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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_331/2020  
 
 
Arrêt du 29 septembre 2020  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Glanzmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
CSS Assurance-maladie SA, 
Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Roxane Sheybani, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-maladie (soins médicaux), 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 17 mars 2020 (A/228/2019 ATAS/247/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, née B.________ en 1991, présente une dysphorie de genre. Elle est assurée auprès de CSS Assurance-maladie SA (ci-après: la CSS) pour l'assurance obligatoire des soins. Elle a requis la prise en charge de plusieurs opérations visant à lui conférer une apparence féminine (lettre du 6 juillet 2016). La CSS a accédé à sa demande en tant qu'elle concernait une augmentation mammaire (lettre du 7 décembre 2016) mais l'a rejetée en tant qu'elle portait sur une rhinoplastie, des injections de toxine botulique au niveau des masséters, ainsi qu'une transplantation de cheveux au niveau frontal (décision du 25 juillet 2018). A la suite de l'opposition de l'assurée, elle a toutefois accepté d'assumer le coût de la rhinoplastie (transaction du 4 décembre 2018) mais a confirmé son refus de prendre en charge les injections de toxine botulique et la transplantation de cheveux au niveau frontal (décision sur opposition du 4 décembre 2018). 
 
B.   
Saisie d'un recours de A.________, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a admis. Elle a reconnu le droit de l'assurée à la prise en charge par l'assureur-maladie de la transplantation de cheveux au niveau frontal (jugement du 17 mars 2020). 
 
C.   
La CSS a formé un recours en matière de droit public à l'encontre de ce jugement. Elle en demande l'annulation et conclut à la confirmation de la décision sur opposition. Elle requiert également l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
A.________ conclut au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours. Elle sollicite aussi le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. L'assureur-maladie s'est prononcé sur la réponse de l'assurée qui s'est exprimée à son tour. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.   
Le diagnostic psychiatrique retenu par les premiers juges (dysphorie de genre, selon le chiffre 302.85 de la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders; DSM-5] de l'Association américaine de psychiatrie, ou transsexualisme, selon le code F 64.0 de la 10e révision de la Classification statistique internationale des maladie et des problèmes de santé connexes [CIM-10] de l'Organisation mondiale de la santé) n'est pas contesté par les parties et ne l'a jamais été. De plus, l'assureur recourant a indiqué avoir accepté d'assumer le coût du traitement hormonal et de plusieurs interventions chirurgicales (vaginoplastie, augmentation mammaire et rhinoplastie). Enfin, le refus de prendre en charge les injections de toxine botulique au niveau des masséters n'a pas fait l'objet du recours cantonal. Seul demeure donc litigieux céans le point de savoir si la CSS doit assumer les frais afférents à la transplantation de cheveux au niveau frontal. 
 
3.   
Le tribunal cantonal a en substance constaté que l'assureur recourant admettait le caractère sexuel secondaire typiquement masculin de la calvitie présentée par l'intimée, au motif qu'elle relevait d'un processus de vieillissement qui survenait plutôt chez les hommes. Il a dès lors considéré que dans le contexte d'une dysphorie de genre, la modification de ce caractère par une greffe capillaire devait être mise à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans la mesure où cette intervention était en l'espèce efficace, appropriée et économique. 
 
4.   
L'acte attaqué expose les normes et la jurisprudence indispensables à la résolution du litige, plus particulièrement celles concernant la notion de maladie (art. 3 LPGA; arrêt 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 KV n° 11 p. 144) ainsi que le caractère efficace, approprié et économique qu'un traitement médical doit revêtir pour être pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (art. 32 al. 1 LAMal; ATF 139 V 135 consid. 4.4 p. 139 s.). Il suffit donc d'y renvoyer. 
 
5.  
 
5.1. Contrairement à ce que la juridiction cantonale a retenu, la CSS ne reconnaît pas le caractère sexuel secondaire typiquement masculin de la calvitie de l'assurée. Elle distingue entre la calvitie antérieure (ou frontale) et la calvitie temporale. Elle estime que la première ne résulte pas d'une perte de cheveux mais d'une implantation naturelle haute ne constituant pas un caractère sexuel secondaire mais une particularité génétique. Elle soutient que la seconde, très légère au demeurant, n'est pas typiquement masculine dès lors qu'elle ne découle pas d'un processus physiologique spécifique aux hommes mais que, précoce, elle est probablement survenue dans un contexte génétique pouvant aussi toucher les femmes.  
 
5.2.  
 
5.2.1. L'opération de changement de sexe en cas de dysphorie de genre (ou troubles de l'identité sexuelle) doit être envisagée de façon globale tant pour des raisons physiques que psychologiques. Aussi lorsque les conditions justifiant l'opération chirurgicale évoquée sont réalisées, les interventions complémentaires visant à modifier les caractères sexuels secondaires font en principe partie des prestations obligatoires devant être mises à la charge des assureurs-maladie pour autant que les conditions de l'art. 32 al. 1 LAMal soient réalisées (ATF 142 V 316 consid. 5.1 p. 320; 120 V 463 consid. 6b p. 471).  
 
5.2.2. Les caractères sexuels primaires différents chez les femmes et chez les hommes désignent l'ensemble des organes génitaux qui permettent la reproduction et apparaissent in utero après quelques semaines de gestation. On les distingue des caractères sexuels secondaires qui confèrent également à l'individu une apparence féminine ou masculine mais apparaissent à la puberté. Sous l'angle médical, sont notamment mentionnés à cet égard l'apparition d'une pilosité du visage ainsi que d'autres partie du corps, la mue de la voix due à une modification du larynx ou l'augmentation du volume musculaire pour les hommes et le développement de la poitrine ainsi que des capacités de sécrétion lactée ou l'apparition des cycles menstruels chez les femmes (cf. dictionnaire médical Pschyrembel Online, sous www.pschyrembel.de, ad Geschlechtsmerkmale). La chevelure n'est pas considérée comme un caractère sexuel secondaire. Elle joue toutefois un rôle important du point de vue esthétique et participe en principe de l'apparence féminine ou masculine d'un individu. Il en va de même de la calvitie en tant qu'elle est une absence totale ou partielle définitive de cheveux. Celle-ci est une particularité physique qui est certes présente avant tout chez les hommes à l'instar de la pilosité du visage et de celle plus marquée de certaines parties du corps (cf. ATF 142 V 316 consid. 5.2 p. 320) mais qui peut néanmoins également se manifester chez les femmes. Si une calvitie totale ou partielle n'est pas inhabituelle chez les hommes (arrêt 9C_550/2012 du 13 juillet 2013 consid. 2, in SVR 2013 IV n° 39 p. 117), une perte de cheveux d'une certaine ampleur - typiquement masculine - n'est en revanche pas compatible avec une apparence féminine (arrêt 9C_550/2012 cité consid. 3).  
Par conséquent, dans le contexte d'une dysphorie de genre avec indication d'opération de changement de sexe, une calvitie d'une ampleur typiquement masculine, en tant que particularité physique incompatible avec une apparence féminine, doit être assimilée à un caractère sexuel secondaire. Le traitement visant à y remédier doit être pris en charge par l'assurance obligatoire des soins à l'instar d'une intervention complémentaire destinée à modifier un caractère sexuel secondaire pour autant que cette mesure fasse partie d'un programme thérapeutique global établi en fonction de tous les éléments recueillis et puisse être considérée comme efficace, appropriée et économique à l'intérieur de ce plan. En principe, la prise en charge des coûts entre alors en considération pour une prestation qui ne constitue en soi pas une mesure à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 142 V 316 consid. 5.2 p. 320 et la référence). 
 
5.3.  
 
5.3.1. En l'occurrence, le tribunal cantonal a constaté l'existence d'une perte de cheveux au niveau fronto-temporal, qu'il a qualifiée de calvitie masculine antérieure et temporale, ainsi que la nécessité de pratiquer une greffe capillaire pour féminiser les traits du visage. Ces constatations sont tirées des avis de plusieurs médecins. La juridiction cantonale a cité les docteurs C.________, spécialiste en médecine interne générale (rapport du 4 juillet 2016), D.________ (avec le psychologue E.________), médecin-chef de la Consultation de sexologie de l'Hôpital F.________ (rapport du 27 septembre 2017) et G.________, spécialiste en endocrinologie (rapports des 30 janvier 2018 et 24 avril 2019). On ajoutera à ces références les docteurs H.________, médecin-adjoint du Service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique de l'Hôpital F.________ (rapports des 6 octobre 2016 et 28 août 2017) et I.________ (avec le psychologue E.________), médecin-cheffe de l'Unité de médecine sexuelle et de sexologie de l'Hôpital F.________ (rapport du 23 avril 2019). Le docteur G.________ a encore été interpelé durant la procédure judiciaire cantonale pour fournir des renseignements complémentaires (courrier du 6 février 2020). Les premiers juges ont plus précisément retenu que ces médecins avaient admis l'utilité d'une transplantation de cheveux, en ce sens qu'elle permettrait à l'assurée de vivre de manière plus en harmonie avec son identité de genre féminine et diminuerait sa dysphorie de genre. Ils ont ajouté que ces appréciations médicales reposaient sur les caractéristiques personnelles de l'intimée ainsi que sur les souffrances dont elle avait fait part à ses médecins. Ils se sont fondés sur les observations de ces mêmes médecins, selon lesquelles la greffe capillaire était indispensable (puisque la calvitie exposait l'assurée à la discrimination et à la stigmatisation), l'apparence masculine entretenait et augmentait la souffrance psychique liée à la dysphorie de genre et la perte de cheveux causait une gêne psychosociale significative pour la transition en femme.  
 
5.3.2. En prétendant que la soi-disant calvitie antérieure (ou frontale) n'en est pas une mais qu'il s'agirait d'une implantation de la chevelure naturellement haute dépendant du patrimoine génétique et que la calvitie temporale, très légère, ne relèverait pas d'un processus physiologique spécifique aux hommes mais probablement du contexte génétique étant donné son déclenchement très précoce (cf. consid. 5.1 supra), l'assureur recourant reproche implicitement aux premiers juges d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits et à une appréciation arbitraire des preuves. Il se réfère aux déclarations du docteur G.________ pour étayer son point de vue sur l'origine génétique ou physiologique de la calvitie. Il ajoute que la calvitie féminine résulterait également essentiellement de facteurs génétiques.  
 
5.3.3. Concrètement, par son argumentation, la CSS ne conteste pas une absence de cheveux plus ou moins marquée sur le front ou les tempes de l'assurée mais soutient que cette absence de cheveux ne saurait être qualifiée de calvitie en ce qui concerne le front et ne serait pas typiquement masculine en ce qui concerne les tempes. Ses considérations ne reposent cependant pas sur les rapports des médecins cités par la juridiction cantonale mais se fondent essentiellement sur une analyse personnelle de plusieurs photographies en tant qu'elles portent sur la localisation de l'absence de cheveux. Elles se basent sur une théorie personnelle ou des déclarations du docteur G.________ (rapports des 30 janvier 2018 et 24 avril 2019) en tant qu'elles portent sur l'origine physiologique ou génétique de l'absence de cheveux. Bien que les constatations factuelles des premiers juges soient relativement succinctes, il n'en demeure pas moins qu'elles font état d'une calvitie masculine antérieure et temporale et reposent sur des avis médicaux.  
Dans la mesure où les médecins consultés parlent effectivement unanimement de calvitie et de nécessité de féminiser les traits du visage par une transplantation de cheveux, on ne saurait d'emblée qualifier la constatation des faits ou l'appréciation des preuves par la juridiction cantonale de manifestement inexacte ou d'arbitraire. Par ailleurs, l'argumentation de l'assureur recourant ne démontre pas que tel serait le cas. En effet, celui-ci n'invoque d'abord aucun document médical qui attesterait que l'implantation haute de la chevelure serait naturelle. Même dans cette hypothèse, cela ne signifierait pas pour autant que l'éventualité du caractère typiquement masculin devrait automatiquement être niée. L'invocation ensuite d'une origine probablement génétique plutôt que physiologique de l'absence de cheveux sur le haut du front ou de manque de cheveux sur les tempes ne change rien à ce qui précède. A supposer qu'il faille comprendre par cette argumentation que l'origine physiologique d'une calvitie impliquerait un processus progressif typiquement masculin et qu'une origine génétique sous-entendrait l'existence d'une caractéristique esthétique inscrite dans le génome et commune aux deux sexes - ce qu'aucun des documents médicaux figurant au dossier (y compris ceux émanant du docteur G.________) n'atteste -, rien n'empêche que des calvities d'origine physiologique ou génétique puissent évoluer de la même manière et aboutir à un même résultat, c'est-à-dire à une absence de cheveux projetant une image typiquement masculine. De plus, dans le cas particulier, le docteur G.________ auquel se réfère la CSS pour étayer son raisonnement, a seulement fait état d'une probabilité quant à l'origine génétique de la calvitie et cela l'a malgré tout amené à soutenir la demande de greffe capillaire dans l'optique de féminiser les traits du visage ou, autrement dit, de rendre ce visage moins masculin en raison de la calvitie apparente. 
 
5.4. Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait reprocher aux premiers juges d'avoir fait preuve d'arbitraire en retenant que la calvitie telle que présentée en l'occurrence conférait à l'assurée une apparence typiquement masculine.  
 
6.  
 
6.1. Reste dès lors à déterminer si la greffe capillaire envisagée pour remédier à la calvitie conférant à l'intimé une apparence masculine est efficace, appropriée et économique, auquel cas elle devrait être mise à la charge de l'assureur recourant.  
Le tribunal cantonal a admis le caractère efficace de la mesure sur la base des rapports médicaux versés au dossier dès lors que tous les médecins ayant suivi l'intimée avaient en substance attesté que la transplantation de cheveux projetée permettrait à cette dernière de vivre son corps de manière plus en harmonie avec son identité de genre féminine et diminuerait sa dysphorie de genre. Il a aussi considéré que la transplantation de cheveux remplissait le critère d'adéquation ou l'exigence de l'utilité thérapeutique dans la mesure où, toujours selon les médecins consultés, il s'agissait d'une opération propre à compléter la transformation de genre et plus appropriée que le port d'une perruque pour diminuer ou supprimer les effets de la dysphorie de genre. Il a finalement considéré que, contrairement à ce qu'avait retenu la CSS dans sa décision sur opposition, l'hormonothérapie avait stoppé la chute des cheveux, de sorte que la prise en charge d'une transplantation capillaire devisée à 20'000 fr. était plus économique que la prise en charge des coûts d'une perruque à hauteur de 1500 fr. par an durant toute une vie. 
 
6.2.  
 
6.2.1. Dans un premier temps, l'assureur recourant soutient que dans son appréciation des caractères efficace et approprié de la greffe de cheveux par rapport au bénéfice thérapeutique escompté, la juridiction cantonale a violé le droit en se méprenant sur le but du traitement. Elle se serait fondée sur la définition médicale de la dysphorie de genre ou du transsexualisme plutôt que sur la conception juridique de ce diagnostic. Il prétend ainsi que le but de la transplantation capillaire ne saurait être "de permettre à l'intimée de vivre son corps de manière plus en harmonie avec son identité de genre féminine" conformément à ce qu'auraient retenu les premiers juges sur la base de la définition médicale de la dysphorie de genre. Il considère au contraire que ce but consiste à "conformer l'apparence physique de l'assurée à son nouveau sexe" selon la conception juridique de la dysphorie de genre au regard de la jurisprudence rendue en matière de changement de sexe. Il estime que suivre le raisonnement du tribunal cantonal reviendrait à ériger le bien-être et l'épanouissement de personnes présentant une dysphorie de genre en objectif thérapeutique et conditionnerait le financement d'opérations au seul désir des personnes concernées.  
 
6.2.2. L'argumentation de la CSS n'est pas fondée. Il est exact que les caractères efficace et approprié d'une mesure médicale s'examinent à la lumière du bénéfice thérapeutique escompté d'une telle mesure (résultat ou bilan diagnostique ou thérapeutique selon l'ATF 139 V 135 consid. 4.4.1 et 4.4.2 p. 139 s.) On précisera que, dans les limites de l'assurance-maladie, le but d'un traitement médical est pour l'essentiel d'éliminer de la façon la plus complète possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 138 V 131 consid. 5.1 p. 134 s.). Or le diagnostic pour le traitement duquel une transplantation de cheveux est envisagée en l'espèce est celui de dysphorie de genre ou de transsexualisme. ll est indubitable que ce diagnostic a valeur de maladie au sens juridique dès lors qu'il a atteint une ampleur et une intensité ayant rendu indispensables des soins médicaux (sur la notion juridique de maladie, cf. arrêt 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 KV n° 11 p. 144). L'assureur recourant ne saurait le contester valablement dès lors qu'il a accepté de prendre en charge les coûts d'une hormonothérapie, d'une vaginoplastie, d'une augmentation mammaire et d'une rhinoplastie.  
Comme l'a rappelé la juridiction cantonale, le diagnostic en question est non seulement défini comme un désir de vivre ou d'être accepté en tant que personne appartenant au sexe opposé mais il inclut également l'élément de malaise ou d'inadaptation accompagné d'une détresse cliniquement significative et d'une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants (à ce propos, cf. aussi P. PÉCOUD/F. PRALONG/O. BAUQUIS/F. STIEFEL, Transsexualisme: enjeux et spécificités liés à la prise en charge d'une demande de réassignation sexuelle, in Revue médicale suisse 2011, p. 395 ss). Ces aspects du diagnostic se retrouvent dans les Standards de Soins pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non-conforme (7e éd., septembre 2013), publiés par l'Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre (The World Professional Association for Transgender Health [WPATH]). Selon ces Standards, en relation avec la chirurgie de réassignation (et des autres procédures chirurgicales pour le traitement des patients présentant une dysphorie de genre), "si beaucoup de personnes transsexuelles, transgenres ou de genre non-conforme trouvent un confort avec leur rôle, expression et identité de genre sans la chirurgie, pour beaucoup d'autres elle est essentielle et médicalement nécessaire pour soulager leur dysphorie de genre. Pour ce dernier groupe, le soulagement de la dysphorie ne peut être atteint sans la modification des caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires pour une meilleure harmonie avec leur identité de genre" (p. 60). De plus, la chirurgie peut aider ces personnes à se sentir plus à l'aise en présence de tiers avec un effet bénéfique sur leur bien-être subjectif (Standards cité p. 61). Il apparaît dès lors que l'objectif thérapeutique recherché dans le cadre du traitement de la dysphorie de genre doit être non seulement d'accéder au désir de la personne concernée de changer de sexe mais aussi de soulager les effets négatifs du diagnostic, c'est-à-dire de procurer à la personne concernée un bien-être subjectif en éliminant ou en réduisant le malaise et la détresse cliniquement significatifs liés aux difficultés d'ordre somatique et psychique rencontrés lors d'une réassignation sexuelle. 
Cet objectif implique le fait de donner à la personne concernée une apparence extérieure correspondant à son nouveau sexe, conformément à la jurisprudence citée par la CSS (cf. p. ex. ATF 120 V 463 consid. 6a p. 471). Il ne relève toutefois pas du seul désir de l'intéressée. Au contraire, comme déjà indiqué (cf. consid. 5.2 supra), encore faut-il que le caractère sexuel secondaire dont la modification est envisagée présente une apparence typique de l'autre sexe que celui attribué, faute de quoi l'opération projetée relèverait de la chirurgie esthétique (à ce propos, cf. ATF 138 V 131 consid. 5.1 p. 134). Il faut également que la mesure médicale envisagée soit susceptible de soulager la dysphorie de genre (cf. consid. 6.3.2 infra). 
On ne saurait dès lors reprocher à la juridiction cantonale d'avoir violé le droit fédéral en se méprenant sur le but de la transplantation de cheveux et en érigeant ainsi le bien-être ou l'épanouissement des personnes transgenres en objectif thérapeutique. 
 
6.3.  
 
6.3.1. Dans un second temps, la CSS poursuit son argumentation par une analyse des critères d'efficacité et d'adéquation de la greffe capillaire dans le cas particulier, en relation aussi avec l'alternative thérapeutique que, selon elle, constitue le port d'une perruque. Elle considère en substance que l'opération envisagée n'est ni efficace ni appropriée. Elle soutient que cette opération ne permettrait pas de dégager un bénéfice thérapeutique clair dès lors qu'une analyse des photographies figurant au dossier démontrerait que l'apparence déjà féminine de l'assurée ne serait pas modifiée par une transplantation de cheveux. Elle prétend également que ladite opération ne permettrait pas de dégager un bénéfice thérapeutique à long terme dans la mesure où le docteur G.________ n'aurait pas établi que la calvitie de l'intimée avait cessé d'évoluer contrairement à ce que le tribunal cantonal avait affirmé. Elle estime enfin que le port d'une perruque constituerait une mesure tout aussi efficace mais mieux appropriée qu'une greffe capillaire pour traiter une dysphorie de genre compte tenu notamment des risques inhérents à toute intervention chirurgicale.  
 
6.3.2.  
 
6.3.2.1. En tant qu'il porte sur le bénéfice thérapeutique visé par les critères d'efficacité et d'adéquation, le grief de l'assureur recourant n'est pas fondé. En effet, pour apprécier si la mesure envisagée permet d'obtenir le résultat diagnostique ou thérapeutique recherché (critère d'efficacité, cf. ATF 139 V 135 consid. 4.4.1 p. 139 s. et les références) ou pour évaluer les effets de ladite mesure et les comparer avec ceux résultant de mesures alternatives ou de la solution qui consisterait à renoncer à toute mesure (critère d'adéquation, cf. ATF 139 V 135 consid. 4.4.2 p. 140 et les références), la CSS part de la prémisse selon laquelle le but du traitement à évaluer concrètement consiste à déterminer si la transplantation de cheveux est de nature à supprimer des attributs masculins qui altèrent l'apparence féminine de l'assurée mais ne s'exprime pas sur le point de savoir si cette opération est susceptible de soulager la dysphorie de genre voire de la faire disparaître (cf. consid. 6.2.2 supra). Son argumentation ne permet dès lors déjà pas de remettre en question les constatations cantonales. On rappellera en outre que le critère d'adéquation d'une mesure est rempli - ce qui présuppose que son caractère efficace le soit aussi - lorsque l'indication médicale est clairement établie (cf. ATF 139 V 135 consid. 4.4.2 p. 140 et les références). Or, se référant aux avis des docteurs C.________, D.________, I.________ et G.________, la juridiction cantonale est parvenue à la conclusion que tel était le cas en l'espèce, de sorte que le caractère approprié de l'intervention chirurgicale devait être admis. En se contentant de faire valoir son opinion personnelle quant à l'impression féminine ou masculine produite par la chevelure de l'intimée, forgée sur une analyse subjective de photographies et non sur les rapports médicaux cités ou d'autres rapports médicaux figurant au dossier, l'assureur recourant ne développe pas d'argumentation pertinente susceptible de remettre valablement en cause l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves par les premiers juges.  
Dès lors que l'indication de la transplantation de cheveux a clairement été établie par les médecins cités par le tribunal cantonal, l'effort de l'assuré d'adopter des coiffures adaptées pour cacher sa calvitie, exigible de sa part selon la CSS, ne saurait être pris en considération au titre de l'obligation de diminuer le dommage. 
 
6.3.2.2. Le raisonnement de l'assureur recourant n'est pas davantage fondé en tant qu'il porte sur l'existence d'une alternative thérapeutique efficace et appropriée à la transplantation de cheveux. A cet égard, le tribunal cantonal a relevé que, dans l'optique de la suppression la plus complète possible de la dysphorie de genre, la doctoresse I.________ et le psychologue E.________ avaient explicitement attesté le caractère plus approprié de la greffe capillaire par rapport au port d'une perruque et que le docteur G.________ avait émis des doutes quant à l'influence bénéfique sur le diagnostic psychiatrique du port d'une perruque. Il a déduit de ces informations médicales que seule la transplantation de cheveux était appropriée. Le fait d'affirmer que le port d'une perruque serait tout aussi efficace que la greffe capillaire pour faire disparaître la calvitie ne repose sur aucun avis médical et, par conséquent, ne remet pas valablement en question la constatation des faits ou l'appréciation des preuves par la juridiction cantonale. De surcroît, cette affirmation démontre une fois de plus que l'assureur recourant se méprend sur l'objectif thérapeutique à atteindre, à savoir l'élimination la plus complète possible de la dysphorie de genre par la suppression d'une particularité physique dont il a échoué à démontrer qu'elle ne conférait pas à l'intimée une apparence typiquement masculine. A cet égard, on précisera que la référence à un cas dans lequel des douleurs dorsales provoquées par une hypertrophie mammaire avaient été traitées par physiothérapie plutôt que par réduction mammaire n'est d'aucune utilité à la CSS puisque l'objectif visé dans ce cas était la disparition des douleurs et non celle d'un trouble psychique découlant de la situation. Par ailleurs, l'invocation générale de risques inhérents à toute intervention chirurgicale, non étayés médicalement, ne saurait établir le caractère inapproprié de l'opération envisagée.  
 
6.3.2.3. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que la transplantation de cheveux au niveau frontal est en l'occurrence le seul moyen efficace et approprié en relation avec la calvitie pour faire diminuer la dysphorie de genre persistante.  
Dans la mesure où il n'y a pas d'alternative thérapeutique, il n'y a pas lieu de se poser la question de son économicité. L'assureur recourant ne conteste de toute façon pas ce point. L'absence d'alternative thérapeutique en l'espèce rend en outre inutile l'examen de la question de la coordination avec l'assurance-invalidité. Par ailleurs, la jurisprudence sur les défauts esthétiques (cf. p. ex. ATF 138 V 131 consid. 5.1 p. 134) ne trouve pas application dès lors que la calvitie est en l'espèce assimilable à un caractère sexuel secondaire typiquement masculin dont la modification, dans le cadre d'une dysphorie de genre, doit être mise à la charge de l'assurance obligatoire des soins (cf. arrêt 9C_255/2016 du 17 février 2017 consid. 6.1). 
 
7.   
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté. Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif. 
 
8.   
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge de l'assureur recourant (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires arrêtés à 500 fr. sont mis à la charge de l'assureur recourant. 
 
3.   
L'assureur recourant versera à l'avocate de l'intimée la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 29 septembre 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton