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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_425/2021  
 
 
Arrêt du 23 août 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Niquille et Rüedi. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Daniel Tunik, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Hoirie de feu B.A.________, soit: 
 
1. C.A.________, 
2. D.A.________, 
3. E.A.________, 
4. F.A.________, 
tous les quatre représentés par Mes Jean-Cédric Michel et Sébastien Fries, avocats, 
intimés. 
 
Objet 
ordre de paiement envoyé par la poste, intercepté par des escrocs et falsifié; clause de transfert de risque; faute grave de la banque, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 22 juin 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/2738/2018; ACJC/824/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. C.A.________, D.A.________, E.A.________ et F.A.________ (ci-après: les héritiers, les demandeurs ou les intimés) sont devenus titulaires, au décès de leur père le... 2016, de la relation bancaire de celui-ci (qu'il entretenait précédemment avec son épouse avant le décès de celle-ci) avec la banque A.________ SA (ci-après: la banque, la défenderesse ou la recourante), à U.________. Il s'agit d'un contrat de compte courant et d'un contrat de giro bancaire (pour le trafic des paiements), auxquels sont intégrées les Conditions générales de la banque. La gestion du compte était assurée par G.________, gestionnaire au sein de la banque, qui a été aussi vice-directeur de la succursale de la banque à V.________ (ci-après: le gestionnaire).  
Les Conditions générales de la banque prévoient notamment deux clauses de transfert de risque: 
 
" La Banque vérifie avec la diligence usuelle la légitimation du Client, de ses mandataires ou d'autres personnes disposant d'un droit de signature. Dès lors que la Banque a fait preuve de la diligence d'usage, tout dommage pouvant résulter de défauts de légitimation ou de falsifications non décelées est à la charge du Client " (art. 1 al. 3). 
" Tout dommage lié à l'utilisation de services postaux, services de courrier, téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre moyen de transmission, en particulier par suite de retard, perte, malentendu, altération, double expédition ou fraude, est à la charge du Client, sauf en cas de faute grave de la Banque " (art. 3). 
Pour la vérification de la légitimation du donneur d'ordre, la banque a établi, à tout le moins dès 2013, une note d'instruction intitulée " Prérequis anti-fraude et gestion des alertes en cas de fraude supposée ou avérée ". Selon celle-ci, la banque est tenue de procéder aux vérifications suivantes lorsque l'ordre est transmis par courrier: (1) authentifier le donneur d'ordre, (2) vérifier la signature, (3) procéder à un " contrôle de la plausibilité " et (4) effectuer un " contre-appel " au client en cas de doute (à savoir appeler le client pour s'assurer qu'il est bien le donneur d'ordre), (5) le gérant devant en outre marquer son accord à l'exécution de l'instruction en y apposant son visa (" accord du gérant par son visa "). 
Après le décès du père, la banque a exigé que certaines instructions lui soient communiquées par courrier postal. En effet, lorsqu'une hoirie est composée de plusieurs membres, la banque pose des exigences plus importantes et demande que les instructions des héritiers lui soient transmises par la voie postale, avec la signature de toutes les personnes concernées, la communication par téléphone ou par courriel n'étant pas suffisante en pareil cas. La banque était moins formelle lorsque les paiements à effectuer étaient dans l'intérêt de la succession, comme des paiements de frais médicaux du défunt ou encore de frais funéraires. 
 
A.b. Le gestionnaire du compte avait des contacts réguliers par téléphone avec le père avant son décès et avec son fils, C.A.________.  
Une instruction, qui avait pour objet le paiement d'impôts successoraux de 7'976,75 euros, a été exécutée sur la base d'une instruction téléphonique donnée par C.A.________ le 8 décembre 2016, confirmée par courriel du même jour. 
À partir du 27 février 2017, le gestionnaire a eu plusieurs contacts avec C.A.________ au sujet d'opérations à effectuer sur le compte. 
Après avoir annoncé au gestionnaire une instruction par téléphone le 24 mars 2017, C.A.________ l'a transmise à la banque par courriel du 26 mars 2017. L'instruction, signée par tous les héritiers et envoyée par courrier postal, est parvenue à la banque le 30 mars 2017 et a été exécutée. 
Une autre instruction, signée par tous les héritiers et datée du 12 avril 2017, a été exécutée sur la base d'un courriel et d'entretiens téléphoniques avec C.A.________, sans communication par la voie postale, dès lors que ces paiements avaient fait l'objet de contacts répétés avec les héritiers et qu'il s'agissait de transferts internes à la banque. 
 
A.c. L'instruction litigieuse, d'un montant de 141'599,85 euros et datée du 30 avril 2017, a fait l'objet de discussions par téléphone au cours des jours précédents et avait pour objet un paiement en faveur de la notaire en charge de la succession du père décédé.  
Sa copie scannée, munie de la signature de tous les héritiers, a été adressée à la banque par C.A.________ par courriel du 1er mai 2017. Celui-ci y précisait que cette instruction ainsi que celle du 12 avril 2017 étaient postées à l'attention de la banque le jour même, ainsi que l'avait demandé le gestionnaire. 
Le courrier postal adressé à la succursale de la banque à V.________ a été intercepté par des escrocs, qui ont remplacé l'instruction qui y était contenue en changeant les coordonnées bancaires (IBAN et BIC) de la notaire destinataire (et donc de la banque destinataire) et en corrigeant le nom de l'un des héritiers qui, dans l'ordre original, apparaissait, par erreur, deux fois. 
À une date indéterminée, ce courrier postal a été réceptionné par la banque. L'instruction a été exécutée le 10 mai 2017 par H.________, assistante du gestionnaire du compte, qui l'a ensuite fait acheminer au siège de la banque à U.________. Le gestionnaire a déclaré qu'il n'avait pas vérifié cette instruction, ajoutant qu'il déléguait la tâche de vérifier les signatures à ses assistantes. 
 
A.d. Une nouvelle instruction, envoyée par la poste et reçue par la banque le 16 mai 2017, a été jugée douteuse par le gestionnaire, parce que cet ordre n'avait pas été évoqué au préalable par le client par téléphone, que le montant de la transaction dépassait les avoirs en compte et qu'il concernait l'achat d'un bien immobilier, ce qui était douteux pour une hoirie. Le gestionnaire a interpellé C.A.________ le 16 mai 2017.  
Le 17 mai 2017, C.A.________ a relancé la banque car la notaire n'avait pas reçu le montant de 141'599,85 euros attendu. Le 18 mai 2017, le gestionnaire l'a informé que le montant avait été versé sur le compte indiqué dans l'instruction reçue par courrier postal, soit sur un compte différent de celui indiqué dans l'instruction reçue par courriel. 
Le gestionnaire a demandé le retour de l'argent à la banque destinataire I.________ SA, sans succès. 
Par courriel du 18 mai 2017, C.A.________ a reproché à la banque de n'avoir pas tenu compte de ses avertissements quant aux risques inhérents à la transmission d'instructions par voie postale et de n'avoir pas comparé l'instruction scannée reçue par courriel avec celle reçue par pli postal. Les héritiers ont réclamé à la banque la restitution du montant détourné. 
Le 20 janvier 2018, les héritiers ont déposé plainte pénale auprès du Ministère public de Bruxelles en Belgique. Le compte auprès de la banque I.________ SA sur lequel le montant avait été crédité le 11 mai 2017 appartenait à l'entité J.________, gérée par K.________, qui a été renvoyé devant un tribunal correctionnel belge pour escroquerie et tentative d'escroquerie. Le compte avait été débité le même jour de 98'254,25 euros en faveur de L.________ sur un compte en Turquie. 26'500 euros ont été transférés sur un compte de J.________ et 16'100 euros ont été retirés en liquide le 12 mai 2017. 
 
B.  
Les héritiers ont ouvert action contre la banque par requête de conciliation du 5 février 2018, puis, à la suite de l'échec de celle-ci, ont déposé leur demande devant le Tribunal de première instance du canton de Genève le 8 juin 2018. Ils ont conclu au paiement de 141'619,85 euros avec intérêts à 5 % l'an dès le 10 mai 2017 et de 2'978,55 euros à titre de frais d'avocat pour le dépôt de la plainte pénale, frais que la banque s'était engagée à payer. 
Acceptant de couvrir les frais d'avocat sus-indiqués, la banque a conclu pour le reste au rejet de la demande. 
Par jugement du 29 juin 2020, le Tribunal de première instance a condamné la banque à verser aux demandeurs, créanciers solidaires, le montant de 2'680,70 euros avec intérêts à 5 % l'an dès le 27 mars 2018 (ch. 1), a rejeté toutes autres conclusions (ch. 4), et a réglé les questions des frais judiciaires et des dépens (ch. 2 et 3). Le Tribunal a considéré que la banque n'avait pas commis de faute grave en exécutant l'instruction du 30 avril 2017, parce que le gestionnaire ne pouvait pas soupçonner que l'ordre reçu par courrier postal était falsifié, seuls le numéro IBAN et le code BIC ayant été modifiés par les escrocs, de sorte qu'il pouvait partir du principe que cette instruction correspondait à celle qu'il avait reçue par courriel. 
Statuant par arrêt du 22 juin 2021 sur appel des demandeurs, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé les ch. 2 à 4 de ce jugement et a condamné la banque à verser aux demandeurs, créanciers solidaires, le montant de 141'619,50 euros avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 juin 2017, modifiant les frais judiciaires et les dépens en conséquence. Elle a considéré que la banque avait commis une faute grave. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 5 juillet 2021, la banque défenderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 6 septembre 2021, concluant à son annulation et au déboutement des demandeurs de toutes leurs conclusions. Elle invoque que la cour cantonale a violé le droit fédéral en retenant une faute grave de sa part. 
Les héritiers intimés concluent au rejet du recours. À titre subsidiaire, ils invoquent que, selon la pratique convenue entre les parties, la banque devait exécuter l'instruction (scannée) reçue par courriel, ce qui aurait évité tout dommage. Ils soutiennent aussi que la falsification des signatures était grossière. 
Les parties ont encore déposé chacune des observations. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), compte tenu des féries d'été (art. 46 al. 1 let. b LTF), dont le dernier jour est venu à échéance un dimanche (art. 45 al. 1 LTF), par la défenderesse qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) prise sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
Le litige revêt un caractère international du seul fait du domicile à l'étranger des héritiers. Il n'est toutefois pas contesté que le droit suisse est applicable et que les tribunaux genevois sont compétents. 
 
3.  
Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter, en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4). 
Lorsque la cour cantonale apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le degré de gravité de la faute, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue la décision d'équité ainsi prise. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une inéquité choquante (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 136 III 65 consid. 2.5; 130 III 28 consid. 4.1 et les arrêts cités). Il convient de préciser que, de manière générale, les éventuelles comparaisons avec des décisions judiciaires rendues dans des causes que les parties tiennent pour similaires à la leur doivent être appréciées avec circonspection (arrêt 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 4.1). 
 
4.  
Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un contrat de compte courant et un contrat de giro bancaire et que, selon les Conditions générales de la banque qui y étaient intégrées, les parties étaient convenues de deux clauses de transfert de risque sur la tête du client, sauf faute grave de la banque, soit, la première, pour les cas de défauts de légitimation et de falsifications non décelées (art. 1 al. 3) et, la seconde, pour l'utilisation notamment de services postaux, de téléphone et de courrier électronique (art. 3) (sur ces clauses de transfert de risque, cf. ATF 146 III 326 consid. 6; arrêt 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5). 
Faute de grief, la Cour de céans n'examinera pas si les notions d'absence de diligence usuelle, s'agissant de la vérification de la légitimation du donneur d'ordre (art. 1 al. 3), et de faute grave, en ce qui concerne les ordres envoyés notamment par la poste (art. 3), sont identiques et s'en tiendra à l'examen de la faute grave de la banque, que la cour cantonale a admise et qui est remise en cause par la banque recourante. 
 
4.1. Constitue une faute grave la violation des règles élémentaires de prudence dont le respect se serait imposé à toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (ATF 146 III 326 consid. 6.2; 128 III 76 consid. 1b; 119 II 443 consid. 2a; arrêts 4A_161/2020 précité consid. 5.1.2; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2.5; 4A_398/2009 du 23 février 2010 consid. 6.1). Commet, en revanche, une négligence légère la personne qui ne fait pas preuve de toute la prudence qu'on aurait pu attendre d'elle, sans toutefois que sa faute - non excusable - puisse être considérée comme une violation des règles de prudence les plus élémentaires (ATF 146 III 326 consid. 6.2; arrêt 4A_386/2016 précité consid. 2.2.5 et les références citées). Le juge cantonal apprécie (art. 4 CC) les agissements de la banque en se référant à la diligence que l'autre partie était en droit d'attendre, en vertu, notamment, des clauses du contrat et des usages professionnels (ATF 146 III 326 consid. 6.2; arrêts 4A_386/2016 précité consid. 2.2.5; 4A_438/2007 du 29 janvier 2008 consid. 5.3). Le fardeau de la preuve de la faute grave de la banque incombe au demandeur (art. 8 CC). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue l'appréciation de la cour cantonale (cf. consid. 3 ci-dessus).  
 
4.2. La cour cantonale a tout d'abord examiné deux instructions, soit celles du 8 décembre 2016 et du 12 avril 2017, qui avaient été exécutées sur la base d'un entretien par téléphone et d'une confirmation par courriel, et pour lesquelles une instruction écrite par courrier postal n'avait pas été demandée par la banque. La cour cantonale a estimé que la banque pouvait s'en contenter, puisque la première avait pour objet le paiement d'impôts successoraux et que la seconde avait fait l'objet de contacts répétés avec les héritiers et qu'il s'agissait de transferts internes à la banque.  
En ce qui concerne l'instruction litigieuse du 30 avril 2017, qui a été précédée d'un entretien téléphonique avec l'un des héritiers et qui a fait l'objet d'un courriel avec copie scannée de l'instruction, la cour cantonale a estimé que la banque pouvait exiger une confirmation écrite par courrier postal, mais qu'elle devait en vérifier l'authenticité avec la diligence requise par les circonstances. Elle a retenu une faute grave de la banque, pour les deux motifs suivants: 
 
4.2.1. Premièrement, elle a considéré que l'instruction falsifiée reçue par courrier postal n'avait pas été vérifiée et visée par le gestionnaire du compte lui-même, ce que celui-ci a admis, ajoutant qu'il déléguait cette tâche à ses assistantes. Or, selon les directives internes de la banque et les déclarations du directeur et de la sous-directrice de la banque, interrogés en audience, la vérification des signatures relève de la responsabilité du gestionnaire du compte. La cour cantonale a donc considéré que la vérification n'avait pas été faite par le gestionnaire, et ce en violation des directives internes de la banque en la matière (" Prérequis anti-fraude et gestion des alertes en cas de fraude supposée ou avérée ").  
 
4.2.2. Secondement, la cour cantonale a considéré que l'on pouvait attendre de la banque qu'elle se montre particulièrement attentive avant d'exécuter l'ordre reçu par pli postal, que celle-ci admettait d'ailleurs qu'un ordre ne devait pas être exécuté sans une vérification sérieuse et que, lorsque l'ordre avait été précédé d'un courriel, elle ne pouvait pas, sans violer les règles de la bonne foi, ne pas comparer l'instruction (scannée) reçue par courriel avec l'instruction (écrite et signée) reçue par courrier postal. Une telle comparaison s'imposait pour écarter un risque de fraude, voire même simplement pour prévenir une erreur. Or, la comparaison de l'ordre (scanné) transmis par courriel avec celui (écrit) reçu par pli postal suffisait pour éveiller de sérieux doutes pour deux raisons: en effet, toute personne raisonnable, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un employé de banque, aurait au premier coup d'oeil constaté (1) que les coordonnées IBAN et BIC n'étaient pas les mêmes dans les deux ordres et (2) qu'il y avait eu une correction à la main dans l'ordre scanné (le prénom " D.________ ", mentionné deux fois, avait été tracé et remplacé à la main par " E.________ "), alors qu'elle ne figurait pas dans l'ordre écrit reçu par courrier postal (lequel avait été corrigé à la machine). Ces divergences auraient dû inciter le gestionnaire à s'assurer de l'authenticité de l'ordre à exécuter et à procéder à des vérifications supplémentaires, conformément aux directives internes de la banque, en contactant C.A.________ ou un autre héritier, lesquels étaient aisément joignables par téléphone. Le fait qu'il y ait eu un entretien téléphonique sur un autre objet le jour de l'exécution de l'instruction et que les deux ordres soient similaires à certains égards ne change rien à la gravité de la faute. Effectuer une comparaison était compatible avec la diligence usuelle que la banque devait observer. La cour cantonale en a conclu que la banque n'avait pas respecté les règles élémentaires de prudence et que sa faute devait être qualifiée de grave.  
 
4.3. La recourante ne démontre pas en quoi cette motivation, rendue en équité (art. 4 CC) par la cour cantonale, violerait les principes dégagés par la jurisprudence quant au contrôle auquel peut et doit procéder le Tribunal fédéral.  
 
4.3.1. En ce qui concerne le premier motif de la cour cantonale, la recourante ne conteste ni que le gestionnaire n'a pas vérifié lui-même l'instruction, ni qu'il n'a pas apposé son visa sur l'ordre, ni que la vérification a effectivement été effectuée par l'assistante de celui-ci. Elle soutient que, même si la vérification avait été faite par le gestionnaire, cela n'aurait rien changé car la falsification des signatures n'était pas détectable et, partant, que le non-respect des directives internes est sans rapport de causalité avec la survenance du dommage.  
Ce faisant, la recourante ne s'en prend pas à la motivation de la cour cantonale, de sorte que son grief est irrecevable. En effet, alors que la cour cantonale reproche au gestionnaire de n'avoir pas comparé les deux ordres - scanné et écrit - qu'il avait reçus, la divergence des coordonnées IBAN et BIC et la rature/correction de l'un des prénoms des héritiers sautant aux yeux, la recourante se focalise sur les signatures dont la falsification n'était pas décelable en se référant à divers arrêts. D'ailleurs, la cour cantonale elle-même a admis que " les signatures [...] ne différaient pas grossièrement entre elles [et que cela] ne change rien à la gravité de la faute ". Au demeurant, le directeur et la sous-directrice de la banque, interrogés en audience, ont affirmé que la responsabilité de la vérification des ordres incombait au gestionnaire du compte (ce que la recourante ne taxe pas d'arbitraire), dont la banque répond en vertu de l'art. 101 CO, voire, s'il s'agit d'un organe de la banque, de l'art. 55 CC (arrêt 4A_479/2020 du 30 août 2022 consid. 4.2). 
 
4.3.2. À l'encontre du second motif de la cour cantonale, la banque recourante se limite à affirmer que l'ordre scanné envoyé par courriel, dont l'expéditeur C.A.________ précisait qu'il faisait l'objet d'un envoi postal du même jour, ne pouvait pas être exécuté et n'avait donc pas à être examiné, que seul l'ordre écrit envoyé par voie postale devait l'être et qu'une comparaison entre les deux n'avait pas à être effectuée.  
Ce faisant, elle ne démontre pas en quoi l'appréciation de la faute du gestionnaire par la cour cantonale, qui a estimé que toute personne raisonnable, a fortiori un employé de banque, placée dans les mêmes circonstances, utiliserait toutes les informations à sa disposition pour s'assurer qu'elle effectue le virement en faveur du compte effectif de la notaire, ne devrait pas être suivie. Cette appréciation doit être confirmée: il est connu que des fraudes se produisent lors d'envoi par courriel, mais aussi par courrier postal. Comparer les deux ordres - scanné et écrit - relève de la prudence élémentaire, d'autant plus lorsque l'ordre de virement porte sur un montant important. La recourante ne conteste d'ailleurs pas qu'il était manifeste que " le numéro IBAN avait été remplacé par un autre ", ce sur quoi doit porter la vérification de la banque. Le fait qu'un entretien téléphonique avec les héritiers ait eu lieu le jour de l'exécution de l'instruction n'y change rien, dès lors que l'entretien n'a pas porté sur les coordonnées IBAN; il en va de même du fait que la banque a décelé la falsification de l'ordre postérieur reçu le 16 mai 2017.  
 
4.3.3. Enfin, aucune circonstance, ni d'ailleurs aucun grief, ne permettent d'examiner si le client a commis une faute concomitante au sens de l'art. 1 al. 2 des Conditions générales, évoqué par la cour cantonale.  
 
4.3.4. On peut également se dispenser d'examiner les griefs des intimés qui, à titre subsidiaire, invoquent que, selon la convention des parties, l'ordre scanné aurait dû être exécuté. On peut également renoncer à examiner, notamment, si la falsification des signatures était grossière ou non, si l'assistante a effectivement procédé à leur vérification et si une assistante dispose des connaissances suffisantes à cet effet.  
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable, et les frais judiciaires et les dépens de la procédure fédérale mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals