à 40 km/h avec les clés sur le contact, alors qu'il avait consommé des stupéfiants. Il n'aurait causé aucun accident ni aucune mise en danger. Son maintien en détention depuis début octobre 2020 serait en réalité fondé sur son état de santé psychique, sur la base de l'expertise du 11 décembre 2020. Le recourant estime que ce rapport contiendrait des imprécisions (notamment sur sa situation familiale) et que les diagnostics retenus, basés en partie sur de précédents avis, sans discussion, poseraient de nombreuses questions. En particulier, l'estimation du risque de récidive ("modéré/fort") ne serait ni motivée, ni compréhensible. 
 
2.1. En vertu de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre. Cette disposition pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 143 IV 9 consid. 2.5). La gravité de l'infraction fondant le risque de récidive dépend, outre de la peine menace prévue par la loi, de la nature du bien juridique menacé et du contexte, notamment la dangerosité présentée concrètement par le prévenu, respectivement son potentiel de violence. La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tout type de biens juridiquement protégés. Ce sont en premier lieu les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visés (ATF 143 IV 9 consid. 2.6 et 2.7).  
Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.8). En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.9). 
Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. 
 
2.2. Le recourant se voit reprocher des infractions de vol d'usage d'un véhicule, de conduite sans permis valable et sous l'emprise des stupéfiants, d'entrave aux mesures de constatation d'incapacité de conduite ainsi que de contravention à la Lstup. Il ne lui est notamment pas reproché de participer à un trafic illicite de stupéfiants. Le jour de son arrestation, il conduisait sans permis le véhicule de sa mère - sans le consentement de celle-ci - et se trouvait sous l'influence de la cocaïne. Le seul antécédent retenu est le vol d'usage d'un véhicule bridé à 40 km/h, les clés se trouvant sur le tableau de bord; le recourant s'était alors rendu dans le village voisin où il avait abandonné le véhicule. Il n'a commis aucun accident ni perte de maîtrise. Il ne s'agit pas de délits de violence grave et délibérée et la fréquence des agissements reprochés au recourant pouvant mettre des tiers en danger n'est pas non plus particulière (cf. arrêt 1B_3/2019 du 17 janvier 2019 consid. 3.2: cas d'un prévenu ayant conduit à de nombreuses reprises sans permis et commis des pertes de maîtrise graves ayant mis concrètement en danger les passagers du véhicule, et qui se voyait en outre reprocher des comportements menaçants). Même s'il qualifie le risque de récidive de modéré à fort, l'expert ne met pas en évidence une tendance à l'aggravation des comportements du recourant. Les seuls actes de violence ont été commis sur sa propre personne (tentative de suicide en avril 2020).  
En dépit d'un diagnostic médical encore flou et contesté, l'expert et les deux médecins mandatés par le recourant s'accordent sur la nécessité d'imposer un encadrement afin de prévenir la consommation de stupéfiants, d'assurer une médication adéquate et d'éviter que le recourant ne réitère des comportements qui restent dangereux pour autrui (conduite sans permis et sous l'influence des stupéfiants). Les instances précédentes ont d'ailleurs reconnu l'opportunité de mesures de substitution, sous la forme de l'exécution anticipée d'une mesure thérapeutique au sens de l'art. 59 CP. Toutefois, un placement n'a pas pu être réalisé car aucun établissement n'a été trouvé; l'établissement Curabilis a en particulier indiqué qu'un séjour n'apporterait "aucune plus-value dans la symptomatologie chronique" du recourant. Le maintien en détention du recourant après plus de sept mois, au motif qu'un établissement adéquat n'a pas pu être trouvé, contrevient dans ces circonstances au principe de la proportionnalité. S'il y a lieu de retenir un certain risque de réitération, force est de reconnaître que celui-ci ne justifie plus non plus un maintien en détention vu ce qui précède. Le recours doit par conséquent être admis pour ces motifs. 
 
2.3. Cela étant, la jurisprudence considère que l'on peut se montrer moins exigeant quant à l'intensité du risque de récidive lorsqu'il est question de mesures de substitution moins contraignantes qu'une privation de liberté (cf. pour le risque de récidive: arrêts 1B_167/2021 du 5 mai 2021 consid. 5.4 in fine; 1B_461/2020 du 14 octobre 2020 consid. 5.3 in fine; pour le risque de fuite: ATF 133 I 27 consid. 3.3; arrêt 1B_26072017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1; FREI/ZUBERBÜHLER ELSÄSSER, SK-Kommentar StPO, 3ème éd. 2020, n° 2 ad art. 237). Le recourant conclut d'ailleurs expressément dans son acte de recours à ce que des mesures de substitution soient prononcées, sous la forme d'un suivi ambulatoire, sans toutefois en préciser clairement la nature. Il y a dès lors lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle ordonne, après instruction, les mesures de substitution adéquates. Celles-ci pourront consister dans un suivi médical ambulatoire avec une médication appropriée, un contrôle de la prise des médicaments et de l'abstinence aux produits stupéfiants, ainsi que des mesures pratiques tendant à empêcher le recourant de prendre le véhicule de sa mère. La cour cantonale examinera également s'il y a lieu d'informer l'autorité de protection de l'adulte compétente en vue d'éventuelles mesures au sens du Code civil.  
 
3.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée à la Chambre pénale afin qu'elle statue à brève échéance sur la mise en liberté du recourant moyennant des mesures de substitution. Dans l'attente de la nouvelle décision de la cour cantonale, le recourant restera en détention. La demande de mise en liberté immédiate doit donc être rejetée à ce stade. Le recourant obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat. Il a donc droit à des dépens, à la charge du canton du Valais (art. 68 al. 2 LTF). Cela rend sans objet la demande d'assistance judiciaire. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Le recours est admis; l'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais pour nouvelle décision au sens des considérants. La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. 
 
2.   
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à l'avocat du recourant Me Philippe Pont, à la charge du canton du Valais. La demande d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 21 mai 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz