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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_65/2020  
 
 
Arrêt du 24 juin 2020  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Heine, Juge présidant, Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Office cantonal de l'emploi, 
Service juridique, rue des Gares 16, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Cyril Mizrahi, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (aptitude au placement), 
 
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 décembre 2019 (A/1163/2019 ATAS/1124/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1982, s'est inscrit au chômage le 13 juin 2017, à la recherche d'un emploi à 100 %.  
Par décisions des 28 et 29 août 2017, l'Office cantonal de l'emploi (ci-après: l'OCE) a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour des durées de 5 jours, respectivement 9 jours, au motif qu'il ne s'était pas présenté sans aucune excuse valable à des entretiens de conseil fixés les 15 et 28 août 2017. 
Par décision du 4 mai 2018 confirmée sur opposition le 3 juillet 2018, l'OCE a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 40 jours, au motif qu'il n'avait pas donné suite à une assignation lui enjoignant de présenter sa candidature pour un poste de serveur-chef de rang. 
 
A.b. A partir du 1 er juin 2018, A.________ a occupé un emploi les jeudis, vendredis et samedis. Il recherchait encore un poste à 50 % en complément.  
Par décision du 29 novembre 2018, confirmée sur opposition le 15 février 2019, l'OCE a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 19 jours, en raison de son absence sans excuse valable à un entretien de conseil prévu le 20 septembre 2018. Le recours formé par l'assuré contre cette dernière décision a été rejeté par jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 décembre 2019, entré en force. 
 
A.c. Par décision du 30 novembre 2018, confirmée sur opposition le 15 février 2019, l'OCE a déclaré l'assuré inapte au placement dès le 1 er septembre 2018, sur la base des quatre sanctions dont il avait écopé et de nouveaux manquements, à savoir l'absence de recherches d'emploi en septembre et octobre 2018 et le fait de ne pas avoir donné suite à une offre d'emploi durant la même période.  
 
B.   
Statuant le 4 décembre 2019 sur recours contre cette dernière décision sur opposition, la Chambre des assurances sociales - après avoir auditionné les parties le 20 novembre 2019 - l'a annulée et a dit que l'assuré était apte au placement dès le 1 er septembre 2018.  
 
C.   
L'OCE interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. 
L'intimé conclut au rejet du recours et sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. La juridiction cantonale et le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur l'aptitude au placement de l'intimé à partir du 1 er septembre 2018.  
 
3.  
 
3.1. L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que s'il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI [RS 837.0]). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). Par mesures d'intégration, on entend toutes les mesures ordonnées par l'ORP, c'est-à-dire aussi bien les assignations à participer à des mesures du marché du travail que les rendez-vous pour les entretiens de conseil à l'ORP (BORIS RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2 e éd. 2006, n. 3.9.6 p. 209). L'aptitude au placement comprend deux éléments: la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a p. 58; 123 V 214 consid. 3 p. 216; arrêt 8C_435/2019 du 11 février 2020 consid. 3.1, destiné à la publication). Selon l'art. 17 al. 1 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger (1  re phrase); il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment (2 e phrase); il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (3 e phrase).  
 
3.2. Si le chômeur se soustrait à ses devoirs d'assuré, il ne sera en principe pas d'emblée privé de prestations. Il sera tout d'abord sanctionné (art. 30 al. 1 let. c ou d LACI) puis, en cas de réitération, déclaré inapte au placement (art. 8 al. 1 let. f et 15 LACI; ATF 112 V 215 consid. 1b p. 218; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3 e éd. 2016, n. 323 p. 2363). En vertu du principe de la proportionnalité, l'aptitude au placement ne peut être niée qu'en présence de manquements répétés et au terme d'un processus de sanctions de plus en plus longues, et pour autant que les fautes aient été commises en quelques semaines, voire en quelques mois (arrêt 8C_816/2018 du 5 décembre 2019 consid. 6.1). Il faut qu'un ou plusieurs manquements au moins correspondent à des fautes moyennes ou graves. Il n'est pas possible de constater l'inaptitude au placement seulement si quelques fautes légères ont été commises (arrêt 8C_816/2018 précité et la référence citée). L'assuré doit pouvoir se rendre compte, au vu de la gradation des sanctions endurées, que son comportement compromet de plus en plus son droit à l'indemnité (arrêt 8C_816/2018 précité et les références citées).  
 
3.3. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 p. 147; 137 V 71 consid. 5.1 p. 73).  
 
4.   
En l'espèce, la Chambre des assurances sociales a constaté que l'intimé avait été sanctionné à trois reprises pour ne pas s'être présenté à des entretiens de conseil sans excuse valable, les 15 août 2017, 29 (recte: 28) août 2017 et 20 septembre 2018, ainsi qu'à une occasion parce qu'il avait répondu de manière tardive et incomplète à une assignation pour un emploi en mars 2018. Il lui était encore reproché de ne pas avoir donné suite à une proposition d'emploi, en ne transmettant pas son  curriculum vitae à un employeur qui le lui avait demandé en octobre 2018 et de n'avoir procédé à aucune recherche d'emploi en septembre et octobre 2018. Au vu des pièces produites par l'intimé, les juges cantonaux ont toutefois constaté qu'il avait correctement effectué ses recherches pour ces deux mois, tout en précisant qu'il aurait pu être sanctionné pour ne pas avoir remis en temps utile les formulaires de recherches d'emploi. Ils ont ensuite retenu que même en prenant en compte la sanction pour les faits du 20 septembre 2018 - dont la décision qui lui était rattachée n'était pas encore entrée en force -, le comportement général de l'intimé ne justifiait pas la décision d'inaptitude au placement. Ses manquements s'étaient échelonnés sur 14 mois et leur gravité apparaissait relative. Il avait manqué les deux entretiens de conseil d'août 2017 alors qu'il était fragile, stressé et dispersé après une période de maladie. En outre, il avait expliqué ne pas avoir donné suite à l'assignation à postuler pour un emploi et à la proposition d'emploi au motif que les horaires de travail ne lui permettaient pas d'exercer la garde partagée de son fils et qu'il ne voulait pas travailler le soir ou avec des horaires variables. Si cette excuse n'était pas acceptable, elle expliquait son comportement et permettait de retenir qu'il avait la volonté réelle de trouver un emploi compatible avec sa vie de famille et sa situation financière, qui ne lui permettait pas de payer quelqu'un pour garder son fils.  
 
5.  
 
5.1. Le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en admettant l'aptitude au placement de l'assuré dès le 1 er septembre 2018 sur la base de considérations étrangères au but visé par les art. 8 al. 1, 15 et 17 LACI. Ce faisant, les premiers juges auraient violé les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l'égalité de traitement, et se seraient par ailleurs écartés sans motif pertinent de la jurisprudence relative à l'aptitude au placement en cas de manquements répétés à ses devoirs par l'assuré.  
 
5.2. Au vu de la jurisprudence citée plus haut, c'est à raison que le recourant reproche à la cour cantonale un abus de son pouvoir d'appréciation. L'intimé a cumulé plusieurs manquements portant sur des mesures d'intégration (non-participation à des entretiens de l'ORP et non-respect d'une assignation à postuler pour un emploi). Or l'obligation de participer à de telles mesures a été renforcée lors de la 2 e révision de la LACI. Alors qu'avant celle-ci, le refus systématique ou du moins répété des mesures d'intégration conduisait à une privation des prestations, ce principe a été transféré à l'art. 15 LACI (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 70 ad art. 15 et n. 4 ad art. 30 LACI). Par ailleurs, l'intimé ne s'est pas montré disposé à accepter un travail convenable, en particulier en ne donnant pas suite à une proposition d'emploi en octobre 2018. En outre, il y a eu une certaine gradation dans la durée des suspensions puisque les trois suspensions pour non-participation aux entretiens de conseil ont duré respectivement 5, 9 puis 19 jours. La sanction pour ne pas avoir donné suite à l'assignation à postuler - intervenue entre les suspensions de 9 et 19 jours - a donné lieu à une suspension de 40 jours. Il s'agissait d'une première sanction pour faute grave. S'agissant de la proposition d'emploi à laquelle il n'a pas donné suite en octobre 2018, l'intimé devait ainsi savoir qu'en réitérant quelques mois plus tard le même type de comportement que celui qui lui avait valu une suspension de 40 jours pour faute grave, il compromettait sérieusement son droit à l'indemnité. De surcroît, il n'a pas remis en temps utile les formulaires de recherches d'emploi deux mois consécutivement, à la même période.  
 
5.3. Par ailleurs, l'aptitude au placement doit être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l'existence d'autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être considéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi. Peu importe, à cet égard, le motif pour lequel le choix des emplois potentiels est limité (ATF 120 V 385 consid. 3a p. 388; BORIS RUBIN, op. cit., n. 26 ad art. 15 LACI).  
En l'espèce, la cour cantonale a retenu que l'intimé n'avait pas donné suite à l'assignation à postuler et à la proposition d'emploi parce que les horaires de travail - en soirée et variables - que les postes impliquaient n'étaient pas compatibles avec la garde partagée de son fils. L'autorité précédente a jugé cette excuse inacceptable, mais n'en a pas tiré les conséquences en droit qui s'imposaient. Dès lors que l'intimé a refusé à deux reprises d'offrir ses services pour des activités lucratives sur incitation du recourant, au motif que les horaires ne lui convenaient pas pour des raisons d'ordre personnel, son aptitude au placement ne saurait être admise. 
 
5.4. Il résulte de ce qui précède que c'est en violation du droit que la Chambre des assurances sociales a admis l'aptitude au placement de l'intimé. Son jugement du 4 décembre 2019 doit dès lors être annulé. La décision sur opposition du 15 février 2019 ne peut toutefois pas être confirmée comme telle. En effet, elle déclare l'intimé inapte au placement dès le 1er septembre 2018. Or en cas de cumul de manquements sanctionnés, l'inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l'inaptitude au placement (arrêt 8C_816/2018 précité consid. 6.1  in fine; BORIS RUBIN, op. cit., n. 24 ad art. 15 LACI). En l'espèce, le reproche de ne pas avoir remis le formulaire de recherches d'emploi correspondant au mois d'octobre 2018 constituait le dernier manquement de l'intimé avant que le recourant le déclare inapte au placement. Selon l'art. 26 al. 2 OACI (RS 837.02), la preuve des recherches d'emploi doit être remise au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. Par conséquent, l'inaptitude au placement ne peut déployer ses effets qu'à partir du mardi 6 novembre 2018, et non du 1er septembre 2018. La décision du 15 février 2019 doit donc être modifiée sur ce point.  
 
6.   
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci a cependant sollicité l'assistance judiciaire pour l'instance fédérale. Dès lors que les conditions de son octroi au sens de l'art. 64 LTF sont réunies, l'assistance judiciaire requise sera accordée. L'attention de l'intimé est attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis et le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 décembre 2019 est annulé. La décision sur opposition de l'Office cantonal de l'emploi du 15 février 2019 est modifiée en ce sens que l'intimé est déclaré inapte au placement dès le 6 novembre 2018. 
 
2.   
L'assistance judiciaire est accordée et Maître Cyril Mizrahi est désigné comme avocat d'office de l'intimé. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Une indemnité de 2800 fr. est allouée à l'avocat de l'intimé à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 24 juin 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Heine 
 
Le Greffier : Ourny