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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8D_3/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 1er juin 2017  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Heine. 
Greffier : M. Beauverd. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
toutes les deux représentées par Me Romain Jordan, avocat, Etude Merkt & Associés, 
recourantes, 
 
contre  
 
Ville de Genève, 
Palais Eynard, Rue de la Croix-Rouge 4, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (déni de justice), 
 
recours contre le jugement de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 3 mai 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ a été engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) à partir du 1 er mars 2010 en qualité de coordinatrice sécurité au service de la direction des ressources humaines (ci-après: DRH) du département C.________. De son côté, B.________ a été engagée par la ville dès le 1 er février 2010 en tant que coordinatrice en intégration socioprofessionnelle au service de la DRH.  
 
L'intitulé des fonctions des deux collaboratrices a été modifié à partir du 1 er mai 2011, puis à la suite d'une décision du Conseil administratif de la ville du 30 mai 2012. Le 20 février 2013, le Conseil administratif a confié au professeur D.________, responsable de la chaire management public et ressources humaines (ci-après: RH) au sein de l'Institut E.________ de l'Université de F.________, ainsi qu'au professeur G.________, directeur de l'unité RH et management de la Haute École H.________, le mandat d'analyser la fonction des RH au sein de l'administration municipale. Le 28 mai 2014, les experts ont rendu leur rapport, intitulé "Analyse de la fonction RH" (ci-après: le rapport).  
 
Le 8 décembre 2014, la directrice des RH a transmis à A.________ et B.________ un projet de nouveaux cahiers des charges, ainsi que, pour information, le nouvel organigramme de la DRH. Les intéressées ont contesté les nouveaux cahiers des charges en alléguant un déclassement professionnel. Elles ont demandé la communication d'une copie de l'intégralité du dossier, concernant tant leur situation administrative que la réorganisation en cours au sein de la DRH, ainsi que la communication du cadre statutaire dans lequel s'inscrivait cette réorganisation. Le 13 avril 2015, la directrice du département C.________ a adressé aux intéressées l'intégralité de leur dossier administratif, ainsi que les éléments relatifs à la réorganisation de la DRH. La communication du rapport et des délibérations du Conseil administratif y relatives leur ayant été refusée, A.________ et B.________ ont persisté à demander à la direction du département C.________ l'accès au rapport, à défaut, une décision de refus motivée et indiquant les voies de recours. Par pli recommandé du 12 juin 2015, reçu le 15 juin suivant, la ville a indiqué qu'elle n'entendait pas entrer en matière sur les critiques des intéressées au sujet des mesures qui relevaient, selon elles, de l'organisation interne. Le 24 juin 2015, la direction du département C.________ a refusé de communiquer le rapport sur la base de la législation sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles et a indiqué "met (tre) un terme à un échange épistolaire stérile". 
 
B.   
Par mémoire du 17 août 2015, A.________ et B.________ ont formé un recours pour déni de justice devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, en concluant à la constatation du déni de justice commis par le département C.________, au renvoi de la cause à ce dernier pour qu'il leur donne accès au dossier, leur octroie un délai pour se déterminer et rende une décision formelle susceptible de recours. 
 
Par jugement du 3 mai 2016, la cour cantonale a déclaré irrecevable le recours pour déni de justice, motif pris de sa tardiveté. 
 
C.   
A.________ et B.________ forment un recours constitutionnel subsidiaire dans lequel elles concluent à l'annulation du jugement cantonal et au renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouveau jugement. L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, le tout sous suite de frais et dépens. La cour cantonale a renoncé à présenter des déterminations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La cause relève du droit public, de sorte qu'en principe, la voie ordinaire de recours est celle du recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF). Cependant, en ce qui concerne les rapports de travail de droit public (et sauf s'il se rapporte à l'égalité des sexes), le recours en matière de droit public est subordonné à la double condition que la décision attaquée concerne une contestation pécuniaire et que la valeur litigieuse atteigne au moins 15'000 fr. (art. 83 let. g LTF en corrélation avec l'art. 85 al. 1 let. b LTF). Même si le seuil requis de la valeur litigieuse n'est pas atteint, le recours est néanmoins recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 85 al. 2 LTF).  
 
1.2. En l'espèce, le litige au fond ne concerne pas une contestation pécuniaire ni ne se rapporte à l'égalité des sexes, de sorte que l'exception prévue à l'art. 83 let. g LTF s'applique (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2 ème éd. 2014, n. 102 ad art. 83 LTF). Par conséquent, seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire est ouverte dans ce cas (art. 113 LTF).  
 
2.  
 
2.1. Dans sa réponse, l'intimée met en cause la recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire. Invoquant son caractère subsidiaire, elle allègue que le recours n'est recevable qu'à la condition que la partie recourante démontre clairement que la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte, partant, qu'elle établisse non seulement que le seuil minimal de la valeur litigieuse n'est pas atteint, mais encore que la contestation ne soulève pas une question de principe (art. 85 al. 1 et 2 LTF). En l'occurrence, l'intimée fait valoir que les recourantes n'exposent pas en quoi la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte et ne font allusion ni à la valeur litigieuse ni à une question juridique de principe.  
 
2.2. Cette argumentation n'est pas fondée. En l'occurrence la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte non pas parce que le seuil minimal de la valeur litigieuse n'est pas atteint (art. 85 al. 1 let. b LTF) mais en raison de la nature non pécuniaire de la contestation (art. 83 let. g LTF). C'est pourquoi les recourantes n'avaient pas à démontrer que ce seuil minimal n'était pas atteint ni que la contestation ne soulève pas une question de principe, ce qui, le cas échéant, aurait maintenu ouverte la voie du recours en matière de droit public (art. 85 al. 2 LTF; cf. ALAIN WURZBURGER, in Commentaire de la LTF, déjà cité, n. 4 ad art. 85 LTF).  
 
3.  
 
3.1. Par un autre moyen, l'intimée dénie aux recourantes la qualité pour recourir au motif qu'elles n'ont pas un intérêt juridique, actuel et pratique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 let. b LTF). Selon elle, les intéressées, tout en se plaignant d'un déni de justice, ne font valoir en réalité que des griefs portant sur le fond du litige. Par ailleurs, si le jugement attaqué devait être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale, celle-ci ne serait pas compétente pour examiner les griefs des intéressées tendant à mettre en cause la réorganisation de leur fonction, mesure interne qui est du ressort exclusif du département C.________.  
 
3.2. Aux termes de l'art. 115 LTF, a qualité pour former un recours constitutionnel quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b).  
 
En l'occurrence, les recourantes, qui ont pris part à la procédure devant la juridiction précédente, peuvent se prévaloir d'un intérêt juridique protégé dans la mesure où la violation de leurs droits de parties équivaut à un déni de justice formel (ATF 137 II 305 consid. 2 p. 308; arrêt 8D_1/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.1). En outre, si elles invoquent un certain nombre de mesures qu'elles ont prises afin de sauvegarder leurs droits sur le fond, c'est exclusivement afin de démontrer qu'elles ne sont pas restées inactives. Les motifs des intéressées concernent donc directement le refus de la juridiction précédente d'entrer en matière sur leur recours. Par ailleurs, si le jugement attaqué devait être annulé à l'issue de la présente procédure, la cause ne serait pas renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur le fond mais pour qu'elle examine si les intéressées étaient fondées à se prévaloir d'un refus de statuer de la part de l'intimée. 
 
3.3. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 en liaison avec l'art. 117 LTF) contre une décision finale (art. 90 et 117 LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.4) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF en relation avec l'art. 114 LTF).  
 
4.  
 
4.1. L'art. 29 al. 1 Cst., invoqué par les recourantes, consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277; 131 V 407 consid. 1.1 p. 409; 130 I 312 consid. 5.1 p. 331). Il en va de même lorsque l'autorité refuse de statuer ou ne le fait que partiellement (arrêts 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1; 5A_578/2010 du 19 novembre 2010; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3 et les arrêts cités).  
 
4.2. La cour cantonale a constaté que les recourantes ont eu connaissance du nouvel organigramme de la DRH le 26 août 2014 et que les projets de nouveaux cahiers des charges leur ont été transmis pour la première fois le 8 décembre 2014. Par ailleurs, elle a retenu qu'elles avaient sollicité le prononcé d'une décision formelle, motivée et indiquant les voie et délai de recours le 20 février 2015 et que la directrice des RH avait annoncé, le 1 er juin 2015, l'engagement de la responsable des prestations RH spécialisées à compter du 1 er août suivant. Aussi la juridiction précédente a-t-elle considéré que les recourantes avaient recouru tardivement pour déni de justice en attendant le 7 août 2015, soit environ un an après avoir eu connaissance du nouvel organigramme, environ huit mois après avoir pris connaissance des projets de nouveaux cahiers des charges, plus de cinq mois après leur requête tendant au prononcé d'une décision formelle, plus de deux mois après l'annonce de l'engagement de la nouvelle responsable des prestations RH spécialisées et après le début d'activité de cette dernière, le 1 er août 2015.  
 
4.3.  
 
4.3.1. Sous réserve de l'abus de droit, le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps (cf. art. 62 al. 6 de la loi genevoise sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]; voir également art. 100 al. 7 LTF; arrêt 2C_636/2016 du 31 janvier 2017 consid. 1.1; BERNARD CORBOZ, Commentaire de la LTF, déjà cité, n. 8 et 13 ss ad art. 94 LTF). En l'occurrence, la cour cantonale ne se réfère à aucun élément permettant d'inférer que le recours pour déni de justice dont elle était saisie était constitutif d'un abus de droit.  
 
4.3.2. Certes, une jurisprudence - citée dans le jugement attaqué - considère que lorsque l'autorité refuse explicitement de rendre une décision, le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) commande que la partie recourante invoque un déni de justice dans le délai légal de recours (arrêt 2P.16/2002 du 18 décembre 2002 consid. 2.2).  
 
A cet égard, les recourantes se réfèrent au courrier recommandé du 12 juin 2015, reçu le 15 juin suivant, par lequel l'intimée a indiqué pour la première fois qu'elle n'entendait pas entrer en matière sur les critiques des recourantes au sujet des mesures d'organisation interne. Elles font dès lors valoir qu'à supposer qu'il soit soumis à un délai, le recours pour déni de justice a été formé dans le délai de trente jours (art. 62 al. 1 let. a LPA/GE), compte tenu de la suspension des délais prévue à l'art. 63 al. 1 let. b LPA/GE. 
 
La question de savoir ce qu'il en est en l'occurrence peut toutefois demeurer indécise. 
 
5.   
L'autorité cantonale a aussi considéré qu'au moment du dépôt du recours, la réorganisation de la DRH était effective depuis de nombreux mois. Non seulement les intéressées ont été avisées de l'entrée en vigueur immédiate de l'organigramme lors de la présentation, le 26 août 2014, mais la directrice du département C.________ a encore indiqué, le 13 avril 2015, que la réorganisation était pleinement fonctionnelle. Au surplus, la juridiction cantonale a constaté que le caractère fonctionnel de la réorganisation a été pleinement confirmé le 1er juin 2015, lorsque la directrice des RH a annoncé l'engagement de la responsable des prestations RH spécialisées à partir du 1er août suivant, ce qui avait pour effet de créer un nouvel échelon hiérarchique entre les recourantes et la directrice des RH et confirmait expressément le rejet des critiques des intéressées. 
 
Il ressort de ce qui précède que la cour cantonale considère, implicitement tout au moins, qu'un intérêt actuel digne de protection (cf. art. 60 al. 1 let. b LPA/GE) à recourir contre le refus de l'intimée d'entrer en matière sur leurs critiques concernant les mesures prises par l'intimée faisait en l'occurrence défaut. Or, les recourantes n'exposent pas en quoi elles avaient un intérêt à recourir devant la juridiction cantonale. En particulier, elles ne se plaignent pas d'une diminution de salaire ou d'un quelconque autre préjudice d'ordre économique, ni ne font valoir que les mesures prises par l'intimée pouvaient les désavantager dans leur carrière. Elles n'allèguent pas non plus que les mesures de réorganisation mises en oeuvre par la DRH étaient réversibles. Dans leur réplique sur ce point précis en procédure cantonale, les recourantes se sont contentées d'affirmer sans autres précisions "qu'elles sont particulièrement touchées dans leurs droits et obligations par l'absence de prise de décision concernant leur situation administrative". Or, si le recours au principal (sur le fond) n'est pas recevable (ici faute d'un intérêt actuel), le recours pour déni de justice ne l'est pas davantage (FELIX UHLMANN, in Commentaire bâlois, 2ème éd. 2011, n. 5 ad art. 94 LTF; comp. a contrario avec l'arrêt 5A_852/2014 consid. 2 non publié aux ATF 141 III 141). Cela étant, il n'y a pas lieu de s'écarter du point de vue de la juridiction précédente, selon lequel le recours pour déni de justice était irrecevable. Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable dans son résultat tout au moins et le recours se révèle mal fondé. 
 
6.   
Etant donné l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge des recourantes (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourantes. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lucerne, le 1er juin 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Beauverd