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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_613/2020  
 
 
Arrêt du 3 juin 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Jametti, Haag et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
1. Guillaume Francioli, 
2. Jean-Marc Francioli, 
3. Richard Francioli, 
4. Marie-Christine Bernardini, 
5. Anne Chardonnens, 
6. Sarah Dupanloup, 
7. Loanne Francioli, 
8. Claire Morisod, 
tous représentés par Mes Pascal Pétroz et Romaine Zürcher, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Comité référendaire "Pré-du-Stand", 
intimé, 
 
Conseil d'Etat d u canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève. 
 
Objet 
Votation cantonale, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 2 octobre 2020 (ACST/30/2020 - A/4420/2019-ELEVOT). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par arrêté du 15 mai 2019, le Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a constaté l'aboutissement du référendum lancé contre la loi 12293 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex (création d'une zone de développement 3 affectée à des activités administratives et commerciales, d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public, d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public et à des constructions sportives et d'une zone de verdure, au lieu-dit "Pré-du-Stand"; ci-après: la loi 12293). 
Le 24 novembre 2019, la loi 12293 a été soumise au scrutin populaire avec sept autres objets cantonaux. Selon les résultats anticipés du 24 novembre 2019 à 12h01 portant sur le dépouillement des votes par correspondance, l'objet était accepté par 43'574 "oui" contre 42'352 "non". Les résultats provisoires du même jour établis à 13h50 portant sur le dépouillement des votes par correspondance et des résultats annoncés oralement par les locaux de vote indiquaient l'acceptation de l'objet précité par 45'545 "oui" contre 45'530 "non" avec 7'660 bulletins blancs et 68 bulletins nuls (dont 21 provenant du vote à l'urne et 47 du vote par correspondance). 
Le 25 novembre 2019, compte tenu du résultat serré, la Chancellerie d'Etat du canton de Genève a ordonné le recomptage de l'ensemble des bulletins au moyen d'une machine à lecture optique, en présence des membres de la Commission électorale centrale (ci-après: la CEC). Pour ce faire, le Service des votations et élections du canton de Genève (ci-après: le SVE) a préalablement procédé à la vérification des 21 bulletins provenant du vote à l'urne jugés nuls par les locaux de vote, parmi lesquels 14 ont été requalifiés en bulletins valables (2 en "oui", 10 en "non" et 2 en "blanc"), provenant de différents locaux de vote (à savoir 1 à Bernex, 1 à Carouge, 1 à Chêne-Bougeries-Centre, 1 à Collonge-Bellerive, 1 à Prieuré-Sécheron, 2 à Saint-Jean, 1 au Grand-Saconnex, 1 au Petit-Lancy, 1 à Onex, 1 à Plan-les-Ouates, 1 à Thônex, 1 à Vandoeuvres et 1 à Versoix). 
Tous les bulletins ont ensuite été passés dans les machines à lecture optique, ce qui a conduit à la requalification de 38 bulletins provenant du vote par correspondance et de 30 bulletins provenant du vote à l'urne de différents locaux de vote (à savoir 1 à Bernex, 1 à Carouge, 3 à Chancy, 1 à Chêne-Bougeries-Centre, 1 à Collonge-Bellerive, 1 à Dardagny, 2 à Prairie-Délices, 1 à Servette-Grand-Pré, 1 à Prieuré-Sécheron, 2 à Saint-Jean, 2 à Vieusseux, 1 à Genthod, 1 au Grand-Saconnex, 2 au Grand-Lancy, 1 au Petit-Lancy, 1 à Meyrin, 4 à Onex, 1 à Plan-les-Ouates, 1 à Thônex, 1 à Vandoeuvres et 1 aux Avanchets). 
Le recomptage a donné 45'537 "oui", 45'546 "non", 7'663 bulletins blancs et 56 bulletins nuls (dont 9 provenant du vote à l'urne et 47 du vote par correspondance) : l'objet est rejeté par 9 voix d'écart. 
Le même jour, la CEC a confirmé les résultats du décompte définitif. Selon le procès-verbal relatif à cette séance, le résultat définitif était issu non seulement d'erreurs de calcul dans les locaux de vote, mais aussi d'erreurs sur la validité des bulletins, lesquels avaient été requalifiés pour 14 d'entre eux précédemment déclarés nuls; dès lors que le dépouillement par les machines à lecture optique était la technique la plus sûre, il ne s'imposait pas de procéder à un troisième dépouillement; par ailleurs, la visite des locaux de vote le jour du scrutin n'avait mis en évidence aucune irrégularité. 
Par arrêté du 27 novembre 2019, le Conseil d'Etat a constaté les résultats de la votation précitée du 24 novembre 2019, à savoir le rejet de l'objet par 45'546 "non" pour 45'537 "oui", avec 7'663 bulletins blancs et 56 bulletins nuls. 
 
B.  
Marie-Christine Bernardini, Anne Chardonnens, Sarah Dupanloup, Guillaume Francioli, Jean-Marc Francioli, Loanne Francioli, Richard Francioli et Claire Morisod (ci-après: Marie-Christine Bernardini et consorts) ont recouru contre l'arrêté du 27 novembre 2019 auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). 
Le 7 janvier 2020, le juge délégué a appelé en cause le comité référendaire "Pré-du-Stand". 
Sur demande du juge délégué, le 17 mars 2020, la Chancellerie cantonale a produit copie des 14 bulletins annoncés douteux par les locaux de vote et validés par la CEC, des 9 bulletins nuls en provenance des locaux de vote ainsi que des 47 bulletins nuls en provenance du vote par correspondance ainsi que le procès-verbal de la séance du 25 novembre 2019 de la CEC. 
Par arrêt du 2 octobre 2020, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.  
Agissant, le 2 novembre 2020, par la voie du recours en matière de droit public, Marie-Christine Bernardini et consorts demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 2 octobre 2020 et la votation cantonale du 24 novembre 2019 relative à la loi 12293 et d'ordonner une nouvelle votation sur la loi 12293. Ils concluent subsidiairement à ce qu'il soit ordonné au Conseil d'Etat de procéder à un troisième comptage des bulletins issus de la votation précitée. A titre encore plus subsidiaire, ils demandent la constatation de l'acceptation, lors de la votation du 24 novembre 2019, de la loi 12293 ou le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Invités à se déterminer, le Conseil d'Etat et le comité référendaire "Pré-du-Stand" ont conclu au rejet du recours. La Cour de justice a persisté dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Les recourants ont répliqué, par courrier du 1er février 2021. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Cette voie de recours permet en particulier au citoyen de contester le résultat d'une votation cantonale. Citoyens genevois, les recourants ont la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 3 LTF
Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. 
 
2.  
Dans un premier grief d'ordre formel, les recourants se plaignent d'une constatation manifestement inexacte des faits (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF). 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). La recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358).  
 
2.2. En l'espèce, les recourants reprochent d'abord à la Cour de justice d'avoir retenu, s'agissant de la commission électorale centrale (CEC) que "tous les cas lui avaient été soumis et [qu'] elle avait statué sur chacun d'entre eux", ce qui prêterait à confusion car cela laisserait penser que la CEC aurait revu l'ensemble des bulletins de vote. La phrase en question ne porte cependant nullement à confusion si on lit le paragraphe complet auquel elle appartient. La locution "tous les cas" et non "tous les bulletins" montre qu'il n'était pas question de l'ensemble des bulletins de vote reçus mais bien des cas identifiés comme plus délicats.  
Les recourants font ensuite grief à l'instance précédente d'avoir mentionné que la chancellerie d'Etat avait "produit copie des 14 bulletins annoncés douteux par les locaux de vote et validés par la CEC, des 9 bulletins nuls en provenance des locaux de vote ainsi que des 47 bulletins nuls en provenance du vote par correspondance". Ils soutiennent que seules les copies de sept bulletins nuls en provenance des locaux de vote ont été produites. Cette critique peut être d'emblée rejetée puisqu'il ressort du dossier que ce sont bien 9 bulletins nuls et douteux en provenance des locaux de vote qui ont été produits le 17 mars 2020, lesquels se trouvent au dossier. 
Les recourants reprochent encore à la Cour de justice de ne pas avoir précisé que le canton de Genève n'avait jamais connu un résultat si serré lors d'une votation populaire. Ils ne démontrent toutefois pas en quoi cet élément serait susceptible d'avoir une incidence sur l'issue du recours. En effet, il a été tenu compte du fait que le résultat était très serré (voir aussi infra consid. 4.5). 
Les recourants font aussi grief à la cour cantonale de ne pas avoir exposé que le procès-verbal de la séance du 25 novembre 2019 de la CEC avait dans un premier temps été versé à la procédure par le Conseil d'Etat presque entièrement caviardé et que c'est sur demande de la Cour de justice qu'il a été produit non caviardé. Il en ressort notamment que la possibilité de procéder à un troisième comptage avait été envisagée, qu'il aurait fallu plusieurs jours de travail supplémentaires pour comprendre ce qui s'était passé dans les locaux de vote dans lesquels il y a eu des modifications et que les taux d'erreur dans le dépouillement des locaux de vote et dans le dépouillement effectué par des machines de lecture optique ont été soulevés par la CEC. Ces éléments ne sont cependant pas susceptibles d'avoir une influence sur le résultat du scrutin (voir infra consid. 4.5). Les recourants perdent d'ailleurs de vue que la possibilité d'un troisième comptage a été mentionnée dans l'arrêt attaqué et qu'il a été exposé pourquoi on y renonçait. 
Les recourants critiquent encore la cour cantonale en ce qu'elle n'a pas mentionné le contenu et la conclusion de l'analyse statistique émise par le Professeur Gérard Antille le 7 février 2020, qu'ils ont requise et produite. A nouveau, cette analyse comportant notamment des considérations sur un "intervalle de confiance" et sur ce qui "statistiquement est indécidable" n'a aucune incidence sur l'issue du recours, à savoir sur l'analyse juridique de la validité du résultat d'une votation (voir infra consid. 4.5). 
Enfin, les recourants font grief à la Cour de justice de ne pas avoir indiqué si les 7 bulletins nuls versés à la procédure permettaient de confirmer le résultat du contrôle effectué par la CEC. En réalité, les recourants ne contestent pas l'établissement de faits mais plutôt une appréciation juridique. Il s'agit ainsi d'une question de droit qui sera examinée avec le fond (voir infra consid. 4.5). 
Le grief de constatation manifestement inexacte des faits doit ainsi être écarté. 
 
3.  
Dans un second grief d'ordre formel, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.), au motif que la cour cantonale a refusé de procéder à deux mesures d'instruction sollicitées, à savoir l'audition d'un représentant de la Chancellerie d'Etat et l'exécution d'une expertise au sujet de la marge d'erreur statistique applicable au scrutin. 
 
3.1. Garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 p. 103 et les références citées). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171 et les arrêts cités).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que l'audition d'un représentant de la Chancellerie cantonale ne se justifiait pas car l'ensemble des documents produits en lien avec le dépouillement du scrutin ainsi que les bulletins dont la production avait été requise se trouvaient au dossier, le Conseil d'Etat ayant de plus expliqué en détail le procédé suivi et la manière dont les dépouillements s'étaient déroulés. Elle a aussi renoncé à procéder à l'audition d'un expert privé au sujet de la marge d'erreur statistique du scrutin, dès lors que les recourants avaient produit un rapport d'expertise à ce sujet, sur lequel ils avaient aussi pu se déterminer.  
Les recourants n'expliquent pas en quoi le refus de la cour cantonale serait constitutif d'arbitraire. Ils se contentent d'affirmer, de façon générale et appellatoire, que ces mesures d'instruction portent sur des faits qui n'ont pas été examinés par la Cour de justice, à savoir sur l'interprétation des bulletins de vote versés à la procédure et sur la valeur probante du résultat de la votation sous l'angle statistique en lien avec le rapport d'expertise du Professeur Antille. Ce faisant, ils ne répondent pas à l'argumentation de la cour cantonale et a fortiori ne démontrent pas qu'elle aurait procédé à une appréciation anticipée des preuves entachée d'arbitraire en renonçant aux mesures d'instruction requises.  
 
3.3. En tout état de cause, le raisonnement précité des juges cantonaux échappe à la critique. Il apparaît en particulier que le dossier contient le procès-verbal de la séance du 25 novembre 2019 de la CEC, les explications détaillées de la Chancellerie d'Etat sur la manière dont s'est déroulé le recomptage ainsi que les "quelques commentaires quant aux décomptes des voix pour Pré-du-Stand" du Professeur Antille du 7 février 2020. La Cour de justice pouvait donc, sans violer le droit d'être entendu des intéressés, renoncer à administrer les preuves requises.  
 
4.  
Sur le fond, les recourants se plaignent d'une violation de la garantie des droits politiques (art. 34 al. 2 Cst. et 44 al. 2 de la Constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst-GE; RS 131.234 et RSG A 2 00]). 
 
4.1. Selon l'art. 34 al. 2 Cst. et l'art. 44 al. 2 Cst-GE, la garantie des droits politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. De cette garantie découle notamment le droit d'exiger qu'aucun résultat ne soit reconnu s'il n'exprime pas la libre volonté du corps électoral. Il en découle le droit à une exécution régulière du scrutin ainsi que le droit à un décompte exact et précis des voix. En particulier, l'autorité chargée du dépouillement est tenue de procéder aux diverses opérations de tri du matériel de vote, de qualification des bulletins et de décompte des suffrages avec soin et conformément aux dispositions applicables (ATF 141 I 221 consid. 3.2 et les arrêts cités).  
L'art. 34 Cst. impose une obligation de résultat, s'agissant de l'exactitude du scrutin, mais ne prescrit aucune procédure particulière s'agissant des opérations de dépouillement. Il appartient d'abord au droit cantonal de définir la nature et l'ampleur des vérifications à effectuer dans le cadre du dépouillement. Les autorités de recours ont toutefois l'obligation d'examiner soigneusement les griefs soulevés contre le résultat d'une votation, en tout cas lorsque ce résultat est très serré et que le recourant peut indiquer des éléments précis permettant de conclure à un comptage erroné des voix ou à un comportement illégal des autorités chargées d'assurer le déroulement correct de la votation (ATF 141 I 221 consid. 3.2 et les arrêts cités). 
En définitive, le processus démocratique a pour corollaire la possibilité que des votations débouchent sur des résultats serrés, lesquels doivent être acceptés, sans être mis en doute en raison d'un faible écart de voix, lequel ne justifie pas à lui seul un droit au recomptage. Ce principe repose sur les garanties de l'art. 34 al. 2 Cst. exposées ci-dessus (cf. ATF 141 II 297 consid. 5.2 p. 300 et consid. 5.5.2 p. 304; arrêt 1C_320/2015 du 20 janvier 2016 consid. 3.2; en d'autres termes, "Mehrheit ist Mehrheit, wie knapp auch immer" [PIERRE TSCHANNEN, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 2020, n. 15 p. 520]; cf. aussi BÉNÉDICTE TORNAY SCHALLER, Y a-t-il un droit au recomptage automatique en cas de résultat de votation ou d'élection très serré?, Festschrift für Andreas Auer zum 65. Geburtstag, 2013, p. 99 ss). 
 
4.2. Si un recomptage, régulièrement effectué avec une moindre pression du temps, aboutit à nouveau à un résultat serré, cette circonstance ne doit pas entraîner à elle seule un nouveau recomptage. Cette mesure n'entre en considération que si le premier recomptage est entaché de véritables irrégularités; ainsi, un second recomptage, donc un troisième comptage, est, en règle générale, exclu (ATF 136 II 132 consid. 2.4.3; PIERRE TSCHANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 4e éd. 2016, p. 714 n° 72).  
 
4.3. Lorsque des irrégularités sont constatées dans le dépouillement d'un scrutin, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du vote. Il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote; dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation. Lorsque la différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités sont de nature à remettre en cause la validité du résultat du vote (ATF 141 I 221 consid. 3.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 145 I 1 consid. 4.2).  
 
4.4. Dans le canton de Genève, la récapitulation générale des votes se fait publiquement, dans les meilleurs délais, par les soins de la chancellerie d'Etat et sous le contrôle de la commission électorale centrale. Cette récapitulation fait l'objet d'un procès-verbal qui mentionne les résultats définitifs de l'opération et, le cas échéant, les irrégularités constatées (art. 73 de la loi cantonale sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 [LEDP; RSG A 5 05]).  
A teneur de l'art. 74 al. 1 LEDP, la chancellerie d'Etat procède à un nouveau décompte des bulletins et, le cas échéant, des bulletins électroniques avant la validation de l'opération électorale lorsque les besoins de la récapitulation l'exigent. Ce décompte est effectué sous la surveillance de la commission électorale centrale (al. 2). 
Si une irrégularité viciant le résultat général d'une opération électorale est constatée et reconnue fondée par le Conseil d'Etat, celui-ci ordonne qu'il soit procédé à un nouveau scrutin dans le ou les arrondissements électoraux intéressés (art. 75 LEDP). 
 
4.5. En l'espèce, les recourants mettent d'abord en évidence le fait que le résultat du vote a été modifié entre le premier et le second recomptage, que l'écart entre les voix est minime (proportion de 0,009 %) et que si 5 voix supplémentaires avaient été qualifiées de "oui" au lieu de "non", le résultat aurait été inversé. Ils soulignent aussi qu'un résultat aussi serré n'a jamais eu lieu auparavant à Genève ni au niveau fédéral. Ils relèvent encore que tant les machines de lecture optique que le dépouillement à la main présentent des taux et marges d'erreur qui ne peuvent être admissibles lorsque l'écart entre les "oui" et les "non" est si faible. Pour eux, l'irrégularité grave de cette votation consiste en ce que le cumul de ces éléments et le très faible écart des voix ne permettrait pas de valablement trancher le vote dans un sens ou dans un autre: le fait que le résultat du vote soit passé de positif à négatif lors du recomptage démontrerait que cette irrégularité pourrait avoir un impact. En d'autres termes, pour les recourants, aucun décompte ne pourrait être effectué de manière fiable par les moyens à disposition à ce jour, lorsque le corps électoral voterait avec des résultats très serrés: le faible écart de voix représenterait ainsi à lui seul une grave irrégularité en raison de la marge d'erreur inhérente à tout dépouillement.  
L'argumentation des recourants se limite, en somme, à soutenir que le résultat du scrutin constitue en soi une irrégularité en raison de la différence serrée entre les "oui" et les "non". Partant, les recourants perdent de vue qu'en l'espèce un recomptage des bulletins a déjà été mené et que selon la jurisprudence, si le recomptage aboutit à nouveau à un résultat serré, cette circonstance ne doit pas entraîner, à elle seule, un nouveau (second) recomptage. Cette mesure n'entre en considération que si le premier recomptage est entaché de véritables irrégularités: un second recomptage est, en règle générale, exclu (ATF 136 II 132 consid. 2.4.3; PIERRE TSCHANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 4e éd., 2016, p. 714 n° 72). Or, il ressort du procès-verbal de la séance de la CEC du 25 novembre 2019 et des explications détaillées fournies par le Conseil d'Etat notamment devant la cour cantonale que, dans un premier temps, le SVE, en présence des membres de la CEC, a procédé à la vérification des 21 bulletins provenant du vote à l'urne jugés nuls par les locaux de vote et en a requalifié 14 en bulletins valables; il a agi de la même manière s'agissant des bulletins jugés nuls par le SVE et issus du vote par correspondance: il n'a cependant trouvé aucune erreur et n'en a requalifié aucun. 
Dans un deuxième temps, l'ensemble des bulletins, issus des votes par correspondance et à l'urne a fait l'objet d'un recomptage par les machines à lecture optique, ce qui a permis la requalification de 68 bulletins (38 issus du vote par correspondance et 30 issus du vote à l'urne). 
Le recomptage s'est donc effectué dans le respect des règles de procédure, sans qu'aucun incident concernant le déroulement de l'opération et l'établissement des résultats ne soit constaté ou porté à la connaissance de la chancellerie d'Etat et de la CEC. La marge d'erreur inhérente à la procédure de dépouillement ne constitue pas un élément précis permettant de conclure à un comptage erroné des voix, au sens de la jurisprudence précitée. Les recourants ne font d'ailleurs valoir aucune irrégularité concrète dans le dépouillement ni d'élément permettant d'éveiller le doute qu'un second recomptage permettrait d'aboutir à un autre résultat. Ils ne dénoncent pas non plus un comportement illégal des autorités chargées d'assurer le déroulement correct de la votation. Ils se contentent d'affirmer avoir des doutes quant à la requalification de 27 bulletins lors du recomptage. Ils avancent que la lecture de ces bulletins de vote ne leur permettrait pas de comprendre la raison pour laquelle certains bulletins ont été requalifiés de valables et d'autres considérés comme nuls. Ils n'exposent cependant pas quels sont ces 27 bulletins de vote et n'apportent pas non plus de quelconques explications précises à leur sujet. 
Fût-elle suffisamment motivée (art. 42 al. 2 LTF) et recevable, cette critique manquerait quoi qu'il en soit de pertinence et ne permettrait pas de démontrer que le résultat du recomptage ne s'inscrirait pas dans la marge d'erreur inhérente à tout comptage dans le cadre d'un scrutin et serait constitutif d'une irrégularité dans la procédure de dépouillement. En effet, les recourants n'expliquent pas en quoi le SVE ou la CEC auraient procédé à une interprétation erronée des art. 64 et 65A LEDP définissant les notions de bulletins nuls et blancs, en requalifiant les bulletins nuls ou douteux ni que le résultat du décompte effectué par les machines de lecture optique aurait été erroné, la Chancellerie cantonale ayant confirmé la fiabilité d'un tel procédé, indiquant qu'il réduisait très substantiellement les risques d'erreur. Quant au fait que les recourants aient eu de la difficulté à comprendre les explications et les bulletins fournis par le Conseil d'Etat, il est naturellement impropre à créer des soupçons fondés d'irrégularités dans le dépouillement. Le fait que la CEC a mentionné que plusieurs jours de travail supplémentaires auraient potentiellement été nécessaires pour comprendre ce qui s'était passé dans les locaux de vote où les bulletins ont été requalifiés ne permet pas non plus de créer le soupçon d'une irrégularité, les erreurs étant demeurées d'une ampleur ordinaire (cf. supra let. A). 
Les recourants insistent enfin sur les commentaires du Professeur Antille, selon lesquels "statistiquement parlant ce vote est indécidable". La notion de scrutin "statistiquement indécidable" se heurte cependant à celle de majorité, laquelle se réfère à un nombre entier et non à un pourcentage (sur la notion de majorité: AUER/MALINVERNI/ HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3e éd. 2013, n° 680, 682 et 684). Cet élément n'est ainsi pas en mesure de modifier l'analyse juridique de la validité du résultat d'une votation. 
 
4.6. Par conséquent, c'est sans violer les art. 34 al. 2 Cst. et 44 al. 2 Cst-GE que la Cour de justice a considéré que malgré le résultat très serré obtenu à la suite du recomptage ordonné par la Chancellerie cantonale, aucun des éléments susmentionnés ne permettait de conclure à un manque de fiabilité de celui-ci ou à une irrégularité l'ayant entaché, même si le résultat final s'est inversé à la suite du recomptage.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté aux frais des recourants qui succombent (art. 65 et 66 LTF). Le Conseil d'Etat, qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). Il en va de même de l'intimé, qui a procédé sans avocat. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Comité référendaire "Pré-du-Stand", au Conseil d'Etat du canton de Genève et à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 3 juin 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller