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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_410/2017  
 
 
Arrêt du 22 mars 2018  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Viscione. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
Mutuel Assurances SA, Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
recourante, 
 
contre  
 
Assura-Basis SA, 
1052 Le Mont-sur-Lausanne, 
intimée, 
 
A.________, 
 
Objet 
Assurance-accidents (notion d'accident), 
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 1er mai 2017 (AA 126/16-38/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, née en 1985, travaille comme infirmière au sein de l'hôpital B.________ depuis le 1 er novembre 2010. A ce titre, elle est assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Mutuel Assurances SA (ci-après: Mutuel).  
Par déclaration d'accident du 21 août 2015, l'employeur a annoncé à Mutuel que le 29 juillet 2015, l'assurée avait chuté d'environ 2 mètres 50 en faisant de l'escalade en salle. Le 1 eret 2 août suivants, alors qu'elle se trouvait en vacances en France, elle s'est rendue en urgence dans un centre hospitalier où les médecins ont diagnostiqué une foulure/entorse au pied droit (rapport du 1 er août 2015) et une tendinite calcanéenne (rapport du 2 août 2015), et l'ont mise en arrêt de travail jusqu'au 7 puis au 12 août 2015. De retour en Suisse, l'assurée s'est soumise à une IRM de la cheville droite, réalisée le 12 août 2015, laquelle a mis en évidence une déchirure partielle du fascia plantaire avec signes d'une fasciite plantaire surajoutée ainsi qu'une péri-tendinite de la loge péronière. L'arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 28 août 2015. Le traitement des lésions a consisté principalement en des séances de physiothérapies, la prise d'anti-inflammatoires et des séances d'ondes de choc du fascia plantaire. A la suite d'une nouvelle crise douloureuse au niveau de la cheville droite en janvier 2016, l'assurée a consulté son médecin traitant, le docteur C.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en médecine du sport. Dans son rapport du 16 mars 2016, ce médecin a expliqué que l'accident d'escalade était vraisemblablement responsable des douleurs initiales durant l'été et jusqu'à la fin de l'année 2015 mais que les douleurs plus récentes du début de l'année 2016 étaient vraisemblablement en lien avec une décompensation inflammatoire dans le contexte d'une possible spondylarthtrite ankylosante.  
Entendue le 18 mai 2016 à son domicile par un inspecteur de Mutuel, l'assurée a déclaré: 
 
"Le 18 juillet 2015, j'effectuais la pratique de l'escalade à D.________. C'était ma première tentative. Lors de ma première ascension, je me souviens avoir chuté et m'être réceptionnée sur le flanc ou les fesses d'une hauteur d'environ 2-3 mètres sur un tapis au sol. J'ai pu me relever et continuer cette activité. Je me souviens avoir encore chuté à deux ou trois reprises avec réception sur les pieds. J'ai commencé à ressentir des douleurs le soir-même et des violentes douleurs à la voûte plantaire le lendemain". 
Par décision du 3 juin 2016, Mutuel a refusé de prendre en charge le cas, au motif que l'événement du 29 juillet 2015 n'était pas constitutif d'un accident. 
Saisie d'une opposition d'Assura-Basis SA (ci-après: Assura), l'assureur-maladie de A.________, Mutuel l'a rejetée par décision du 3 octobre 2016. 
 
B.   
Assura a recouru devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud en concluant à l'annulation de la décision sur opposition et à la prise en charge, par Mutuel, des suites de l'événement du 29 juillet 2015 jusqu'au 24 novembre 2015, date correspondant au statu quo sine vel ante selon l'appréciation de son médecin-conseil. 
Par jugement du 1 er mai 2017, la cour cantonale a admis le recours d'Assura. Elle a considéré que l'événement du 29 juillet 2015 constituait un accident et a renvoyé la cause à Mutuel pour qu'elle se prononce sur le statu quo sine vel ante.  
 
C.   
Mutuel forme un recours en matière de droit public. Elle conclut à l'annulation du jugement cantonal du 1 er mai 2017 et à la confirmation de sa décision sur opposition du 3 octobre 2016.  
L'intimée et la cour cantonale ont déclaré renoncer à se déterminer. L'assurée et l'Office fédéral de la santé publique n'ont pas déposé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).  
 
1.2. Par son jugement attaqué, la cour cantonale a reconnu l'existence d'un accident et a renvoyé la cause à la recourante pour qu'elle détermine la date jusqu'à laquelle elle est tenue de prendre en charge les suites de l'événement accidentel. En tant qu'il renvoie la cause à la recourante pour nouvelle décision, le jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente, laquelle ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral que si la condition du préjudice irréparable est réalisée ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 LTF).  
 
1.3. Lorsqu'une administration ou un assureur social sont contraints par le jugement incident à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, un tel jugement incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé du jugement final (ATF 141 V 255 consid. 1.1 p. 257 et les arrêts cités; 133 V 477 consid. 5.2 p. 483 s.). En l'espèce, le jugement cantonal attaqué a un effet contraignant pour la recourante en ce sens qu'elle doit statuer sur l'étendue des prestations à allouer à l'assurée tout en étant liée par le jugement de renvoi par lequel l'autorité cantonale a reconnu l'existence d'un accident. Dans ces conditions, le jugement incident entraîne sans aucun doute un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le recours en matière de droit public est donc admissible, bien que la recourante n'allègue pas l'existence d'un tel préjudice.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur la prise en charge par la recourante des suites de l'événement du 29 juillet 2015 (indemnités journalières et traitement médical), singulièrement sur le point de savoir si cet événement est constitutif d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA (RS 830.1).  
 
2.2. Lorsque, comme en l'espèce, le jugement entrepris porte sur des prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 2.3 et les arrêts cités).  
 
3.  
 
3.1. L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).  
 
3.2. L'existence d'un facteur extérieur est en principe admise en cas de "mouvement non coordonné", à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l'environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute; le facteur extérieur - modification entre le corps et l'environnement extérieur - constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117). Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier. A titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 précité consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un "saut de carpe" (arrêt U 43/92 du 14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n° U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est "touché" au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cet action du joueur adverse (arrêt 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67).  
 
4.   
En l'espèce, la cour cantonale a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA. Elle a retenu en particulier que l'atteinte dont souffrait l'assurée s'était produite pendant un laps de temps relativement court et pouvait être rattachée à un événement particulier, à savoir les deux ou trois chutes d'une hauteur de 2 à 3 mètres avec réception sur les pieds. Ces mouvements étaient non programmés et les chutes excédaient ce que l'on pouvait objectivement qualifier de normal et d'habituel dans la pratique de l'escalade en salle. 
 
5.   
De son côté, la recourante soutient que la condition de la soudaineté n'est pas remplie. Se référant aux déclarations de l'assurée lors de l'entretien du 18 mai 2016, elle est d'avis que celle-ci a "surchargé" son membre inférieur le 28 juillet 2015 en partant en randonnée une journée, puis le lendemain en faisant de l'escalade, activité qui sollicite les membres inférieurs non seulement en cas d'atterrissage au sol par suite d'un lâchement de prise mais également pour maintenir les pieds sur les prises. Comme les douleurs n'étaient apparues que le soir du 29 juillet 2015, rien ne permettrait d'affirmer qu'elles seraient dues aux chutes plutôt qu'aux sollicitations du membre inférieur droit par le fait même des activités exercées. 
 
6.   
Le grief de la recourante est mal fondé. En effet, la soudaineté doit se rapporter au facteur extérieur qui est à l'origine de l'atteinte, mais non aux conséquences provoquées par celle-ci, qui peuvent se produire seulement à un stade ultérieur (arrêt 8C_234/2008 du 31 mars 2009 consid. 6, in SVR 2009 UV n° 47 p. 166; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3 e éd. 2016, p. 920 n. 79). En réalité, par son argumentation, la recourante conteste l'existence d'un rapport de causalité entre les chutes survenues le 29 juillet 2015 et les troubles présentés par l'assurée. Or, il est indéniable, en ce qui concerne en tout cas la "foulure/entorse" diagnostiquée le 1 er août 2015, que cette atteinte est due aux chutes subies par l'assurée et non à la seule pratique d'activités physiques telles que celles en cause. Au surplus, la question d'un état maladif sans lien avec l'accident fait l'objet du renvoi par la juridiction cantonale et il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer sur ce point à ce stade de la procédure.  
Pour le reste, il n'y a pas lieu de revenir sur les autres conditions constitutives de l'accident, qui ne sont pas discutées par la recourante et n'apparaissent pas critiquables, compte tenu de la jurisprudence susmentionnée (supra consid. 3.2). 
 
7.   
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
8.   
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., seront supportés par la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à A.________, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 22 mars 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Castella