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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_553/2018  
 
 
Arrêt du 22 janvier 2019  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Didier Elsig, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 7 juin 2018 (AI 281/217 - 165/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie et en médecine interne. Elle a travaillé dans le service de médecine interne de l'hôpital B.________ depuis 2008 en qualité de cheffe de clinique à 80 %, puis à 100 % dès novembre 2010. Le 22 mars 2011, elle a été heurtée par une voiture dans un rond-point alors qu'elle circulait à bicyclette. L'accident a entraîné une contusion du genou gauche et du genou droit, une contusion thoracique gauche, ainsi qu'un traumatisme crânio-cérébral (TCC). L'assureur-accidents a pris le cas en charge.  
En mars 2012, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, en indiquant avoir repris son activité professionnelle à mi-temps dès le 11 avril 2011. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande, par décision du 12 octobre 2012. Statuant le 19 août 2013 sur le recours formé par l'assurée contre cette décision, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admis; annulant la décision, elle a renvoyé la cause à l'office AI pour complément d'instruction au sens des considérants (selon lesquels il convenait notamment de mettre en oeuvre une expertise neurologique et psychiatrique, avec un volet neuropsychologique). 
 
A.b. Avec l'accord de l'assurée, qui s'était entre-temps installée comme dermatologue indépendante à temps partiel, et de concert avec l'assureur-accidents, l'office AI a confié une expertise au docteur C.________, spécialiste en neurologie, en l'invitant à en organiser les volets psychiatrique et neuropsychologique. Mandaté à cette fin, le docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, n'a retenu aucun diagnostic psychiatrique avec ou sans effet sur la capacité de travail, celle-ci étant entière (rapport du 19 décembre 2015). De son côté, en se fondant notamment sur l'examen neuropsychologique effectué par la neuropsychologue E.________, le 13 novembre 2014, le docteur C.________ a conclu que la capacité de travail de l'assurée dans son activité habituelle de dermatologue était de 50 % depuis 2011 en raison de troubles de la lignée attentionnelle et de la gestion de tâches multiples, très nettement modulés par le stress et la fatigue (rapport du 19 décembre 2014). A la demande de son confrère F.________, médecin auprès du Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR), le docteur C.________ a précisé ses conclusions (cf. avis des 14 avril 2015 et 3 février 2017). L'office AI a encore réalisé une enquête économique pour les indépendants (rapport du 4 juillet 2016).  
Par décision du 6 juillet 2017, l'office AI a nié le droit de l'assurée à des prestations de l'assurance-invalidité, motif pris de l'absence d'atteinte à la santé objectivement insurmontable et propre à se répercuter sur la capacité de gain. 
 
B.   
A.________ a déféré cette décision à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal qui l'a déboutée par jugement du 7 juin 2018. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en concluant principalement à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité à compter du terme du délai légal d'attente, subsidiairement au renvoi de la cause aux premiers juges ou à l'office AI. 
L'office intimé conclut implicitement au rejet du recours, en se référant au jugement cantonal. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Il n'examine en principe que les griefs allégués et motivés (art. 42 al. 2 LTF) surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à une demi-rente d'invalidité. La juridiction cantonale a exposé de manière complète les notions d'invalidité (art. 8 al. 1 LPGA et art. 4 al. 1 LAI), respectivement d'incapacité de gain (art. 7 LPGA) et d'incapacité de travail (art. 6 LPGA), ainsi que le système d'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité (art. 28 al. 2 LAI); elle a également rappelé les principes jurisprudentiels sur l'évaluation de l'incapacité de travail relative aux troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées (ATF 141 V 281), étendus à l'ensemble des affections psychiques (ATF 143 V 418). Il suffit de renvoyer au jugement attaqué.  
 
2.2. A la lumière de l'expertise du docteur D.________ (rapport du 19 janvier 2015), la juridiction cantonale a constaté que la recourante ne présentait pas d'atteinte à la santé d'ordre psychiatrique. Examinant ensuite le point de savoir s'il existait une atteinte incapacitante au plan neurologique et/ou neuropsychologique, les premiers juges ont relevé que le docteur C.________ (rapport du 19 décembre 2014) avait mis en évidence des troubles de la lignée attentionnelle, de la gestion des tâches multiples très nettement modulés par le stress et la fatigue qui réduisaient la capacité de travail dans l'activité habituelle de dermatologue à 50 %, et que la situation était stationnaire depuis 2011. Le docteur C.________ avait aussi constaté que l'évolution neurologique était normale, n'avait fait état d'aucune lésion organique, respectivement d'aucune atteinte reposant sur un substrat organique démontrable. De l'avis du tribunal cantonal, l'intimé avait ainsi examiné à juste titre le cas de la recourante en fonction des indicateurs développés par la jurisprudence relative à l'évolution des symptomatologies douloureuses sans substrat organique objectivable (cf. ATF 141 V 281), afin de démontrer le caractère invalidant des troubles neuropsychologiques dont elle se plaignait. Cet examen conduisait à nier le caractère invalidant de ces troubles.  
En particulier, dans le cadre de l'examen du degré de gravité fonctionnel de l'atteinte à la santé, les juges cantonaux ont constaté que la recourante ne bénéficiait pas d'un suivi psychothérapeutique et ne prenait pas de médication. Par ailleurs, elle disposait de très bonnes ressources et avait pu développer une activité indépendante au taux de 40-50 %, ce qui lui avait permis de réaliser un chiffre d'affaires de 130'000 fr. en 2013, de 236'000 fr. en 2014, puis de plus de 300'000 fr. en 2015. Parallèlement à son activité indépendante, elle conservait un emploi à 10 % auprès de l'hôpital B.________ comme médecin agréé. Elle était aussi directrice de la campagne G.________ en 2016, et figurait sur le site de la Société suisse de dermatologie et vénéréologie comme membre H.________. Dès lors que la recourante était intégrée professionnellement et socialement et qu'il n'existait pas d'éléments plaidant en faveur d'une limitation d'activité, que ce soit dans la vie professionnelle, sociale ou familiale, la demande de prestations avait été rejetée à juste titre. 
 
2.3. La recourante fait valoir qu'elle souffre de troubles de la concentration, de mémoire et d'endurance intellectuelle dûment constatés par les médecins et experts, qui ont conclu sans exception à une incapacité de travail de 50 %. A son avis, la juridiction cantonale s'est réfugiée à tort derrière la jurisprudence rendue en matière de syndrome sans pathogenèse ni étiologie claire et sans déficit organique, alors que l'étiologie est claire dans son cas (post TCC), même s'il n'y a pas de lésion visible en l'état à l'IRM. La recourante reproche aux premiers juges de ne pas s'être attardés sur les tests concluants, comme s'ils n'existaient pas ou n'avaient aucune valeur. Selon elle, il est insoutenable de vouloir ranger le TCC qu'elle a subi dans la catégorie des troubles somatoformes douloureux ou autres affections psychosomatiques assimilées, alors qu'un tel diagnostic n'a jamais été posé et qu'elle ne s'est jamais plainte de douleurs. Elle en déduit que la demi-rente d'invalidité lui a été refusée en violation des art. 6, 7 et 8 al. 1 LPGA, ainsi que des art. 4 al. 1 et 28 al. 2 LAI.  
 
3.  
 
3.1. Les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles la recourante présente un status après TCC (traumatisme crânio-cérébral) avec commotion cérébrale (survenu le 22 mars 2011), sans lésion organique objectivable (aucune anomalie au cerveau, ni de lésion neurologique), et ne souffre d'aucune atteinte psychique ne sont pas contestées par les parties; il n'y a pas lieu de s'en écarter (consid. 1 supra).  
 
3.2. Sous l'angle du droit des assurances sociales, la jurisprudence admet qu'une atteinte subie lors d'un accident au niveau de la colonne cervicale ou de la tête puisse entraîner des troubles durables limitant la capacité de travail et de gain, même sans preuve d'un déficit fonctionnel organique (soit objectivable). De telles atteintes sont caractérisées par un tableau clinique complexe et multiple (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 338; 117 V 359 consid. 4b p. 360), avec des plaintes de nature physique et psychique étroitement imbriquées qui ne peuvent guère être différenciées (ATF 134 V 109 consid. 7.1 p. 118). Ces principes développés dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire - et en particulier en relation avec la causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé (cf. ATF 134 V 109; 117 V 363) - sont également déterminants pour l'assurance-invalidité. Dans ce domaine également une atteinte particulière de la colonne cervicale - ou de la tête - sans preuve d'un déficit fonctionnel organique objectivable, avec le tableau clinique complexe et multiple, typique pour ce genre de troubles, peut influencer la capacité de travail et de gain (arrêt 8C_437/2008 du 30 juillet 2009 consid. 6.3). Dans de tels cas, on ne saurait déduire directement une capacité de travail illimitée du défaut d'éléments médicaux objectivables (ATF 136 V 279 consid. 3.1 p. 280 s.). Le fait de savoir si l'atteinte en cause, qui se caractérise par l'absence de déficit fonctionnel organique objectivable, entraîne une incapacité de travail et est invalidante, se juge à l'aune de la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées (ATF 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283, qui renvoie à l'ATF 130 V 352 [aujourd'hui cf. ATF 141 V 281] et a été confirmé par l'ATF 139 V 547 consid. 7.1.2 p. 560).  
 
3.3. Par conséquent, l'argumentation de la recourante selon laquelle il serait "insoutenable de vouloir ranger le TCC subi par Mme A.________ dans la catégorie des troubles somatoformes douloureux ou autres affections psychosomatiques assimilées" ne peut être suivie. Le fait que les tests neuropsychologiques effectués ont mis en évidence des troubles de cet ordre ne permet pas de retenir qu'elle souffre d'un déficit fonctionnel organique objectivable. Comme l'ont dûment constaté les premiers juges, les différents médecins consultés n'ont pas diagnostiqué de lésion organique (cf. les rapports du docteur I.________ du 8 juillet 2001 [IRM cérébrale du 8 juillet 2011] et du docteur C.________ du 19 décembre 2014 [p. 19]). Contrairement à ce que semble par ailleurs croire la recourante (3 p. 12 ch. 3.3), la seule constatation de troubles neuropsychologiques apparus à la suite d'un TCC ("post TCC") ne suffit pas pour établir la présence d'une atteinte organique (cf. arrêt 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 5.2). De même, la constatation médicale selon laquelle le docteur C.________ a indiqué ne pas trouver une autre cause suscep tible d'expliquer la symptomatologie que l'accident du 22 mars 2011 (rapport du 19 décembre 2014, p. 33) ne permet pas d'établir un substrat organique aux troubles en cause.  
La recourante méconnaît par ailleurs que les troubles sans preuve d'un déficit organique - dont font partie, sous l'angle du droit de l'assurance-invalidité, une atteinte de la colonne cervicale (traumatisme de type "coup du lapin") ou une atteinte de la tête après un traumatisme crânio-cérébral sans déficit organique - sont attribués, en relation avec leurs effets invalidants, aux atteintes psychosomatiques sans étiologie claire pour des raisons qui tiennent à l'égalité de traitement, respectivement qu'ils sont évalués selon les règles valables par analogie pour celles-ci (cf. arrêt 8C_170/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.7). 
 
3.4. En ce qui concerne ensuite l'appréciation de la capacité de travail de l'assurée effectuée par la juridiction cantonale à l'aune des indicateurs prévus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 4.1.3 p. 297), la recourante ne la critique pas concrètement. Elle se contente de soutenir que si les premiers juges ne trouvaient pas convaincantes les expertises diligentées par l'intimé, il leur appartenait "à tout le moins d'ordonner une nouvelle expertise, répondant aux nouveaux critères ou indicateurs définis en la matière, même si ceux-ci ne sont guère adaptés aux TCC". Avec cette argumentation, elle perd cependant de vue que l'autorité cantonale de recours s'est fondée sur les éléments ressortant des expertises respectives des docteurs C.________ et D.________ pour suivre le schéma d'évaluation applicable en l'espèce. Dès lors qu'elle en a tiré des indications suffisantes pour se prononcer - lesquelles ne sont au demeurant pas discutées par la recourante -, la juridiction cantonale n'avait aucun motif d'ordonner une nouvelle expertise. Son appréciation apparaît pour le reste convaincante. Elle a en effet mis en évidence les éléments prépondérants (avant tout l'insertion tant professionnelle [activité indépendante en développement, activité accessoire et autres activités liées à la profession de dermatologue] que sociale et familiale, à laquelle on peut ajouter l'absence de tout indice d'une limitation uniforme du niveau d'activités dans tous les domaines comparables de la vie) qui conduisent à nier, du point de vue juridique, tout effet limitatif des troubles en cause sur la capacité de travail, malgré l'avis concordant du docteur C.________ et de la Professeure J.________, Cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation de l'hôpital B.________, sur une incapacité de travail de 50 % dans l'activité exercée (rapports respectifs des 19 décembre 2014 et 29 avril 2013).  
 
3.5. Ensuite de ce qui précède, le recours est mal fondé.  
 
4.   
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 22 janvier 2019 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Berthoud