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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_165/2021  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________ SA (anciennement A.X.________), 
2. B.________ SA, 
3. C.________ Sàrl, 
toutes les trois représentées par Mes Alexandre Emery et Violette Borgeaud, avocats 
recourantes, 
 
contre  
 
D.________ SA (anciennement D.X.________ SA), représentée par Me Patrice Keller, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
consorité nécessaire improprement dite des créanciers cessionnaires (art. 260 LP), condition de recevabilité, maxime inquisitoire (art. 60 CPC), admission de faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 al. 3 CPC); 
 
recours contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (101 2020 8). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société E.________ SA a été mise en faillite par jugement du 13 août 2012. L'administration de la faillite a cédé, conformément à l'art. 260 LP, la créance en responsabilité civile fondée sur les art. 754 ss CO contre toutes les personnes ou organes responsables de la société faillie, notamment contre son organe de révision D.X.________ SA, devenue D.________ SA, à Fribourg (ci-après: l'organe de révision ou la défenderesse), à sept créanciers cessionnaires, dont: 
les trois demanderesses (ci-après: les sociétés demanderesses n° 1, 2 et 3) : 
 
1. A.X.________, devenue A.________ SA, 
2. B.________ SA, 
3. C.________ Sàrl, 
et quatre autres créanciers cessionnaires: 
 
4. F.________ SA 
5. G.________ SA 
6. H.________ et I.________ 
7. J.________. 
Toutes les cessions indiquent que le délai pour agir en justice est fixé au 31 décembre 2014. 
 
B.  
 
B.a. Après l'échec de la conciliation initiée par requête du 23 décembre 2014, les trois sociétés demanderesses, agissant en tant que cessionnaires au sens de l'art. 260 LP, ont déposé leur demande en dommages-intérêts contre l'organe de révision de la société faillie, basée sur l'art. 755 CO, devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine du canton de Fribourg, le 22 juin 2015. Elles ont conclu à la condamnation de la défenderesse à payer:  
 
1. 399'797 fr. 45 avec intérêts à la demanderesse n° 1 (art. 105 al. 2 LTF), 
2. 431'322 fr. 50 avec intérêts à la demanderesse n° 2 (art. 105 al. 2 LTF), et 
3. 54'496 fr. avec intérêts à la demanderesse n° 3 (art. 105 al. 2 LTF). 
Elles reprochent à l'organe de révision d'avoir permis à la société en faillite de poursuivre son train de vie déficitaire, d'avoir ainsi aggravé sa situation au fil des mois et, partant, de leur avoir causé un dommage. 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a également formé une requête d'appel en cause le 15 octobre 2015 à l'encontre de six personnes, laquelle a été admise par décision du 3 novembre 2016. 
La transaction passée lors des débats d'instruction n'ayant pas été ratifiée par la défenderesse, les parties ont déposé, respectivement, leur réplique et leur duplique. 
 
B.b. Par courrier du 20 novembre 2018, la défenderesse a suggéré au Tribunal de limiter la procédure à la recevabilité de la demande conformément à l'art. 125 CPC, se référant à un récent arrêt du Tribunal fédéral, désormais publié aux ATF 144 III 552, duquel elle conclut que la demande serait irrecevable.  
Le 21 janvier 2019, les demanderesses se sont déterminées sur cette exception d'irrecevabilité et ont produit quatre lettres (des 26 novembre 2018, 28 novembre 2018, 12 décembre 2018 ainsi que 17 janvier 2019) signées par les quatre autres créanciers cessionnaires ou leurs successeurs, desquelles il ressort que ceux-ci n'ont pas introduit d'action et/ou ont renoncé à agir contre la défenderesse. 
 
B.c. Les débats ont eu lieu le 4 février 2019, audience au cours de laquelle les parties ont plaidé la question de la recevabilité de la demande.  
Par décision du 21 novembre 2019, le tribunal a déclaré l'action en dommages-intérêts des demanderesses recevable. 
 
B.d. Statuant le 9 février 2021, la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a admis l'appel de la défenderesse et, réformant le premier jugement, a déclaré la demande irrecevable.  
En substance, se basant sur l'ATF 144 III 552 consid. 4, la cour cantonale a relevé que seuls trois créanciers cessionnaires sur sept participent à l'action. Le seul fait que les quatre autres créanciers cessionnaires n'aient pas agi dans le délai qui leur avait été fixé ne suffit cependant pas pour considérer qu'ils ont renoncé à agir. Selon la Formule 7F, l'échéance du délai fixé ne signifie pas que les créanciers cessionnaires qui n'ont pas agi perdent leur droit d'agir, mais seulement que l'administration de la faillite peut révoquer la cession qui leur a été accordée. Une telle révocation n'étant pas alléguée, il y a lieu de s'en tenir à la jurisprudence de l'arrêt précité qui met à la charge des créanciers agissant d'alléguer et de prouver que les autres créanciers cessionnaires ont renoncé à agir. La faculté de faire valoir en justice le droit d'un tiers (faculté de conduire le procès au nom d'un tiers; Prozessstandschaft) étant, selon elle, un fait générateur de droit, la cour cantonale a considéré qu'il appartenait aux demanderesses d'alléguer (fardeau de l'allégation objectif) et, si nécessaire, de prouver (fardeau de la preuve), que les créanciers cessionnaires ne participant pas à la procédure avaient renoncé à agir. 
Examinant alors si les demanderesses avaient allégué les renonciations et produit les moyens de preuve établissant que les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à agir, conformément à l'art. 229 al. 1-2 CPC, la cour cantonale a considéré que le courrier du 20 novembre 2018 de la défenderesse ne contenait pas de nouveaux allégués de fait, de sorte que les demanderesses ne pouvaient s'en prévaloir pour invoquer des nova improprement dits au sens de l'art. 229 al. 1 let. b CPC. En outre, le fait que les autres créanciers avaient renoncé à agir était un fait à alléguer par les demanderesses. L'allégation de la renonciation à agir et les courriers postérieurs produits n'étaient pas non plus recevables au titre de vrais nova au sens de l'art. 229 al. 1 let. b (recte: a) CPC. 
Examinant encore l'art. 229 al. 3 CPC, la cour cantonale a considéré que la maxime inquisitoire est asymétrique en ce sens que le juge ne doit rechercher d'office que les faits qui existent en défaveur de la recevabilité. Elle en a déduit que seule la partie défenderesse bénéficie de la maxime inquisitoire, alors que les demanderesses doivent satisfaire à la maxime des débats. 
Traitant le dernier grief des demanderesses, la cour cantonale a jugé que l'ATF 144 III 552 ne constituait pas un revirement de jurisprudence imprévisible, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner si ce nouvel arrêt pouvait être appliqué à la présente cause. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui leur a été notifié le 11 février 2021, les trois demanderesses ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 15 mars 2021, concluant à sa réforme en ce sens que leur demande soit déclarée recevable, que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour fixation des frais de la procédure d'appel et que celle-ci renvoie la cause au tribunal civil pour décision sur le fond. En bref, elles invoquent que la défenderesse, qui n'a pas invoqué l'irrecevabilité dans sa duplique, l'a fait pour la première fois dans son courrier du 20 novembre 2018, y alléguant des faits nouveaux sur la base des pièces produites par elles (pièces 21 à 23), de sorte qu'elles avaient un droit inconditionnel de pouvoir réagir à ces nouvelles allégations, ce qu'elles ont fait le 21 janvier 2019. 
La défenderesse intimée conclut au rejet du recours, faisant sienne la position de la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 45 al. 1 LTF) par les parties demanderesses qui ont succombé (art. 76 LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel de la partie défenderesse (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est d'au moins 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), pour autant que le mémoire de recours soit suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF; ATF 141 III 86 consid. 2). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.  
Dans la faillite, lorsque l'ensemble des créanciers ont renoncé à faire valoir les droits litigieux de la masse, l'administration de la faillite doit en offrir la cession aux créanciers colloqués. Chacun d'eux peut demander la cession (art. 260 al. 1 LP) et celle-ci peut être accordée à plusieurs créanciers simultanément (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2). Pour ce faire, l'administration de la faillite doit se servir de la formule LP 7F ou d'une formule établie par elle-même qui corresponde par son contenu à la formule 7F (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2). 
 
3.1.  
 
3.1.1. Le créancier cessionnaire qui a obtenu la cession des droits de la masse en application de l'art. 260 al. 1 LP a la faculté de conduire le procès en lieu et place de la masse (Prozessstandschaft), en son propre nom, pour son propre compte et à ses risques et périls (ATF 138 III 628 consid. 5.2.3). Il s'agit d'un mandat procédural (ATF 122 III 488 consid. 3b). La prétention litigieuse cédée continue d'appartenir à la masse (ATF 138 III 628 consid. 5.2.3). Le créancier cessionnaire peut toutefois conclure à la condamnation du défendeur de payer directement en ses mains (ATF 139 III 391 consid. 5.1) et peut employer la somme obtenue, après paiement des frais, pour couvrir sa créance, l'excédent éventuel devant être remis à la masse (Formule LP 7F ch. 3).  
Lorsque plusieurs créanciers ont obtenu la cession des droits de la masse, chacun d'eux se voit véritablement transférer, à titre individuel, la faculté de conduire le procès à la place de la masse, en son propre nom, pour son propre compte et à ses propres risques (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2). Chaque créancier cessionnaire a la faculté d'agir: il n'est pas obligé d'intenter action, mais s'il n'ouvre pas action dans le délai qui lui a été fixé, l'administration de la masse peut annuler la cession (Formule 7F ch. 6; ATF 138 III 628 consid. 5.3.2); il n'est pas non plus obligé de continuer le procès jusqu'au jugement (ATF 105 III 135 consid. 3); il peut conclure une transaction extrajudiciaire ou judiciaire (ATF 121 III 488 consid. 2c). 
 
3.1.2. Lorsque plusieurs créanciers cessionnaires ont obtenu la cession de la même prétention de la masse, ils forment une consorité (cf. Formule LP 7F ch. 5) que la jurisprudence qualifie de consorité nécessaire improprement dite dès lors que la prétention - qui demeure celle de la masse - ne peut faire l'objet que d'un seul jugement (ATF 145 III 101 consid. 4.1.2; 144 III 552 consid. 4.1.1; 136 III 534 consid. 2). Si les créanciers cessionnaires ne doivent pas nécessairement agir ensemble, le tribunal ne peut toutefois se prononcer sur la demande tant qu'il n'est pas établi qu'aucun autre créancier ne peut agir en justice (ATF 145 III 101 consid. 4.1.2; 144 III 552 consid. 4.1.1; 138 III 628 consid. 5.3.2). Autrement dit, soit les créanciers cessionnaires se concertent et agissent ensemble (art. 70 al. 1 CPC), soit ils ouvrent action séparément et le tribunal procédera à la jonction des différentes causes (art. 125 let. c CPC), soit encore, lorsque l'action peut être introduite à plusieurs fors et que les créanciers cessionnaires n'arrivent pas à s'entendre, l'administration de la faillite leur donne, sur requête de l'un d'eux, des directives afin d'assurer qu'un seul procès soit mené et qu'un seul jugement puisse être rendu (ATF 121 III 488 consid. 2d et 2e). Comme on vient de le voir (consid. 3.1.1 ci-dessus), le créancier cessionnaire n'est pas obligé d'agir en justice. La cession dont il bénéficie ne devient toutefois caduque que pour autant que l'administration de la faillite la révoque (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2; 121 III 291 consid. 3c). Il en résulte que le tribunal ne peut statuer sur la demande d'une partie des créanciers cessionnaires que s'il est établi que les autres créanciers cessionnaires ont renoncé à agir dans la présente procédure (ATF 144 III 552 consid. 4.1.2 et 4.2).  
 
3.1.3. La faculté de conduire le procès du créancier cessionnaire est une condition de recevabilité de l'action (ATF 144 III 552 consid. 4.1.1). La consorité nécessaire improprement dite que doivent former les créanciers cessionnaires de l'art. 260 LP, qui est une exigence procédurale (art. 70 CPC), est également une condition de recevabilité de la demande, à la différence de la consorité matérielle nécessaire, qui est une condition de fond de l'action (ATF 140 III 598 consid. 3.2).  
 
3.2. Les conditions de recevabilité (art. 59 CPC), dont l'énumération figurant à l'art. 59 al. 2 CPC est exemplative, sont des conditions de procédure, qui relèvent du CPC.  
 
3.2.1. Le moment déterminant pour apprécier l'existence des conditions de recevabilité est le moment du jugement (ATF 133 III 539 consid. 4.3); il n'y a d'exception à ce principe que pour la compétence en matière d'actions en divorce et en séparation de corps (ATF 116 II 9 consid. 5). Autrement dit, même si toutes les conditions de recevabilité n'étaient pas remplies au moment du début de la litispendance, le tribunal doit entrer en matière si elles se réalisent d'ici au moment du jugement (ATF 133 III 539 consid. 4.3).  
 
3.2.2. Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). Cette obligation imposée au tribunal ne signifie pas qu'il doive rechercher lui-même les faits justifiant la recevabilité de la demande. L'examen d'office ne dispense pas les parties de collaborer à l'établissement des faits, en alléguant ceux qui sont pertinents et en indiquant les moyens de preuve propres à les établir (ATF 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3).  
En ce qui concerne la recevabilité d'une requête de mainlevée provisoire déposée par une partie seulement des créanciers cessionnaires des droits de la masse, requête qui est soumise à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) et dans laquelle la preuve est apportée en principe par titres (art. 254 al. 1 CPC), le Tribunal fédéral a jugé que, si le tribunal doit bien examiner d'office que tous les créanciers cessionnaires agissent comme consorts, il appartient aux créanciers cessionnaires agissant d'alléguer et de prouver que les autres créanciers cessionnaires ont renoncé à agir dans la procédure de mainlevée en question (ATF 144 III 552 consid. 4). 
 
3.2.3. L'arrêt précité ne résout toutefois pas la question de savoir à quel stade de la procédure les créanciers cessionnaires agissant doivent alléguer et prouver que les autres créanciers cessionnaires ont renoncé à agir, pour que la condition de recevabilité de la consorité improprement dite soit respectée. A cet égard, il ne faut pas confondre les conditions de recevabilité de la demande, qui sont des questions de procédure et relèvent du CPC, et les moyens de défense au fond, qui sont des questions de fond et relèvent du droit matériel (HOHL, Procédure civile, Tome 1, 2ème éd. 2016, n° 587).  
Même lorsque le procès au fond est régi par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité est soumis à la maxime inquisitoire simple (ATF 139 III 278 consid. 4.3; arrêt 4A_100/2016 du 13 juillet 2016 consid. 2.1). Sous l'empire de cette dernière maxime, le tribunal doit admettre les faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations, conformément à l'art. 229 al. 3 CPC. Doivent ainsi être admis les faits et moyens de preuve nouveaux - qu'il s'agisse de faux faits nouveaux ou de vrais faits nouveaux - en tout temps et sans condition jusqu'au début des délibérations de première instance (ATF 138 III 788 consid. 4.2). La règle de l'art. 229 al. 1-2 CPC qui ne donne aux parties le droit de s'exprimer librement que deux fois (ATF 146 III 55 consid. 2.3; 144 III 117 consid. 2.2) n'est pas applicable aux conditions de recevabilité. 
 
3.3. En l'espèce, il ressort des constatations de fait que l'administration de la faillite a cédé l'action en dommages-intérêts à l'encontre de l'organe de révision, défenderesse, à sept créanciers cessionnaires, dont seuls quatre ont ouvert action en justice. La défenderesse a requis la limitation de la procédure à la question de la recevabilité de la demande et conclu à son irrecevabilité, alléguant que les créancières demanderesses n'étaient pas les seuls créanciers à bénéficier de la cession, après les débats d'instruction et après le second échange d'écritures, soit le 20 novembre 2018. Les demanderesses se sont déterminées le 21 janvier 2019, invoquant que les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à agir et produisant quatre lettres desquelles il ressort que ceux-ci ont renoncé à agir. L'audience de débats principaux a eu lieu le 4 février 2019.  
Il est ainsi patent que tous les éléments de fait nécessaires au tribunal pour juger de la recevabilité de la demande ont été présentés avant le début des délibérations de première instance, ladite audience s'étant d'ailleurs terminée à l'issue des plaidoiries sur la recevabilité de la demande. 
C'est donc à raison que le tribunal d'arrondissement a jugé l'action recevable. Contrairement à ce que croit la cour cantonale, le tribunal n'a pas recherché d'office les faits et moyens de preuve justifiant la recevabilité de la demande. Il n'a pas dû rechercher par lui-même ces éléments puisque ce sont les parties elles-mêmes qui les lui ont soumis et qu'elles l'ont fait en temps utile, conformément à l'art. 229 al. 3 CPC. On ne saurait déduire du fait que, selon la jurisprudence, le juge ne doit rechercher d'office que les faits qui existent en défaveur de la demande, que la maxime des débats, et partant l'art. 229 al. 1-2 CPC, s'appliquerait aux faits en faveur de la recevabilité. Selon la jurisprudence, les parties doivent collaborer à leur établissement, en les alléguant et en indiquant les moyens de preuve propres à les établir. Mais elles peuvent les introduire au procès sans limite jusqu'au début des délibérations (sur le fond) comme le prévoit l'art. 229 al. 3 CPC. Il ne faut pas confondre les conditions de recevabilité, qui sont des questions de procédure, et les conditions du droit, qui sont des questions de fond; les buts visés par le droit de procédure ne sont pas les mêmes que ceux visés par le droit de fond. Par ailleurs, si la défenderesse a allégué la première que les demanderesses n'étaient pas les seules à bénéficier de la cession, en se référant à l'arrêt qui a été ensuite publié aux ATF 144 III 552, celles-ci étaient en droit de répliquer et de prouver que, en relation avec ce même fait, les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à agir. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que l'action en dommages-intérêts introduite par les demanderesses est recevable. Les frais et les dépens de la procédure fédérale seront mis à la charge de la défenderesse qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure d'appel et pour suite de la procédure. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'action en dommages-intérêts intentée par les demanderesses le 22 juin 2015 est recevable. 
 
2.  
Les frais de la procédure fédérale, arrêtés à 12'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera aux recourantes, créancières solidaires, le montant de 14'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure d'appel et pour suite de la procédure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, à H.________, à K.________, et à L.________. 
 
 
Lausanne, le 18 janvier 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Botteron