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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_199/2021  
 
 
Arrêt du 4 mai 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Jametti et Merz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Philippe Currat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Juge des mineurs de la République et canton de Genève, case postale 3686, 1211 Genève 3, 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 
1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Ordonnance de dessaisissement du Juge des mineurs, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 8 avril 2021 (ACPR/234/2021 P/3557/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 14 février 2021, A.________, qui se dit ressortissant d'un pays d'Afrique du Nord, a été interpellé pour soupçon de vols de téléphone portable et séjour illégal, faits dont il ne se souvenait en substance pas. Remis en liberté par le Juge des mineurs de la République et canton de Genève, A.________ a été à nouveau appréhendé le 1er mars suivant pour des faits analogues, qui ne sont pas contestés. 
Par ordonnance du 2 mars 2021, le Juge des mineurs s'est dessaisi de la procédure relative à A.________ en faveur du Ministère public ordinaire de la République et canton de Genève (cause P/3557/2021). Sur la base notamment d'une prise de position du Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) du 10 février 2021 adressée au mandataire "asile" de A.________, le Juge des mineurs a en effet estimé que le prévenu était majeur. Le 8 avril 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision (cause ACPR/234/2021). 
Le 3 mars 2021, A.________ a été entendu par le Ministère public ordinaire et, le 4 suivant, il a été placé en détention provisoire jusqu'au 2 mai 2021; le recours intenté contre cette décision a été rejeté le 24 mars 2021 par la Chambre pénale de recours (cause ACPR_1). 
 
B.   
Par acte du 20 avril 2021, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 8 avril 2021 confirmant le dessaisissement du Juge des mineurs. Il conclut à son annulation et en substance au maintien de la compétence du Juge des mineurs pour examiner les faits qui lui sont reprochés. A titre de mesures provisionnelles, le recourant demande son placement dans un centre de détention pour mineurs jusqu'à ce qu'il soit décidé sur son âge de manière définitive, respectivement jusqu'à sa mise en liberté si elle devait intervenir avant; il requiert aussi qu'ordre soit donné au Ministère public, ainsi qu'à toute autorité pénale pouvant connaître d'une procédure le concernant de le considérer comme un mineur jusqu'à droit connu sur son âge. Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Le Juge des mineurs conclut au rejet du recours. Quant à l'autorité précédente, elle s'est référée à ses considérants sans formuler d'observation. Le Ministère public a conclu au rejet du recours. 
Par ordonnance du 21 avril 2021, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête de mesures provisionnelles. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours porte sur une question de compétence entre la juridiction pénale ordinaire et celle pour les mineurs. Dans un tel cas, le recours en matière pénale est en principe immédiatement ouvert au Tribunal fédéral en application des art. 78 et 92 al. 1 LTF (ATF 145 IV 228 consid. 1 p. 230). 
Le recourant, prévenu qui se prétend mineur, a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise, qui, en le considérant comme majeur, le prive en substance de pouvoir bénéficier des aménagements prévus par le droit pénal des mineurs, notamment en matière de mesures de contrainte (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Pour le surplus, le recours électronique a été déposé en temps utile (art. 48 al. 2 et 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont présentées sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). 
Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Invoquant en particulier les art. 1, 3, 4, 24, 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (RS 0.107), 9, 11 Cst., 1, 2 de la loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs (DPMin; RS 311.1) et 1 de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur la procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin; RS 312.1), le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits en lien avec son âge et reproche dès lors à la Chambre pénale de recours d'avoir confirmé le dessaisissement du Juge des mineurs en faveur du Ministère public ordinaire. 
 
2.1. Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 145 IV 228 consid. 2.1 p. 231; 144 III 462 consid. 3.2.3 p. 465 s.).  
 
2.2. En l'occurrence, eu égard aux conclusions, le recours tend à obtenir l'annulation du dessaisissement prononcé par le Juge des mineurs en faveur du Ministère public ordinaire en raison de l'âge du recourant. L'objet du litige est donc en lien avec une question de compétence des autorités appelées à statuer sur les faits reprochés au recourant. Par conséquent, les règles légales du droit fédéral et la jurisprudence développée en matière de conflits de compétence entre autorités cantonales doivent être respectées, dont celles relatives à la compétence des autorités appelées à statuer sur une telle question.  
A cet égard, l'art. 40 al. 1 CPP prévoit que les conflits de fors entre autorités pénales d'un même canton sont tranchés définitivement par le premier procureur ou le procureur général, ou, s'ils n'ont pas été institués, par l'autorité de recours de ce canton. Lorsqu'une partie entend contester la compétence de l'autorité en charge de la procédure pénale, elle doit immédiatement demander à cette dernière de transmettre l'affaire à l'autorité pénale compétente (art. 41 al. 1 CPP); les parties peuvent attaquer, dans les dix jours, conformément à l'art. 40 CPP, devant l'autorité compétente, l'attribution du for décidée par les ministères publics concernés (art. 41 al. 2 CPP). L'autorité à saisir est la même que celle indiquée à l'art. 40 al. 1 CPP, soit le procureur général si celui-ci a été institué dans le canton en cause (ATF 145 IV 228 consid. 2.2 p. 231 s.). 
Selon la jurisprudence, les règles - relatives à la compétence et au déroulement de la procédure de contestation d'un for - s'appliquent également en cas de conflit de compétence matérielle (ATF 145 IV 228 consid. 2.2 p. 232 et les arrêts cités). 
A teneur de l'art. 76 let. a de la loi genevoise du 26 septembre 2010 sur l'organisation judiciaire (LOJ; RS/GE E 2 05), le Ministère public est doté d'un poste de procureur général. Celui-ci organise et dirige le Ministère public (art. 79 al. 1 LOJ); à cette fin, il exerce notamment les autres attributions que la loi lui confère (art. 79 al. 2 let. i LOJ). Il appartenait donc au Procureur général genevois de statuer sur le recours formé par le recourant contre le dessaisissement du Juge des mineurs en faveur de la juridiction ordinaire (voir au demeurant ATF 146 IV 164 concernant une cause genevoise). Tel n'était en revanche pas le cas de la Chambre pénale de recours, autorité de recours au sens des art. 20 CPP et 127 s. LOJ, à qui seule il incombait, le cas échéant, de transmettre le recours à l'autorité compétente (cf. art. 91 al. 4 CPP; ATF 145 IV 228 consid. 2.2 p. 232). Par conséquent, faute de compétence de l'autorité ayant statué, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle transmette le recours du 12 mars 2021 au Procureur général comme objet de sa compétence. 
 
3.   
Vu la motivation retenue et l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant, notamment l'absence de prise en compte de ses écritures du 9 avril 2021 et/ou des éléments ressortant du dossier du SEM alors adressés à la cour cantonale, lesquels n'étaient que mentionnés à titre d'annexe dans le recours fédéral sans être produits (cf. p. 7 du recours; art. 42 al. 3 LTF); ceux-ci paraissent au demeurant pouvoir être examinés, le cas échéant, par le Procureur général. Celui-ci ne manquera pas non plus de statuer à court délai eu égard au principe de célérité et du placement en détention provisoire du recourant (cf. art. 5 al. 2 CPP). 
 
4.   
Il s'ensuit que, par substitution de motifs, le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle transmette le recours déposé par le recourant le 12 mars 2021 à l'autorité compétente, afin que celle-ci procède. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure fédérale à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Sa requête d'assistance judiciaire est dès lors sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt du 8 avril 2021 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève est annulé et la cause lui est renvoyée pour qu'elle procède au sens des considérants. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Une indemnité de dépens, fixée à 1'500 fr., est allouée au mandataire du recourant à la charge de la République et canton de Genève. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Juge des mineurs de la République et canton de Genève, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 mai 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Kropf