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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_124/2019  
 
 
Arrêt du 1er novembre 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrlet 
B.________, 
représentés par Me Joël Crettaz, 
demandeurs et recourants, 
 
contre  
 
T.________S.A., 
U.________, V.________ et W.________, 
représentés par Me Isabelle Salomé Daïna, 
défendeurs et intimés. 
 
Objet 
bail à loyer; loyer échelonné 
 
recours contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
(XA17.027968-181719, 46). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.   
Dès le 1er septembre 2012, B.________ et C.________ ont pris à bail des locaux commerciaux destinés à l'exploitation d'un café-restaurant, au sous-sol, au rez-de-chaussée et au premier étage d'un bâtiment sis à Lausanne. Ils ont fondé la société A.________ Sàrl qui est devenue locataire des mêmes locaux le 11 du même mois, conjointement avec eux. 
Le contrat a été conclu par écrit le 27 août 2012 pour une durée indéterminée. Il était résiliable au plus tôt avec effet au 30 septembre 2022. A défaut de résiliation, il se prolongeait tacitement par périodes successives de cinq ans. Le délai de résiliation était fixé à une année. 
Le loyer mensuel était fixé à 8'000 fr. du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, puis à 10'000 fr. dès le 1er septembre 2013. Des frais accessoires étaient dus en sus. 
Le 8 juillet 2013, par l'intermédiaire de leur gérance, les bailleurs U.________, V.________ et W.________, propriétaires du bâtiment, ont communiqué qu'en dérogation au contrat, le loyer mensuel demeurerait fixé à 8'000 fr. jusqu'au 31 août 2014 et qu'il s'élèverait à 10'000 fr. dès le lendemain 1er septembre 2014. 
 
2.   
T.________ SA est devenue propriétaire du bâtiment le 25 juillet 2014. 
Le 18 juillet 2016, A.________ Sàrl, B.________ et C.________ ont cédé l'exploitation du café-restaurant à des tiers, auxquels le bail à loyer a été transféré avec effet au 1er octobre suivant. 
 
3.   
Le 27 avril 2017, B.________ et A.________ Sàrl ont ouvert action contre U.________, V.________ et W.________ et la société T.________ SA devant le Tribunal des baux du canton de Vaud. Après rectification de la demande en justice, les défendeurs devaient être condamnés à payer solidairement 50'000 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er octobre 2016. 
Le tribunal s'est prononcé le 2 mars 2018; il a rejeté l'action. 
La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal a statué le 31 janvier 2019 sur l'appel des demandeurs. Elle a rejeté cet appel et confirmé le jugement. 
 
4.   
Agissant par la voie du recours en matière civile, les demandeurs saisissent le Tribunal fédéral de conclusions correspondant à celles articulées devant le Tribunal des baux. 
Les défendeurs concluent au rejet du recours. 
 
5.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse. 
 
6.   
Les demandeurs font valoir que l'augmentation du loyer mensuel intervenue au 1er septembre 2014, de 8'000 à 10'000 fr., ne leur a pas été notifiée sur formule officielle comme le prescrit l'art. 19 al. 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11). Selon leur argumentation, cette augmentation est par conséquent nulle et durant vingt-cinq mois, de septembre 2014 à septembre 2016, ils ont payé chaque mois 2'000 fr. en sus de ce qu'ils devaient. Ils réclament donc le remboursement de 50'000 fr. avec suite d'intérêts. Ils agissent pour eux-mêmes et à titre de cessionnaires des droits de leur colocataire C.________. 
 
7.   
A teneur de l'art. 269d al. 1 CO, le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton. Selon l'art. 269d al. 2 let. a CO, une majoration de loyer est nulle si elle n'est pas notifiée au moyen de la formule officielle. 
L'art. 19 al. 1 let. a et c OBLF énumère les indications qui doivent impérativement figurer dans la formule agréée par le canton. Il s'agit notamment des conditions légales dans lesquelles le locataire peut contester la majoration, et de la liste des autorités de conciliation existant dans le canton, avec leur compétence à raison du lieu (let. c ch. 1 et 2). Ces conditions légales font référence à l'art. 270b al. 1 CO, lequel habilite le locataire à contester par une requête à l'autorité de conciliation, dans un délai de trente jours à compter de l'avis de majoration, une majoration qu'il tient pour abusive. 
L'art. 269c CO énonce les conditions dans lesquelles le bailleur et le locataire peuvent convenir d'un loyer échelonné, c'est-à-dire d'un loyer majoré périodiquement d'un montant déterminé. Le contrat doit être conclu pour une durée de trois ans au minimum; le loyer ne doit pas augmenter plus d'une fois par an et le montant de l'augmentation doit être fixé en francs. Selon l'art. 270d CO, sous réserve de la contestation du loyer initial prévue par l'art. 270 CO, le loyer échelonné ne peut pas être contesté en cours de bail. Néanmoins, l'art. 19 al. 2 OBLF prévoit qu'une formule agréée par le canton, conforme à l'art. 19 al. 1 OBLF, doit être notifiée au locataire avant chaque augmentation périodique du loyer. La contestation porte sur la validité de cette règle : les demandeurs s'en prévalent; le Tribunal des baux et la Cour d'appel jugent qu'elle n'est pas applicable parce qu'exorbitante du pouvoir législatif délégué au Conseil fédéral par l'art. 253a al. 3 CO
 
8.   
Entré en vigueur le 1er juillet 1990, le régime légal actuel a remplacé celui auparavant consacré par l'arrêté fédéral du 30 juin 1972 instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (AMSL; RO 1972 p. 1531) et par l'ordonnance correspondante du 10 juillet 1972 (OSL; RO 1972 p. 1590). Lorsque le bailleur et le locataire avaient convenu d'un loyer échelonné, l'art. 10 al. 2 AMSL habilitait le locataire à contester par une requête à l'autorité de conciliation chacune des majorations périodiques, s'il tenait le loyer majoré pour abusif, et l'art. 13 al. 2 OSL imposait au bailleur de notifier au locataire, sur formule agréée par le canton, chacune de ces majorations (ATF 113 II 299 consid. 2d p. 301; 116 II 587 consid. 3a p. 591). 
L'art. 19 al. 2 OBLF perpétue l'art. 13 al. 2 OSL alors que l'art. 10 al. 2 AMSL n'a pas d'équivalent dans le régime actuel. Au contraire, l'art. 270d CO exclut qu'une majoration périodique soit contestée en justice pendant la durée du bail. 
La formule officielle doit fournir au locataire les éléments propres à lui permettre d'apprécier en pleine connaissance de cause l'opportunité de contester une majoration du loyer ou, au contraire, de s'en accommoder (ATF 137 III 362 consid. 3.2.1 p. 365). La doctrine unanime met en doute l'utilité de l'exigence de la formule officielle posée par l'art. 19 al. 2 OBLF parce que l'art. 270d CO exclut que la majoration concernée puisse être contestée (David Lachat, Le bail à loyer, 2019, ch. 3.2.8 p. 665;  le même auteur, in Commentaire romand, 2e éd., n° 9 ad art. 269d CO; PATRICIA DIETSCHY-MARTENET, in Droit du bail à loyer et à ferme, François Bohnet et al., éditeurs, 2e éd., 2017, n° 26 ad art. 269c CO; Peter Burkhalter et al., Le droit suisse du bail à loyer, 2011, n° 14 ad art. 269c CO; ROGER WEBER, in Commentaire bâlois, 5e éd., n° 3 ad art. 269c CO; Peter HIGI, in Commentaire zurichois, 1996, n° 40 ad art. 269c CO). L'un de ces auteurs estime que la majoration ne dépend d'aucune communication du bailleur parce que son montant et le moment auquel elle prend effet sont contractuellement fixés (Weber, ibid.). Pour les autres auteurs, une simple communication écrite du bailleur serait suffisante. Selon une contribution, l'art. 19 al. 2 OBLF est invalide au regard de l'art. 269d CO (Higi, ibid.). Le Tribunal fédéral a lui aussi jugé que dans le régime légal actuel, l'exigence prévue par cette règle « n'a guère de sens » (arrêt 4A_689/2014 du 7 mai 2015, consid. 3.1).  
 
9.   
L'art. 253a al. 3 CO habilite le Conseil fédéral à édicter des dispositions d'exécution en rapport avec les règles du code des obligations concernant les baux d'habitation et de locaux commerciaux. 
Lorsque cela influence la validité d'une décision attaquée devant le Tribunal fédéral, celui-ci peut contrôler si une ordonnance du Conseil fédéral est conforme au droit fédéral (ATF 144 II 454 consid. 3.2 p. 460; 143 II 87 consid. 4.4 p. 92). Une ordonnance d'exécution ne peut disposer que dans le cadre de la loi dont elle dépend. Elle peut établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, et éventuellement combler de véritables lacunes; en revanche, elle ne peut pas introduire des règles ayant pour effet de restreindre les droits des particuliers ou de leur imposer des obligations au delà de ce que prévoient les dispositions de la loi, même si ces règles concourent au but de ces dispositions (ATF 134 I 269 consid. 4.2 p. 279; 134 I 322 consid. 2.2 p. 326). 
En ce qui concerne les obligations réciproques des bailleurs et des locataires, le Conseil fédéral ne peut notamment pas subordonner la formation ou la modification de ces obligations à des formalités qui ne sont pas prévues par la loi. La formule officielle prévue par l'art. 269d al. 1 CO se rattache étroitement, de par son but, au droit du locataire de contester une majoration du loyer par la voie d'une requête à l'autorité de conciliation selon l'art. 270b al. 1 CO (ATF 137 III 362 consid. 3.2.1, déjà mentionné). Au regard de ce but, il ne se justifie pas d'exiger une notification sur formule officielle aussi dans une situation où cette voie juridique n'est pas disponible. L'art. 269d al. 1 CO ne peut pas être interprété en ce sens que la notification sur formule officielle soit exigée aussi en relation avec les majorations périodiques d'un loyer échelonné, majorations dont l'art. 270d CO exclut qu'elles soient contestées en justice. En tant que l'art. 19 al. 2 OBLF vise non seulement les majorations en cours de bail d'un loyer indexé mais aussi celles d'un loyer échelonné, cette règle restreint indûment la liberté contractuelle qui est consacrée en matière de loyers échelonnés par l'art. 269c CO. Cette règle de l'ordonnance apparaît pour ce motif, en rapport avec les loyers échelonnés, contraire au droit fédéral. 
 
10.   
Selon l'argumentation que développent les demandeurs, il convient de s'écarter d'une interprétation purement littérale de l'art. 270d CO pour admettre que cette disposition laisse subsister certaines possibilités de contester en justice une majoration de loyer pourtant visée par elle, et que la notification exigée par l'art. 19 al. 2 OBLF conserve donc sa justification. Au nombre de ces possibilités de contestation, le locataire peut prétendument faire valoir, s'il y a lieu, que le contrat n'est pas entièrement conforme à l'art. 269c CO, que la clause d'échelonnement n'est pas valable en raison d'un cumul avec une clause d'indexation (cf. ATF 124 III 57 consid. 3a p. 59), ou qu'à raison de son montant ou du terme auquel elle doit prendre effet, la majoration voulue par le bailleur n'est pas conforme au contrat. 
Si le locataire reçoit un avis de majoration du loyer et qu'il ne saisit pas l'autorité de conciliation dans le délai de trente jours prévu par l'art. 270b al. 1 CO, il perd le droit d'accéder au juge et d'obtenir de celui-ci un contrôle du loyer majoré au regard des art. 269 et 269a CO, lesquels visent les loyers abusifs, et la majoration est irréfragablement présumée conforme à ces dispositions. Cela ressort du texte de l'art. 270b al. 1 CO. En revanche, le locataire conserve sans altération toutes les autres objections et exceptions qu'il peut éventuellement opposer à la prétention du bailleur sur la base du droit du bail à loyer ou, plus généralement, du droit des obligations, par exemple déduites de la teneur du contrat ou, au contraire, déduites de l'invalidité du contrat ou de certaines de ses clauses. A la différence de ce que les demandeurs semblent croire, le locataire peut résister à des prétentions infondées du bailleur aussi en dehors des cas de nullité d'une majoration visés par l'art. 269d al. 2 CO. Exiger un avis de majoration sur formule officielle ne se justifie que dans la perspective d'une contestation du loyer majoré à élever sur la base des art. 269 et 269a CO, ou, dans le cas d'un loyer indexé, à élever dans les limites prévues par l'art. 270c CO. Or, implicitement au moins, les demandeurs reconnaissent que l'art. 270d CO exclut une contestation de la majoration sur la base des art. 269 et 269a CO. Les hypothèses qu'ils envisagent n'apportent donc pas de justification au formalisme prévu par l'art. 19 al. 2 OBLF
 
11.   
Il est incontesté que le contrat conclu le 27 août 2012 prévoyait un loyer échelonné selon les art. 269c et 270d CO, avec une majoration unique de 2'000 fr. au 1er septembre 2013. Cette majoration a été conventionnellement ajournée d'une année, au 1er septembre 2014. Elle a pris effet à cette date en vertu du contrat et elle n'était pas subordonnée à la notification d'une formule officielle selon l'art. 269d al. 1 CO. La loi ne la subordonnait pas non plus à une autre forme de communication ou avertissement par les bailleurs. La majoration a pris effet nonobstant le défaut de la notification exigée par l'art. 19 al. 2 OBLF car cette règle de l'ordonnance est dans ce domaine contraire au droit fédéral. Les demandeurs n'ont donc pas payé, dès le mois de septembre 2014, un loyer supérieur à celui qu'ils devaient et ils ne peuvent prétendre à aucun remboursement. Le recours en matière civile se révèle privé de fondement, ce qui entraîne son rejet. 
 
12.   
A titre de parties qui succombent, les demandeurs doivent acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels leurs adverses parties peuvent prétendre. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les demandeurs acquitteront un émolument judiciaire de 2'500 francs. 
 
3.   
Les demandeurs verseront solidairement entre eux une indemnité de de 3'000 fr. aux défendeurs, créanciers solidaires, à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 1er novembre 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
Le greffier : Thélin