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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_673/2020  
 
 
Arrêt du 25 juin 2021  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président, 
Wirthlin et Abrecht. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Guy Longchamp, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (lien de causalité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 
canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 24 septembre 2020 (AA 39/18 - 143/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1979, a travaillé comme comptable au sein de l'entreprise B.________ SA. Il était à ce titre assuré obligatoirement contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 16 juin 2013, il a chuté à vélo, se réceptionnant sur l'épaule gauche. Consulté le 18 juin 2013, le docteur C.________, spécialiste en médecine générale, a diagnostiqué une contusion de l'épaule gauche et a prescrit six séances de physiothérapie. La CNA a pris en charge le cas.  
 
A.b. Le 2 juin 2014, l'assuré a annoncé une rechute de l'accident du 16 juin 2013. A l'issue d'une arthro-IRM de l'épaule gauche réalisée le 14 juillet 2014, le docteur D.________, spécialiste en radiologie, a posé le diagnostic de tendinopathie d'insertion du sus-épineux et de bursite sous-acromiale discrète. Consulté par l'assuré, le docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a retenu une suspicion de lésion partielle du tendon du sus-épineux de l'épaule gauche (avis du 8 octobre 2014). Le 29 octobre 2014, la CNA a alloué des prestations d'assurance pour les suites de l'accident du 16 juin 2013.  
 
A.c. Le 1er septembre 2016, l'assuré a consulté le docteur F.________, spécialiste en chirurgie de l'épaule, en raison de douleurs persistantes à l'épaule gauche. Ce médecin a diagnostiqué une probable lésion de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et a préconisé une arthro-IRM, laquelle a mis en évidence, le 23 septembre 2016, un conflit sous-acromial avec fissuration centimétrique intra-tendineuse de l'enthèse du supra-épineux occupant plus de 80 % de son épaisseur associée à une bursite sous-acromiale. Une nouvelle arthro-IRM, réalisée le 10 avril 2017, a confirmé la déchirure du tendon du supra-épineux. Le docteur F.________ a alors préconisé une réparation arthroscopique du tendon du sus-épineux. La CNA a soumis le cas à la doctoresse G.________, médecin d'arrondissement de la CNA, qui a indiqué que la relation de causalité entre l'accident du 16 juin 2013 et les lésions constatées en septembre 2016 et en avril 2017 était tout au plus possible (rapport du 21 septembre 2017).  
 
A.d. Par décision du 2 octobre 2017, la CNA a refusé d'allouer toutes nouvelles prestations d'assurance pour les suites de l'accident du 16 juin 2013.  
L'assuré a fait opposition à cette décision. Il a produit un rapport des docteurs H.________ et I.________, respectivement spécialiste en médecine interne et spécialiste en chirurgie de l'épaule et du coude, du 15 novembre 2017. Se fondant sur un nouveau rapport de la doctoresse G.________ du 19 jan vier 2018, laquelle a confirmé son appréciation du 21 septembre 2017, la CNA a rejeté l'opposition par une nouvelle décision du 22 janvier 2018. 
 
B.  
A.________ a recouru devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en concluant à la réforme de la décision sur opposition du 22 janvier 2018 en ce sens que la CNA soit tenue de prendre en charge le traitement de la lésion de la coiffe des rotateurs de son épaule gauche. 
Par arrêt du 24 septembre 2020, la cour cantonale a admis le recours de l'assuré et a annulé la décision sur opposition du 22 janvier 2018, la CNA devant prendre en charge les suites de l'accident du 16 juin 2013. 
 
C.  
La CNA forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation, en concluant principalement à la confirmation de la décision sur opposition, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour mise en oeuvre d'une expertise judiciaire et encore plus subsidiairement au renvoi de la cause à la CNA pour mise en oeuvre d'une expertise médicale. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) et ayant été déposé dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 42 et 100 LTF), le recours est recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale était fondée à reconnaître le droit de l'intimé à des prestations de l'assurance-accidents (indemnité journalière et frais de traitement) en raison de la rupture du tendon du sus-épineux de l'épaule gauche, constatée par IRM du 23 septembre 2016.  
 
2.2. Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et art. 105 al. 3 LTF). Aussi, lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral dispose-t-il d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 et les arrêts cités, in: SVR 2018 UV n° 39 p. 141).  
 
3.  
 
3.1. Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. A juste titre, la cour cantonale a retenu que dans la mesure où l'événement litigieux était survenu avant cette date, le droit de l'intimé aux prestations d'assurance pour la rechute de cet événement était soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; RO 2016 4375). Les dispositions visées seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.  
 
3.2. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1; 129 V 402 consid. 4.3.1; 119 V 335 consid. 1; 118 V 286 consid. 1b et les références).  
 
3.3. Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l'assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l'art. 9 al. 2 OLAA (RS 832.202), selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu'elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste exhaustive de l'art. 9 al. 2 OLAA mentionne les déchirures de tendons (let. f).  
 
3.4. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références).  
 
3.5. Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise externe, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.4). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en oeuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).  
 
4.  
 
4.1. Après avoir constaté que la nature accidentelle de la chute à vélo survenue le 16 juin 2013 était établie, la cour cantonale a considéré que la rupture du tendon du sus-épineux sur près de 80 % de son épaisseur objectivée pour la première fois par l'IRM du 23 septembre 2016 constituait une déchirure tendineuse, de sorte qu'elle devait être assimilée à un accident au sens de l'art. 9 al. 2 let. f OLAA. Elle a retenu que les deux avis de la doctoresse G.________ des 21 septembre 2017 et 19 janvier 2018, selon lesquels un lien de causalité entre l'accident du 16 juin 2013 et la rupture du tendon du sus-épineux était tout au plus possible, ne permettaient pas de conclure à une cause exclusivement dégénérative, condition pour écarter la lésion assimilable à l'accident. En effet, il suffisait qu'un facteur extérieur fût une cause possible de la lésion, au moins à titre partiel, pour qu'une lésion assimilée à un accident fût admise. Cette assimilation devait être retenue même si elle avait, pour l'essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu'une cause extérieure eût au moins déclenché les symptômes dont souffrait l'intimé. Or selon les juges cantonaux, tel était le cas pour ce dernier, dès lors qu'il avait été asymptomatique avant la chute accidentelle survenue le 16 juin 2013 et qu'il ne ressortait d'aucune pièce au dossier que son épaule gauche présentait des lésions dégénératives préexistantes. Par ailleurs, la chute avait au moins partiellement déclenché tant la dégradation de l'état de l'épaule gauche que les douleurs ayant persisté depuis lors de manière fluctuante au fil du temps et des traitements, allant crescendo de 2013 à 2014, avant une nouvelle recrudescence algique rapportée dès le milieu de l'année 2015. La cour cantonale a conclu que dans la mesure où la déchirure du tendon du sus-épineux de l'épaule gauche de l'assuré était réputée imputable à l'accident du 16 juin 2013, il incombait à la recourante de la prendre en charge, même si cette atteinte avait pu trouver sa genèse dans la présence de troubles dégénératifs.  
 
4.2. La recourante ne conteste pas que la déchirure du tendon du sus-épineux constatée pour la première fois à l'IRM du 23 septembre 2016 constitue une lésion assimilée à un accident au sens de l'art. 9 al. 2 OLAA (cf. ch. 4 p. 7 du recours de la CNA). Elle fait cependant valoir que, selon la jurisprudence, il y a lieu de conclure à une lésion exclusivement maladive ou dégénérative si la lésion corporelle (assimilée) ne peut pas être rattachée à l'accident en cause (arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités). Or selon la CNA, la déchirure du tendon du sus-épineux de l'épaule gauche de l'intimé ne pouvait pas être rattachée à l'accident du 16 juin 2013 car cette lésion visible tant à l'IRM du 10 avril 2017 qu'à l'arthro-IRM du 23 septembre 2016 était récente; en effet, les deux examens précités montraient une bonne trophicité sans infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs, signant une lésion présente depuis moins d'une année.  
 
4.3. L'intimé conteste ce point de vue. Il fait valoir que l'appréciation de la doctoresse G.________, selon laquelle la bonne trophicité sans infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs observée sur les IRM de 2016 et 2017 laissait supposer que la lésion était récente, ne tiendrait pas compte des autres avis médicaux au dossier. En effet, le docteur I.________, spécialiste en chirurgie de l'épaule et du coude, indiquait (cf. rapport du 15 novembre 2017) que l'IRM réalisée en 2014 montrait déjà une rupture quasi transfixiante du tendon du sus-épineux, ce qui corroborait l'appréciation du docteur E.________, lequel a vait déjà posé le diagnostic de suspicion d'une lésion partielle du tendon du sus-épineux de l'épaule gauche dans son rapport du 8 octobre 2014. En outre, selon la doctrine médicale versée au dossier, la question de l'infiltration graisseuse de la musculature de la coiffe des rotateurs était sujette à interprétation, celle-ci pouvant du reste n'apparaître qu'après trois ou quatre ans, toutes situations - accidentelle et non accidentelle - confondues (cf. A. LÄDERMANN ET CONSORTS, lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, Forum médical suisse 2019, p. 264). En tout état de cause, l'intimé fait valoir que même si la lésion devait être considérée comme récente, il ne ferait aucun doute que l'accident du 16 juin 2013 avait eu une influence sur cette lésion, la doctoresse G.________ ayant elle-même admis un lien de causalité possible.  
 
4.4. En l'occurrence, d'après la doctoresse G.________, l'accident du 16 juin 2013 avait tout au plus aggravé passagèrement des lésions préexistantes de nature dégénérative déjà présentes sur les radiographies de l'épaule et sur l'arthro-IRM du 14 juillet 2014. L'intimé n'avait pas consulté de spécialiste en 2013 ni en 2014 et aucune indication opératoire n'avait été retenue à cette époque. C'est l'arthro-IRM du 23 septembre 2016 qui avait révélé une rupture du tendon du sus-épineux. La comparaison entre l'IRM du 14 juillet 2014 et celle du 23 septembre 2016 montrait que la chute du 16 juin 2013 n'avait pas entraîné la rupture de 80 % du tendon du sus-épineux constatée à l'IRM du 23 septembre 2016.  
De leur côté, les docteurs H.________ et I.________ ont constaté que l'intimé ne présentait pas d'antécédents au niveau de son épaule gauche et que l'IRM du 14 juillet 2014 montrait déjà une rupture quasi transfixiante du tendon du sus-épineux. Ce n'était toutefois que deux ans plus tard qu'une lésion quasi complète du tendon du sus-épineux avait été confirmée par les IRM du 23 septembre 2016 et du 10 avril 2017. L'absence d'infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs constatée à l'IRM de 2017 permettait de conclure à une étiologie traumatique de la lésion. 
Prenant à nouveau position, la doctoresse G.________ a indiqué que l'IRM du 14 juillet 2014 avait montré une hétérogénéité avec un amincissement et un hypersignal T1 et T2 de l'extrémité du tendon à son insertion humérale, sans que le radiologue évoque une rupture même partielle de ce tendon. La musculature était décrite de trophicité normale. La bonne trophicité et l'absence d'involution graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs constatés lors de l'IRM du 10 avril 2017 excluaient totalement la présence d'une lésion du tendon du sus-épineux présente depuis près de quatre ans car l'involution graisseuse apparaissait environ une année après la rupture du tendon. 
 
4.5. Vu les avis contradictoires - et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées - du spécialiste I.________ et de la doctoresse G.________ quant à l'existence d'un lien de causalité entre la déchirure du tendon du sus-épineux de l'intimé et l'accident du 16 juin 2013, force est de constater que l'instruction de la cause ne permet pas de statuer sur le droit de l'intimé à des prestations d'assurance en lien avec la lésion précitée. Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle mette en oeuvre une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6) afin de départager les opinions des docteurs G.________ et I.________ et rende un nouvel arrêt.  
 
5.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle obtienne gain de cause, la recourante n'a pas droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 septembre 2020 est annulé et la cause lui est renvoyée pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 25 juin 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Fretz Perrin